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Les sirènes de la glace - Je me livre ... Eric Vincent

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<strong>Les</strong> <strong>sirènes</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> g<strong>la</strong>ce<br />

<strong>Les</strong> championnats d'Europe <strong>de</strong> patinage artistique et les jeux olympiques se sont achevés. Peu<br />

importe les juges partisans, le c<strong>la</strong>sse<strong>me</strong>nt final <strong>de</strong>s hom<strong>me</strong>s, <strong>de</strong>s couples ou <strong>de</strong>s fem<strong>me</strong>s. Pour<br />

moi, ces danseurs, ces dompteurs <strong>de</strong> l'équilibre et <strong>de</strong> <strong>la</strong> glisse, du saut et <strong>de</strong>s pirouettes, sont<br />

tous <strong>de</strong> grands athlètes. Ce qu'ils font mériterait d'être <strong>la</strong> huitiè<strong>me</strong> <strong>me</strong>rveille du mon<strong>de</strong>.<br />

A chacune <strong>de</strong>s compétitions, je n'ai attendu qu'une seule personne. Une seule. La seule<br />

capable <strong>de</strong> m'arracher les <strong>la</strong>r<strong>me</strong>s lorsque <strong>la</strong> <strong>la</strong><strong>me</strong> <strong>de</strong> ses patins effleure <strong>la</strong> g<strong>la</strong>ce. Bien sûr, par<br />

principe, elle n'avait aucune chance <strong>de</strong> vaincre. <strong>Je</strong> dis par principe parce que les juges,<br />

ignorant parfois volontaire<strong>me</strong>nt les fautes commises par certains concurrents, respectent<br />

assez scrupuleuse<strong>me</strong>nt <strong>la</strong> hiérarchie du c<strong>la</strong>sse<strong>me</strong>nt mondial. Sur ce point, les événe<strong>me</strong>nts et<br />

les juge<strong>me</strong>nts <strong>de</strong>s jeux olympiques confirmèrent cette affirmation.<br />

Donc, par principe, il était impossible qu'elle gagnât. Et il est vrai que technique<strong>me</strong>nt, elle ne<br />

pouvait égaler les bondissantes jeunettes d'à peine dix-huit ans. N'empêche ! La vraie reine <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> g<strong>la</strong>ce, c'était elle. Sa grâce, son sourire radieux, sa façon <strong>de</strong> jouer avec son corps et <strong>de</strong><br />

<strong>me</strong>ttre le public dans sa poche, n'appartenaient qu'à elle. Son regard <strong>de</strong> lutin malicieux<br />

pétil<strong>la</strong>it lorsque au début <strong>de</strong> son program<strong>me</strong>, elle décochait une flèche d'Eros en plein coeur<br />

<strong>de</strong> ceux qui l'admiraient. Avec elle, <strong>la</strong> pâle musique s'évanouissait, ba<strong>la</strong>yée par un chant<br />

angélique et céleste emplissant <strong>la</strong> patinoire avec harmonie. A quoi bon une mélodie massacrée<br />

par l'acoustique déplorable quand elle nous offrait <strong>de</strong> divins batte<strong>me</strong>nts <strong>de</strong> coeur, une divine<br />

hypnose. Elle était <strong>la</strong> seule à partager chacun <strong>de</strong> ses gestes avec dix mille invisibles<br />

compagnons <strong>la</strong> portant à bout <strong>de</strong> bras. Elle était LA seule, l'unique. Partie chez les<br />

professionnels avi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> stars après <strong>de</strong>ux titres olympiques et une kyrielle d'autres médailles,<br />

elle avait tenté un co<strong>me</strong>-back chez les amateurs. Un défi. C'est ainsi que les journalistes<br />

avaient jugé son retour. Ils n'avaient rien compris. Absolu<strong>me</strong>nt rien compris !<br />

Ce n'était pas un retour, c'était un ca<strong>de</strong>au : simple<strong>me</strong>nt s'offrir aux yeux <strong>de</strong> millions <strong>de</strong><br />

téléspectateurs pour leur bonheur, leur p<strong>la</strong>isir <strong>de</strong> <strong>la</strong> voir évoluer au ryth<strong>me</strong> d'une danse<br />

endiablée ou coulée, chavirant leurs coeurs, tirant <strong>me</strong>s <strong>la</strong>r<strong>me</strong>s. Katarina Witt est <strong>la</strong> seule qui<br />

fut capable <strong>de</strong> <strong>me</strong> faire pleurer com<strong>me</strong> un enfant <strong>de</strong>vant mon petit écran à chacune <strong>de</strong> ses<br />

apparitions. Aujourd'hui encore, en traçant ces lignes, <strong>la</strong> seule évocation <strong>de</strong> son prénom suivi<br />

<strong>de</strong> son nom trouble ma vision d'un liqui<strong>de</strong> salé. <strong>Je</strong> pleure déjà le jour maudit où, trahie par <strong>la</strong><br />

ru<strong>me</strong>ur ou ses articu<strong>la</strong>tions, convaincue par quelque imbécile aveugle mais persuasif, elle se<br />

déchaussera, <strong>la</strong>cera soigneuse<strong>me</strong>nt les patins et les rangera au fond d'un tiroir ou <strong>de</strong>rrière <strong>la</strong><br />

transparence d'une vitre au style ang<strong>la</strong>is d'un bahut en pin. Ce jour, Katarina, je serai en<br />

<strong>de</strong>uil...<br />

<strong>Les</strong> adolescents d'aujourd'hui <strong>de</strong>viendront peut-être les stars <strong>de</strong> <strong>de</strong>main. Il suffit parfois d'une<br />

rencontre, d'une simple rencontre pour que tout bascule. Ce<strong>la</strong> peut prendre <strong>la</strong> for<strong>me</strong> d'un<br />

entraîneur qui remarque <strong>de</strong>s qualités indéniables. Un couturier qui vous habille com<strong>me</strong> une<br />

princesse ou com<strong>me</strong> un fier et noble chevalier, d'une tenue qui vous donne par magie<br />

l'assurance qui vous manquait. Une idole qu'on admire et qu'il vous prend l'envie d'imiter.<br />

Loin <strong>de</strong> moi l'idée d'imiter Katarina : on n'a jamais vu briller le charbon à côté d'un diamant,<br />

mê<strong>me</strong> s'ils sont faits <strong>de</strong> <strong>la</strong> mê<strong>me</strong> matière !

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