HistoMag'44 special Front de l'est - 39-45.org
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HISTOMAG’44<br />
Le 23 juin, à quatorze heures, la porte <strong>de</strong> la cellule <strong>de</strong><br />
Jean Moulin s'ouvre brusquement. Il est emmené à<br />
L’École <strong>de</strong> Santé où Barbie occupe les bureaux <strong>de</strong> la<br />
Sicherheitsdienst.<br />
Celui-ci a soigneusement<br />
préparé la réception. Des<br />
fleurs sont disposées sur la<br />
cheminée et sur les classeurs<br />
alignés le long <strong>de</strong>s murs <strong>de</strong> la<br />
gran<strong>de</strong> pièce. Un soldat est en<br />
faction à une machine à écrire.<br />
Barbie lui-même est installée<br />
<strong>de</strong>vant un grand bureau.<br />
Jean Moulin entre<br />
tranquillement dans la pièce.<br />
Ses yeux rencontrent ceux <strong>de</strong><br />
Barbie et il note l'expression<br />
Klaus Barbie cruelle et avi<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'homme qui<br />
l'attend.<br />
- « Alors Monsieur Jacques Martel, commença Barbie<br />
d'un ton aimable, vous nous avez donné pas mal <strong>de</strong><br />
fil à retordre, mais enfin vous nous êtes tombé entre<br />
les mains. J'avoue être un peu étonné, car je ne me<br />
figurais pas que Max avait ce physique. Vous êtes<br />
Max, nous le savons maintenant. Nous en avons les<br />
preuves. »<br />
- « Toujours <strong>de</strong>s Preuves » se dit Jean Moulin. Il n'y a<br />
qu'une chose à faire : penser à tout, sauf aux<br />
questions qu'on va lui poser et tout nier. Il fait <strong>de</strong> son<br />
mieux pour ne pas écouter la voix épaisse et<br />
sarcastique.<br />
- « Mais, quel est votre vrai nom, Max ? » entendit-il<br />
malgré lui. « Monsieur Martel n'existe pas : ce n'est<br />
qu'une i<strong>de</strong>ntité fictive n'est-ce pas ? »<br />
- « Puisque vous avez <strong>de</strong>s preuves » … répond<br />
calmement Jean Moulin, le regard ferme.<br />
Déjà ce calme agace Barbie. Cet homme peut crâner,<br />
il arrivera à le faire parler, après quoi, il pourra<br />
l'envoyer chez Knochen ; mais pas tout <strong>de</strong> suite : il<br />
faut d'abord l'obliger à reconnaître qu'il est Max, puis<br />
lui faire avouer sa véritable i<strong>de</strong>ntité.<br />
Il se lève lentement et approche <strong>de</strong> Jean Moulin<br />
<strong>de</strong>bout <strong>de</strong>vant lui, les bras attachés <strong>de</strong>rrière le dos.<br />
Arborant un <strong>de</strong>mi-sourire, Barbie le frappe du poing<br />
en pleine figure : Moulin chancelle et reçoit en même<br />
temps un furieux coup <strong>de</strong> pied dans le bas-ventre. Il<br />
vacille et est aveuglé par un violent coup <strong>de</strong> poing<br />
dans l'œil. Il s'affaisse : l'homme assis <strong>de</strong>vant la<br />
machine à écrire se lève vivement pour lui décrocher<br />
un coup <strong>de</strong> botte.<br />
La sentinelle près <strong>de</strong> la fenêtre s'approche et saisit<br />
Jean Moulin par le revers <strong>de</strong> sa veste, l'obligeant à se<br />
relever.<br />
- « Et maintenant, tu as compris ? Parle ! » hurle<br />
Barbie sous son nez.<br />
Il aperçoit dans les yeux <strong>de</strong> Jean Moulin une<br />
expression infiniment méprisante et n'obtient aucune<br />
réponse. Les coups <strong>de</strong> poing et <strong>de</strong> pied se succè<strong>de</strong>nt.<br />
Barbie donne l'ordre <strong>de</strong> déshabiller Jean Moulin et<br />
commence à lui flageller les reins avec un nerf <strong>de</strong><br />
bœuf en caoutchouc. Mais Jean Moulin se tait toujours.<br />
Ils arrivent à le vaincre physiquement, mais ils ne<br />
parviennent pas à le faire parler.<br />
MAG<br />
44<br />
À trois heures du matin, ils le rhabillent et lui<br />
remettent les menottes, puis il est ramené à Montluc<br />
où il s'affale inerte et à <strong>de</strong>mi inconscient dans sa<br />
cellule. La douleur fait bloc avec lui, s'empare <strong>de</strong> tout<br />
son être, un engourdissement intolérable cerne ses<br />
reins.<br />
Le len<strong>de</strong>main, ils reviennent le chercher. Il ne peut<br />
plus marcher et il faut <strong>de</strong>ux gardiens pour le traîner<br />
et lui faire <strong>de</strong>scendre les trois étages jusqu'au rez-<strong>de</strong>chaussée<br />
où l'attend une voiture cellulaire.<br />
À mi-chemin, un <strong>de</strong>s gardiens relâche sa prise. Jean<br />
Moulin en profite et, réunissant ce qui lui reste <strong>de</strong><br />
forces, il se précipite en avant, espérant se briser le<br />
crâne contre les pierres. Il se cogne violemment<br />
contre le mur, mais ne perd même pas conscience et,<br />
ruisselant du sang qui coule <strong>de</strong> sa blessure, il est<br />
traduit <strong>de</strong>vant Barbie. L'homme est hors <strong>de</strong> lui.<br />
Les tortures <strong>de</strong> la veille se répètent, mais le corps <strong>de</strong><br />
Jean Moulin est maintenant tellement meurtri qu'il est<br />
à peine conscient. Enfin, Barbie ordonne qu'on, le<br />
rhabille et qu'on l'assoît <strong>de</strong> nouveau <strong>de</strong>vant son<br />
bureau.<br />
- « Max, vous êtes Max, répète Barbie sans arrêt,<br />
pourquoi ne pas l'admettre et vous ne souffrirez plus,<br />
vous pourrez vous reposer… racontez-moi tout ».<br />
Il parle d'une voix onctueuse, presque suppliante.<br />
- « Dites moi tout ce que vous savez, et je vous assure<br />
que vous ne serez plus torturé. »<br />
Il promettrait n'importe quoi à cet homme dont<br />
l'obstination fait obstacle à la promotion convoitée.<br />
Jean Moulin montre sa bouche tuméfiée : il ne peut<br />
pas parler. On lui donne un verre d'eau ; à ce moment<br />
là, il semble perdre connaissance et on lui fait avaler<br />
quelques gorgées. Alors, d'une voix faible et rauque,<br />
il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> un morceau <strong>de</strong> papier. On lui tend avec<br />
empressement un bloc épais et un crayon.<br />
Barbie s'installe confortablement dans sa chaise, un<br />
sourire <strong>de</strong> jubilation sur les lèvres. L’homme va enfin<br />
admettre qu'il est effectivement Max, et puisqu'il ne<br />
peut pas parler, il va, selon les consignes <strong>de</strong> Barbie,<br />
faire un schéma <strong>de</strong> la Résistance. Quelle aubaine ! Il<br />
rallume une cigarette et se met à souffler <strong>de</strong>s ronds<br />
<strong>de</strong> fumée vers le plafond.<br />
La prison Montluc<br />
Il voit que Jean Moulin a cessé décrire. Se penchant<br />
sur son bureau, il s'empare fébrilement du bloc :<br />
aucun schéma <strong>de</strong> la Résistance n'y figure, mais, à la<br />
place, il voit une caricature remarquable : la sienne !<br />
À ce moment, Barbie perd tout contrôle : il se précipite<br />
sur Jean Moulin, sans défense, et le frappe <strong>de</strong> toutes<br />
ses forces avec une lanière <strong>de</strong> cuir, se servant <strong>de</strong> la<br />
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