Sida, immigration et inégalités : nouvelles réalités ... - ANRS

La catégorisation statistique
des « immigrés »
Analyse des inégalités
et lutte contre les discriminations
Patrick SIMON 1
Résumé
Les données statistiques concernant les populations immigrées ou « issues de l’immigration
» sont le plus souvent lacunaires ou informent sur les caractéristiques des
étrangers, dans la plupart des cas, ou des immigrés, plus rarement. Ces carences
dans l’appareil statistique compliquent l’analyse des conditions d’existence des populations
en lien avec l’immigration et empêchent de mettre en évidence, puis de comprendre,
les inégalités auxquelles ces populations sont confrontées dans les différents
domaines du monde social, et en particulier la santé. Ainsi, le projet de
connaissance bute sur les difficultés à « découper » les populations en prises dans
les faits sociaux, mais également l’action publique ne parvient pas à saisir les publics
destinataires des dispositifs. Cette disjonction est particulièrement visible dans le
cadre de la lutte contre les discriminations qui s’est imposée sur l’agenda politique
depuis trois ans maintenant. Cet article revient sur les conditions de production des
catégories décrivant les populations en lien avec l’immigration et trace les alternatives
possibles à la classification selon la nationalité en les rattachant aux univers théoriques
propres au champ scientifique, d’une part, et aux orientations des politiques
publiques, d’autre part.
Mots clés : immigration, discriminations, catégorisation statistique, inégalités sociales
et raciales, politiques publiques.
Dans son rapport de 1998 sur « la progression de la précarité en France et ses
effets sur la santé », le Haut Comité de la Santé Publique (HCSP) s’inquiétait de
la relative rareté des travaux sur les inégalités sociales dans le champ de la
santé, et en particulier de la quasi-absence de données sur la « santé des étrangers
et des Français dits de première génération [sic] » 2 . Pour un néophyte des
études dans le domaine de la santé, ce bilan apparaît plutôt surprenant, si l’on
veut bien considérer que les étrangers, les immigrés, voire les populations
« issues de l’immigration » ou les minorités ethniques, connaissent, en toute probabilité,
une exposition aux risques sanitaires plus élevée que les Français, les
1 INED, Paris, France.
2 HCSP, 1998, pages 272 et suivantes.
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