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48 • LE LIBRAIRE • AVRIL | MAI 2013<br />
5 BD insolites<br />
UNE SÉLECTION DE LA LIBRAIRIE MONET<br />
(MONTRÉAL)<br />
PANIER DE SINGE<br />
Florent Ruppert et Jérôme<br />
Mulot (L’Association)<br />
Provoquant tant par sa forme, éclectique<br />
et inédite, que par son humour,<br />
d’une mesquinerie déconcertante,<br />
Panier de singe se réinvente d’une<br />
page à l’autre, repoussant dans le<br />
même élan les limites du malaise, de<br />
la cruauté et de la bande dessinée.<br />
LA VOLUPTÉ<br />
Blutch (Futuropolis)<br />
Récit surréaliste drôle et déran -<br />
geant, porté par un dessin tout simplement<br />
somptueux, La voluptéest<br />
un véritable chef-d’œuvre, à la fois<br />
libre et maîtrisé, qui met en scène<br />
une série de visions absurdes et<br />
obsédantes, entremêlant érotisme<br />
et violence.<br />
LA MAUVAISE PENTE.<br />
CAPUCIN (T. 1)<br />
Florence Dupré la Tour<br />
(Gallimard)<br />
La soif de vengeance de Capucin<br />
l’entraîne dans de fâcheuses aventures<br />
qui menacent de lui faire<br />
perdre la raison. Conte médiéval<br />
psychédélique et cruel, La mauvaise<br />
penteémerveille par son dessin caoutchouc et ses<br />
couleurs franchement délirantes.<br />
676 APPARITIONS<br />
DE KILLOFFER<br />
Killoffer (L’Association)<br />
Dans cet atypique livre « format double<br />
», l’auteur Killoffer se dédouble<br />
et se démultiplie, redoublant d’inventivité<br />
pour accoucher de compositions<br />
graphiques extravagantes qui<br />
sentent fort le tabac, la bière et le<br />
vomi. Oui, oui : c’est pas mal trash !<br />
LES PRATICIENS DE<br />
L’INFERNAL<br />
Pierre la Police (Cornélius)<br />
On ne peut que saluer le brio de<br />
Pierre la Police qui réussit, avec cet<br />
album constitué d’un dessin par<br />
page accompagné d’une légende<br />
absurde, à nous captiver et à nous<br />
tenir en haleine devant les péri -<br />
péties loufoques d’un trio de héros mutants.<br />
ENTREVUE<br />
FRED<br />
Dernier appel pour les passagers<br />
du train où vont les choses<br />
Après de longues vacances qui auront duré vingt-six<br />
ans, Philémon retrouve monsieur Barthélémy et l’oncle<br />
Félicien pour une ultime escapade dans l’imaginaire éclaté<br />
de Fred. Ce seizième tome sera en effet le dernier tour<br />
de piste du sympathique personnage au pull rayé bleu et<br />
blanc, car son créateur ne peut plus dessiner… ce qui<br />
n’a pas été sans poser problème lorsqu’est venu le<br />
moment de clore cet album final. Heureusement, rien ne<br />
peut empêcher <strong>Le</strong> train où vont les choses... d’aller où il<br />
doit aller.<br />
Par Cynthia Brisson<br />
Certains lecteurs auraient pu croire, à tort, que Philémon avait vécu ses dernières déambulations poétiques<br />
dans <strong>Le</strong> diable du peintre, paru en 1987. Mais Fred n’avait pas dit son dernier mot. Et s’il a mis plusieurs<br />
années à terminer cette histoire, ce n’est pas faute d’imagination (Fred, manquer d’imagination, allons<br />
donc!). Non, c’est simplement que le bédéiste et le personnage avaient besoin d’une petite pause après<br />
la sortie de ce quinzième tome d’une aventure qui a commencé en 1965. « J’ai dit à Philémon : tiens, je te<br />
donne un peu de vacances », raconte l’artiste, de l’autre côté de l’océan, à l’autre bout du fil. <strong>Le</strong>urs chemins<br />
se sont donc séparés, le temps pour l’auteur de faire autre chose, dont l’étonnante Histoire du corbac aux<br />
baskets. Ensuite, sa santé s’est mise à faire des siennes et le marathon des hospitalisations a commencé,<br />
jusqu’à cette ultime opération au cœur qui lui a joué le sale tour de le priver de sa capacité à dessiner<br />
comme avant.<br />
« Ça m’ennuyait de laisser l’histoire en suspens. J’étais très perturbé, je me disais : c’est idiot, c’est comme<br />
si vous laissiez un paquet au bord de la route. <strong>Le</strong> paquet il faut l’ouvrir, le défaire et le faire fonctionner. Je<br />
souhaitais terminer cette histoire, mais je ne savais pas si j’allais y arriver », confie le bédéiste de 82 ans.<br />
Pourtant, la ligne d’arrivée était proche, puisqu’il avait dans ses tiroirs vingt-huit planches complétées, qui<br />
n’attendaient qu’une conclusion. « Ça m’a pris plusieurs années, parce que je tournais en rond. Je savais<br />
que je pouvais finir, ce n’était pas une question d’imagination : c’était une question de santé. Et là, j’ai<br />
pensé à ce que ce soit Philémon qui termine l’histoire. »<br />
C’est que, dans <strong>Le</strong> train où vont les choses..., la lokoapattes – cette étrange machine qui carbure à<br />
l’imagination – est en panne. Il faut donc que quelqu’un lui raconte une histoire pour la faire redémarrer,<br />
sinon le train où vont les choses ne va plus nulle part et c’est assez embêtant. « J’ai pensé à reprendre<br />
Philémon qui dit au chauffeur de cette locomotive : “Moi, j’ai peut-être une idée pour la suite, une histoire