HistoMag'44 special Front de l'est - 39-45.org
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HISTOMAG’44<br />
Yakovleva (née Netchaeva) Antonina Petrovna<br />
J e<br />
suis née en 1926 dans le village <strong>de</strong><br />
Novomarkovka, district <strong>de</strong> Kantemirovka dans<br />
la région <strong>de</strong> Voronej. J’ai entendu la nouvelle<br />
<strong>de</strong> la déclaration <strong>de</strong> la guerre pendant mes cours, à<br />
l’école <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine <strong>de</strong> Voronej où je préparais mon<br />
diplôme d’infirmière après le collège. C’était ma<br />
<strong>de</strong>rnière année d’étu<strong>de</strong>s.<br />
Tous les étudiants se sont réunis près <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong><br />
radio dans la rue. Personne ne voulait croire à cette<br />
affreuse nouvelle. On nous a donné un délai d’un mois<br />
pour passer tous nos examens et recevoir <strong>de</strong>s<br />
<strong>de</strong>stinations pour notre lieu <strong>de</strong> travail. J’ai été envoyée<br />
à Rossoch. J’y suis restée jusqu’au printemps.<br />
Les Allemands arrivaient. La population civile<br />
commençait à s’enfuir. Il y avait plein <strong>de</strong> gens, <strong>de</strong><br />
chariots chargés, <strong>de</strong> chevaux, <strong>de</strong> vaches…<br />
L’évacuation avait commencé, et il fallait traverser le<br />
Don. Les gens fabriquaient <strong>de</strong>s ra<strong>de</strong>aux, ou bien<br />
prenaient <strong>de</strong>s petits bateaux <strong>de</strong> pêche pour y mettre<br />
<strong>de</strong>dans leurs biens et leur bétail. Sur la traille à peu<br />
près <strong>de</strong> 3 km <strong>de</strong> l’endroit où je me trouvais, était<br />
rassemblée une énorme quantité <strong>de</strong> voitures, <strong>de</strong> gens<br />
et <strong>de</strong> bétail.<br />
Hiver 1941 - Exo<strong>de</strong> <strong>de</strong>s populations <strong>de</strong>vant<br />
l’avance alleman<strong>de</strong><br />
Tout à coup les avions allemands sont arrivés et ont<br />
commencé à bombar<strong>de</strong>r. Ce fut l’horreur absolue. En<br />
quelques instants, sur le pont il y eut une masse<br />
ressemblant à un énorme bifteck haché. J’ai vu <strong>de</strong>s<br />
cadavres <strong>de</strong> gens et <strong>de</strong> bêtes, les restes <strong>de</strong> voitures<br />
et <strong>de</strong> bateaux flotter sur le Don.<br />
Je fus sous le choc. Je pleurais. C’est surtout le petit<br />
bateau Rosa Luxembourg qui m’a marquée. Il n’avait<br />
plus d’équipage, plus <strong>de</strong> mécanisme <strong>de</strong> guidage. Il se<br />
cognait tout le temps contre la rive et continuait à<br />
flotter avec un sifflement triste et désespéré.<br />
Le reste <strong>de</strong> notre « troupe » est ensuite arrivé dans la<br />
région <strong>de</strong> Vorobyëvka. Affamés, sans argent, ayant<br />
perdu tous nos biens pendant le bombar<strong>de</strong>ment, nous<br />
allions dans les champs avec <strong>de</strong>s draps en guise <strong>de</strong><br />
sac pour dépiquer le blé avec <strong>de</strong>s bâtons. J’étais avec<br />
une camara<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’école. Nous avons dépiqué<br />
beaucoup <strong>de</strong> blé, et rempli plein <strong>de</strong> sacs.<br />
Soudain, nos bœufs ont commencé à galoper. Ils ont<br />
Par Jean-François Dorville Jacquin<br />
eu peur d’œstres (grosses mouches parasites), et du<br />
coup tous les sacs remplis <strong>de</strong> blé tombèrent du<br />
chariot. Nous restâmes sans rien.<br />
Deux jours après, <strong>de</strong>ux militaires arrivèrent dans le<br />
village. C’étaient les gens du bureau <strong>de</strong> recrutement<br />
<strong>de</strong> Vorobyëvka. Ils ont dit que tous les réservistes<br />
<strong>de</strong>vaient s’annoncer près du bureau <strong>de</strong> recrutement.<br />
C’est comme ça que j’ai eu ma convocation (avis).<br />
Nous avons passé Boutourlinovka, Borisoglebsk. Le<br />
point <strong>de</strong> ralliement se trouvait dans le village <strong>de</strong><br />
Gribanovka. Là-bas j’ai rencontré un monsieur qui<br />
connaissait bien mon père (lui-même au front –ndt).<br />
Il m’a <strong>de</strong>mandé :<br />
- « Comment puis-je t’ai<strong>de</strong>r ma petite ? »<br />
- « Envoyez-moi le plus vite possible à l’armée, j’ai<br />
faim. » (Jusqu’à maintenant on nous délivrait chaque<br />
jour 100g <strong>de</strong> pain et 100g <strong>de</strong> semoule).<br />
C’est ainsi que je partis à Moscou pour rejoindre ma<br />
future unité. Je me souviens <strong>de</strong> ma première visite du<br />
métro. Avant <strong>de</strong> <strong>de</strong>scendre, je me suis emmêlé les<br />
jambes sur l’escalator, et je suis tombée sur<br />
un monsieur <strong>de</strong>vant moi. J’ai fait rire tout le mon<strong>de</strong>.<br />
Ma division fut transférée, venant <strong>de</strong> Stalingrad. Elle<br />
était pratiquement détruite. Le point <strong>de</strong> ralliement<br />
était Solnetchnogorsk. La division reçut <strong>de</strong> nouveaux<br />
armements, du personnel, et nous sommes partis au<br />
front le 5 janvier 1942.<br />
Arrivés à Bogoutchiar, nous avons traversé le Don en<br />
direction <strong>de</strong> Tchertkovo. L’Ukraine <strong>de</strong> l’Est passée,<br />
nous avons libéré Kiev. Pas loin <strong>de</strong> Kiev j’ai été blessée<br />
au genou, et ai passé 1 mois à l’hôpital.<br />
Je touchais un salaire d’infirmière – 830 roubles,<br />
j’avais mon compte à la Caisse d’épargne.<br />
Quand notre division a été encerclée (voir plus loin)<br />
j’ai perdu mon livret <strong>de</strong> la Caisse d’épargne, et avec<br />
ça toutes mes économies. Après la sortie<br />
d’encerclement, j’ai ouvert un autre compte.<br />
Pendant ma permission en 1944, j’ai ainsi pu donner<br />
à maman 400 roubles. Vers la fin <strong>de</strong> la guerre j’en<br />
avais 2 000 ; avec cet argent, mes parents ont pu<br />
acheter un cochon (c’était important après la guerre<br />
pendant la famine <strong>de</strong> 1946-47).<br />
Quant à moi, grâce à mes petites économies, j’ai pu<br />
partir à Voronej pour chercher du travail.<br />
L’encerclement a eu lieu en direction d’Izum-<br />
Borviskoé, toute ma division a été détruite.<br />
Comme je l’ai déjà dit, j’avais perdu mon livret <strong>de</strong> la<br />
Caisse d’épargne, mais aussi le billet du membre <strong>de</strong><br />
Komsomol, ce qui était important pour moi.<br />
De plus, la perte <strong>de</strong> ce document aurait pu avoir <strong>de</strong>s<br />
conséquences fâcheuses pour moi (un soldat<br />
soviétique ne <strong>de</strong>vait pas perdre ses papiers - ndt).<br />
Heureusement, j’avais eu le temps <strong>de</strong> cacher ma carte<br />
d’i<strong>de</strong>ntité : je l’ai roulée et mise en haut <strong>de</strong> la tige <strong>de</strong><br />
ma botte.<br />
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