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Agone n° 31/32 - pdf - Atheles

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HOWARD ZINN 13<br />

vous aurez exprimé oralement ou publié votre opinion, si le gouvernement<br />

décide de juger certains de vos propos « illégaux », ou de les qualifier<br />

de « préjudiciables », voire simplement d’« incorrects », il peut<br />

vous expédier en prison.<br />

Un citoyen ordinaire, même peu versé dans les questions juridiques,<br />

pourrait rétorquer : « Vous dites que vous ne m’empêcherez pas d’exprimer<br />

mon opinion – pas de contrainte préalable donc. Mais si je sais<br />

que cela risque de me causer des ennuis et qu’en conséquence je reste<br />

silencieux, ne s’agit-il pas tout de même d’une “contrainte préalable” ? »<br />

Quoi qu’il en soit, il est vain de répondre à la loi commune armé du seul<br />

sens commun.<br />

Cette interprétation quasi immédiate du Premier Amendement qui<br />

limite son application à l’absence de « contrainte préalable » vaut encore<br />

aujourd’hui. C’est celle qu’avança, en 1971, l’administration Nixon pour<br />

tenter de faire interdire par la Cour suprême la publication dans le New<br />

York Times des Pentagon Papers (histoire officielle mais secrète de la<br />

guerre américaine au Vietnam) 9 .<br />

La Cour refusa d’interdire la publication de ces documents. Mais l’un<br />

des juges prévint, menaçant, que cette décision se fondait sur l’absence<br />

de contrainte préalable. Pourtant, si le Times s’obstinait et publiait finalement<br />

ces documents, il risquait d’être poursuivi.<br />

C’est ainsi que, selon la doctrine de l’absence de contrainte préalable,<br />

le droit garanti par le Premier Amendement se trouva dès l’origine sérieusement<br />

limité. Les Pères fondateurs, qu’ils fussent libéraux ou conservateurs,<br />

fédéralistes ou républicains – de Washington à Hamilton et de<br />

Jefferson à Madison –, pensaient que les propos séditieux étaient intolérables<br />

et que tout ce que nous pouvions attendre de la liberté de parole<br />

c’est qu’elle ne souffre aucune contrainte préalable 10 .<br />

9. New York Times vs U.S., 1971.<br />

10. Remarquons que lorsque Thomas Jefferson devint président en 1801,<br />

même si le Sedition Act n’était plus de mise, des poursuites contre les critiques<br />

antigouvernementales au titre des propos séditieux continuèrent.<br />

Jefferson avait répondu à Madison en 1788 qu’il admettait l’interprétation de<br />

la liberté de parole sous les restrictions apportées par la loi commune comme<br />

consistant essentiellement dans l’absence de contrainte préalable. Il ajouta<br />

que les individus devraient répondre juridiquement du fait de tenir des « allégations<br />

mensongères ». Pour une analyse de l’attitude de Jefferson vis-à-vis

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