HistoMag'44 special Front de l'est - 39-45.org
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HISTOMAG’44<br />
Jean Moulin, un héros mort trop tôt<br />
Né à Béziers, Jean Moulin (1899-1943) fut préfet et<br />
résistant français. Il dirigea le Conseil national <strong>de</strong> la<br />
Résistance durant la Secon<strong>de</strong> Guerre mondiale.<br />
I l<br />
faut détacher cette figure <strong>de</strong> la résistance <strong>de</strong><br />
la cohorte <strong>de</strong> celles qui moururent pour la<br />
France entre 1940 et 1945. Jean Moulin n'aurait<br />
pas aimé être ainsi séparé <strong>de</strong> ses camara<strong>de</strong>s.<br />
Pourtant, son rôle <strong>de</strong> Chef lui donne une place à part.<br />
En 1943, il avait été envoyé d'Angleterre en France.<br />
Les nazis le recherchaient sous le nom <strong>de</strong> « Max ». Le<br />
malheur voulut que le général Delestraint, envoyé par<br />
lui à Paris, pour organiser l'armée secrète, fût arrêté<br />
avec son ami Gastaldo.<br />
Béziers (Hérault, France) - Jardin <strong>de</strong>s Poètes<br />
- Monument à Jean Moulin -<br />
Sculpteur : Marcel Courbier (1898-1976)<br />
Après l'arrestation <strong>de</strong> Delestraint et Gastaldo, le rôle<br />
<strong>de</strong> Jean Moulin <strong>de</strong>vient plus essentiel que jamais. Il a<br />
beaucoup à faire. Il faut en particulier abandonner les<br />
boîtes aux lettres et les lieux <strong>de</strong> repli qui risquent<br />
d'être « grillés », alerter les principaux lieutenants.<br />
Les professeurs Raymond Aubrac et André Lassagne<br />
se rencontrent à Lyon dans la nuit du 19 au 20 juin<br />
1943. Ils conviennent <strong>de</strong> chercher un nouveau lieu sûr,<br />
encore non utilisé, pour une réunion que Jean Moulin<br />
veut organiser le lundi suivant, 21 juin.<br />
André Lassagne pense à <strong>de</strong>ux mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong> ses amis.<br />
Le premier est absent, mais le second, le docteur<br />
Dugoujon, qui a son cabinet à Caluire, dans la<br />
banlieue <strong>de</strong> Lyon, met sans hésitation sa salle à<br />
manger à la disposition <strong>de</strong> son ami pour une « réunion<br />
importante ». Il ne pose aucune question : moins il en<br />
sait – il le comprend fort bien – mieux cela est pour<br />
tout le mon<strong>de</strong>.<br />
André Lassagne, satisfait <strong>de</strong>s dispositions prises,<br />
quitte le docteur Dugoujon pour retrouver Bruno<br />
Larat, représentant et liaison du B.C.R.A., et lui<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r d'avertir seulement les personnes<br />
directement intéressées.<br />
Comme convenu, le len<strong>de</strong>main dimanche, Jean Moulin<br />
retrouve Raymond Aubrac au parc <strong>de</strong> la Tête d'Or. Les<br />
<strong>de</strong>ux hommes se promènent lentement le long <strong>de</strong>s<br />
quais <strong>de</strong> la Saône, sous un soleil radieux, et bavar<strong>de</strong>nt<br />
longuement.<br />
Jean Moulin trace succinctement son plan d'action<br />
future. Il ignore encore le lieu <strong>de</strong> la réunion du<br />
Par Fré<strong>de</strong>ric Bonnus<br />
len<strong>de</strong>main après-midi ; il se borne donc à donner<br />
ren<strong>de</strong>z-vous à Raymond Aubrac après déjeuner, place<br />
Carnot, à côté <strong>de</strong> la statue <strong>de</strong> la République.<br />
Les <strong>de</strong>ux hommes se séparent et Jean Moulin continue<br />
sa promena<strong>de</strong> paisible, profitant d'un soleil vigoureux.<br />
André Lassagne donne ren<strong>de</strong>z-vous à Henri Aubry,<br />
tandis que Bruno Larat explique au colonel Lacaze<br />
comment trouver la maison du docteur à Caluire.<br />
Les principaux organisateurs <strong>de</strong> l'Armée Secrète sont<br />
maintenant en possession <strong>de</strong> leurs instructions.<br />
Le Docteur Dugoujon reste tranquillement chez lui,<br />
évitant <strong>de</strong> son mieux <strong>de</strong> penser à une réunion dont il<br />
soupçonne l'importance, mais qui ne le concerne pas.<br />
La résistance française est active, mais la Gestapo l’est<br />
encore plus.<br />
Dans le courant <strong>de</strong> la matinée du len<strong>de</strong>main, une<br />
femme peu attrayante, bien en chair, entre<br />
précipitamment dans les bureaux <strong>de</strong> la Croix-Rouge<br />
française où elle insiste pour être reçue par l'officier<br />
principal. Elle est au bord <strong>de</strong>s larmes.<br />
« Il faut à tout prix, crie-t-elle, empêcher une<br />
importante réunion <strong>de</strong> la Résistance qui doit avoir lieu<br />
au début <strong>de</strong> l'après-midi. C'est une question <strong>de</strong> vie ou<br />
<strong>de</strong> mort. Il faut me croire… » supplie-t-elle.<br />
L'officier la regar<strong>de</strong> avec méfiance, et lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> où<br />
doit avoir lieu cette prétendue réunion. Mais la femme<br />
ne peut lui indiquer ni le lieu <strong>de</strong> la réunion, ni<br />
comment elle est au courant. « J'ai surpris une<br />
conversation entre Allemands dans un café » se<br />
borne-t-elle à répondre.<br />
Elle prétend parler allemand. Son inquiétu<strong>de</strong> et sa<br />
détresse semblent réelles ; elle frise la crise <strong>de</strong> nerfs.<br />
Au bout d'un moment, ne trouvant plus rien à dire,<br />
elle quitte les bureaux <strong>de</strong> la Croix-Rouge. Désespérée,<br />
elle sort dans la rue et se perd dans la foule.<br />
L'officier avec qui elle s’est entretenue en sait long sur<br />
les activités <strong>de</strong> ses compatriotes. Il quitte son bureau<br />
en toute hâte, et visite méthodiquement les maisons<br />
sûres qu'il connaît.<br />
Le secret n'a pas percé et personne n'a entendu parler<br />
d'une réunion quelconque. À <strong>de</strong>ux heures et <strong>de</strong>mie,<br />
l'officier retourne à son bureau, espérant que la<br />
femme a mal interprété la conversation qu'elle<br />
prétend avoir entendue.<br />
Le docteur Dugoujon déjeune <strong>de</strong> bonne heure et les<br />
premiers mala<strong>de</strong>s arrivent. Il occupe dans la banlieue<br />
<strong>de</strong> Lyon surplombant la ville, une gran<strong>de</strong> villa <strong>de</strong> trois<br />
étages, légèrement surélevée et entourée d'un long<br />
mur <strong>de</strong> crépi blanc ; une grille en fer surmonte le mur<br />
<strong>de</strong> faça<strong>de</strong> ; une haie <strong>de</strong> verdure dissimule la partie<br />
donnant sur la ruelle étroite qui <strong>de</strong>scend <strong>de</strong> l'arrêt du<br />
tram, sur la grand-rue, jusqu'à la place Castellane.<br />
Une gran<strong>de</strong> place bordée <strong>de</strong> platanes s'étend <strong>de</strong>vant<br />
la maison. Au loin, la Saône étincelle et les monts<br />
Lyonnais s'estompent à l'horizon.<br />
Les fenêtres <strong>de</strong> la salle <strong>de</strong> consultation donnent sur la<br />
place et la petite rue ; la salle d'attente se trouve à<br />
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