L 'arme nucléaire : Totem et tabou - Alternatives non-violentes
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<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong><br />
Dominique David<br />
Pour les États officiellement dotés du <strong>nucléaire</strong>,<br />
le maintien de doctrines dissuasives excluant tout emploi<br />
hors de circonstances m<strong>et</strong>tant en cause leur survie<br />
même, excluant donc tout usage de champ de bataille,<br />
ou de coercition, est essentiel. Un consensus doit se<br />
construire autour de c<strong>et</strong>te conception restrictive entre<br />
anciens <strong>et</strong> nouveaux <strong>nucléaire</strong>s — ce consensus marginalisant<br />
d’éventuels trublions. Le discours américain<br />
actuel (même s’il ne révèle pas des pratiques vraiment<br />
nouvelles), qui brouille l’image du <strong>nucléaire</strong> de dernier<br />
recours en le mêlant à l’emploi d’armes conventionnelles,<br />
est de ce point de vue contre-productif. Les pays<br />
<strong>nucléaire</strong>s ont intérêt à réaffirmer les doctrines de <strong>non</strong>emploi,<br />
<strong>et</strong> à les afficher sans ambiguïté.<br />
Enfin, la lutte contre la prolifération <strong>nucléaire</strong> ne<br />
peut être pensée indépendamment des processus de<br />
maîtrise d’autres types d’armements. Armements nouveaux,<br />
particulièrement craints dans le cadre d’un possible<br />
développement des phénomènes terroristes (chimique,<br />
biologique…), <strong>et</strong> pour lesquels il faut inventer des<br />
modes de contrôle inédits (contrôle des laboratoires, des<br />
transferts de certaines matières civiles, <strong>et</strong>c.). Mais aussi<br />
armements plus traditionnels. Le <strong>nucléaire</strong> ne se développe<br />
pas dans un monde abstrait, mais dans <strong>et</strong> pour le<br />
monde des conflits. Or la plupart des conflits contemporains<br />
usent de moyens parfaitement classiques <strong>et</strong> souvent<br />
rudimentaires. L’un des échecs majeurs de la dernière<br />
décennie est de n’avoir pu, hors d’Europe, imposer<br />
aucun système crédible de désarmement, de contrôle<br />
des exportations ou des circulations d’armes classiques.<br />
C’est sans doute l’ensemble de ces dispositifs<br />
multilatéraux qu’il faut revoir, <strong>et</strong> installer au cœur du<br />
débat international, contre la tentation récurrente, qui<br />
n’est pas seulement américaine, des mirages de la puissance.<br />
Quel que soit l’objectif visé, désarmement<br />
<strong>nucléaire</strong> intégral, limitation du nombre des acteurs<br />
<strong>nucléaire</strong>s, insertion de ces acteurs dans des logiques<br />
stratégiquement contrôlables, c<strong>et</strong> objectif ne peut être<br />
poursuivi que collectivement. Sans illusion sur la moralité<br />
ou la rationalité humaines, mais sans désespérance.<br />
Après tout, la prolifération des acteurs <strong>nucléaire</strong>s an<strong>non</strong>cée<br />
dans les années 1960 n’a pas eu lieu. Les dangers<br />
sont peut-être aujourd’hui plus visibles ; mais nos<br />
moyens d’y parer sans doute plus efficaces. ■<br />
1) Pour une synthèse sur les périodes de prolifération, voir :<br />
Bruno Tertrais, « L’Europe face à la prolifération <strong>nucléaire</strong> »,<br />
in Gustav Lindstrom <strong>et</strong> Burkard Schmitt (dir.), Le défi de la prolifération<br />
— perspectives européennes, Paris, IES-UE, 2004.<br />
2) Sur la problématique générale des armes de destruction massive dans<br />
la période actuelle, voir : Thérèse Delpech, « Vers une nouvelle course<br />
aux armements <strong>non</strong>-conventionnels ? », in Thierry de Montbrial, Philippe<br />
Moreau-Defarges (dir.), RAMSES 2004, Paris, Dunod, 2003.<br />
3) Voir, au suj<strong>et</strong> des programmes d’armes de destruction massive<br />
irakiens, le dossier : « Les armes de l’Irak », in Politique étrangère,<br />
1-2004 ; sur le <strong>nucléaire</strong>, on consultera particulièrement la contribution<br />
de Michel Saint-Mleux, « Irak : les programmes <strong>nucléaire</strong>s ».<br />
4) Sur les eff<strong>et</strong>s du <strong>nucléaire</strong>, voir en particulier : Georges Le Guelte,<br />
Terrorisme <strong>nucléaire</strong> — Risque majeur, fantasme, ou épouvantail ?,<br />
Paris, Iris-Puf, 2003.<br />
5) Cf. Georges Le Guelte, op. cit., <strong>et</strong> Olivier Lepick, Jean-François Daguzan,<br />
Le terrorisme <strong>non</strong>-conventionnel, Paris, Puf, 2003.<br />
6) On peut ici se reporter à Burkard Schmitt (dir.), Nucléaire :<br />
le r<strong>et</strong>our d’un grand débat, Paris, IES-UE, 2001.