Sida, immigration et inégalités : nouvelles réalités ... - ANRS

de premier rang, trois formulations ont été successivement utilisées dans la DO :
transmission hétérosexuelle (1991), groupe hétérosexuel (1993) ; rapport hétérosexuel
(1997). Le mode de contamination, finalement, peut être dû aux contacts
hétérosexuels [15]. Dans ce dispositif de codage mouvant et qui ne renvoie pas
à des variations de catégories étiologiques, c’est d’abord la pratique hétérosexuelle
(catégorie comportementale) qui a été répertoriée comme responsable
de la contamination, puis l’appartenance à un groupe de transmission (ensemble
statistique) 17 du fait même de cette orientation ; enfin c’est l’acte sexuel accompli
dans le cadre de cette orientation qui est retenu comme cause de la transmission
du VIH.
Dans la catégorie transmission hétérosexuelle, en fin d’énumération 18 , est
classé àpart le patient originaire d’Afrique subsaharienne ou de la Caraïbe. Ce
type d’origine, indiqué aussi par défaut pour le partenaire du malade, renvoie
aux zones d’endémie intense du sida où la transmission du VIH est majoritairement
hétérosexuelle et est supposée n’être qu’un critère de présomption.
Cette catégorie « hétérosexuelle », parfois mise en cause sur sa validité et
amendée comme origine géographique (BEH n o 24, 1996) précise que ce n’est
pas l’identité africaine ou caribéenne en soi qui fait présomption, mais la zone
d’endémie dont la personne atteinte est originaire. Depuis, il semble que cette
« appellation d’origine » soit découplée ducasdéclaré pour être associée uniquement
au mode de contamination supposé du partenaire « Originaire de pays
où l’épidémie du VIH est généralisée ». Les normes de l’Onusida/OMS les
quantifient comme « Pays où la prévalence VIH est supérieure à 1 % chez les
femmes enceintes ». Les consignes pour classer les patients ne sont plus réservées
aux seules catégories Afrique subsaharienne ou Caraïbe. Le « partenaire
contaminant » d’un patient peut être originaire d’un pays ni africain ni antillais.
La notion même d’origine, quelle que soit la qualité de l’anamnèse faite par le
praticien, est toujours non définie. Laissée à l’appréciation du médecin déclarant,
elle ne répond pas à des critères standardisés. Dans ce dispositif d’enregistrement,
elle garde sa qualité de présomption même si son champ d’application
est élargi à l’ensemble des populations quelle que soit leur provenance
(BEH n o 38, 2000).
La variabilité sémantique de ces formulations ne traduit pas fondamentalement
de nouvelles catégories causales mais atteste d’un déplacement sensible d’imputation
de l’infection. Les conditions de la transmission du VIH sont attribuées à
une réalité qui échappe, en partie, à la responsabilité directe du sujet originaire
d’Afrique ou de la Caraïbe, à savoir la distribution du virus dans l’espace, la
répartition et l’intensité de l’épidémie suivant les pays. Conditions qui en première
instance sont à l’origine de l’exposition au VIH. Cette externalisation des causes
relativise le niveau d’implication du malade dans sa contamination et explicite
cette dernière comme liée à la biocénose, milieu pathogène où se niche le virus.
Les représentants du corps médical spécialistes du VIH et les responsables de
santé publique ont souvent perçu le danger qu’il y avait à communiquer sur le
thème de l’origine des personnes atteintes comme cause directe du mal. Les
enjeux de l’attribution catégorielle [38] dans le contexte d’une maladie transmissible
et mortelle étaient particulièrement accentués.
17 Et non sociale comme cela a été compris souvent.
18 À partir de 1993.
38