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50 • LE LIBRAIRE • AVRIL | MAI 2013<br />
5 BD ÉTRANGÈRES<br />
MÉCONNUES<br />
UNE SÉLECTION DE LA<br />
LIBRAIRIE LE PORT DE TÊTE (MONTRÉAL)<br />
UN PRIVÉ<br />
À LA CAMBROUSSE.<br />
INTÉGRALE (T. 1)<br />
Bruno Heitz (Gallimard)<br />
Heitz nous raconte en toute simpli cité<br />
des histoires bien ficelées. Polar campagnard<br />
se situant dans la France<br />
rurale d’après-guerre, ce recueil regroupe<br />
les trois premières enquêtes d’Hubert, épicier<br />
ambulant et détective à ses heures.<br />
L’HOMME QUI SE<br />
LAISSAIT POUSSER<br />
LA BARBE<br />
Olivier Schrauwen (Actes<br />
Sud/L’An 2)<br />
Avec une étonnante et admirable<br />
diversité graphique, l’auteur d’ori -<br />
gine belge Olivier Schrauwen nous<br />
livre ici une série de courts récits aux accents à la fois<br />
ludiques, inventifs et étranges. Pour les lecteurs curieux<br />
et les amoureux de l’image.<br />
UNE VIE DANS<br />
LES MARGES (T. 1)<br />
Yoshihiro Tatsumi<br />
(Cornélius)<br />
<strong>Le</strong> gegika, bande dessinée d’auteur<br />
davantage destinée au public adulte,<br />
est essentiellement le fruit de l’œuvre<br />
de Tatsumi. Prenant pour décor le<br />
Japon d’après-guerre, l’auteur nous raconte à travers<br />
son double, Hiroshi, le quotidien de sa jeunesse.<br />
GEORGES ET LOUIS<br />
RACONTENT<br />
Daniel Goossens<br />
(Fluide Glacial)<br />
Goossens reste pour bien des amateurs<br />
de BD un secret bien gardé.<br />
C’est qu’il excelle dans un genre<br />
généralement peu prisé du grand<br />
public : l’humour absurde. <strong>Le</strong> des sin, très expressif, oscillant<br />
entre réalisme et caricature, étonne par sa maîtrise.<br />
CITÉ 14. INTÉGRALE (T. 1)<br />
Pierre Gabus et<br />
Romuald Reutimann<br />
(<strong>Le</strong>s Humanoïdes associés)<br />
D’abord paru en feuilleton, Cité 14en<br />
respecte les codes : galerie de personnages<br />
singuliers dont les parcours<br />
s’entrechoquent et créent les nécessaires<br />
rebondissements, le tout dans<br />
une ville qui rappelle le New York des années 30.<br />
ARTICLE<br />
<strong>Le</strong>s Nombrils... du monde!<br />
Karine, Vicky et Jenny, les personnages de la série<br />
« <strong>Le</strong>s Nombrils », ont une rue nommée en leur honneur<br />
à Bruxelles. C’est dire combien les personnages de<br />
Delaf et Dubuc sont célèbres de l’autre côté de<br />
l’océan! Pourtant, leurs auteurs sont on ne peut plus<br />
québécois. Comme plusieurs autres bédéistes d’ici, ils<br />
ont « trouvé éditeur à leur pied » sur le Vieux Continent.<br />
Lorsque la scénariste Maryse Dubuc retrace la<br />
petite histoire des « Nombrils », on a l’impression<br />
de se faire raconter un véritable conte de fées. Marc<br />
Delafontaine et elle ont présenté leur projet chez<br />
Dupuis, persuadés qu’ils essuieraient un refus.<br />
Surprise! La journée même, ils ont reçu un courriel<br />
de l’éditeur intitulé « J’adore les Nombrils! ».<br />
Quelques jours plus tard, le téléphone sonne : on<br />
leur propose une publication hebdomadaire dans<br />
le magazine Spirouet un contrat d’édition d’albums<br />
de cinq ans. « En plus, ils nous offraient le voyage<br />
pour aller les rencontrer à leurs bureaux en<br />
Belgique! Il neigeait ce jour-là, tout nous paraissait<br />
irréel et féérique », raconte la Sherbroo koise.<br />
Dupuis était leur premier choix d’éditeur pour deux<br />
raisons : « D’abord, parce qu’ils sont les plus réputés<br />
et expérimentés en édition de bande dessinée tout<br />
public, mais aussi à cause du légendaire Journal de<br />
Spirou qui lance de grandes séries depuis 75 ans<br />
maintenant », explique Maryse Dubuc.<br />
Quel effet ça fait d’être publié dans une maison<br />
d’édition d’une aussi grande envergure? « Nous<br />
avons tout de suite perçu que c’était une chance<br />
extra ordinaire. Avoir derrière nous une machine<br />
aussi puissante et rodée est une bénédiction,<br />
surtout dans le marché actuel de surproduction.<br />
Nous nous sommes lancés dans notre premier<br />
album avec l’énergie de jeunes auteurs qui<br />
obtiennent enfin la chance dont ils rêvent depuis<br />
des années! », répond la scénariste. Depuis leur<br />
Par Cynthia Brisson<br />
résidence des Cantons-de-l’Est, le duo de Delaf et<br />
Dubuc a ainsi donné naissance à cinq albums des<br />
« Nombrils ». Si elle regrette que les occasions de<br />
discuter à bâtons rompus avec l’éditeur autour d’un<br />
bon repas soient rares, elle s’empresse d’ajouter<br />
que la situation n’est pas si mal qu’il y paraît : « Nous<br />
allons en Europe une à deux fois par an et notre<br />
éditeur nous visite au même rythme. Au final, nous<br />
sommes peut-être même gagnants : rares sont les<br />
auteurs qui ont déjà reçu leur éditeur à dormir à la<br />
maison, ou qui ont déjà dormi chez la mère de ce<br />
dernier (si, si, on a fait ça!) »<br />
Un exil nécessaire?<br />
Impossible de taire la question : lorsqu’on est un<br />
auteur québécois, est-il nécessaire de publier en<br />
Europe pour vivre de la bande dessinée? « Ce qui<br />
est nécessaire, c’est d’être suffisamment rétribué<br />
pour pouvoir se consacrer totalement à son art.<br />
C’est ça qui est encore trop rare en bande dessinée<br />
au Québec. Ce sont les ventes qui permettent à un<br />
éditeur d’offrir ces conditions. Serions-nous à plus<br />
d’un million d’exemplaires vendus si nous étions<br />
édités au Québec? Je ne crois pas. <strong>Le</strong> marché reste<br />
à développer », estime Maryse Dubuc. Pourtant,<br />
elle n’écarte pas l’idée de publier un jour au<br />
Québec : « Un éditeur comme La Pastèque réalise<br />
des livres de qualité et fait un excellent travail de<br />
promotion, alors pourquoi pas? Nous avons plein<br />
d’idées et d’envies. Pour l’instant, seul le temps<br />
nous manque! »