Sida, immigration et inégalités : nouvelles réalités ... - ANRS
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une appartenance aux milieux défavorisés <strong>et</strong> une origine immigrée. Les écarts<br />
de formation, de qualification, de taux <strong>et</strong> niveaux d’activité, d’accès à des biens<br />
<strong>et</strong> services incorporent le fait spécifique, négatif, d’être identifié comme femme.<br />
Cela signifie que l’analyse des <strong>inégalités</strong> doit partir des relations de genre pour<br />
interpréter les situations <strong>et</strong> les trajectoires, sous peine de se méprendre sur les<br />
mécanismes à l’œuvre. Pour prendre un exemple, ce n’est pas seulement parce<br />
qu’elles travaillent à temps partiel que beaucoup de femmes connaissent des<br />
carrières moins rapides <strong>et</strong> accèdent moins souvent à des postes de responsabilité<br />
que les hommes, mais parce qu’elles sont femmes qu’elles se trouvent très<br />
n<strong>et</strong>tement sur-représentées dans les postes à temps partiel où les carrières sont<br />
bloquées. Là où l’analyse socio-économiste privilégiera une responsabilité de<br />
l’organisation du marché du travail dans lequel les temps partiels subissent une<br />
précarité <strong>et</strong> une gestion discriminante des carrières, les approches du champ<br />
théorique du genre vont insister sur les déterminations proprement sexuées qui<br />
assignent des spécialisations professionnelles à des salariées définies prioritairement<br />
par leur sexe. L’élucidation des discriminations sexistes a consisté à<br />
augmenter la production de statistiques susceptibles de factualiser les <strong>inégalités</strong>,<br />
étapes nécessaire à leur évaluation puis à leur éventuelle réduction.<br />
Sur le même modèle 4 , on assiste depuis plusieurs années à une réévaluation<br />
sensible de la place des « immigrés » dans la société française, débouchant sur<br />
le développement de <strong>nouvelles</strong> problématiques réclamant une révision des catégories<br />
habituellement mobilisées pour traiter de « l’<strong>immigration</strong> » [3]. Ces <strong>nouvelles</strong><br />
problématiques s’intéressent moins aux expériences sociales <strong>et</strong> positions<br />
de populations définies par leur nationalité - les étrangers -qu’à un ensemble<br />
de phénomènes qui touchent des populations en situation de subordination dans<br />
la société française du fait de leur origine, réelle ou supposée - des minorités<br />
<strong>et</strong>hniques ou raciales. Les <strong>inégalités</strong> de condition <strong>et</strong> de traitements différentiels,<br />
ce qui relève de la thématique des discriminations, ne peuvent pas être mises<br />
en évidence à partir du triptyque de la nationalité (Français de naissance, Français<br />
par acquisition, étrangers) qui figure dans les statistiques habituelles <strong>et</strong> on<br />
assiste à l’émergence de nomenclatures bricolées, combinant des variables de<br />
lieu de naissance des individus <strong>et</strong> de nationalité (les immigrés) ou, de plus en<br />
plus, du lieu de naissance des parents (d’origine immigrée ou issus de l’<strong>immigration</strong>).<br />
La diversification des classifications utilisées dans les recherches sur<br />
« l’<strong>immigration</strong> » vise à appréhender de façon plus cohérente un obj<strong>et</strong> dont les<br />
contours se modifient au fur à mesure que les vagues migratoires des années<br />
1950 <strong>et</strong> 1960 entrent dans l’histoire <strong>et</strong> que la société française se transforme<br />
sous l’impulsion du processus d’intégration. L’enjeu de la révision des classifications<br />
<strong>et</strong> de leur adaptation réside bien dans la restauration des capacités<br />
d’explication des sciences sociales, appuyées sur un appareil statistique apte à<br />
décrire <strong>et</strong> analyser des situations où la spécification des populations est partie<br />
intégrante des dynamiques sociales. La production de <strong>nouvelles</strong> classifications<br />
statistiques pour caractériser les populations liées à l’<strong>immigration</strong> répond à<br />
des logiques de cohérence dans trois registres différents, mais intimement<br />
4 La comparaison entre les études sur le genre <strong>et</strong> celles sur les minorités <strong>et</strong>hniques peut sembler<br />
déplacée. Pourtant, il existe un champ commun d’analyse, avec des concepts <strong>et</strong> des théories qui<br />
circulent entre les domaines, comme en témoigne la prolifération de la production académique de<br />
langue anglaise sur race, class and gender. Le lien est également évident dans la production juridique.<br />
La promulgation des directives européennes sur les discriminations <strong>et</strong>hniques <strong>et</strong> raciales s’est<br />
ainsi inscrite dans les prolongements des directives sur les discriminations sexistes [3].<br />
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