livret jarry a5 v2 - Théâtre de l'Echappée
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Carnet <strong>de</strong> création “ Monsieuye Jarry “<br />
Elle sort. Margot arrive.<br />
Margot :<br />
Tu ne sais pas, Lucien ? J’ai un enfant…<br />
Lucien :<br />
(sans aucune émotion) Fais voir ! Un singe, un chat, un lapin ou une poupée ?<br />
Margot :<br />
(malicieuse) Non, un vrai enfant… Un enfant sorti <strong>de</strong> moi… et j’ai diablement souffert, va,<br />
pour l’avoir ! Il a fallu <strong>de</strong>s instruments, j’étais toute grosse, une joue comme ça, mon vieux…<br />
Hein ! T’es épaté ?<br />
Lucien :<br />
(cherchant une contenance) Un peu, tout <strong>de</strong> même ! (il tourne autour <strong>de</strong> la petite fille) Je ne<br />
saisis pas très bien le sel <strong>de</strong> cette délicate plaisanterie, Margot ! Si ta mère nous écoute… Nous<br />
sommes propres…<br />
Margot :<br />
Maman, elle est au salon avec mon accoucheur et y a pas <strong>de</strong> danger qu’elle rapplique ! Elle lui<br />
règle sa note, mon vieux ! Quant à papa… il s’est fichu le camp parce que ça l’embêtait <strong>de</strong><br />
m’entendre gueuler.<br />
Lucien :<br />
(très digne) Gueuler ? Tu parles !<br />
Margot :<br />
(mettant son bras sur celui <strong>de</strong> son cousin) Est-ce que ça se voit beaucoup que j’en ai déjà eu<br />
un ?<br />
Lucien :<br />
(louchant) Heu ! heu !…<br />
Margot :<br />
(confi<strong>de</strong>ntielle) Il a mis vingt minutes pour se tirer, mon vieux ! J’en pouvais plus, là !<br />
Lucien :<br />
!<br />
Margot :<br />
(fort sérieuse) J’ai senti, hier soir, que ce serait pour aujourd’hui ; ça remuait… comme un polichinelle<br />
dans un simple tiroir ! Tu comprends, moi, j’y fourrais mes doigts tout le temps, alors,<br />
ça <strong>de</strong>vait finir par le décrocher.<br />
Lucien :<br />
(les yeux au ciel) Je te crois !<br />
Margot :<br />
(<strong>de</strong> plus en plus sérieuse) D’abord, on voulait me faire dormir… Moi j’ai pas voulu. J’y ai dit :<br />
Ce que vous me prenez pour une chiffe ? Je savais que maman, pour la naissance <strong>de</strong> Jules, elle<br />
avait refusé net, rapport à ses névralgies. Moi, j’ai pas <strong>de</strong> névralgies, mais, j’en aurai plus tard,<br />
faut toujours prendre ses précautions. J’ai donc pas marché du tout et il a rengainé son tube,<br />
le bonhomme. Je vais te raconter toute l’histoire…Oh ! mon vieux, ce que j’avais peur… Je<br />
tremblais comme la Tour Eiffel un jour <strong>de</strong> grand vent. Papa me disait : ce sera rien, ma chatte,<br />
ma loute, mon gros rat noir, mes petits pruneaux en sucre ! Et ce que j’avais envie <strong>de</strong> les lui<br />
flanquer quelque part, ses petits pruneaux au sucre !… Maman, elle faisait sa lippe <strong>de</strong>s matin<br />
<strong>de</strong> chambard… que c’en était crevant, et presque triste ! Je pouvais pas me tenir en place.<br />
J’étais ni peignée, ni débarbouillée, j’avais encore ma chemise <strong>de</strong> nuit… et puis <strong>de</strong>s coliques,<br />
oh ! là ! là ! <strong>de</strong>s coliques, mon vieux, à dévisser la colonne Vendôme.<br />
Lucien :<br />
(mal à l’aise) Dans les joues, les coliques ? Je comprends plus. (il relève les yeux au ciel)<br />
Margot :<br />
Mais oui, espèce <strong>de</strong> crétin ! Tu es pas à la coule, aujourd’hui. C’est à dire que ça communiquait<br />
avec le reste. Il paraît que pour avoir les <strong>de</strong>rnières on a toujours plus <strong>de</strong> peine.<br />
Lucien :<br />
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