télécharger au format PDF - Archives de l'Adrar des Ifoghas

Tandis que l'Europe halète sous le fardeau écrasant
des charges que lui a léguées la guerre, tandis
que ses maîtres de la Finance et de l'Industrie interrogent
chaque jour avec plus d'inquiétude la
cote fantastique des changes, les grandes vedettes
de l'Entente discourent moins de paroles et plus
de décisions seraient peut-être préférables.. Cependant,
devant la complexité et la gravité de la situation
l'opinion publique attendait avec impatience
des explications et des directives. Tour à
tour, devant leurs Parlements respectifs, M. Millerand,
à Paris, M. Lloyd George et lord Curzon, à
Londres, aprèg la lecture du discours du Trône,
ont pris la parole et tenté de définir la politique
de leurs gouvernements respectifs.
Il serait injuste de prétendre que ces déclarations
fussent dénuées d'intérêt. Sans doute, corani
•bu.hli.co nos hommes d Etat n'ont rni J. développer i .1
que des idées générales et donner que des explications
sommaires. Telles qu'elles sont cependant,
si incomplètes même qu'elles soient, ces déclara-
tions nous permettent de dégager certaines vérités
et certaines directives qui méritent de retenir notre
attention.
Disons-le tout de suite, si M. Millerand fut,
comme toujours, éloquent, si M. Lloyd George té-
moigna, à son habitude, d'un opportunisme ha-
bile, lord Curzon prononça devant ses pairs, à la
Chambre Haute, un discours substantiel, d'une
haute tenue et qui fait honneur aux traditions solides
Office.
de cette maison modèle
du'ekt
le Foreign-
De la méditation attentive et avertie de ces trois
grandes manifestations oratoires, une première impression
se dégage nettement. A Londres comme à
Paris, on considère comme grave la situation en
Europe. Lloyd George ne craint pas de l'affirmer
délibérément « La situation en Europe, dit-il, en
1
L'EUROPE NOUVELLE
effet, est grave. Il y a du danger. J'en parle avec
connaissance de cause et avec appréhension. »
Nous voilà dûment avertis.
Mais une autre constatation s'impose. L'Angleterre
ne dissimule pas les inquiétudes particulières
que lui cause la situation en Orient
« La situation en Orient, déclare lord Curzon à la
Chambre des Lords, cause de graves appréhensions
elle offre des symptômes inquiétants en
» Egypte, en Palestine, en Arménie, en Perse, en
Arabie, en Afghanistan. »
Pareil aveu de la part d'un homme aussi averti
des choses de l'Orient et des intérêts majeurs de
l'Angleterre est typique. Les dépêches, les rensei-
gnements documentés que nous recevons de
l'Orient en confirment, hélas, l'extrême gravité.
Les milieux bien informés n'ignorent point, en
effet, l'effervescence qui grandit dans tous les centres
musulmans. Ils n'ignorent point non plus que
si cette effervescence est due, pour partie, aux er-
reurs, aux ambitions démesurées et aux rivalités
mesquines de certains agents coloniaux, elle a été
habilement cultivée, alimentée, développée par la
propagande savamment dirigée par Moscou. Mais
ce qui trouble davantage Londres, c'est l'orienta-
tion probable de la politique active des Soviets en
Asie. Il y a quelque dix jours, un grand conseil
de guerre a été tenu dans la capitale moscovite.
On y a délibéré sur la politique de guerre et la
tactique à suivre.
Tandis que le généralissime des armées rouges
conseillait à son gouvernement de profiter de l'in-
suffisante organisation de l'armée polonaise pour
frapper tin grand coup de ce côté, Lénine, dont les
visées sont plus hautes, plus larges, plus pénétrantes
aussi, penchait pour la continuation de la
poussée vers le Sud-Est, c'est-à-dire vers la Perse et
l'Afghanistan. Si aucune décision définitive ne fut
prise, ou plutôt si elle fut suspendue, il n'en reste
pas moins acquis que le Moscou des Soviets fait
sienne la politique des anciens Tzars et qu'il consi-
dère que le véritable moyen d'aboutir à une solu-
tion, c'est de frapper l'Angleterre dans ses œuvresvives,
c'est-à-dire dans les avancés de l'Inde.
Ces renseignements que nous tenons de première
source semblent ne pas être ignorés dans un des
centres diplomatiques les plus informés qui soient
au monde, j'ai nommé le Vatican. Dans un ar-
ticle du 9 février, intitulé La réalité du bolche-
visme russe, le grand organe pontifical, l'Osservatore
Roniano, après avoir passé en revue la situa-
tion mondiale de la République des Soviets, dé-
clare, en effet, que la principale préoccupation du
gouvernement bolcheviste à l'heure actuelle est une
action à travers le Caucase, la Perse et l'Afghanis!
tan, sur les Indes d'une part, la Turquie de l'autre.
Et l'organe du Vatican ajoute Les bolche-
vistes possèdent présentement des moyens qu'on
peut estimer suffisants à cet effet. » Et l'auteur ne
craint pas d'adresser à l'Entente un avertissement