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ENTREVUES - Le libraire

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C’est d’ailleurs dans son travail sur le temps et l’espace que Demain sera sans rêves<br />

déploie toute sa force. Pendant trois semaines lors de l’écriture, DesRochers nous a<br />

confié « s’être pété un time » et avoir imaginé les évolutions politiques et techno -<br />

logiques des 140 prochaines années. Dans cet univers, l’humanité a tellement détruit<br />

l’écosystème qu’elle est forcée d’investir l’espace-temps. Ce qui reste de la version<br />

initiale de son livre, beaucoup plus volumineuse au départ, est donc un récit condensé<br />

de cette période, à travers les souvenirs de ces trois personnages qui l’ont vécue.<br />

Faut-il s’étonner que Jean-Simon DesRochers affirme aimer ces livres qui lui posent de<br />

« magnifiques problèmes », ces livres qu’il doit relire, signe, selon lui, qu’il y a une<br />

proposition qui se tient, et qu’il n’a pu assimiler en un coup? Dans le cas de Demain<br />

sera sans rêves, il ne faudra donc pas s’étonner si certains lecteurs doivent revenir sur<br />

leur lecture afin de l’assimiler à son juste potentiel. Son souhait? Qu’à chacune de ses<br />

nouvelles parutions, on se demande « qu’est-ce qu’il va nous faire là? ». En cela,<br />

DesRochers se pose en enfant de Kubrick, dont il dit admirer l’œuvre imprévisible et<br />

géniale qui a touché un peu à tous les genres avec une égale maîtrise. Il évoque<br />

d’ailleurs l’imprévisible suite de son œuvre. Du policier? Du roman noir? Pourquoi pas<br />

une tragédie grecque?<br />

<strong>Le</strong>cteur éclectique, DesRochers trouve difficile d’identifier ses mentors. Il défile une<br />

liste de noms : Michael Delisle, Carole David, Raymond Carver, Raymond Chandler, le<br />

McCarthy de La route… On le sent libre dans son œuvre romanesque, décomplexé.<br />

Son remède à la page blanche est radical : il faut constamment travailler à plusieurs<br />

projets en même temps, toujours être « allumé ». « L’action engendre l’action : les<br />

idées ne t’arrivent pas, tu les génères et c’est dans le travail que les idées apparaissent »,<br />

exprime-t-il. L’état actuel de ses projets témoigne d’ailleurs de cet état d’esprit. En plus<br />

de préparer un manuscrit de plus de 1 200 pages (présentement en révision), il travaille<br />

également à une trilogie, complète un doctorat à l’UQAM où il enseigne la création<br />

littéraire, et on en passe…<br />

Poète dans l’âme?<br />

D’ailleurs, vu sa vivacité romanesque, on oublie facilement que ses premières<br />

œuvres étaient poétiques. Mais son écriture de nous le rappelle constamment.<br />

Il faut donc ajouter à ce travail, et à ces influences, la poésie, qu’il voit comme « un<br />

problème irrésoluble ». Bien qu’il espère un jour en publier à nouveau, il affirme<br />

que pour lui, la poésie est un douloureux « effort d’antiécriture », où ses cahiers<br />

sont davantage « remplis de ratures que de mots qui restent ». Il est d’ailleurs<br />

volubile lorsque vient le moment de nommer ces poètes qu’il admire. Dans le<br />

rayon des classiques, il désigne rapidement Paul-Marie Lapointe, particulièrement<br />

<strong>Le</strong> vierge incendié, mais il cite aussi Georges Schehadé, et l’œuvre complète de<br />

Tristan Tzara. Il nous parle aussi de Denis Vanier, Josée Yvon, Nicole Brossard, André<br />

Roy et Benoît Jutras, et affirme que « la poésie québécoise est une poésie<br />

extrêmement pertinente et forte ». Pour lui, à une certaine époque, « la meilleure<br />

littérature qu’on faisait au Québec passait par la poésie ».<br />

Il faut voir dans le « problème DesRochers » une quête, une tension qui vient du<br />

décalage entre la réalité et ce qu’on en perçoit. Nous n’avons accès, en fait, qu’à<br />

une perception de la réalité à travers nos corps, et les expériences que ceux-ci<br />

contiennent. Il ne s’agit donc pas de la réalité même, mais plutôt d’un « sentiment<br />

du réel ». Ainsi, pour Jean-Simon DesRochers, bien que « le réel [soit] indicible, on<br />

peut absolument “dire” la réalité qu’on en fait ». C’est ce sentiment qui est présent<br />

dans Demain sera sans rêves. Ce roman demeure donc l’archive de cette quête :<br />

un magnifique problème.<br />

DEMAIN SERA<br />

SANS RÊVES<br />

<strong>Le</strong>s Herbes rouges<br />

140 p. | 21,95<br />

L E L I B R A I R E C R A Q U E<br />

QUINZE MINUTES<br />

Patrick Senécal, VLB éditeur, 184 p., 19,95$<br />

Avec ce roman qui poursuit la lignée du projet de l’Orphéon,<br />

Senécal a quitté sa zone de confort pour nous livrer quelque chose<br />

de totalement différent : un conte allégorique. Curieuse, je n’ai pu<br />

faire autrement que d’entrer dans l’univers de Johnny Net, cet<br />

homme générant des concepts pour des gens voulant profiter du<br />

succès qu’amènent les médias sociaux. Critique véhémente de la<br />

société prônant la gloire instantanée, l’histoire de Johnny se<br />

complique avec la venue d’un client pour le moins inattendu,<br />

l’Intelligence. À vous maintenant de poursuivre ce récit afin<br />

d’apprécier à sa juste valeur l’humour sarcastique de l’auteur, sur<br />

un ton plus léger que ses romans noirs, mais tout aussi captivant.<br />

Isabelle Prévost Lamoureux La Maison de l’Éducation (Montréal)<br />

COÏTS<br />

Véronique Marcotte, VLB éditeur, 160 p., 19,95$<br />

Au deuxième étage de l’édifice l’Orphéon, Collard change la<br />

vocation de son entreprise en communications pour une agence<br />

d’escortes de luxe, ouverte de 9h à 17h. Pour cela, il recrute cinq<br />

femmes rencontrées dans une thérapie de groupe pour personnes<br />

phobiques et leur propose un changement de vie radical. Et, en<br />

effet, leur vie change radicalement. Après être entrés dans le<br />

quotidien inusité des protagonistes, nous assistons avec hâte au<br />

stress du premier client, mais aussi aux démons auxquels elles font<br />

face tous les jours. Avec quelques scènes torrides qui font honneur<br />

au titre du roman, Véronique Marcotte nous amène à une conclusion en lien avec<br />

le thème récurrent de la série, mais qui est pour le moins inattendue. Ça se dévore<br />

en une soirée!<br />

Kathy St-James Buropro | Citation (Victoriaville)<br />

L I T T É R A T U R E Q U É B É C O I S EQ<br />

LE LIBRAIRE • AVRIL | MAI 2013 • 17

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