livret jarry a5 v2 - Théâtre de l'Echappée

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Carnet de création “ Monsieuye Jarry “ Ils canardent les gendarmes comme dans un chamboule-tou. Les gendarmes entament un concert de sifflets. On entend « Où qu’il est l’gnaffron ? Où qu’il est l’Gnaffron ? » et le Groom les sort. Arrivent deux autres armoires dirigées par un Personnage avec à l’intérieur de chacune, un escrimeur. Melle Pian accompagne au piano les déplacements. Fanfare. On découvre les deux escrimeurs dans leur vestiaire. SEQUENCE DITE DE L’ESCRIMEUR Les Fanfarants encadrent la salle d’armes. Carrière : Assaut très remarqué et très applaudi. Ces deux jeunes ont déjà de la salle, sont bien instruits et tirent académiquement. M. Jarry a obtenu dernièrement le Premier Prix d’Escrime au Concours Régional d’Angers, sur toutes les sociétés. Charlotte Jarry : Et moi je suis sa sœur ! Charlotte ! Charlotte Jarry ! Carrière : Il a réussi dimanche de belles parades et ripostes au tac au tac, quartes sur quartes. Les escrimeurs se déplacent : échauffement, manipulation bâtons, coups portés. Fanfare. Apparition de Jarry : Monsieuye Jarry : Toucher ! Toucher le réel ! Carrière : Maître Blaviel. Monsieur Alfred Jarry. (temps) Messieurs : Prêts pour le salut ? Saluez-vous ! Monsieuye Jarry : (lui lançant une épée) Hé ! Hé ! Nous allons percer ! Je suis très fort au pique-boyau ! Carrière : (venu se placer sous les épées du salut) Assaut du Père Ubu au sabre de guerre contre M. Blaviel, maître d’armes au 151ème de ligne. Le Père Ubu tire droit à la gidouille, M. Blaviel pare prime et se prépare à riposter de taille à la tête. Le Père Ubu, détestant cette manœuvre, se prépare à son tour à se trotter par double coup de manchette échappée en arrière. (temps) Monsieuye Jarry : En garde ! Allez ! (Carrière le retrouve et ils vont s’escrimer tous les deux) Les deux escrimeurs s’escriment d’abord peu sérieusement puis sérieusement. Victoire de Jarry. Les escrimeurs regagnent leurs vestiaires. La Fanfare joue et sort tandis que les grooms déplacent les armoires. On découvre Carrière l’épée plantée dans une armoire et, au-dessus, Jarry. Carrière : Alors, Monsieuye de Ubootz, et ainsi de suite… Monsieuye Jarry : (l’interrompant) Il y a cent ans que nous n’existons plus ! Si ça vous amuse suivez le corridor en face, en comptant les années. Trente ans plus loin vous trouverez une morgue où les poètes ronflent, où des téléphones causent aux morts à travers les parois de glace… Carrière réussit enfin à enlever son épée et sort. Jarry va retrouver Charlotte Jarry sur 44
Carnet de création “ Monsieuye Jarry “ les sièges en fond de scène. Intervention au piano de Mademoiselle Pian. SEQUENCE DITE DE LUCIEN ET LA GRANDE DAME ET DE MARGOT Ils sont proches l’un de l’autre, comme dans un salon. Lucien : (pour lui) Elle a bien quarante ans la duchesse… ça m’est égal ! Son mouchoir a l’air si jeune ! Quel imbécile je fais ! Si je pouvais me flanquer des claques ! Après tout je ne lui manque pas de respect ! Est-ce que c’est ma faute si j’ai des idées… pour un mouchoir ? (il respire, s’étire, de plus en plus gêné) Est-ce qu’elle va me garder à dîner ? (elle se tourne mécaniquement vers lui… petite fuite des regards) Les plats du déjeuner chez Foyot, avec l’oncle Georges !… Il a mangé des côtelettes de veau en papillottes sur des épinards au jus… Franchement, il n’y a pas de quoi s’emporter ! (calme, elle lui sourit) C’est ton duc, ma chère, qui devait s’amuser ! Pourtant de beaux restes, des mains divines, et la taille comme une hampe de drapeau. Non, elle n’est fichtre pas laide ! La Grande Dame : (sec, comme un ordre) Vous dînez avec moi, cher Monsieur ? Lucien : (bafouille, rougit, et après tout ça, froidement) Vous me comblez, Madame la duchesse. (elle sourit, puis, pour lui-même) Bête fauve, bête brune, bête grand-ducale ! Si tu savais ! Mais tu ne sais pas… Je pense qu’on va dire les grâces à ton dîner. Merci bien ! Je me trotte… La Lancette n’est pas loin, heureusement ! Non, elle en a une santé, celle-là ! Je le connais, ton dîner ! Il y aura le nonce et la lectrice ! Je crois qu’entre les deux, j’aimerais mieux faire du pied au nonce ! Une lectrice anglaise qui a les deux pelles en défense d’éléphant !… Je t’en donne ! Un Passant : (à Lucien) Un peu chaud, pas ? Lucien : Oui, tout de même ! Le Passant : (s’en allant, au public) Il a bien l’air d’une moule ! Lucien : (il se lève, exténué il cherche une défaite polie) Madame… (ne trouve rien à dire, s’approche. Elle est posée comme un sphinx) Madame, j’oubliais de vous avouer que… Elle rit muettement et le regarde, volontaire, par en dessous. Il a envie de hurler mais semble hypnotisé. Il s’approche, tombe à genoux, il se cache le visage ; il pleurerait s’il ne se sentait pas ridicule. Il s’enfonce dans le petit mouchoir blanc. Lucien : (il balbutie – lâchant ce mensonge comme pour expier la sauvagerie de son attaque)… Que je vous aime ! Les bras de la duchesse se lient autour de ses épaules comme deux souples tentacules de pieuvre. La Grande Dame : (elle murmure, les lèvres sur son oreille puis sur sa bouche comme pour la clore) L’impertinence, mon cher, ce n’est pas de le prouver, c’est d’oser le dire ! 45
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