livret jarry a5 v2 - Théâtre de l'Echappée
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Carnet <strong>de</strong> création “ Monsieuye Jarry “<br />
années 1880, début <strong>de</strong>s années 1890) où les intellectuels déplore que le théâtre commercial<br />
s’éloigne <strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong> l’idéal humaniste du XVIIème siècle ou du programme<br />
romantique. Ils rêvent d’un nouveau théâtre « pur » : d’un « théâtre libre » (Antoine), d’un<br />
« théâtre d’Art » (Paul Fort, Lugné Poe) ou d’un « théâtre du peuple » (Romain Rolland,<br />
Maurice Pottecher). Toutes ces formules veulent combler la distance sociale qui s’est creusée<br />
entre le « vrai » théâtre à ambitions culturelles et éducatives ou patriotiques, le théâtre com-<br />
mercial et les autres spectacles concurrents, beaucoup plus vulgaires, comme le sont les pro-<br />
duits littéraires industriels par rapport à la « vraie » littérature. Cette volonté <strong>de</strong> réforme est<br />
partiellement inspirée par les idées socialistes et anarchistes. Il s’agit <strong>de</strong> libérer le théâtre <strong>de</strong><br />
l’argent corrupteur (représentations gratuites, à bas prix ou sous forme <strong>de</strong> cotisations volon-<br />
taires), et même d’inventer <strong>de</strong>s lieux nouveaux sortis du carcan du théâtre urbain à l’italienne.<br />
Certains rejettent aussi la convention fondée sur le principe d’i<strong>de</strong>ntification entre le<br />
spectateur et l’acteur et tentent <strong>de</strong> subvertir les formes vulgaires pour en faire <strong>de</strong>s formes<br />
d’avant-gar<strong>de</strong> accessibles à tous (festivals inspirés du théâtre antique à Orange, théâtres <strong>de</strong><br />
cabaret, premières formes <strong>de</strong> cinéma artistique).<br />
Ainsi, l’histoire du théâtre français du second XIXème siècle rappelle bien d’autres<br />
évolutions culturelles du temps. Libéré <strong>de</strong> l’Etat, <strong>de</strong> la censure, <strong>de</strong> l’ordre moral, l’art<br />
dramatique subit <strong>de</strong> plus en plus les lois <strong>de</strong> la rentabilité, <strong>de</strong>s changements sociaux et du goût<br />
moyen dominant. Alors qu’il avait été choisi par le romantisme pour diffuser une révolution<br />
littéraire, il incarne désormais, aux yeux <strong>de</strong>s lettrés du second Empire et <strong>de</strong> la IIIème<br />
République, le conformisme, le conservatisme et l’esprit bourgeois le plus étroit. Malgré les<br />
tentatives utopiques <strong>de</strong> quelques pionniers qui inventent la mise en scène mo<strong>de</strong>rne et ouvrent<br />
la France à <strong>de</strong>s auteurs étrangers : Ibsen, Hauptann, Strindberg, Tchekhov), futurs nouveaux<br />
classiques, ou initient la décentralisation théâtrale, le théâtre dominant – qu’on appelle le<br />
Boulevard en un sens nouveau – n’est plus qu’une variante, à Paris, comme en province, d’une<br />
culture <strong>de</strong> masse. Vouée au rire, à l’évasion dans le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> fantaisie <strong>de</strong> l’opérette, au culte<br />
<strong>de</strong>s stars, cette culture est <strong>de</strong>stinée à faire échapper le spectateur parisien ou provincial aux<br />
mornes réalités du quotidien. I<strong>de</strong>ntifiée à la Belle Epoque, elle nous a légué un répertoire<br />
inusable dont l’image mythique est <strong>de</strong>venue aux yeux du mon<strong>de</strong> entier comme un double rêvé<br />
d’une France du bonheur <strong>de</strong> vivre éternel.<br />
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