HistoMag'44 special Front de l'est - 39-45.org
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HISTOMAG’44<br />
Au cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rnières années, certains chercheurs<br />
ont avancé l'argument que le risque <strong>de</strong> troubles à<br />
l'intérieur du pays n'a jamais existé ou n'a pas<br />
inquiété les lea<strong>de</strong>rs nazis outre mesure. La Blitzkrieg<br />
n'aurait donc pas remplacé la guerre totale, mais<br />
aurait été mise en œuvre comme tactique innovatrice<br />
sans pour autant abandonner l'idée d'une mobilisation<br />
générale.<br />
Les<br />
critiques à propos <strong>de</strong> la thèse <strong>de</strong> la « crise intérieure »<br />
sont importantes non seulement parce qu'elles<br />
remettent en question plusieurs concepts <strong>de</strong> base sur<br />
l'essence <strong>de</strong> la Blitzkrieg, mais aussi parce qu'elles<br />
font partie intégrante <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s récentes sur le IIIème Albert Speer<br />
« technocrate pondéré et rationnel du<br />
Reich »<br />
Reich. L'interprétation marxiste antérieure a relégué<br />
la notion nationale-socialiste <strong>de</strong> Volksgemeinschaft au<br />
rang <strong>de</strong> mythe propagandiste, et s'est efforcée <strong>de</strong><br />
fournir <strong>de</strong>s preuves que l'adhésion <strong>de</strong>s travailleurs<br />
était due à leurs intérêts, ou à l'opposition manifestée<br />
envers le régime. Des étu<strong>de</strong>s récentes, bien qu'elles<br />
se soient aussi penchées sur la question, ont préféré<br />
se concentrer sur la résistance passive au régime par<br />
une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> la société (souvent la classe<br />
moyenne), ou par certains groupes <strong>de</strong> jeunes<br />
anticonformistes. L'interprétation marxiste typique qui<br />
insiste sur l'importance <strong>de</strong> la politique intérieure ne<br />
s'est pas révélée aussi probante que par le passé.<br />
Finalement, la Blitzkrieg est toujours <strong>de</strong>meurée pour<br />
plusieurs une tactique militaire plutôt que le résultat<br />
<strong>de</strong> forces et pressions complexes à l'intérieur d'un<br />
régime totalitaire en crise. Certes, cette critique, aussi<br />
persuasive soit-elle, n'a pas été en mesure <strong>de</strong> démolir<br />
l'ensemble <strong>de</strong>s interprétations antérieures, et a laissé<br />
intactes plusieurs <strong>de</strong>s connexions les plus intrigantes<br />
et subtiles qui se sont tissées entre la guerre, la<br />
société, les régimes totalitaires et les conditions<br />
économiques préexistantes. L'important à nos yeux<br />
dans cette critique, est qu'elle met un voile sur les<br />
différences entre la Blitzkrieg et la guerre totale et<br />
qu'elle présente la première seulement comme une<br />
version ou une élaboration <strong>de</strong> la <strong>de</strong>rnière, sans nier<br />
cependant qu'elle fut un aspect capital <strong>de</strong> l'État nazi.<br />
En attendant, l'importance <strong>de</strong>s rapports entre la<br />
guerre et la politique intérieure a été mise en lumière<br />
selon une perspective différente. Au cours <strong>de</strong>s débats<br />
sur les origines <strong>de</strong> la « Solution finale <strong>de</strong> la question<br />
juive en Europe », certains chercheurs ont prétendu<br />
que la décision d'initier les tueries massives avait été<br />
prise seulement après l'invasion <strong>de</strong> l'Union soviétique,<br />
que le génoci<strong>de</strong> pouvait être relié à la progression <strong>de</strong><br />
la campagne <strong>de</strong> Russie. Cette interprétation<br />
appartient à ce qu'on appelle l'école « fonctionnaliste »<br />
ou « structuraliste », terme inventé par les mêmes<br />
chercheurs qui insistaient sur le rapport entre la<br />
politique intérieure et la décision <strong>de</strong> faire la guerre.<br />
Réciproquement, l'école « intentionnaliste » voyait<br />
Barbarossa au mieux comme l'occasion <strong>de</strong> (mais<br />
certainement pas la cause ou l'impulsion pour)<br />
planifier le génoci<strong>de</strong>. Selon cette <strong>de</strong>rnière, les plans<br />
auraient été conçus auparavant, peut-être même<br />
avant l'avènement d'Hitler au pouvoir.<br />
Les « fonctionnalistes », rejetant ces interprétations<br />
reposant sur la finalité, désiraient prouver que cette<br />
décision avait fait son chemin jusque dans les hautes<br />
sphères du régime. Pour eux, le génoci<strong>de</strong> avait<br />
commencé par une série d'initiatives locales <strong>de</strong> la part<br />
<strong>de</strong> sous-officiers, avant d'être adopté et mis en<br />
pratique comme politique du régime. Dans leur esprit,<br />
puisque la Shoah par balles avait commencé<br />
seulement après l'invasion <strong>de</strong> la Russie, et que la<br />
construction <strong>de</strong>s camps d'extermination avait débuté<br />
uniquement à l'automne 1941, il était clair qu'un lien<br />
existait entre les opérations militaires et la « Solution<br />
finale », d'autant plus que la brutalité <strong>de</strong>s combats<br />
fournissait le contexte propice à rendre <strong>de</strong> telles<br />
actions acceptables.<br />
Deux interprétations contradictoires du lien entre la<br />
Blitzkrieg et le génoci<strong>de</strong> ont été suggérées. La<br />
première soutient que l'échec <strong>de</strong> la « race aryenne »<br />
à vaincre son ennemi juré, le Bolchévique, causa une<br />
telle frustration aux Nazis, qu'ils se retournèrent<br />
contre les Juifs, le seul ennemi qu'ils étaient encore<br />
en mesure <strong>de</strong> détruire. Cette interprétation d'origine<br />
marxiste se rapproche d'une thèse révisionniste qui,<br />
dans son interprétation ultérieure, invoqua l'argument<br />
que l'Allemagne avait déclenché une guerre préventive<br />
contre les hor<strong>de</strong>s bolchéviques, craignant une attaque<br />
<strong>de</strong> la part <strong>de</strong> Staline. Bien au fait <strong>de</strong>s atrocités<br />
commises par le dictateur russe contre son propre<br />
peuple, les Nazis adoptèrent, voire copièrent<br />
simplement les mêmes métho<strong>de</strong>s. Cette interprétation<br />
servit <strong>de</strong> justification aux Nazis, convaincus qu'ils<br />
étaient en droit <strong>de</strong> détruire un ennemi en utilisant ses<br />
propres métho<strong>de</strong>s.<br />
La thèse contraire affirme, quant à elle, que le<br />
massacre <strong>de</strong>s Juifs commença bien avant que la<br />
Wehrmacht ne subisse <strong>de</strong> défaites majeures. Ainsi, on<br />
a prétendu qu'au lieu d'être une décision prise sous le<br />
coup <strong>de</strong> la frustration, la mise en œuvre du génoci<strong>de</strong><br />
est survenue au moment où Hitler croyait avoir vaincu<br />
la Russie, lui laissant les mains libres pour accomplir<br />
« sa » mission : débarrasser le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Juifs.<br />
« ...lui laissant les mains libres pour accomplir<br />
« sa » mission : débarrasser le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Juifs. »<br />
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