Sida, immigration et inégalités : nouvelles réalités ... - ANRS

Il existe, par ailleurs, très peu de travaux sur les contextes, les normes, les
modes de sociabilité, les comportements qui favorisent ou protègent de la
transmission du VIH dans les groupes très différents de la population immigrée.
Les origines ethniques ou culturelles, les contextes d’émigration des pays d’origine,
l’ancienneté et les conditions de l’immigration au niveau collectif ou individuel,
la religion, la législation et les politiques d’immigration, l’histoire entre
la France et le pays d’origine, etc. sont autant de facteurs qui dessinent la
structuration de la population immigrée en France, pour une grande part composée,
aujourd’hui, de personnes de nationalité française. De ces liens complexes
qui conduisent de l’histoire à la vie intime, bien peu est décrit et analysé,
très insuffisamment en tout cas pour nourrir une réflexion sur la prévention
au-delà d’une approche réductrice de la vie amoureuse, sexuelle et familiale
d’où émergent quelques thèmes comme le recours des hommes à la prostitution,
la soumission des femmes dans les relations conjugales, une vie sexuelle
réduite à des relations avec des partenaires de même « origine » qui ne restitue
pas la diversité et la dynamique des trajectoires migratoires. Les trois articles
présentés enfind’ouvrage abordent quelques aspects de ces questions.
On pourrait s’étonner de trouver ici l’article de Dolorès Pourette sur les Guadeloupéens
migrant en métropole, s’il n’illustrait l’importance de cette prise en
compte des trajectoires individuelles et de l’histoire sociale des régions d’origine
pour mieux comprendre les prises de risque sexuel et le recours au dépistage
et aux soins.
Christelle Hamel, en étudiant la situation de garçons français de parents maghrébins,
décrit un groupe qui ne peut être appréhendé ni par la catégorie
« immigré »ni par celle d’« étranger » et qui, selon un faisceau d’indicateurs
et dans certaines conditions, peut être considéré comme particulièrement
exposé aux comportements à risque en matière de VIH. Subissant de fortes
discriminations raciales qui placent les moins qualifiés d’entre eux dans une
situation de précarité durable, ils ne peuvent affirmer leur honneur et leur
« masculinité », comme le désirent leurs parents. Cette situation induit un repli
sur le groupe, qui devient alors le seul espace de reconnaissance et d’existence
sociale. Dans ce contexte, la sexualité se trouve régie par des valeurs
et des normes qui induisent une gestion aléatoire des risques dans les comportements
sexuels.
Enfin, l’article de Christine Salomon décrit une situation particulière de rencontres
amoureuses et sexuelles, illustrant un « brassage sexuel » qui transgresse
les frontières d’âge, de milieu social et d’origine dans le milieu des « boîtes
black » de Paris, constituant ainsi un pont entre différents pays de départ, où
la prévalence de l’épidémie est forte, et la région parisienne. Bien que le sida
soit un souci exprimé par les femmes françaises clientes de ces établissements,
l’enjeu de la rencontre et les possibilités sociales qu’elles ont de la
négocier, font passer cette préoccupation, et la protection des relations sexuelles,
au second plan.
Si nous devions retenir une ligne de force, transversale à l’ensemble de cet
ouvrage, nous pourrions reprendre les propos de Didier Fassin : « En réalité,
si les étrangers, mais probablement aussi les enfants d’étrangers, ont des taux
d’incidence du sida plus élevés que la moyenne, adoptent des pratiques de
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