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l'agression alleman<strong>de</strong> son ordre public est détruit<br />
elle est en pleine anarchie. Il ne reste plus<br />
d'<strong>au</strong>tre pouvoir organisé, efficace, capable <strong>de</strong> se<br />
faire obéir d'une façon encore bien imparfaite<br />
que celui <strong>de</strong> l'Entente victorieuse. Les cinq<br />
gran<strong>de</strong>s puissances s'essaient à organiser une sorte<br />
<strong>de</strong> régime dictatorial <strong>au</strong>quel les circonstances donnent<br />
sa légitimité elles tâchent <strong>de</strong> poser les bases<br />
d'un état social nouve<strong>au</strong>, à be<strong>au</strong>coup <strong>de</strong> points <strong>de</strong><br />
vue, assez révolutionnaire. Elles légifèrent, puisqu'elles<br />
établissent un statut international, elles<br />
gouvernent et administrent avec plus ou moins <strong>de</strong><br />
bonheur il f<strong>au</strong>t <strong>au</strong>ssi qu'elles jugent. Elles le<br />
peuvent et elles le doivent, et <strong>de</strong> même qu'elles<br />
tranchent les conflits politiques et territori<strong>au</strong>x,<br />
elles peuvent se saisir <strong>de</strong> la justice répressive.<br />
Tous les pouvoirs politiques naissant <strong>de</strong>s révolutions<br />
se sont d'ailleurs reconnu cette compétence.<br />
Institués pour établir un régime nouve<strong>au</strong>, ils ne<br />
pourraient sans abdiquer moralement laisser impunis<br />
les abus qui ont engendré la crise et, sans pé<br />
tition <strong>de</strong> principes, se refuser à appliquer le droit<br />
nouve<strong>au</strong> qu'ils ont précisément pour mission d'inst<strong>au</strong>rer.<br />
Les régimes nouve<strong>au</strong>x s'affirment en fai-<br />
sant<br />
le procès <strong>de</strong>s anciens. La Société <strong>de</strong>s Nations,<br />
sous peine <strong>de</strong> n'être jamais, doit établir par l'application<br />
les principes sur lesquels elle se fon<strong>de</strong>. Elle<br />
ne ^<strong>au</strong>rait, sans tourner dans un cercle vicieux, s'appuyer<br />
sur le droit ancien qu'elle a précisément<br />
pour mission d'abolir, ou s'inspirer <strong>de</strong> principes<br />
juridiques qui n'ont pas été faits pour elle.<br />
Dès lors, que <strong>de</strong>viennent les objections <strong>de</strong>s juristes<br />
? Celle tirée <strong>de</strong> la souveraineté <strong>de</strong>s Etats disparaît.<br />
Cette notion <strong>de</strong> souveraineté, d'ailleurs<br />
f<strong>au</strong>sse puisque absolue, a trop empoisonné le droit<br />
public et international; il est temps qu'elle disparaisse.<br />
Dès lors que l'on veut fon<strong>de</strong>r un droit international<br />
véritable, avec <strong>de</strong>s sujets <strong>de</strong> droit, il f<strong>au</strong>t<br />
admettre que la règle <strong>de</strong> droit s'impose à tous.<br />
chefs d'Etats et Nations, qu'il n'est pas permis <strong>de</strong><br />
violer la loi internationale, ni <strong>de</strong> répudier les engagements<br />
conventionnels que <strong>de</strong> ces violations<br />
du droit découlent à la fois une responsabilité civile<br />
pour les entités nationales, et une responsabilité<br />
pénale pour leurs administrateurs, si h<strong>au</strong>t<br />
placés soient-ils, lorsque leurs actes ont été jusqu'<strong>au</strong><br />
crime. De même que les administrateurs<br />
d'une personnalité morale <strong>de</strong> droit public ou privé,<br />
tels une commune ou un syndicat, ne sont pas couverts<br />
par leur qualité d'administrateurs, lorsque,<br />
dans l'exercice <strong>de</strong> leurs fonctions, ils vont jusqu'<strong>au</strong><br />
délit ou jusqu'<strong>au</strong> crime, <strong>de</strong> même les gouvernants<br />
criminels, coupables d'abus ou <strong>de</strong> détournement<br />
<strong>de</strong> pouvoir doivent encourir, dans la société<br />
nouvelle, une responsabilité personnelle et pénale.<br />
En ce qui iconcerne la non-rétroactivité <strong>de</strong>s lois<br />
pénales, l'objection pour être forte n'est pas non<br />
plus irréfutable. Il f<strong>au</strong>t répondre que la règle<br />
nulla fcena sine lege a été conçue pour une<br />
discipline d'Etat d'ordre interne qu'elle est nécessaire<br />
dans une législation soigneusement codifiée,<br />
comme garantie <strong>de</strong> la liberté humaine qu'elle<br />
a pour but essentiel <strong>de</strong> lier le pouvoir judiciaire<br />
dans un état social constitutionnel, en lui interdisant<br />
<strong>de</strong> se substituer <strong>au</strong> législateur pour la détermination<br />
<strong>de</strong>s délits et <strong>de</strong> l'échelle <strong>de</strong>s peines. Mais,<br />
par contre, elle ne s<strong>au</strong>rait jouer à l'encontre d'un<br />
gouvernement <strong>de</strong> fait qui, par définition, concentre<br />
en lui tous les pouvoirs, fait la loi et l'applique,<br />
crée les inculpations, organise la compétence<br />
et ne peut être usurpateur puisqu'il n'usurperait<br />
L'EUROPE NOUVELLE<br />
que le néant. D'ailleurs, en l'espèce, on peut même<br />
soutenir que l'Entente ne fait point rétroagir les<br />
sanctions et se borne à régulariser et mettre en<br />
œuvre <strong>de</strong>s responsabilités que le droit international,<br />
coutumier par essence, et naturel <strong>au</strong>tant que<br />
conventionnel, avait reconnues en principe sans les<br />
avoir organisées effectivement.<br />
Enfin, lorsqu'on en vient à l'objection tirée <strong>de</strong> la<br />
pratique <strong>de</strong> l'extradition, s'il est bien vrai que le<br />
cas <strong>de</strong> Guill<strong>au</strong>me II est sans précé<strong>de</strong>nt, c'est préci-<br />
sément parce que<br />
le droit <strong>de</strong> l'extradition ne s<strong>au</strong>-<br />
rait s'appliquer à lui. Les lois et coutumes <strong>de</strong><br />
l'extradition sont faites pour permettre <strong>au</strong>x Etats<br />
<strong>de</strong> se prêter leur concours dans l'administration <strong>de</strong><br />
la justice et <strong>de</strong> ne pas laisser défaillir les sanctions<br />
pénales nationales. Mais ici, il ne s'agit pas <strong>de</strong> rapports<br />
entre Etats, mais <strong>de</strong> rapports entre la Société<br />
internationale tout entière et l'un <strong>de</strong> ses membres<br />
il ne s'agit pas<br />
<strong>de</strong> crimes ou délits intéressant l'or-<br />
dre social d'un Etat déterminé, mais bien <strong>de</strong> crimes<br />
portant atteinte à l'ordre public international.<br />
Le droit <strong>de</strong> l'extradition est hors <strong>de</strong> c<strong>au</strong>se. Il s'agit<br />
en réalité <strong>de</strong> savoir si un Etat, la Hollan<strong>de</strong>, qui est<br />
membre <strong>de</strong> la Société traditionnelle <strong>de</strong>s Etats, et<br />
qui désire faire partie <strong>de</strong> la nouvelle Société <strong>de</strong>s<br />
Nations en <strong>format</strong>ion, doit prêter son concours à<br />
l'œuvre <strong>de</strong> justice que celle-ci entreprend, ou peut,<br />
<strong>au</strong> contraire, contrecarrer la première manifestation<br />
vraiment significative <strong>de</strong> la vitalité sociale internationale.<br />
Il me semble que poser la question<br />
c'est la résoudre.<br />
Il ne reste plus qu'à se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>de</strong> quelle façon<br />
l'Entente, gouvernement <strong>de</strong> fait <strong>de</strong> la Société <strong>de</strong>s<br />
Nations, organisera les tribun<strong>au</strong>x qui <strong>de</strong>vront juger<br />
Guill<strong>au</strong>me II, ses complices et les individus<br />
responsables <strong>de</strong>s atrocités commises pendant la<br />
guerre.<br />
Il n'y avait pas, à notre sens, plusieurs solutions<br />
à envisager. En l'absence <strong>de</strong> tribun<strong>au</strong>x nation<strong>au</strong>x<br />
compétents, <strong>de</strong> co<strong>de</strong> et <strong>de</strong> procédure applicables,<br />
il fallait organiser <strong>de</strong>s tribun<strong>au</strong>x internation<strong>au</strong>x<br />
spéci<strong>au</strong>x, un co<strong>de</strong> spécial, une procédure<br />
spéciale. Il ne pouvait être question <strong>de</strong> faire intervenir<br />
ici les neutres qui, s'étant désintéressés <strong>de</strong> la<br />
conduite <strong>de</strong> la guerre, n'avaient <strong>au</strong>cune qualité<br />
pour participer .à son règlement, pas plus à son<br />
règlement juridique qu'à son règlement politique<br />
et financier. Seuls <strong>de</strong>s tribun<strong>au</strong>x internation<strong>au</strong>x<br />
émanant <strong>de</strong> l'Entente et organisés par elle, avec<br />
toutes les garanties <strong>de</strong> la publicité et toute liberté<br />
assurée à la défense, pouvaient être envisagés.<br />
Les rédacteurs du Traité l'ont compris, en<br />
somme. Avec <strong>de</strong>s hésitations et <strong>de</strong>s maladresses <strong>de</strong><br />
rédaction, ils ont élaboré, dans les article 227 et<br />
suivants, un système qui donne satisfaction, <strong>au</strong><br />
moins en principe, <strong>au</strong>x princip<strong>au</strong>x <strong>de</strong>si<strong>de</strong>rata que<br />
nous venons <strong>de</strong> formuler. Guill<strong>au</strong>me et ses comparses<br />
seront jugés par un tribunal international <strong>de</strong><br />
cinq juges. Les criminels casqués seront livrés paq<br />
l'Allemagne et jugés également par les tribun<strong>au</strong>x<br />
militaires <strong>de</strong> l'Entente. II est regrettable qu'ayant<br />
institué un tribunal spécial pour l' « affaire Guill<strong>au</strong>me<br />
II'», on se soit obstiné à maintenir la compétence<br />
<strong>de</strong>s conseils <strong>de</strong> guerre nation<strong>au</strong>x ou mixtes<br />
pour les <strong>au</strong>tres coupables, car ces Conseils <strong>de</strong><br />
guerre ne pourront agir, eux <strong>au</strong>ssi, qu'à titre <strong>de</strong> tribun<strong>au</strong>x<br />
spéci<strong>au</strong>x investis d'une compétence exceptionnelle.<br />
Dès lors, il eût mieux valu instituer ostensiblement<br />
<strong>de</strong>s tribun<strong>au</strong>x ad hoc. De même, il est<br />
regrettable que, en spécifiant que l'inculpation <strong>de</strong><br />
Guill<strong>au</strong>me II était une inculpation pour violation