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IMPACT ACTEURS<br />
«LA QUALITÉ A UN PRIX, MAIS ELLE<br />
RAPPORTE» Pourquoi Beat Mühlemann<br />
de Migros est allé chercher Peter Döbeli de<br />
Konnex. Et comment ces deux-là ont choisi<br />
le bon sens pour la planification publicitaire.<br />
«En multipliant deux valeurs faibles,<br />
on n’obtient sûrement pas une valeur forte»:<br />
Beat Mühlemann (à gauche), Peter Döbeli.<br />
BEAT MÜHLEMANN Il y a des années, j’ai vécu une expérience-clé<br />
dans une grande agence. Il s’agissait de défendre un budget<br />
média international. Le client avait fixé comme objectif une<br />
amélioration de la qualité. J’avais demandé aux directeurs de<br />
l’agence à l’étranger ce qui était déterminant dans un tel cas.<br />
On m’avait répondu que le seul critère, c’étaient les coûts. Point<br />
final. Nous nous y étions alors conformés et avions pu garder ledit<br />
budget. Mais j’ai réalisé à ce moment à quel point il était absurde<br />
de penser uniquement à la maîtrise des dépenses. Dans ce<br />
cas précis, cela nous obligeait à prendre en considération un<br />
titre de presse écrite qui ne correspondait pas à nos critères qualitatifs.<br />
La raison: un choix qui ne reposait que sur les chiffres.<br />
J’ai constaté ensuite que beaucoup d’agences médias réfléchissent<br />
uniquement de cette manière – pas parce qu’elles sont<br />
mauvaises, mais parce que les clients les obligent à optimiser les<br />
coûts, à consentir des rabais. Je me suis dit que cela ne pouvait<br />
pas constituer un bon point de départ. A Migros, nous dépensons<br />
beaucoup d’argent dans les médias, environ 120 millions de<br />
francs par an, et j’aimerais que cet argent soit, qualitativement<br />
parlant, investi à bon escient. D’où la question: que peut-on faire<br />
pour optimiser le recours aux supports de publicité?<br />
Ce dysfonctionnement est apparu très clairement dans la publicité<br />
TV. Les spots Migros étaient diffusés entre n’importe quelles<br />
émissions de l’après-midi, «Arabella», «Meiser», ou Dieu sait<br />
quelle camelote. Cela ne pouvait pas continuer ainsi, il fallait<br />
des lignes directrices. Les «Guidelines» définissent aujourd’hui,<br />
entre autres, quel environnement nous briguons dans les programmes<br />
privés et ceux de SRG SSR.<br />
PETER DÖBELI Les product managers des sociétés internationales<br />
apprennent très tôt déjà l’usage de la moulinette PMC et le mettent<br />
ensuite en pratique. Ils ont des objectifs fixes pour le<br />
16 / 17 IMPACT DÉCEMBRE 2003<br />
nombre mensuel de GRP*. Dans certaines agences médias, il<br />
règne également un principe: un contact est un contact, peu importe<br />
où il a lieu. Ce qui compte, c’est qu’il soit aussi avantageux<br />
que possible. Heureusement, certains clients ont fini par<br />
remarquer qu’ils perdaient du public de cette manière, lorsque<br />
les campagnes ne fonctionnent plus que l’après-midi. Grâce à<br />
des dispositions réglementaires comme les «Guidelines» de Migros,<br />
on occuppe aussi les écrans «top» et lors de la planification,<br />
le bon sens a de nouveau une chance, comme par le passé.<br />
MÜHLEMANN C’est très simple: nous voulons plus de qualité. Or,<br />
cette dernière dépend largement des planificateurs. Qui sont encore<br />
beaucoup trop guidés par les chiffres, les taux de pénétration<br />
et les prix pour mille contacts. Je suis convaincu qu’un<br />
contact fort a la même valeur que dix contacts furtifs. Un<br />
exemple: si nous disposons de 100 000 francs pour une campagne<br />
d’affichage – à Migros aussi, les budgets ont diminué –<br />
les planificateurs médias les répartissent sur toute la Suisse. Il y<br />
aura un lieu d’implantation à Zurich, deux à Bâle, trois à Lucerne,<br />
etc. En fin de compte, les 100 000 francs seront loin et<br />
l’effet faible. Mais avec cet argent, il est possible également de<br />
couvrir d’affiches toute la gare de Berne, où elles seront vues<br />
d’au moins dix mille personnes. Ce qui veut dire: lors de la planification<br />
média, il faut aussi de la créativité et un peu de courage.<br />
A dire vrai, nous offrons des conditions paradisiaques aux<br />
agences. Nous leur disons: arrêtez de jouer au ping-pong avec<br />
les chiffres, oubliez le CCP, contentez-vous de réfléchir normalement<br />
et impliquez-vous dans la planification créative.<br />
DÖBELI Au début, notre exigence en matière de qualité n’a pas<br />
été bien comprise par tous les participants. Nous avons dû com-<br />
*GRP: Le Gross Rating Point correspond à la pénétration brute exprimée en pourcentage<br />
et sert de mesure pour l’impact publicitaire.<br />
POUR CERTAINES AGENCES MÉDIAS,<br />
UN CONTACT C’EST UN CONTACT, PEU IMPORTE<br />
OÙ IL A LIEU. IL DOIT JUSTE ÊTRE AVANTAGEUX.<br />
Peter Döbeli<br />
mencer par clarifier ce que nous entendions par là. En effet, par<br />
le passé, on convainquait les clients de ne pas réserver seulement<br />
du prime time. Nos «Guidelines», en revanche, sont là pour que<br />
le spot passe dans un environnement qui lui va bien et qui a<br />
quelque chose à voir avec le produit que l’on cherche à promouvoir.<br />
Un exemple éclairant: nous devions introduire un nouveau<br />
produit contre la chute des cheveux. Il s’agissait d’une campagne<br />
pour presse écrite, et dans les rankings, le «Blick» s’en<br />
tirait toujours très bien. Mais si je raconte dans ce journal que<br />
l’on vient de découvrir une molécule contre la chute des cheveux,<br />
je manque totalement de crédibilité – parce que l’environnement<br />
est constitué d’une énorme quantité d’annonces qui<br />
vantent n’importe quel produit miracle.<br />
MÜHLEMANN Notre publicité a toujours à voir avec le public.<br />
Lorsque Migros fait de la publicité, c’est une institution qui<br />
parle, à laquelle beaucoup de valeurs très positives sont associées.<br />
Or, si les gens ont l’impression que ces valeurs sont mises<br />
à mal par la publicité, lorsque nous sommes un peu trop sexy<br />
dans une annonce, c’est aussitôt l’émeute dans le public, donc<br />
chez nos clients. Nos «Guidelines» ne sont pas infaillibles, bien<br />
entendu, même s’il leur arrive maintenant de servir de temps en<br />
temps de justification.<br />
DÖBELI Beaucoup de gens se cachent derrière les chiffres, parce<br />
que sans eux ils manquent d’assurance. Ils ont besoin de<br />
quelque chose à quoi se raccrocher. Cela leur permet d’affirmer<br />
après coup qu’ils avaient fait tout juste, même si l’effet souhaité<br />
n’est pas là. Mais les chiffres ne me posent aucun problème.<br />
Lorsqu’on s’en sert à bon escient, ils permettent de se constituer<br />
un précieux bagage d’expériences. Mais il faudrait toujours rester<br />
conscient de ce qui se cache derrière eux. Ce qu’ils racontent<br />
est intéressant et c’est un élément que nous voulions encourager<br />
NOUS DISONS AUX AGENCES: OUBLIEZ LES CHIFFRES,<br />
CONTENTEZ-VOUS DE RÉFLÉCHIR NORMALEMENT ET<br />
IMPLIQUEZ-VOUS DANS LA PLANIFICATION CRÉATIVE.<br />
Beat Mühlemann<br />
avec nos «Guidelines»: ne pas éditer un ranking de manière<br />
bornée en piquant çà et là quelques émissions qui font de bons<br />
chiffres, mais réfléchir en se demandant si le reste joue.<br />
MÜHLEMANN Il y a encore autre chose avec ces chiffres: beaucoup<br />
de gens ne sont plus conscients de ce qu’est un GRP en réalité<br />
et de la façon dont il s’obtient. Qu’est-ce qu’un taux de pénétration?<br />
Pour les produits imprimés, cela signifie «lu ou<br />
feuilleté», ce qui ne veut pas dire, et de loin, que l’annonce a<br />
vraiment été vue. Mais aujourd’hui, on fait comme s’il s’agissait<br />
d’une valeur forte que l’on multiplie avec l’OTS (opportunity to<br />
see, ce qu’on appelle aussi la fréquence de contact), une valeur<br />
encore plus faible. «Faible multiplié par faible», ça ne donne<br />
sûrement pas «fort». Les chiffres fournissent peut-être une certaine<br />
indication, mais pas davantage. Ils sont comme l’aiguille<br />
d’une boussole, qui indique une direction approximative.<br />
DÖBELI A la télévision, les chiffres sont relevés de manière différente<br />
et sont, de ce fait, nettement plus solides. Mais pour qu’il<br />
en découle une sécurité suffisante en matière de planification, il<br />
faut que les valeurs soient basées sur un nombre suffisant de téléspectateurs.<br />
Les écrans du prime time offrent à cet égard une<br />
plus grande sécurité pour la planification.<br />
MÜHLEMANN A Migros, on a prêché durant des années un principe:<br />
en deçà de 70% de taux de pénétration, pas de planification.<br />
Mais cela ne peut pas valoir pour tous les produits. Je<br />
prétends que si nous n’atteignons que 50% tout en touchant les<br />
bonnes personnes, l’impact est plus important.<br />
DÖBELI On obtient encore un autre effet qualitatif à partir du<br />
quota de zapping, selon la durée de l’écran publicitaire.