Agone n° 31/32 - pdf - Atheles

WILLIAM GREIDER 47
d’avoir votre pied à l’intérieur du cercle sur une seule question. Vous
n’avez pas besoin d’une Weltanschauung [vision du monde], vous
n’avez pas à être d’accord sur les autres sujets, aussi longtemps que la
coalition est tendue vers cet objectif. C’est pourquoi la bataille redoutée
ne fait pas rage dans les rangs du centre-droit. C’est pourquoi nous
pouvons l’emporter. »
L’une des plus grandes réalisations politiques de la droite est d’avoir
réuni différents sectaires autrefois dressés dans une opposition résolue.
Norquist observe que, « traditionnellement, le parti républicain était
enraciné dans l’orthodoxie protestante et gardait agressivement ses distances
avec les autres religions. Maintenant, nous avons des catholiques
pratiquants, le genre d’individus qui va à la messe tous les dimanches,
des chrétiens évangéliques, des mormons, des juifs orthodoxes et des
musulmans ». Comment cela est-il arrivé ? « La gauche laïque a engendré
une droite œcuménique. » Cette nouvelle tolérance, y compris sur
des questions raciales, pourrait représenter une métamorphose sociale
significative, mais la droite, bien entendu, se nourrit aussi de l’intolérance,
diabolisant ceux dont les valeurs, le style de vie ou le lieu de naissance
n’est pas conforme à leur idée de l’« Amérique ».
Cette propension, Norquist le reconnaît, est une vulnérabilité. Le gonflement
de l’immigration latino-américaine et asiatique pourrait la
constituer en force de changement de la politique américaine, une fois
ces millions de nouveaux citoyens devenus suffisamment confiants dans
les institutions pour participer aux élections (de la même manière que
les immigrés européens se muèrent en force vitale de la réforme progressiste
du début du XXe siècle). Aussi Bush travaille-t-il à reconfigurer
la thématique anti-immigrés du parti – tâche à laquelle il s’attela non
sans succès avec les Américains d’origine mexicaine au Texas.
Norquist préfère porter son attention sur les tendances démographiques
dont il croit qu’elles peuvent assurer le triomphe final de la droite :
quand les enfants du New Deal mourront, ils seront remplacés par de
jeunes conservateurs « laisse-moi-tranquille ». Anderson, l’ancien
conseiller de Reagan, est moins affirmatif. « La plupart des gens approuvent
l’action du gouvernement, observe-t-il. Tant qu’il n’est pas trop
intrusif, ils en sont heureux. »