Sida, immigration et inégalités : nouvelles réalités ... - ANRS

ou d’informations recueillies par des ONG [37] 4 . Une telle «épidémiologie de
la précarité »ne pouvait que rencontrer les populations migrantes sur son chemin.
De même, la description des files actives des services des urgences hospitalières
s’est faite à partir de typologies employant les catégories «étrangers
et/ou immigrés ». Plus récemment, ces clivages ont été associés à l’ouverture
des droits et à l’accès aux soins 5 . Un des domaines privilégiés del’épidémiologie
dans lequel ce type de variable a été utilisé, est celui de la périnatalité.
Nombreux sont les travaux pour rendre compte des différences de suivi des
parturientes issues de l’immigration, populations regroupées par catégories établies
à partir du pays d’origine des femmes [22] 6 . Plus généralement ces classifications
ne sont que la continuation de celles portant sur les inégalités sociales
de santé [24]. Les catégories «étranger » ou « immigré » en tant que
variables socio-démographiques sont restées descriptives et n’ont jamais été
utilisées comme déterminant des pathologies.
Les processus de réactualisation d’anciennes catégories pour décrire
une nouvelle maladie
Aux États-Unis, dans la phase initiale de l’épidémie VIH/sida, au début des
années 1980, l’emploi de caractéristiques liées à la nationalité et à l’appartenance
à la catégorie dite ethno-raciale 7 s’est fait d’emblée. L’émergence de cette
taxonomie dans le champ de la maladie appartient tant à son histoire naturelle
qu’à son histoire sociale. Parmi les premiers cas de sida décrits par les cliniciens
les dénominateurs communs étaient donc autant l’appartenance à un type
de population, que l’orientation sexuelle. Ces catégories sont consubstantielles
à la naissance même de l’épidémie. Le diagnostic des premières maladies
opportunistes publié (MMWR, 1981) fut donc établi selon cette codification qui
cumule des critères phénotypiques (couleur de peau, texture des cheveux, etc.)
pour les groupes « blanc » ou « noir », et critère culturel pour les « hispaniques
» (parlant espagnol qu’ils soient amérindiens ou afro-américains). Typologie
pré-construite en usage aux États-Unis [41] à laquelle se sont ajoutées
pour identifier les personnes atteintes, celles de l’orientation sexuelle, de l’usage
de drogue ou de transfusion. L’ensemble de ces indicateurs ayant rapidement
constitué l’étiologie du sida, les quatre H tant évoqués, ont servi d’emblème à
la nouvelle maladie8 . La combinaison des catégories nationales, éthno-raciales
avec les modes de transmission du virus, quand ils ont été identifiés, a été la
matrice cognitive originelle des représentations de l’épidémie. Cette nomenclature
naissante du sida s’est adaptée d’autant plus aisément à la culture épidémiologique
aux États-Unis, que nombreuses étaient les études biomédicales
faites sur la morbidité où déjà les différences entre populations, délimitées sui-
4 La Mission de Médecin du Monde a, depuis 1995, accueilli plusieurs dizaines de milliers de personnes
dans ses centres de soins gratuits dont, au dernier bilan de 2001, presque 80 % étaient
étrangères.
5 Couverture Médicale Universelle ou Aide Médicale de l’État.
6 En général les résultats de ces travaux ne rendent compte ni de la manière dont cet item a été
construit -lieu de naissance, filiation, langue ni des modalités de collecte de cette information (entretien
oral ? réponse écrite à un questionnaire ?).
7 Ainsi communément intitulée Racial/Ethnic classification dans la littérature démographique et épidémiologique
nord-américaine.
8 Auquel M. Grmek ajoutait un cinquième : Hooker pour les prostitués et que l’on pourrait désormais
compléter par un sixième pour Hétéro.
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