Les sirènes de la glace - Je me livre ... Eric Vincent
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<strong>Les</strong> <strong>sirènes</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> g<strong>la</strong>ce<br />
Son paquet sous le bras, Sébastien avança vers <strong>la</strong> balustra<strong>de</strong> cernant <strong>la</strong> surface b<strong>la</strong>nche et<br />
polie. Quelques élèves s'entraînaient au fond <strong>de</strong> <strong>la</strong> patinoire avec un professeur. Des petits<br />
bouts <strong>de</strong> chou <strong>de</strong> cinq ou six ans, bondissant, sautil<strong>la</strong>nt, frémissant com<strong>me</strong> seuls les gosses en<br />
étaient capables <strong>de</strong>s heures durant. Ils étaient cantonnés dans <strong>la</strong> secon<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
patinoire.<br />
Dans <strong>la</strong> première, Catherine évoluait lente<strong>me</strong>nt, répétant son program<strong>me</strong> libre ou imposé par<br />
séquences <strong>de</strong> gestes. Elle attendait que l'intégralité <strong>de</strong>s lieux soit libérée pour exécuter le<br />
program<strong>me</strong> complet. Une fem<strong>me</strong> brune aux cheveux grisonnants, courts et crantés, notait sa<br />
protégée. Il connaissait cette fem<strong>me</strong> âgée d'environ quarante ans : il s'agissait <strong>de</strong> Geneviève<br />
Grilet, professeur reconverti en entraîneur. Elle comptait trois ou quatre athlètes dans ses<br />
rangs. Discrète<strong>me</strong>nt, Sébastien s'instal<strong>la</strong> sur les gradins, quasi<strong>me</strong>nt <strong>de</strong>rrière un pilier <strong>de</strong><br />
soutène<strong>me</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> structure métallique du toit.<br />
Catherine vo<strong>la</strong>it au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> <strong>la</strong> g<strong>la</strong>ce. Elle était aussi gracieuse qu'un cygne majestueux. Etaitce<br />
une caractéristique génétique propre aux aristocrates leur donnant ce port altier et assuré ?<br />
"Elle a fait <strong>de</strong> <strong>la</strong> danse c<strong>la</strong>ssique, ce<strong>la</strong> se voit. Bon sang ! Qu'est-ce qu'elle est belle ! Vrai<strong>me</strong>nt.<br />
Ah ! Sébastien ! Arrête <strong>de</strong> fantas<strong>me</strong>r ! Elle possè<strong>de</strong> une particule <strong>de</strong> plus que toi, elle est trop<br />
belle pour toi..."<br />
Pourtant, il se dit que les juges <strong>de</strong>vaient avoir bien du mal à ne pas être subjugués par son<br />
haut niveau artistique. Geneviève lui dit <strong>de</strong> donner encore plus d'amplitu<strong>de</strong> et encore plus<br />
d'amour dans ses gestes. Plus <strong>de</strong> vitesse, aussi, dans l'exécution <strong>de</strong> pas compliqués,<br />
comportant <strong>de</strong> nombreux change<strong>me</strong>nts <strong>de</strong> quart. Sébastien les trouvait originaux. <strong>Les</strong> juges<br />
nationaux et internationaux appréciaient ce genre d'originalité. La touche en plus.<br />
Quelle musique accompagnait cette danse ? Probable<strong>me</strong>nt Chopin, Bach ou Schubert dans<br />
l'une <strong>de</strong> leurs oeuvres les plus mé<strong>la</strong>ncoliques.<br />
Elle tenta un simple Axel. Il passa sans vrai<strong>me</strong>nt convaincre Geneviève. Sur son banc,<br />
Sébastien porta exacte<strong>me</strong>nt le mê<strong>me</strong> juge<strong>me</strong>nt. Opinion assuré<strong>me</strong>nt confirmée lorsqu'il<br />
assista à un double Axel à l'atterrissage plus que douteux. Si douteux que Catherine se<br />
déséquilibra, sa cabriole se désagrégea et elle se reçut lour<strong>de</strong><strong>me</strong>nt sur le postérieur quelques<br />
mètres plus loin. Sans se p<strong>la</strong>indre, elle se releva et reprit son é<strong>la</strong>n. Elle y mit toute sa volonté,<br />
prenant appel sur son pied droit, en avant et s'éleva pénible<strong>me</strong>nt au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> <strong>la</strong> g<strong>la</strong>ce pour<br />
réussir un double Axel. Cette fois-ci, elle réussit <strong>la</strong> figure mais <strong>la</strong> réception <strong>de</strong><strong>me</strong>ura très<br />
hasar<strong>de</strong>use.<br />
- Cinq minutes <strong>de</strong> pause ! Lui dit Geneviève, l'air navré.<br />
Catherine n'avait pas encore remarqué <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> son nouveau supporter. Ce <strong>de</strong>rnier avait<br />
déterminé pourquoi <strong>la</strong> jeune fille, malgré d'indéniables qualités artistiques, végétait dans les<br />
profon<strong>de</strong>urs du c<strong>la</strong>sse<strong>me</strong>nt national : elle avait du chewing-gum à <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>s chevilles. Ce