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L 'arme nucléaire : Totem et tabou - Alternatives non-violentes

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R evue trimestrielle • I S S N 0223-5498 P rintemps 2004 1 0,50 € 130<br />

A l t e r n a t i v e s<br />

<strong>non</strong>-<strong>violentes</strong><br />

dossiers • recherches • confrontations<br />

L’arme <strong>nucléaire</strong>:<br />

<strong>Totem</strong> <strong>et</strong> <strong>tabou</strong>


Créé en 1984,<br />

le Centre de Documentation<br />

<strong>et</strong> de Recherche sur la Paix<br />

<strong>et</strong> les Conflits (CDRPC) est<br />

un centre d’observation <strong>et</strong><br />

d’expertise indépendant.<br />

Le CDRPC effectue des<br />

recherches <strong>et</strong> diffuse de<br />

l’information sur les<br />

questions de défense <strong>et</strong> de<br />

sécurité tant auprès de la<br />

société civile que des<br />

principaux médias ou des<br />

responsables politiques.<br />

Il a pour objectif de<br />

favoriser une politique de<br />

transparence sur les<br />

activités militaires de<br />

la France <strong>et</strong> de l’Europe<br />

dans la perspective d’une<br />

démilitarisation progressive<br />

au plan international.<br />

O B S E R V A T O I R E<br />

des transferts d’armements<br />

C ENTRE DE DOCUMENTATION ET DE RECHERCHE<br />

SUR LA PAIX ET LES CONFLITS<br />

site Intern<strong>et</strong> : www.obsarm.org<br />

Deux observatoires ont été créés au sein du CDRPC :<br />

Observatoire des transferts d’armements<br />

Créé en 1994, c<strong>et</strong> observatoire axe ses travaux de recherche sur<br />

l’industrie d’armement, les livraisons d’armes, les mines<br />

antipersonnel <strong>et</strong> la politique militaire de la France.<br />

Observatoire des armes <strong>nucléaire</strong>s françaises<br />

Créé en 2000, c<strong>et</strong> observatoire place ses travaux de recherche<br />

dans la perspective de l’élimination des armes <strong>nucléaire</strong>s<br />

conformément aux vœux du Traité de <strong>non</strong>-prolifération.<br />

La documentation du<br />

Centre peut être consultée<br />

sur place <strong>et</strong> sur rendezvous<br />

de 9 h à 18 h, du<br />

lundi au vendredi.<br />

Pour garantir son indépendance, le<br />

CDRPC assure une partie de son financement<br />

par ses services <strong>et</strong> par la vente de ses<br />

publications. Il reçoit également le soutien<br />

de nombreux donateurs.<br />

Nous avons besoin de votre soutien financier pour<br />

continuer notre action. Devenez « amis du CDRPC »<br />

(adhésion 8 euros par an).<br />

Le CDRPC est animé par une équipe de salariés <strong>et</strong> de bénévoles<br />

(journaliste, chercheur, documentaliste, secrétariat) <strong>et</strong> un<br />

conseil d’administration.<br />

CENTRE DE DOCUMENTATION ET DE RECHERCHE SUR LA PAIX ET LES CONFLITS<br />

187, montée de Choulans - F-69005 Lyon • Tél : 04 78 36 93 03 • Fax : 04 78 36 36 83 • e-mail : cdrpc@obsarm.org


Publié avec le concours du<br />

Centre national du livre<br />

Éditorial<br />

L’arme <strong>nucléaire</strong> se conjugue de nos jours avec<br />

« totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong> » ! Elle nous protégerait <strong>et</strong><br />

tout le monde s’accorderait pour ne point<br />

l’évaluer, ni, le cas échéant, s’y opposer. Il est ahurissant,<br />

en eff<strong>et</strong>, que c<strong>et</strong>te arme de destruction<br />

massive ne soit jamais mise en débat lors des campagnes<br />

électorales. L’État français manque cruellement<br />

d’argent pour honorer les missions de l’Éducation<br />

nationale, de la Santé, de la Recherche civile…,<br />

mais le gouvernement Raffarin a réussi à faire<br />

augmenter le budg<strong>et</strong> de la Défense sans que personne<br />

ne bouge, tant il est vrai que l’UMP, l’UDF, le<br />

PS <strong>et</strong> le PC adoptent sensiblement la même longueur d’onde sur le suj<strong>et</strong>.<br />

Le comité de rédaction d’ANV a été saisi d’étonnement quand il s’est rendu<br />

compte que plus aucun de ses membres ne suivait de près le dossier du <strong>nucléaire</strong><br />

militaire. À l’époque des euromissiles, au début des années 1980, nous étions<br />

nombreux à faire des conférences, à animer des débats sur les problèmes de<br />

défense. Depuis la chute du mur de Berlin, fin 1989, plus personne d’entre nous<br />

n’a de compétence confirmée sur le <strong>nucléaire</strong> militaire. <strong>Totem</strong> <strong>et</strong> <strong>tabou</strong> ? Nenni,<br />

on s’est remis au travail, comme en témoigne ce numéro.<br />

Pourquoi plus personne ne parle-t-il en France de l’arme <strong>nucléaire</strong>, en dehors<br />

des irréductibles de Stop Essais <strong>et</strong> de quelques lieux indépendants trop peu<br />

connus, comme le CDRPC (Centre de documentation <strong>et</strong> de recherche sur la paix<br />

<strong>et</strong> les conflits, basé à Lyon) ? Peut-être parce que depuis l’abandon des essais en<br />

Polynésie, on s’imagine que l’État français ne fabrique <strong>et</strong> ne stocke plus d’arme<br />

<strong>nucléaire</strong> ! Elle est devenue totalement invisible. Elle ne se voit nulle part, même<br />

pas lors du défilé du 14 juill<strong>et</strong>, vitrine de l’arsenal militaire. Les Français s’imaginent<br />

peut-être que la dissuasion <strong>nucléaire</strong> a fait ses preuves dans le passé, <strong>et</strong><br />

que l’on peut s’y fier pour le futur. Or, stupéfaction, la doctrine de la stratégie de<br />

1<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong>


2<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong><br />

dissuasion <strong>nucléaire</strong> est de nos jours une coquille vide ! En quoi c<strong>et</strong>te stratégie<br />

<strong>nucléaire</strong> serait-elle capable de combattre le terrorisme, ce fléau qui n’a pas fini<br />

de secouer la planète ?<br />

À y regarder de plus près, la doctrine de dissuasion du faible au fort, de la France<br />

contre l’URSS d’antan, semble aussi inefficace que le fait de posséder l’arme<br />

<strong>nucléaire</strong> pour contrer l’action des groupes terroristes. La question éthique vient :<br />

est-il moralement acceptable de s’évertuer à posséder l’arme <strong>nucléaire</strong> classique<br />

(sous-marins, bombardiers, <strong>et</strong>c.) si elle ne promeut pas la sécurité des personnes<br />

? De fait, elle ne l’a jamais promue !<br />

La France — commençons par notre pays — dépense actuellement des sommes<br />

colossales en réalisant le laser Mégajoule près de Bordeaux. Là-bas, dans le<br />

grand secr<strong>et</strong>, on y préparera, en les expérimentant, des mininukes, terme américain<br />

pour désigner les futures p<strong>et</strong>ites bombes <strong>nucléaire</strong>s de terrain, que les USA,<br />

la Russie, la France… rêvent de posséder en premier. Le <strong>nucléaire</strong> militaire n’est<br />

pas abandonné, il change seulement de forme. Un vrai <strong>tabou</strong> !<br />

Par ailleurs, la course aux armements <strong>nucléaire</strong>s classiques se développe horizontalement<br />

puisque des États comme l’Inde, le Pakistan, Israël, <strong>et</strong> des pays dits<br />

« voyous », en sont munis. Demain, si les USA déploient leur système de défense<br />

antimissiles, la course redeviendra verticale, à y perdre la tête. Cela incline à<br />

penser que le totem est bien actuel, au détriment de la sécurité comme de la culture<br />

de <strong>non</strong>-violence.<br />

François VAILLANT<br />

L’ADRESSE DU SECRÉTARIAT D’ANV EST DÉSORMAIS :<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong>-<strong>violentes</strong><br />

Centre 308<br />

82, rue Jeanne-d’Arc - 76000 ROUEN<br />

Tél/Fax : 02 35 75 23 44<br />

anv.revue@wanadoo.fr


L’armement <strong>nucléaire</strong><br />

français du futur<br />

Dominique LALANNE*<br />

*Directeur de recherche à l’Institut national de physique <strong>nucléaire</strong> <strong>et</strong><br />

de physique des particules (CNRS).<br />

Le président de la République française a<br />

présenté notre nouvelle politique de<br />

défense en 2001, à l’Institut des hautes<br />

études de la défense nationale, puis une<br />

nouvelle loi de programmation militaire a<br />

été votée en 2002. La France s’engage<br />

dans un renouveau compl<strong>et</strong> de ses armes<br />

<strong>nucléaire</strong>s. Un grand dérapage idéologique<br />

<strong>et</strong> une relance de la course aux<br />

armements… Détails.<br />

Historiquement la « force de frappe » avait été conçue<br />

pour faire face à la menace de l’Union soviétique <strong>et</strong><br />

correspondre à la stratégie de la « dissuasion du faible au<br />

fort ». L’effondrement du bloc soviétique <strong>et</strong> la fin de la<br />

guerre froide pouvaient laisser penser que l’arme<br />

<strong>nucléaire</strong> devenait inutile, la menace ayant disparu. Mais<br />

ce serait trop simple <strong>et</strong> l’argumentaire officiel a donc dû<br />

évoluer pour justifier le maintien <strong>et</strong> le développement<br />

des armes <strong>nucléaire</strong>s.<br />

L’argumentaire officiel<br />

Le premier changement de doctrine a vu le jour au<br />

milieu des années 1990 en expliquant que, certes la<br />

France n’a plus d’ennemi, mais « on ne peut pas exclure<br />

dans le futur la reconstitution d’une puissance agressive 1 ».<br />

Cela s’est formalisé par une politique de « veille technologique<br />

» où il a été décidé de conserver l’arme <strong>nucléaire</strong><br />

en l’état, en supprimant les composantes dépassées, en<br />

particulier les missiles du plateau d’Albion, missiles stratégiques<br />

prévus pour atteindre l’URSS <strong>et</strong> devenus obsolètes.<br />

De même les missiles Pluton, <strong>et</strong> leur version plus<br />

moderne les Hadès, ont été supprimés car ils avaient<br />

pour cible l’ancienne Allemagne de l’Est. La fabrication <strong>et</strong><br />

la mise au point des armes <strong>nucléaire</strong>s étant bien maîtrisées<br />

par les militaires <strong>et</strong> scientifiques français, le site<br />

d’essais du Pacifique devenait inutile <strong>et</strong> l’abandon de<br />

3<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong>


4<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong><br />

Dominique Lalanne<br />

Moruroa pouvait servir de gage politique pour une diplomatie<br />

française présentée comme engagée, plus que<br />

d’autres, contre la prolifération <strong>nucléaire</strong>. D’autant plus<br />

que la France signait le Traité d’interdiction totale des<br />

essais <strong>nucléaire</strong>s (Ticen). Mais on arrivait alors à une<br />

contradiction entre une politique où l’on disait ne plus<br />

vouloir développer de nouvelles armes <strong>et</strong> la nécessité de<br />

conserver des personnes compétentes à ne rien faire.<br />

D’où la naissance de nouveaux proj<strong>et</strong>s de modernisation<br />

des armes dans une étape à moyen terme <strong>et</strong> même de<br />

recherche pure pour des armes futuristes dites « à<br />

fusion pure » pour le long terme. En complète contradiction<br />

avec le traité international de <strong>non</strong>-prolifération<br />

(TNP) qui engage la France à « l’élimination totale de son<br />

armement <strong>nucléaire</strong> ». Et, de plus, sans aucun débat<br />

démocratique.<br />

La doctrine stratégique s’est donc adaptée <strong>et</strong><br />

l’on arrive maintenant à assigner un autre objectif à notre<br />

« force de dissuasion ». Il faut « fournir la capacité de<br />

dommages inacceptables à tout État qui s’en prendrait à<br />

nos intérêts vitaux, en toutes circonstances <strong>et</strong> quelle que<br />

soit la localisation ou la nature des menaces ». Et plus<br />

précisément, « le choix ne serait plus entre l’anéantissement<br />

compl<strong>et</strong> d’un pays <strong>et</strong> l’inaction, les dommages auxquels<br />

s’exposerait un éventuel agresseur s’exerceraient<br />

en priorité sur ses centres de pouvoir politiques, économiques<br />

<strong>et</strong> militaires 1 ». On a quitté la doctrine de dissuasion<br />

pour adopter la doctrine de menace de guerre<br />

<strong>nucléaire</strong> sur un champ de bataille. Et cela<br />

est clairement visible dans les choix des<br />

options technologiques pour le<br />

moyen terme <strong>et</strong> le long terme.<br />

Les choix du moyen terme (2010-2020)<br />

C ’est un compl<strong>et</strong> renouvellement de toutes les composantes.<br />

Nouvelles têtes <strong>nucléaire</strong>s, nouveaux missiles,<br />

nouveau sous-marin. Il s’agit de se donner la capacité<br />

d’intervention sur des champs de batailles plus lointains,<br />

ainsi les nouveaux missiles iront plus vite (jusqu’à


L’armement <strong>nucléaire</strong> français du futur<br />

Arsenaux officiellement déclarés par les pays dits « <strong>nucléaire</strong>s »<br />

Nombres de têtes <strong>nucléaire</strong>s USA Russie France UK Chine<br />

Stratégiques 3 456 5 606 288 185 40<br />

Aéroportées 1 750 1 540 60 0 15<br />

Tactiques 1 670 2 050 0 0 220<br />

Les armes stratégiques sont dans des missiles de portée entre 5 000 km <strong>et</strong> 15 000 km.<br />

Les armes aéroportées sont dans des bombardiers (NGO Shadow Report, avril 2002, www.reachingcriticalwill.org).<br />

Les armes tactiques sont dans des missiles de portée inférieure à 5 000 km.<br />

NB.<br />

L’Otan déploie environ 150 bombes tactiques en Europe (Belgique, Allemagne, Grèce, Turquie <strong>et</strong> Angl<strong>et</strong>erre) ; (Rob Green, Cahier<br />

10, juin 2002, Observatoire des armes <strong>nucléaire</strong>s, www.obsarm.org).<br />

Les armes tactiques françaises (ASMP) ont été curieusement reclassées en 1990 comme « armes <strong>nucléaire</strong>s aéroportées ».<br />

L’accord Bush-Poutine (traité Sort) du 24 mai 2002 prévoit à l’horizon 2012 que le stock final d’armes stratégiques de la Russie<br />

<strong>et</strong> des USA doit être inférieur à 2 200 têtes. Les USA se réservent la possibilité de conserver leurs autres armes <strong>nucléaire</strong>s en<br />

« état de veille ». Aucun accord de vérification n’est prévu <strong>et</strong> les armes aéroportées <strong>et</strong> tactiques ne sont pas concernées.<br />

Les pays <strong>nucléaire</strong>s <strong>non</strong> officiellement déclarés, ni membres du TNP, n’ont évidemment pas donné l’état de leurs forces.<br />

On peut néanmoins l’estimer à (Cahier 12, Observatoire des armes <strong>nucléaire</strong>s, mars 2003, www.obsarm.org) :<br />

Inde : 30 à 40 têtes <strong>nucléaire</strong>s <strong>et</strong> 2 bombardiers de 7 000 km de rayon d’action ;<br />

Pakistan : 24 à 48 têtes <strong>nucléaire</strong>s <strong>et</strong> 32 bombardiers (type F16) <strong>et</strong> des missiles de portée 2 300 km ;<br />

Israël : 200 têtes <strong>nucléaire</strong>s, environ 300 bombardiers <strong>et</strong> plus de 60 missiles tactiques.<br />

Mach 8), devront être plus furtifs <strong>et</strong> avoir un plus grand<br />

rayon d’action (6 000 kilomètres). Comprenez : on doit<br />

pouvoir atteindre la Chine depuis le large du Cap Nord.<br />

Avec de nouveaux avions aussi, des « escadrons<br />

<strong>nucléaire</strong>s » de l’armée de l’air <strong>et</strong> de l’aéronavale seront<br />

progressivement équipés du missile ASMP-A sur Mirage<br />

2000N ou sur Rafale à partir de 2008. Les missiles transportant<br />

eux-mêmes de nouvelles têtes <strong>nucléaire</strong>s. Et bien<br />

sûr, un deuxième porte-avions perm<strong>et</strong>tra à c<strong>et</strong>te « force<br />

de dissuasion » d’être disponible sur tous les théâtres<br />

d’opérations de la planète.<br />

Pour ce faire il faut de nouveaux équipements<br />

pour la modélisation des nouvelles têtes <strong>nucléaire</strong>s. Il<br />

s’agit de deux « super-calculateurs » à Bruyères-le-Châtel<br />

dans la région parisienne <strong>et</strong> d’une machine pour radiographier<br />

les armes en train d’exploser avec des rayons X, la<br />

machine « Airix » située près de Reims à Moronvilliers. Là<br />

encore, on trompe le public, car l’argumentaire officiel de<br />

ces investissements est de garantir « la sûr<strong>et</strong>é <strong>et</strong> la fiabilité<br />

» de nos armes, ce qui ne peut pas être une justification,<br />

car (heureusement) « sûr<strong>et</strong>é <strong>et</strong> fiabilité » ont été garantis<br />

dans le passé ! Mais pour calculer de nouvelles performances,<br />

il faut bien investir dans ces deux secteurs. Les<br />

nouvelles idées <strong>et</strong> les nouvelles technologies sont modélisées<br />

dans un calculateur <strong>et</strong> ensuite on passe aux essais<br />

expérimentaux où l’on peut visualiser le comportement de<br />

5<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong>


6<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong><br />

Dominique Lalanne<br />

l’arme pendant l’explosion. Point n’est besoin d’explosion<br />

réellement <strong>nucléaire</strong> pour tester de nouveaux matériaux,<br />

de nouveaux composants électroniques ou de nouvelles<br />

configurations mécaniques, l’accélérateur Airix perm<strong>et</strong>tra<br />

de tout voir dans les instants très brefs de l’explosion qui<br />

allume les réactions <strong>nucléaire</strong>s, la charge fissile étant<br />

remplacée par un autre matériau, <strong>et</strong> de valider ainsi les<br />

nouvelles armes plus performantes.<br />

Les armes du futur champ de bataille<br />

Au début des années 1990, les Américains ont déjà<br />

réfléchi aux armes du futur. Et aux nouvelles<br />

recherches qu’il faut mener. Ils décident de construire un<br />

laser géant, le NIF (National Ignition<br />

Facility) en Californie pour créer de<br />

p<strong>et</strong>ites explosions à partir de deux isotopes<br />

de l’hydrogène. Ce qui se passe<br />

dans un bombe H mais qui est amorcé<br />

par une bombe A au plutonium. Les<br />

Français reprennent alors l’idée <strong>et</strong> décident<br />

le Mégajoule, copie presque conforme<br />

du NIF <strong>et</strong> qui s’implante près de<br />

Bordeaux.<br />

L’enjeu est d’importance. Dans<br />

une bombe <strong>nucléaire</strong> actuelle, il faut trois<br />

étages : le premier étage est une bombe chimique classique<br />

qui comprime le plutonium pour déclencher la<br />

réaction <strong>nucléaire</strong> de fission. C’est ce deuxième étage, la<br />

bombe <strong>nucléaire</strong> de plutonium (ou d’uranium 235), la<br />

bombe A, qui va être elle-même l’allum<strong>et</strong>te pour créer 10<br />

millions de degrés pendant un millionième de seconde<br />

au troisième étage composé d’isotopes de l’hydrogène<br />

(deutérium <strong>et</strong> tritium) qui vont constituer la bombe H.<br />

Mais le grand défaut de ces armes <strong>nucléaire</strong>s est précisément<br />

ce deuxième étage. Le plutonium (ou l’uranium) a<br />

besoin d’une « masse critique » pour fissionner (5 kg pour<br />

le Pu <strong>et</strong> 11 kg pour l’U235). Et donc on ne peut pas concevoir<br />

de p<strong>et</strong>ites bombes <strong>nucléaire</strong>s. Beaucoup plus p<strong>et</strong>it<br />

qu’Hiroshima (10 000 tonnes d’équivalent TNT) n’est pas<br />

possible. Mais si on savait allumer l’hydrogène avec un<br />

laser, on n’aurait plus ce problème d’allum<strong>et</strong>te-bombe A.<br />

La fusion de l’hydrogène ne connaît pas ce problème de<br />

masse critique. On pourrait donc faire une toute p<strong>et</strong>ite<br />

bombe <strong>nucléaire</strong>. Et en particulier on pourrait faire des<br />

bombes qui n’existent pas actuellement, de puissance<br />

comprise entre une tonne de TNT (les plus grosses<br />

bombes conventionnelles) <strong>et</strong> 1 000 tonnes de TNT (les<br />

plus p<strong>et</strong>ites bombes A). Donc des bombes utilisables sur<br />

un champ de bataille <strong>et</strong> <strong>non</strong> plus des bombes de menace<br />

d’apocalypse.<br />

Ainsi sans rien dire, on passe de l’idée de dissuasion<br />

<strong>nucléaire</strong> à l’idée de guerre <strong>nucléaire</strong>. Pour les<br />

Américains, le pas est fait depuis longtemps car en parallèle<br />

ils ont mis au point les plus p<strong>et</strong>ites bombes A possibles,<br />

dites mininukes, dans l’idée<br />

« Le plus étonnant de<br />

l’histoire est l’absence<br />

totale de débat<br />

démocratique sur<br />

ces orientations de<br />

recherches. »<br />

D. L.<br />

de perforer des bunkers enterrés.<br />

Lors des guerres d’Afghanistan <strong>et</strong><br />

d’Irak certains militaires américains<br />

ont souhaité essayer ces nouvelles<br />

armes. Pour les Français, la transition<br />

officielle de stratégie n’est toujours<br />

pas d’actualité. Les armes « à fusion<br />

pure » ne sont pas pour un avenir<br />

proche <strong>et</strong> les têtes <strong>nucléaire</strong>s<br />

actuelles font 100 000 tonnes de TNT<br />

<strong>et</strong> sont donc trop puissantes pour<br />

être utilisées sur un champ de bataille. Mais l’infléchissement<br />

stratégique est tout de même perceptible,<br />

comme on l’a vu dans le discours de Jacques Chirac.<br />

Le Mégajoule<br />

Au Barp, près de Bordeaux, ce sont des laboratoires de<br />

plusieurs centaines de mètres de long qu’il faut<br />

construire pour abriter les 240 lasers de puissance qui<br />

devront tirer en un millionième de seconde sur une p<strong>et</strong>ite<br />

sphère d’un millième de gramme d’hydrogène congelé…<br />

Une performance jamais encore réalisée. Ainsi l’hydrogène<br />

se m<strong>et</strong> à fusionner pour donner de l’hélium <strong>et</strong>


eaucoup de neutrons. La température atteinte est de<br />

dix millions de degrés. L’explosion correspond à cinq<br />

kilos de TNT. Pendant un bref instant est reproduit ce qui<br />

se passe dans le soleil en permanence, mais qui est<br />

contenu au cœur du soleil par sa masse considérable, le<br />

soleil étant une boule d’hydrogène de 1 million de kilomètres<br />

de diamètre.<br />

L’enjeu scientifique est la compréhension du processus<br />

d’allumage entre le tout début <strong>et</strong> l’embrasement<br />

compl<strong>et</strong>. Il faudra bien dix à quinze ans pour comprendre<br />

ces phénomènes, on sera alors vers 2025, puis quinze à<br />

vingt ans pour trouver les lasers rapides <strong>et</strong> moins encombrants<br />

pour en faire des bombes transportables, on sera<br />

L’armement <strong>nucléaire</strong> français du futur<br />

alors en 2040, restera alors à faire les essais <strong>et</strong> les<br />

bombes pour une nouvelle panoplie en 2050… On pourrait<br />

peut-être gagner du temps en combinant des<br />

recherches sur d’autres aspects, c’est le cas par exemple<br />

avec le laser Pétawatt qui va être couplé au Mégajoule <strong>et</strong><br />

qui envoie des impulsions de lumière mille fois plus<br />

courtes que celles du Mégajoule <strong>et</strong> qui pourraient ellesmêmes<br />

servir d’allum<strong>et</strong>te au Mégajoule…<br />

Le plus étonnant de l’histoire est l’absence totale<br />

de débat démocratique sur ces orientations de<br />

recherches. La Direction des applications militaires<br />

(Dam) du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) qui<br />

pilote ce proj<strong>et</strong> n’avoue d’ailleurs pas toutes les raisons<br />

de ses recherches. Elle évite même d’évoquer qu’il y a<br />

une réelle explosion <strong>nucléaire</strong>. Officiellement il s’agit de<br />

« simulation »… La publicité locale sur l’avenir de la<br />

région <strong>et</strong> la nouvelle « Silicon Valley des lasers » créée en<br />

Aquitaine, va même jusqu’à faire oublier que l’entreprise<br />

est purement militaire puisqu’on l’ouvrira un peu à<br />

d’autres scientifiques qui s’intéressent au fonctionnement<br />

des étoiles…<br />

Le Mégajoule viole les traités<br />

signés par la France<br />

L<br />

’article VI du Traité de <strong>non</strong>-prolifération (TNP) précise :<br />

« Chacune des Parties du Traité s’engage à poursuivre<br />

de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces<br />

relatives à la cessation de la course aux armes <strong>nucléaire</strong>s<br />

à une date rapprochée <strong>et</strong> au désarmement <strong>nucléaire</strong>, <strong>et</strong><br />

sur un traité de désarmement général <strong>et</strong> compl<strong>et</strong> sous un<br />

contrôle international strict <strong>et</strong> efficace. » Ce traité, en<br />

vigueur depuis 1970, a été ratifié par la France en 1992.<br />

La construction du Mégajoule est manifestement en<br />

contradiction avec l’esprit du TNP puisqu’il signifie que<br />

l’armement <strong>nucléaire</strong> français est pérennisé au moins<br />

pour une période d’une cinquantaine d’années.<br />

Le Ticen, traité sur les essais dont on a déjà parlé,<br />

déclare dans l’article I : « Chaque État partie s’engage à ne<br />

7<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong>


8<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong><br />

Dominique Lalanne<br />

pas effectuer d’explosion expérimentale d’arme <strong>nucléaire</strong><br />

ou d’autre explosion <strong>nucléaire</strong> [souligné par l’auteur],<br />

<strong>et</strong> à empêcher toute explosion de c<strong>et</strong>te nature en tout lieu<br />

placé sous sa juridiction ou son contrôle. » Ce traité a été<br />

ratifié par la France en 1998. Or la définition officielle<br />

adoptée par le département de l’Énergie (DOE) aux États-<br />

Unis pour une explosion <strong>nucléaire</strong> est « un dégagement<br />

d’énergie initié par un processus <strong>nucléaire</strong> pendant une<br />

période de temps de l’ordre de la microseconde <strong>et</strong> qui est<br />

équivalent au dégagement d’énergie correspondant à<br />

l’explosion de 4 pounds [soit 1,8 kg] de TNT ou plus (DOE<br />

order 452, 1a appendix : definitions, 7) ». En France, nous<br />

n’avons pas de définition d’une explosion <strong>nucléaire</strong>, heureusement<br />

peut-être… Le Mégajoule viole donc l’esprit du<br />

Ticen de façon évidente. Les Américains avec le NIF ont<br />

été plus prudents puisqu’ils n’ont pas ratifié le Ticen.<br />

Les tendances inquiétantes<br />

Jacques Chirac a déclaré : « La dissuasion française est<br />

restreinte à la stricte suffisance compatible avec notre<br />

sécurité 1 . » On peut alors se poser des questions. Est-il<br />

vraiment indispensable de conserver 350 bombes qui font<br />

chacune dix fois Hiroshima ? Et de moderniser tout notre<br />

arsenal comme il est prévu ? Les Anglais ont presque deux<br />

fois moins de têtes <strong>nucléaire</strong>s, se contentent d’un seul<br />

sous-marin <strong>et</strong> ont abandonné la composante aéroportée.<br />

Et ne prévoient pas de modernisation. Notre notion de<br />

sécurité ne doit-elle pas être pensée avec les Anglais <strong>et</strong><br />

plus généralement avec l’Europe ?<br />

Mais le comportement de l’Union européenne<br />

peut aussi nous inquiéter. Le 15 juin 2003, les ministres<br />

des Affaires étrangères de l’UE, suite au rapport de Javier<br />

Solana, responsable de la politique étrangère de l’UE ont<br />

décidé d’une nouvelle stratégie contre les armes de destruction<br />

massive : « En dernier ressort il pourra être utilisé<br />

des mesures coercitives, sous la responsabilité des<br />

Nations unies, incluant l’usage de la force, pour prévenir<br />

la prolifération d’armes biologiques, chimiques ou<br />

<strong>nucléaire</strong>s. » C<strong>et</strong>te position a été entérinée au Conseil de<br />

l’Europe des 12 <strong>et</strong> 13 décembre 2003. Ce n’est plus très<br />

loin de la position des États-Unis qui prônent maintenant<br />

la guerre préventive (sans l’aval des Nations unies, il est<br />

vrai) pour lutter contre la prolifération. On est passé d’une<br />

politique de <strong>non</strong>-prolifération, que le TNP était censé<br />

encadrer, à une politique de contre-prolifération où certains<br />

se chargent d’intervenir militairement contre un État<br />

potentiellement proliférant. Et sans contrepartie de désarmement<br />

<strong>nucléaire</strong> général, au contraire même. De façon<br />

caricaturale, aux États-Unis, le proj<strong>et</strong> « Vision 2020 » prévoit<br />

que les Américains accentuent leur position militaire<br />

dominante dans tous les domaines, y compris dans l’espace,<br />

pour « défendre les intérêts américains ».<br />

Conclusions<br />

S ommes-nous condamnés à vivre avec des armes<br />

<strong>nucléaire</strong>s ? La situation présente est bien sombre <strong>et</strong><br />

laisse présager une réponse positive. Pourtant il existe un<br />

traité international, le TNP, qui a été confirmé solennellement<br />

en l’an 2000 par tous les États signataires : « Il s’agit<br />

d’un engagement sans équivoque <strong>et</strong> pour un désarmement<br />

<strong>nucléaire</strong> total. » Ce traité <strong>et</strong> ces engagements vontils<br />

résister à la nouvelle course aux armements <strong>nucléaire</strong>s<br />

engagée par les États-Unis <strong>et</strong> où la France prend aussi un<br />

rôle de leader ? La réponse dépendra en grande partie de<br />

la pression des peuples, des ONG, de l’opinion publique


mondiale. Et pour nous, en France, le suj<strong>et</strong> devrait être<br />

mis sur la place publique, faire l’obj<strong>et</strong> d’une vraie confrontation<br />

avec nos hommes politiques, discuté dans nos<br />

médias. Ce n’est pas encore le cas. ■<br />

Genève, le 30 avril 2003<br />

L’humanité entre à présent dans l’étape finale<br />

d’une décision cruciale. Pendant cinquante ans <strong>et</strong> spécialement<br />

depuis 1989, la question suivante a été posée : les<br />

armes <strong>nucléaire</strong>s vont-elles être éliminées, ou chaque État<br />

ayant les capacités suffisantes cherchera-t-il à posséder la<br />

sienne ? En 1998, l’Inde <strong>et</strong> le Pakistan ont décidé qu’il leur<br />

était nécessaire de se doter d’armes <strong>nucléaire</strong>s afin de<br />

garantir leur indépendance. Il existe trente-cinq pays dans<br />

le monde avec des programmes <strong>nucléaire</strong>s d’envergure<br />

mais sans arme <strong>nucléaire</strong>. Si certains, même une part infime,<br />

de ces États devenaient des puissances <strong>nucléaire</strong>s,<br />

l’option d’un désarmement <strong>nucléaire</strong> disparaîtrait virtuellement,<br />

<strong>et</strong> les risques d’utilisation des armes <strong>nucléaire</strong>s<br />

augmenteraient. Le gouvernement des États-Unis poursuit<br />

actuellement le développement de « mini » armes<br />

<strong>nucléaire</strong>s, dites « utilisables », <strong>et</strong> s’est publiquement<br />

réservé le droit d’utiliser celles-ci dans des situations spécifiques<br />

telles qu’en « cas de développements militaires<br />

surprenants ». […]<br />

C’est pour cela qu’il incombe au reste du monde,<br />

à la grande majorité de la communauté internationale,<br />

de se dresser maintenant pour dire à nos chefs militaires<br />

que nous refusons d’être menacés ou protégés par les<br />

armes <strong>nucléaire</strong>s. Nous refusons de vivre dans un<br />

monde de peur <strong>et</strong> de haine continuellement recyclées.<br />

Nous refusons de nous voir les uns les autres comme des<br />

L’armement <strong>nucléaire</strong> français du futur<br />

1) Discours de Jacques Chirac, président de la République à l’Institut de<br />

hautes études de défense nationale, 8 juin 2001.<br />

Intervention de M. Tadatoshi Akiba,<br />

maire d’Hiroshima devant les ambassadeurs représentant les États participant<br />

à la Conférence « PrepCom » sur la révision du TNP (Traité de <strong>non</strong>-prolifération des armes <strong>nucléaire</strong>s)<br />

ennemis. Nous refusons de coopérer à notre propre éradication.<br />

[…]<br />

Nous demandons le démantèlement <strong>et</strong> la destruction<br />

de toutes les armes <strong>nucléaire</strong>s <strong>et</strong> que le matériel<br />

radioactif soit entreposé le plus rapidement de la manière<br />

la plus sûre possible, simultanément nous demandons<br />

le démantèlement de tous les vecteurs, des installations<br />

de production, des sites de tests <strong>et</strong> des laboratoires.<br />

Nous demandons que toutes les nations laissent leur<br />

porte ouverte sans condition aux inspecteurs de l’ONU<br />

mandatés pour garantir que toutes les armes <strong>et</strong> tous les<br />

programmes d’assemblage de ces armes ont été pris en<br />

compte <strong>et</strong> démantelés. Tous les États devront déclarer<br />

tout ce qui se rapporte à ces activités <strong>et</strong> m<strong>et</strong>tre leurs<br />

satellites <strong>et</strong> leurs autres moyens techniques à disposition<br />

des inspecteurs. […]<br />

En résumé, ce que nous demandons ici <strong>et</strong> maintenant,<br />

c’est qu’à l’occasion de la révision du TNP<br />

en 2005, vous saisissiez c<strong>et</strong>te opportunité de passer par<br />

un vote majoritaire, sans tenir compte des États qui s’y<br />

opposeraient, un appel pour cesser l’état d’alerte de<br />

toutes les armes <strong>nucléaire</strong>s, pour une action sans équivoque<br />

vers le démantèlement <strong>et</strong> la destruction de toutes<br />

les armes <strong>nucléaire</strong>s conformément à un calendrier clairement<br />

libellé, de même qu’un appel à des négociations<br />

sur une Convention des armes <strong>nucléaire</strong>s qui établirait un<br />

programme irréversible <strong>et</strong> vérifiable pour la complète élimination<br />

de ces armes. […]<br />

9<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong>


10<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong><br />

Dominique Lalanne<br />

Le temps est venu d’aller au-delà des mots, de la<br />

raison d’État <strong>et</strong> des traités <strong>non</strong> contraignants. Le temps<br />

est venu d’imposer des sanctions économiques aux pays<br />

qui insistent pour maintenir des armes <strong>nucléaire</strong>s. Le<br />

temps est venu d’utiliser les manifestations, les marches,<br />

les grèves, les boycotts <strong>et</strong> tous les moyens <strong>non</strong>-violents<br />

à notre disposition pour s’opposer à la destruction de<br />

nos frères <strong>et</strong> sœurs, de notre habitat, <strong>et</strong> à l’extermination<br />

de notre espèce. […]<br />

L’abolition des armes <strong>nucléaire</strong>s n’est en aucun<br />

cas moins importante que l’abolition de l’esclavage.<br />

Nous ne nous battons pas juste contre une technologie<br />

ou une arme. Comme l’a dit Martin Luther King Junior,<br />

nous combattons les armes <strong>nucléaire</strong>s dans nos esprits.<br />

Nous combattons l’idée que n’importe qui pourrait, pour<br />

une raison qu’il estime légitime, provoquer un holocauste<br />

<strong>nucléaire</strong>. Nous combattons l’idée même qu’un p<strong>et</strong>it<br />

groupe d’hommes puissants se donne la capacité de<br />

lancer Armaggedon. Nous combattons l’idée de devoir<br />

dépenser des milliards de dollars en surarmement alors<br />

que des milliards d’entre nous vivent dans des conditions<br />

d’extrême pauvr<strong>et</strong>é. […]<br />

Vous entendrez bientôt parler d’une nouvelle<br />

campagne pour l’abolition des armes <strong>nucléaire</strong>s. Les<br />

villes d’Hiroshima <strong>et</strong> Nagasaki, soutenues par la<br />

Conférence mondiale des maires pour la paix 1 , qui représente<br />

539 villes 2 <strong>et</strong> une population de plus de 250 millions<br />

d’individus à travers le monde, travaillent avec<br />

chaque personne désireuse d’aider à dessiner, développer<br />

<strong>et</strong> implanter c<strong>et</strong>te campagne. […]<br />

Traduction AFCDRP<br />

1) Réseau « Mayors For Peace ».<br />

2) Une dizaine de collectivités locales françaises ayant récemment<br />

adhéré à l’AFCDRP, branche française de « Mayors For Peace »,<br />

viennent s’ajouter à ce total.<br />

Les premiers commentaires<br />

après Hiroshima<br />

Dans Combat du 8 août 1945, Albert Camus<br />

constate qu’il est pratiquement le seul à oser s’indigner<br />

contre l’afflux de commentaires enthousiastes célébrant<br />

la découverte scientifique « qui se m<strong>et</strong> d’abord au<br />

service de la plus effroyable rage de destruction dont<br />

l’homme ait fait preuve depuis des siècles ».<br />

Dans Le Figaro du 8 août, Georges Ravani<br />

exprime son angoisse devant la force atomique <strong>et</strong> fait<br />

preuve d’une certaine ironie à l’encontre de tous ceux<br />

qui veulent se persuader, eux-mêmes <strong>et</strong> les autres, que<br />

la bombe atomique « sera la garantie de la paix ».<br />

Dans Le Parisien libéré du 8 août, André<br />

Labarthe, répondant indirectement à Combat, entonne<br />

un hymne à la réussite technique <strong>et</strong> au progrès ; il souhaite<br />

voir la France se placer dans un bon rang dans la<br />

conquête des bienfaits de l’atome.<br />

Dans L’Aurore du 8 août, Jean Pio pose le problème<br />

du déséquilibre entre les puissances qui ne possèdent<br />

pas toutes la bombe atomique. C<strong>et</strong>te « der des<br />

der » sera-t-elle suivie d’une autre guerre, comme ce<br />

fut le cas en 1918 ?<br />

Le Monde du 11 août rapporte le discours du<br />

président Truman, dans lequel, le 10 août, il dit : « La<br />

bombe atomique est trop dangereuse pour être<br />

confiée à un monde sans loi. C’est pourquoi la Grande-<br />

Br<strong>et</strong>agne, les États-Unis <strong>et</strong> le Canada, qui ont le secr<strong>et</strong><br />

de sa production, n’ont pas l’intention de le révéler […].<br />

Nous devons nous constituer nous-mêmes en dépositaire<br />

de c<strong>et</strong>te nouvelle force, afin d’éviter qu’il n’en soit<br />

fait un dangereux usage, <strong>et</strong> d’en orienter l’utilisation<br />

pour le bien de l’humanité. » ■<br />

Extrait du document Hiroshima : la bombe, Paris,<br />

La Documentation française, 1986, pp. 14-15.


Budg<strong>et</strong> <strong>nucléaire</strong> :<br />

derrière les chiffres,<br />

le déficit démocratique<br />

Bruno BARRILLOT*<br />

* Directeur de l’Observatoire des armes <strong>nucléaire</strong>s françaises/CDRPC<br />

Auteur de Audit atomique. Le coût de l’arsenal <strong>nucléaire</strong> français.<br />

1945-2010, Les études du CDRPC, Lyon, 1999, 376 pages. Disponible<br />

auprès du CDRPC contre 27,50 euros (port compris).<br />

Plusieurs milliards d’euros sont engloutis<br />

chaque année par la France dans le budg<strong>et</strong><br />

du <strong>nucléaire</strong> militaire. Le secr<strong>et</strong> militaire<br />

explique-t-il à lui seul le silence sur c<strong>et</strong>te<br />

colonne budgétaire ?<br />

a défense de la France n’a pas de prix. » C’est ainsi,<br />

« Ldit-on, que le général de Gaulle justifiait au début<br />

des années 1960 les dépenses somptuaires — jusqu’à<br />

60 % des dépenses d’équipement militaire — pour sa force<br />

de frappe. Même si, avec 20 % de ces mêmes dépenses,<br />

nous n’en sommes plus là en 2004, la conduite du domaine<br />

touchant à l’armement <strong>nucléaire</strong> reste l’apanage du chef de<br />

l’État <strong>et</strong> les questions budgétaires sont alors considérées<br />

comme secondaires. Nous sommes toujours à l’âge de la<br />

monarchie <strong>nucléaire</strong> <strong>et</strong> toute remise en cause de la dissuasion<br />

relève du crime de lèse-majesté.<br />

On comprendra donc que les commentaires sur<br />

l’armement <strong>nucléaire</strong> qui ponctuent notre système parlementaire<br />

— lois de programmation militaire <strong>et</strong> débats<br />

budgétaires annuels — apparaissent comme des discours<br />

courtisans se référant sans cesse à la parole du<br />

monarque… Le principe même de la force de frappe<br />

constitue une parenthèse de notre système démocratique<br />

ou, plus crûment, il s’agit d’un domaine « hors la<br />

loi », c’est-à-dire hors contrôle du Parlement. On aurait<br />

tort de croire que ce comportement a été le seul fait des<br />

« godillots » de la période gaulliste. Il s’est poursuivi<br />

tout au long de la Cinquième République. Ainsi, lors du<br />

vote du budg<strong>et</strong> de la défense pour 2004, quelques députés<br />

de l’opposition ont tenté de rem<strong>et</strong>tre en cause la<br />

coûteuse modernisation de nos forces <strong>nucléaire</strong>s ; la<br />

ministre de la Défense, <strong>et</strong> les présidents des commissions<br />

concernées, se sont alors référés au discours du<br />

président de la République du 8 juin 2001 qui constitue,<br />

jusqu’à nouvel ordre, l’alpha <strong>et</strong> l’oméga de la position<br />

française sur l’arme <strong>nucléaire</strong>.<br />

Comment expliquer c<strong>et</strong>te absence de débat ?<br />

11<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong>


12<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong><br />

Bruno Barrillot<br />

Il y a ceux qui invoquent l’histoire<br />

La France, sortant quasiment anéantie de la Deuxième<br />

Guerre mondiale, a voulu — sous la direction du<br />

« général libérateur » — se doter de c<strong>et</strong>te arme des<br />

Grands qui venait de clore les combats d’Extrême-Orient.<br />

Désormais, une nouvelle ligne Maginot <strong>nucléaire</strong> allait<br />

devenir le rempart de la survie nationale. De r<strong>et</strong>our au<br />

pouvoir, en 1958, le général président allait définir la<br />

« dissuasion du faible au fort », c<strong>et</strong>te fronde du p<strong>et</strong>it<br />

David gaulois face au monde entier (« tous azimuts »)<br />

puis, avec plus de réalisme, face au Goliath soviétique.<br />

Comment pourrait-on se perm<strong>et</strong>tre de rem<strong>et</strong>tre en cause<br />

ce que le fondateur de la Cinquième République avait<br />

conçu pour sauver la France d’un naufrage diplomatique<br />

— « la grandeur de la France » — <strong>et</strong> possiblement d’un<br />

écrasement militaire face à un déferlement des chars<br />

russes à nos frontières ?<br />

Les successeurs du général — présidents <strong>et</strong><br />

régimes de droite comme de gauche — ont donc poursuivi<br />

sans sourciller la même politique <strong>nucléaire</strong>, présentée<br />

comme le pilier de la politique de défense de la<br />

France. Le consensus s’est tellement bien organisé entre<br />

les partis de gouvernement que tout débat apparaît<br />

comme inutile <strong>et</strong> hors suj<strong>et</strong>. Ainsi, lors de la discussion<br />

du budg<strong>et</strong> de la défense pour 2004 à l’Assemblée nationale,<br />

un député socialiste — Gilbert Le Bris — qui venait<br />

de se distinguer par des critiques sur les dépenses<br />

<strong>nucléaire</strong>s, s’est-il vu rem<strong>et</strong>tre en place par la ministre de<br />

la Défense UMP, le renvoyant aux propos précédents d’un<br />

de ses collègues socialiste — Jean-Michel Boucheron —<br />

plutôt pro-<strong>nucléaire</strong>.<br />

Il y a ceux qui invoquent<br />

le secr<strong>et</strong> militaire<br />

Le secr<strong>et</strong> est conçu comme le fondement même de la<br />

théorie de la dissuasion. En 2004, des questions se<br />

posent à propos des recherches sur les armes <strong>nucléaire</strong>s<br />

miniaturisées utilisables sur le champ de bataille (voir<br />

l’article précédent). D’une stratégie de dissuasion, on<br />

glisserait vers une doctrine d’emploi. Ce n’est donc plus<br />

une « nuance » mais un bouleversement ! Le débat démocratique<br />

exigerait que les citoyens disposent de précisions<br />

sur ces prétextes technologiques — la modernisation<br />

— qui dicteraient le changement de doctrine. Pas du<br />

tout ! répond encore Jean-Michel Boucheron devant ses<br />

collègues de l’Assemblée nationale : « La dissuasion<br />

exige désormais que l’on soit capable d’atteindre les


auteurs d’une agression majeure sans entraîner les<br />

dégâts collatéraux rendant la riposte politiquement<br />

impossible. Faut-il pour autant préciser les modes <strong>et</strong> les<br />

conditions d’emploi de notre force ? Surtout pas ! La <strong>non</strong>définition<br />

du concept éventuel d’emploi<br />

des armes fait partie de la dissuasion<br />

(séance du 4 novembre 2003). »<br />

Comme par voie de conséquence,<br />

au secr<strong>et</strong> attaché à la doctrine, on<br />

ajoute le secr<strong>et</strong> sur les technologies<br />

mises en œuvre <strong>et</strong> leurs finalités <strong>et</strong><br />

finalement on en arrive au secr<strong>et</strong> budgétaire<br />

aménagé sous forme de formulations<br />

de lignes budgétaires aussi<br />

vagues <strong>et</strong> imprécises que « études<br />

amont », « études technico-opérationnelles<br />

», <strong>et</strong>c., qui sont loin d’être des<br />

« bricoles » puisque certaines portent<br />

sur plusieurs dizaines de millions d’euros<br />

dans le budg<strong>et</strong> 2004. Les rapports<br />

parlementaires concernés, pas plus<br />

que les débats dans les Assemblées ou<br />

dans les commissions de la défense ne<br />

perm<strong>et</strong>tent d’élucider les mystères de ces dépenses<br />

parce qu’aucun député ou sénateur n’aura demandé<br />

d’éclaircissements. Par ce biais pervers, on se r<strong>et</strong>rouve<br />

plusieurs décennies en arrière — sous la Quatrième<br />

République — lorsque les budg<strong>et</strong>s pour la bombe<br />

étaient secr<strong>et</strong>s <strong>et</strong> attribués directement au<br />

Commissariat à l’énergie atomique par le président du<br />

Conseil sans aucun vote parlementaire.<br />

Si le contrôle n’est pas possible en raison du<br />

secr<strong>et</strong> défense, il est également difficilement réalisable<br />

de manière indépendante par les parlementaires puisque<br />

les commissions de la défense des assemblées n’ont à<br />

leur disposition que les informations fournies par le<br />

ministère de la Défense ! Par exemple, quand les prévisions<br />

sur le coût du programme laser Mégajoule — installation<br />

majeure qui, selon le député René Galy Dejean,<br />

« place la France à égalité avec les États-Unis » — passent<br />

d’une année à l’autre du simple au double, person-<br />

« Pour l’année 2004,<br />

les crédits d’équipement<br />

militaire pour<br />

l’armement <strong>nucléaire</strong><br />

se montent à quelque<br />

3,11 milliards d’euros,<br />

soit 20,9 % du budg<strong>et</strong><br />

d’équipement global de<br />

la défense. Ces crédits<br />

ont augmenté de 25 %<br />

depuis trois ans. » B. B.<br />

Budg<strong>et</strong> <strong>nucléaire</strong> : derrière les chiffres, le déficit démocratique<br />

ne parmi les parlementaires ne réagit, <strong>et</strong> les prévisions<br />

portent sur plusieurs milliards d’euros !<br />

Il y a ceux qui invoquent les<br />

emplois dans la recherche<br />

<strong>et</strong> dans l’industrie<br />

Pour l’année 2004, les crédits d’équipement<br />

militaire pour l’armement<br />

<strong>nucléaire</strong> se montent à quelque<br />

3,11 milliards d’euros, soit 20,9 % du<br />

budg<strong>et</strong> d’équipement global de la<br />

défense. Ces crédits ont augmenté de<br />

25 % depuis trois ans. Ajoutons que<br />

ces dépenses ne prennent pas en<br />

compte le fonctionnement des unités<br />

militaires chargées de « servir » les<br />

armes <strong>nucléaire</strong>s <strong>et</strong> encore moins des<br />

sommes considérables qu’il faudra<br />

consacrer, le moment venu (les armes<br />

<strong>nucléaire</strong>s deviennent en eff<strong>et</strong> rapidement<br />

obsolètes), pour démanteler les ogives <strong>et</strong> gérer la<br />

dépollution des installations. Il s’agit donc de sommes<br />

tout à fait exorbitantes que les principaux bénéficiaires<br />

défendent bec <strong>et</strong> ongles.<br />

Le Commissariat à l’énergie atomique bénéficie<br />

ainsi d’une manne annuelle (1,3 milliards d’euros en<br />

2004) — pour faire la bombe — qui lui perm<strong>et</strong> de maintenir<br />

environ quatre mille postes de chercheurs. C’est le<br />

CEA qui, pratiquement, fixe les prix de ses prestations<br />

<strong>nucléaire</strong>s en concertation avec quelques experts du<br />

ministère de la Défense. Pour justifier ces crédits mirobolants,<br />

l’habitude du CEA est d’invoquer les « r<strong>et</strong>ombées »<br />

pour la recherche civile. L’argument fait trop souvent<br />

mouche dans les milieux de la recherche qui — c’est d’actualité<br />

— se battent pour conserver des budg<strong>et</strong>s dignes<br />

d’un grand pays industriel. Hélas, chacun peut savoir que<br />

les grands centres de recherche militaire du CEA ne sont<br />

pas des pôles d’attraction universitaires : le Centre CEA<br />

13<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong>


14<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong><br />

Bruno Barrillot<br />

de Valduc (où se fabriquent les têtes <strong>nucléaire</strong>s) n’a pas<br />

généré un flux d’étudiants scientifiques dans la région<br />

dijonnaise, le centre CEA du Ripault (où se fabriquent les<br />

éléments chimiques des bombes) n’a pas généré un<br />

« couloir de la chimie » dans la région de Tours ; de<br />

même, le centre CEA du Barp avec son laser Mégajoule<br />

ne sera pas plus générateur d’une « Silicon Valley » au<br />

sud de Bordeaux. Les civils sont admis pour participer à<br />

la recherche duale, mais dès qu’on approche des applications<br />

militaires, ils sont systématiquement exclus en<br />

raison du secr<strong>et</strong> <strong>et</strong> au nom de la lutte contre la prolifération<br />

<strong>nucléaire</strong>.<br />

Quant aux emplois industriels, il est clair que,<br />

dans le marasme actuel qui touche les industries d’armement,<br />

n’importe quelle entreprise qui participe à la<br />

constitution des composantes de l’arsenal <strong>nucléaire</strong> —<br />

sous-marins, missiles, avions — se battra pour conserver<br />

sa clientèle étatique. DCN, Dassault Aviation, EADS,<br />

Thales, SNPE ont quasiment le monopole sur les composantes<br />

de la force de dissuasion française. Toutes ces<br />

entreprises défendent donc leurs intérêts auprès des<br />

« décideurs » gouvernementaux au nom du maintien de<br />

l’emploi.<br />

Il y a ceux qui invoquent<br />

la place de la France dans le monde<br />

Un des piliers de la diplomatie française s’appuie sur<br />

sa place de membre permanent du Conseil de sécurité<br />

des Nations unies où se r<strong>et</strong>rouvent à ses côtés les<br />

quatre autres puissances <strong>nucléaire</strong>s « officielles » —<br />

États-Unis, Russie, Grande-Br<strong>et</strong>agne <strong>et</strong> Chine. Bien que<br />

la France ait effectué quelques pas vers le désarmement<br />

<strong>nucléaire</strong> : adhésion au traité de <strong>non</strong>-prolifération en<br />

1992, puis au traité d’interdiction complète des essais<br />

<strong>nucléaire</strong>s en 1996, tout semble actuellement bloqué<br />

dans c<strong>et</strong>te direction. Dans l’état d’esprit de nos diplomates,<br />

il n’est pas opportun de se désengager de l’arme<br />

<strong>nucléaire</strong>. Le sénateur Jean Faure, présentant le budg<strong>et</strong><br />

de la dissuasion pour 2004, écrit : « L’environnement<br />

international, marqué par l’apparition d’États nouvellement<br />

dotés de capacités <strong>nucléaire</strong>s <strong>et</strong> par les risques liés<br />

à la prolifération des armes de destruction massive <strong>et</strong><br />

des missiles balistiques conforte pleinement la politique<br />

française. » Ainsi, plutôt que de poursuivre une politique<br />

de <strong>non</strong>-prolifération <strong>et</strong> d’interdiction de l’arme <strong>nucléaire</strong><br />

pour un monde plus sûr, la France préfère conserver <strong>et</strong><br />

moderniser son arsenal pour rester dans le « club » des<br />

Grands.


Le <strong>nucléaire</strong>, parent pauvre<br />

de notre démocratie<br />

Malgré les rappels à l’ordre au nom de la « continuité<br />

de notre concept de la dissuasion », quelques voix<br />

s’élèvent dans la classe politique pour poser la question<br />

d’un réaménagement des composantes <strong>nucléaire</strong>s. Le<br />

débat budgétaire pour 2004 à propos de la « modernisation<br />

» est ponctué d’expressions dénotant un certain<br />

malaise des parlementaires face à l’inadaptation du<br />

<strong>nucléaire</strong> aux besoins de sécurité de la planète. Dans la<br />

majorité, on parle « d’adapter notre réponse à l’importance<br />

du conflit » ou on affirme que le choix de la modernisation<br />

« n’interdit pas toute évolution », selon les propos<br />

d’Antoine Carré, rapporteur UMP du budg<strong>et</strong> <strong>nucléaire</strong><br />

à l’Assemblée nationale. Du côté de l’opposition, Paul<br />

Quilès, au nom de certains socialistes, va jusqu’à<br />

rem<strong>et</strong>tre en cause la modernisation : « Pourquoi notre<br />

armement <strong>nucléaire</strong> doit-il être de plus en plus sophistiqué<br />

? » <strong>et</strong> de poursuivre : « Il semble donc urgent de lancer<br />

un débat sur l’utilisation des sommes considérables<br />

destinées au <strong>nucléaire</strong> <strong>et</strong> sur le rôle du <strong>nucléaire</strong> dans<br />

notre stratégie. »<br />

Les médias ont tenté de rebondir sur ces élans<br />

parlementaires au moment du vote du budg<strong>et</strong> de la<br />

défense : quelques points de vue ont été exprimés dans<br />

les quotidiens 1 , mais le soufflé est bien vite r<strong>et</strong>ombé !<br />

Civil ou militaire, le <strong>nucléaire</strong> reste le parent pauvre de<br />

notre système démocratique. ■<br />

1) Lire le Rebonds, « Les mini-nukes <strong>et</strong> les nouveaux États voyous »,<br />

par Bruno Barrillot dans Libération du 3 novembre 2003.<br />

Budg<strong>et</strong> <strong>nucléaire</strong> : derrière les chiffres, le déficit démocratique<br />

Les crédits <strong>nucléaire</strong>s dans la<br />

programmation militaire 2003-2008<br />

Forces aériennes stratégiques (Fas)<br />

Missile ASMP-A 138,6<br />

Missile ASMP 28,2<br />

Têtes <strong>nucléaire</strong>s 75,2<br />

Entr<strong>et</strong>ien des matériels aériens 79,7<br />

Mirage 200 N 23,6<br />

Adaptation du Rafale 13,8<br />

Entraînement <strong>et</strong> ravitaillement 23,0<br />

Infrastructures <strong>et</strong> transmisisons 4,6<br />

Vesta 1,7<br />

Total Fas 388,4<br />

Force océanique stratégique (Fost)<br />

Missiles M51 481,1<br />

SNLE-NG 333,4<br />

Têtes <strong>nucléaire</strong>s 176,1<br />

Entr<strong>et</strong>ien SNLE 192,5<br />

Missiles M4 90,1<br />

Adaptation des M51 aux SNLE 84,2<br />

Adaptations diverses 98,8<br />

Infrastructures de la Fost 35,8<br />

Total Fost 1 492,0<br />

Coût global du programme de simulation 5 000,0<br />

Crédits pour la simulation pour 2003-2008 2 382,0<br />

Annuité moyenne, en millions d’euros 2003.<br />

SOURCE : Rapport n° 383 de Guy Teissier, 25 novembre 2002.<br />

15<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong>


16<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong><br />

Prolifération :<br />

le r<strong>et</strong>our<br />

Dominique DAVID*<br />

*Responsable des études de sécurité à l’Institut français<br />

des relations internationales (Ifri, Paris), <strong>et</strong> rédacteur en chef<br />

de Politique étrangère.<br />

Le <strong>nucléaire</strong> n’est pas mort avec la guerre<br />

froide. On l’a vite appris. Les puissances<br />

<strong>nucléaire</strong>s le sont restées. La Russie a<br />

bricolé une nouvelle doctrine <strong>nucléaire</strong><br />

pour parer, disait-elle, à sa faiblesse<br />

conventionnelle. La Chine s’est lancée<br />

dans de vastes programmes de<br />

modernisation. Les États-Unis n’ayant, eux,<br />

jamais vraiment cessé de moderniser, <strong>et</strong> le<br />

revendiquant dans une nouvelle doctrine.<br />

Et pourtant, l’idée commune voulait, c<strong>et</strong>te dernière<br />

décennie, que le <strong>nucléaire</strong> fût entré dans une sorte<br />

d’hibernation. De spectaculaires traités de désarmement,<br />

l’absence d’enjeu <strong>nucléaire</strong> dans les crises postbipolaires,<br />

les idéologies de la fin de l’État, la réapparition<br />

de dangers d’apparence neuve (affaissement des<br />

structures politiques, zones grises…) : tout suggérait la<br />

marginalité du <strong>nucléaire</strong>. L’essentiel était ailleurs, <strong>et</strong> les<br />

alarmes des professionnels de l’anti-prolifération ne<br />

reflétaient que leur paranoïa particulière.<br />

Les informations désormais publiques sur l’Irak,<br />

l’Iran, la Corée, la Libye, ou le Pakistan, même si elles ne<br />

constituent pas vraiment des surprises pour les spécialistes,<br />

suggèrent plutôt que nous sommes entrés dans le<br />

troisième âge de la prolifération, alors que le monde<br />

n’est plus tenu par le carcan Est-Ouest, <strong>et</strong> que la mondialisation<br />

le rend de moins en moins contrôlable.<br />

Le troisième âge de la prolifération<br />

Acte I : la multilatéralisation du <strong>nucléaire</strong> intervient<br />

dans les années 1950 <strong>et</strong> 1960, <strong>et</strong> fixe la géographie<br />

officielle des États <strong>nucléaire</strong>s — les cinq permanents du<br />

Conseil de sécurité, plus Israël — jusqu’aux explosions<br />

indienne <strong>et</strong> pakistanaise de 1998.<br />

Acte II : souterrain, il concerne dans les années<br />

1970 <strong>et</strong> 1980 quelques pays qui mènent, avec plus ou


moins de succès, des programmes pouvant déboucher sur<br />

des armes <strong>nucléaire</strong>s : l’Iran du Chah, le Brésil,<br />

l’Argentine, surtout l’Afrique du Sud de l’apartheid, très<br />

avancée puisqu’elle a fini par avoir quelques armes,<br />

aujourd’hui démantelées.<br />

Appelons Acte III ce qui est aujourd’hui le plus<br />

visible : les affaires irakienne, libyenne, coréenne, iranienne<br />

— même si les programmes que le public découvre<br />

aujourd’hui ont forcément commencé au moins dans les<br />

années 1980 1 .<br />

La décennie 1990 avait pourtant bien commencé.<br />

L’Ukraine, la Biélorussie, le Khazakstan avaient re<strong>non</strong>cé à<br />

leur part d’héritage <strong>nucléaire</strong> ; <strong>et</strong> les matières fissiles ne filtraient<br />

pas de façon notable de Russie. Les deux « grands »<br />

revoyaient drastiquement à la baisse leurs arsenaux. France<br />

<strong>et</strong> Grande-Br<strong>et</strong>agne réduisaient unilatéralement leurs<br />

stocks. Dans un bel élan le Conseil de sécurité assimilait en<br />

1992 la prolifération à une menace contre la sécurité. Le<br />

Traité de <strong>non</strong>-prolifération de 1968 était prorogé sine die, <strong>et</strong><br />

devenait quasi universel (parmi les États membres de l’Onu,<br />

seuls aujourd’hui Israël, le Pakistan <strong>et</strong> l’Inde n’en sont pas<br />

signataires) ; <strong>et</strong> un traité de bannissement des expérimentations<br />

<strong>nucléaire</strong>s — fondamentales pour tout candidat proliférateur<br />

— lui était annexé en 1996.<br />

C’est donc dans un contexte relativement apaisé<br />

qu’interviennent les dernières affaires : la découverte de<br />

l’état d’avancement des programmes irakiens, le chantage<br />

à la nucléarisation de la Corée du Nord, le développement<br />

par l’Iran de programmes d’ampleur suspecte, les « aveux »<br />

pakistanais <strong>et</strong> libyen. Au-delà de l’événement, que nous<br />

apprennent ces développements 2 ?<br />

D’abord qu’il existe un véritable réseau de prolifération<br />

interétatique : l’Arabie saoudite, la Libye, ont aidé le<br />

Pakistan, ainsi que la Chine, le Pakistan a aidé la Corée en<br />

échange de technologie balistique, puis a remercié la<br />

Libye, puis a aidé aussi l’Iran, a proposé ses services à<br />

l’Irak, <strong>et</strong>c. Les transferts interétatiques de technologie<br />

<strong>nucléaire</strong> ne sont pas nouveaux : d’URSS en Chine, des<br />

États-Unis au Pakistan, de France en Israël, d’Israël en<br />

Afrique du Sud… Mais on en restait alors à peu près au<br />

Irak <strong>et</strong> l’arme <strong>nucléaire</strong><br />

Prolifération : le r<strong>et</strong>our<br />

bilatéral ; on fait face aujourd’hui à des réseaux de réciprocité<br />

plus complexes. Ces réseaux interétatiques se<br />

doublent, de plus, ou se complètent, de réseaux <strong>non</strong>-étatiques<br />

: entreprises sises dans d’autres pays <strong>et</strong> servant<br />

de relais, initiatives privées ou semi-publiques (le bon<br />

docteur Khan au Pakistan). Les réseaux proliférateurs<br />

apparaissent donc plus entremêlés que quand on les<br />

réduisait aux États <strong>et</strong> à l’entité fantomatique des mafias.<br />

On s’avise enfin de ce que l’ensemble des moyens, matériels,<br />

machines, pouvant servir à proliférer, est très large,<br />

L’Irak avait-elle des armes <strong>nucléaire</strong>s ? O’Neill,<br />

récemment devenu ex-ministre américain du Trésor,<br />

affirme qu’en « vingt-trois de travail au sein du gouvernement,<br />

il n’a jamais vu le moindre document qui<br />

établirait la preuve de l’existence d’armes <strong>nucléaire</strong>s<br />

irakiennes (Le Monde du 10 janvier 2004) ».<br />

L’hypothèse la plus vraisemblable est que<br />

l’Irak était devenu incapable de développer la moindre<br />

panoplie <strong>nucléaire</strong> depuis l’embargo qui a sévi contre<br />

ce pays après la guerre de 1991 contre le Koweït. Mais<br />

Saddam Hussein laissait planer le doute, voulant que<br />

son pays possède enfin c<strong>et</strong>te arme de destruction<br />

massive. Son entourage, par peur de ce tyran, lui<br />

aurait fait croire que les recherches pour l’arme<br />

<strong>nucléaire</strong> allaient bon train, que tout était bien caché,<br />

si bien que les missions de l’ONU ne trouveraient rien.<br />

Ce qui fut le cas !<br />

Conclusion : Georges W. Bush savait que l’Irak<br />

n’avait pas d’armes <strong>nucléaire</strong>s, l’entourage de<br />

Saddam Hussein savait que l’Irak n’en avait pas, seul<br />

le tyran s’imaginait en posséder ! Comme quoi, que<br />

l’on soit président des États-Unis ou dictateur en Irak,<br />

il est toujours souhaitable de vérifier ses sources d’information,<br />

cela peut éviter de perdre la face.<br />

F. V.<br />

17<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong>


18<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong><br />

Dominique David<br />

<strong>et</strong> l’est de plus en plus avec l’extension des techniques<br />

duales : la liste des éléments suivis par les procédures<br />

internationales de <strong>non</strong>-prolifération est donc certainement<br />

trop courte par rapport aux dangers ainsi révélés.<br />

Au-delà, deux autres informations sont préoccupantes.<br />

D’abord, il est possible à un<br />

signataire du TNP de cacher des programmes<br />

importants <strong>et</strong> de longue durée.<br />

En Irak, quelque huit mille personnes travaillaient<br />

avant 1991 sur des programmes<br />

divers convergeant tous vers la<br />

seule nucléarisation. Même si le pays<br />

n’était pas à la veille de détenir une arme<br />

opérationnelle, les inspecteurs de l’AIEA<br />

ont été très surpris de l’avancement des travaux secr<strong>et</strong>s 3 .<br />

Deuxième information : il est possible — ce n’est pas là<br />

une information juridique mais politique — pour un signataire<br />

de se r<strong>et</strong>irer du TNP : voir l’exemple coréen.<br />

Tous ces éléments affectent directement un dispositif<br />

international anti-prolifération qui semblait avoir<br />

jusqu’alors efficacement freiné le mouvement. Et ce à un<br />

moment où l’aspiration au <strong>nucléaire</strong> semble, contre toute<br />

attente, bien vivace.<br />

Le <strong>nucléaire</strong>, encore ?<br />

Pourquoi ces désirs de <strong>nucléaire</strong> ? Pour le comprendre,<br />

il faut redécouvrir la diversité du monde. Ce dernier<br />

n’est pas, comme le croient trop d’Européens, tout uniment<br />

en marche vers la raison juridique, le désarmement,<br />

<strong>et</strong> le multilatéralisme. Il n’est pas <strong>non</strong> plus, comme le<br />

croient trop d’Américains, empris dans un unique système<br />

de force, que domineraient les États-Unis du haut de<br />

leur technologie militaire. Oui, l’espace relativement<br />

pacifié qui fonctionne sur la négociation, le droit, la gestion<br />

collective des conflits s’est élargie depuis quinze<br />

ans. Oui, la capacité des États-Unis à trancher unilatéralement<br />

par la force telle crise s’est accrue. Mais ces tendances<br />

ne gomment pas d’autres logiques. Les déséquilibres<br />

régionaux, les problèmes d’insécurité interéta-<br />

« La prolifération<br />

<strong>nucléaire</strong> nouvelle ne<br />

sera pas réglée par des<br />

idées simples. »<br />

D. D.<br />

tiques, la volonté de puissance, déterminent toujours<br />

dans un certain nombre d’espaces l’essentiel des relations<br />

internationales.<br />

Les facteurs qui peuvent pousser un pays sur la<br />

voie du <strong>nucléaire</strong>, ce signe irremplacé de la puissance,<br />

sont donc multiples. Au-delà de l’excu-<br />

se énergétique qu’invoquent nombre<br />

de candidats (nous avons aujourd’hui<br />

du pétrole, mais il faut se préparer à<br />

l’épuisement des ressources en<br />

employant une partie de la rente à<br />

développer l’énergie <strong>nucléaire</strong>…), s’alignent<br />

des explications pour la plupart<br />

traditionnelles. La recherche de la sécu-<br />

rité, ou d’une efficacité militaire : Irak des années 1980. La<br />

volonté de dissuasion : Pakistan, Inde. Le refus d’un déséquilibre<br />

régional : l’Iran, entouré de pays déjà <strong>nucléaire</strong>s,<br />

ou demain le Japon, dans une position comparable après<br />

une éventuelle nucléarisation opérationnelle de la Corée.<br />

La volonté d’affirmer un statut : la Libye…<br />

Tous ces éléments se mêlent dans des montages<br />

complexes, auxquels peuvent venir s’ajouter des facteurs<br />

plus récents : la disponibilité de certaines technologies,<br />

en raison de la facilité de circulation des hommes <strong>et</strong> des<br />

informations due à la mondialisation ; ou la volonté de se<br />

doter des moyens de résister à des pressions américaines<br />

de moins en moins fardées. Il est certes dangereux de tenter<br />

aujourd’hui d’accéder au <strong>nucléaire</strong> (exemple irakien),<br />

mais celui-ci reste la seule monnaie d’échange sérieuse<br />

dans le dialogue nu de la puissance (contre-exemples du<br />

Pakistan, de la Corée, ou de la Libye…).<br />

La mode des nouvelles menaces ne peut nous<br />

faire oublier que le <strong>nucléaire</strong> aligne, en capacité de destruction,<br />

<strong>et</strong> donc de pression ou de dissuasion, des performances<br />

absolument incomparables avec une quelconque<br />

arme chimique, biologique, radiologique, ou<br />

informatique. Le recours au <strong>nucléaire</strong> est le plus complexe<br />

techniquement, <strong>et</strong> le plus dangereux diplomatiquement ;<br />

mais il a incontestablement la plus forte valeur ajoutée<br />

politique <strong>et</strong> militaire 4 .


Ceci suffit à expliquer que la prolifération<br />

<strong>nucléaire</strong> nouvelle ne sera pas réglée par des idées<br />

simples. La légitimation générale de l’accès à un <strong>nucléaire</strong><br />

vu comme dissuasif <strong>et</strong> stabilisateur aurait pour elle au<br />

moins la logique juridique. Aucune loi internationale ne<br />

s’impose à tous les États pour interdire l’accès au<br />

<strong>nucléaire</strong>, ou la sortie du TNP… Mais elle a contre elle la<br />

diversité du monde — le <strong>nucléaire</strong> n’est pas forcément<br />

pensé partout à base de « sagesse » dissuasive —, <strong>et</strong> sa<br />

dangerosité : plus le <strong>nucléaire</strong> se répand <strong>et</strong> moins nous<br />

serons sûrs qu’il restera contrôlé par les structures politiques<br />

qui l’ont créé, tant elles sont, ici ou là, fragiles.<br />

Inversement, la délégitimation (par exemple via<br />

une décision de l’ONU) est certainement une belle<br />

chose… vue de l’Occident. L’idée serait plus convaincante<br />

si les puissances dominantes n’estimaient pas ellesmêmes<br />

leur <strong>nucléaire</strong> légitime. Et ce n’est pas près de<br />

cesser : pourquoi donc ces puissances décideraient-elles<br />

de se dénucléariser alors même que la course semble<br />

relancée (horizontalement), <strong>et</strong> le sera peut-être encore<br />

plus demain (verticalement), avec le déploiement de<br />

défenses antimissiles à l’initiative des États-Unis ?<br />

Risques <strong>et</strong> perspectives<br />

Le désarmement <strong>nucléaire</strong> intégral est pour le moment<br />

un rêve, <strong>et</strong> peut-être un rêve redoutable dans la mesure<br />

où il valoriserait les déséquilibres conventionnels, en<br />

un temps où ces derniers ne font, hors Europe, l’obj<strong>et</strong><br />

d’aucun contrôle. Mais le bon sens nous suggère aussi<br />

que la nucléarisation sans contrôle est dangereuse.<br />

D’abord parce qu’elle est le fait d’États dont la<br />

stabilité est au moins questionnable. Le <strong>nucléaire</strong> peut<br />

avoir des vertus équilibrantes dans une région donnée,<br />

mais si <strong>et</strong> seulement s’il est contrôlé par des États<br />

stables, <strong>et</strong> si possible transparents — dont les enjeux,<br />

lors d’une crise, puissent être raisonnablement évalués<br />

de part <strong>et</strong> d’autre. Quand l’on songe au Pakistan, ou à la<br />

Corée, on n’est pas vraiment dans ce cas de figure… Ce<br />

<strong>nucléaire</strong> pourrait de plus, en l’absence de contrôle, être<br />

Prolifération : le r<strong>et</strong>our<br />

utilisé dans une stratégie de sanctuarisation agressive :<br />

une attitude impériale, déstabilisante pour la région <strong>et</strong><br />

que nul à l’entour ne pourrait contrebattre.<br />

Au-delà du malheur local ou régional, la prolifération<br />

impose l’image de dangers généraux. Le développement<br />

du « désir <strong>nucléaire</strong> » dans des régions essentielles,<br />

pour des raisons diverses, pour l’avenir du monde riche<br />

(Moyen-Orient, Asie du Sud-Est…), la diffusion des techniques<br />

balistiques qui perm<strong>et</strong>tront dans l’avenir de désenclaver<br />

de plus en plus efficacement les instabilités locales<br />

ou régionales en leur donnant un sens global, compliquent<br />

encore l’équation. Tout comme le risque de diffusion, hors<br />

de l’orbite étatique, de matériaux entrant dans la composition<br />

des armes <strong>nucléaire</strong>s. L’idée du terrorisme <strong>nucléaire</strong><br />

n’est pas vraiment actuelle 5 . Mais la complexité des<br />

réseaux de prolifération découverte à l’occasion de l’affaire<br />

pakistanaise suggère la prudence… Les fuites qui ont<br />

été évitées à partir du monde post-soviétique ne le seront<br />

peut-être pas demain dans d’autres régions.<br />

Pour parer à ces dangers, le dispositif politique <strong>et</strong><br />

technique anti-prolifération doit être à la fois approfondi <strong>et</strong><br />

élargi 6 . Approfondi : c’est le sens des tentatives pour rendre<br />

plus adaptés (en élargissant l’obj<strong>et</strong> de l’observation) <strong>et</strong><br />

contraignants (en réduisant les préavis d’inspection) les<br />

contrôles de l’AIEA. Élargi, car, bien sûr, ces contrôles ne<br />

suffisent pas en eux-mêmes à contrôler toute prolifération.<br />

C<strong>et</strong>te dernière est le fruit de désirs <strong>et</strong> de démarches complexes.<br />

La réponse ne peut donc être que composite,<br />

mêlant les niveaux politique, juridique, <strong>et</strong> technique.<br />

Politiquement, la baisse du « désir de proliférer »<br />

ne peut être obtenue qu’en agissant sur le niveau de la<br />

conflictualité, régionale ou globale : la maîtrise des<br />

conflits locaux, la mise en place de systèmes de sécurité<br />

régionaux fournissant des garanties concrètes à tous les<br />

acteurs, constituent des chemins encore mal explorés.<br />

Pour pouvoir adapter ces systèmes, nous devons disposer<br />

des moyens de comprendre, <strong>et</strong> de suivre, les évolutions<br />

des différents espaces stratégiques : d’où l’importance<br />

des réseaux de recherche <strong>et</strong> d’analyse d’une part,<br />

<strong>et</strong> de l’autre des moyens techniques d’observation <strong>et</strong><br />

d’alerte (détection d’essais, de tirs de missiles, <strong>et</strong>c.).<br />

19<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong>


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<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong><br />

Dominique David<br />

Pour les États officiellement dotés du <strong>nucléaire</strong>,<br />

le maintien de doctrines dissuasives excluant tout emploi<br />

hors de circonstances m<strong>et</strong>tant en cause leur survie<br />

même, excluant donc tout usage de champ de bataille,<br />

ou de coercition, est essentiel. Un consensus doit se<br />

construire autour de c<strong>et</strong>te conception restrictive entre<br />

anciens <strong>et</strong> nouveaux <strong>nucléaire</strong>s — ce consensus marginalisant<br />

d’éventuels trublions. Le discours américain<br />

actuel (même s’il ne révèle pas des pratiques vraiment<br />

nouvelles), qui brouille l’image du <strong>nucléaire</strong> de dernier<br />

recours en le mêlant à l’emploi d’armes conventionnelles,<br />

est de ce point de vue contre-productif. Les pays<br />

<strong>nucléaire</strong>s ont intérêt à réaffirmer les doctrines de <strong>non</strong>emploi,<br />

<strong>et</strong> à les afficher sans ambiguïté.<br />

Enfin, la lutte contre la prolifération <strong>nucléaire</strong> ne<br />

peut être pensée indépendamment des processus de<br />

maîtrise d’autres types d’armements. Armements nouveaux,<br />

particulièrement craints dans le cadre d’un possible<br />

développement des phénomènes terroristes (chimique,<br />

biologique…), <strong>et</strong> pour lesquels il faut inventer des<br />

modes de contrôle inédits (contrôle des laboratoires, des<br />

transferts de certaines matières civiles, <strong>et</strong>c.). Mais aussi<br />

armements plus traditionnels. Le <strong>nucléaire</strong> ne se développe<br />

pas dans un monde abstrait, mais dans <strong>et</strong> pour le<br />

monde des conflits. Or la plupart des conflits contemporains<br />

usent de moyens parfaitement classiques <strong>et</strong> souvent<br />

rudimentaires. L’un des échecs majeurs de la dernière<br />

décennie est de n’avoir pu, hors d’Europe, imposer<br />

aucun système crédible de désarmement, de contrôle<br />

des exportations ou des circulations d’armes classiques.<br />

C’est sans doute l’ensemble de ces dispositifs<br />

multilatéraux qu’il faut revoir, <strong>et</strong> installer au cœur du<br />

débat international, contre la tentation récurrente, qui<br />

n’est pas seulement américaine, des mirages de la puissance.<br />

Quel que soit l’objectif visé, désarmement<br />

<strong>nucléaire</strong> intégral, limitation du nombre des acteurs<br />

<strong>nucléaire</strong>s, insertion de ces acteurs dans des logiques<br />

stratégiquement contrôlables, c<strong>et</strong> objectif ne peut être<br />

poursuivi que collectivement. Sans illusion sur la moralité<br />

ou la rationalité humaines, mais sans désespérance.<br />

Après tout, la prolifération des acteurs <strong>nucléaire</strong>s an<strong>non</strong>cée<br />

dans les années 1960 n’a pas eu lieu. Les dangers<br />

sont peut-être aujourd’hui plus visibles ; mais nos<br />

moyens d’y parer sans doute plus efficaces. ■<br />

1) Pour une synthèse sur les périodes de prolifération, voir :<br />

Bruno Tertrais, « L’Europe face à la prolifération <strong>nucléaire</strong> »,<br />

in Gustav Lindstrom <strong>et</strong> Burkard Schmitt (dir.), Le défi de la prolifération<br />

— perspectives européennes, Paris, IES-UE, 2004.<br />

2) Sur la problématique générale des armes de destruction massive dans<br />

la période actuelle, voir : Thérèse Delpech, « Vers une nouvelle course<br />

aux armements <strong>non</strong>-conventionnels ? », in Thierry de Montbrial, Philippe<br />

Moreau-Defarges (dir.), RAMSES 2004, Paris, Dunod, 2003.<br />

3) Voir, au suj<strong>et</strong> des programmes d’armes de destruction massive<br />

irakiens, le dossier : « Les armes de l’Irak », in Politique étrangère,<br />

1-2004 ; sur le <strong>nucléaire</strong>, on consultera particulièrement la contribution<br />

de Michel Saint-Mleux, « Irak : les programmes <strong>nucléaire</strong>s ».<br />

4) Sur les eff<strong>et</strong>s du <strong>nucléaire</strong>, voir en particulier : Georges Le Guelte,<br />

Terrorisme <strong>nucléaire</strong> — Risque majeur, fantasme, ou épouvantail ?,<br />

Paris, Iris-Puf, 2003.<br />

5) Cf. Georges Le Guelte, op. cit., <strong>et</strong> Olivier Lepick, Jean-François Daguzan,<br />

Le terrorisme <strong>non</strong>-conventionnel, Paris, Puf, 2003.<br />

6) On peut ici se reporter à Burkard Schmitt (dir.), Nucléaire :<br />

le r<strong>et</strong>our d’un grand débat, Paris, IES-UE, 2001.


L’urgence est<br />

au désarmement<br />

<strong>nucléaire</strong><br />

Jean-Marie COLLIN*<br />

*Journaliste <strong>et</strong> chercheur associé au CDRPC. Auteur de Vers une<br />

Europe sans armes <strong>nucléaire</strong>s, Observatoire des armes <strong>nucléaire</strong>s<br />

françaises/CDRPC, Lyon, octobre 2003, 112 pages.<br />

La perspective de la maîtrise des<br />

armements <strong>nucléaire</strong>s, puis celle de<br />

leur élimination, est une nouvelle fois<br />

à la croisée des chemins.<br />

« L’amorce de progrès dans la réduction des<br />

armements contribue à créer <strong>et</strong> à entr<strong>et</strong>enir<br />

les conditions propices à des perceptions<br />

de sécurité plutôt que d’insécurité.<br />

Malheureusement, ce cycle vertueux est aussi<br />

ardu à amorcer que le cercle vicieux inverse<br />

est pernicieux <strong>et</strong> contagieux »<br />

Christophe Carle, directeur adjoint de l’Unidir 1 .<br />

Depuis près de quarante ans, le processus de désarmement<br />

<strong>nucléaire</strong> ou plutôt le contrôle de la prolifération<br />

<strong>nucléaire</strong> est en marche. Les principaux acteurs de<br />

ces négociations ont été <strong>et</strong> restent les cinq puissances<br />

<strong>nucléaire</strong>s officielles (États-Unis, Russie, Chine, France,<br />

Royaume-Uni), instigatrices des principaux accords bilatéraux<br />

<strong>et</strong> multilatéraux. Israël, l’Inde, <strong>et</strong> le Pakistan puissances<br />

<strong>nucléaire</strong>s <strong>non</strong> déclarées, sont restées en marge<br />

de ces négociations. Avec le coup de fou<strong>et</strong> donné par la<br />

fin de la guerre froide, ce processus a pris un réel envol<br />

au cours de la décennie des années 1990. La finalisation<br />

des trois mécanismes majeurs du désarmement — maîtrise,<br />

limitation puis réduction des armements — nécessaires<br />

à l’élimination des armes <strong>nucléaire</strong>s confirmait la<br />

montée en puissance d’un souhait d’une partie de la<br />

communauté internationale d’éliminer ces systèmes<br />

d’armes. La prorogation indéfinie du Traité de <strong>non</strong>-prolifération<br />

<strong>nucléaire</strong> (TNP) en 1995 puis la conclusion du<br />

Traité d’interdiction complète des essais <strong>nucléaire</strong>s (Tice)<br />

en 1996 ont constitué la manifestation la plus concrète<br />

de ce vœu, malgré les craintes suscitées par les tests<br />

<strong>nucléaire</strong>s indiens <strong>et</strong> pakistanais en 1998.<br />

En ce début de siècle, la perspective de la maîtrise<br />

des armements <strong>nucléaire</strong>s puis celle de leur élimination<br />

21<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong>


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<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong><br />

Jean-Marie Collin<br />

semble une nouvelle fois être à la croisée des chemins. Le<br />

sentiment d’insécurité collective provoqué par les attentats<br />

du 11 septembre 2001 <strong>et</strong> la puissance hégémonique<br />

des États-Unis sont les raisons principales du « blocage ».<br />

Aujourd’hui, deux voies opposées semblent s’ouvrir : la<br />

rupture des règles du désarmement ou l’union de nouveaux<br />

décideurs.<br />

Espoir <strong>et</strong> illusions<br />

du désarmement <strong>nucléaire</strong><br />

Avec un statut d’hyper-puissance, conforté depuis la<br />

chute de l’URSS, les États-Unis ont engagé un vaste<br />

remaniement de l’architecture internationale de sécurité.<br />

Un remodelage mené tambour battant par la Maison-<br />

Blanche, <strong>et</strong> suivi sans réelle contestation par les autres<br />

puissances <strong>nucléaire</strong>s.<br />

Pourtant, ce nouveau siècle semblait prendre la<br />

bonne direction du désarmement <strong>nucléaire</strong>. Pour preuve,<br />

en mai 2000, à l’occasion de la première conférence de<br />

révision (RevCom) du TNP, les États membres de ce traité<br />

— <strong>et</strong> plus particulièrement les puissances <strong>nucléaire</strong>s —<br />

s’engagent à accomplir treize étapes considérées comme<br />

nécessaires à la mise en œuvre d’un processus de désarmement<br />

général <strong>et</strong> compl<strong>et</strong>. C<strong>et</strong> accord est aujourd’hui<br />

tombé en désuétude, au prétexte de son infaisabilité. Sur<br />

les treize points, deux sont déjà morts nés du fait d’une<br />

remise en cause de la politique de défense <strong>et</strong> de désarmement<br />

américaine. La dé<strong>non</strong>ciation par Washington du<br />

traité ABM (point sept) <strong>et</strong> sa décision de rompre avec la<br />

notion d’irréversibilité du désarmement (point cinq),<br />

montrent la détermination de Washington de conserver<br />

durablement son armement <strong>nucléaire</strong>. Ceci est confirmé<br />

par la Nuclear Posture Rewiew publiée en 2001. Les<br />

autres puissances <strong>nucléaire</strong>s (France, Royaume-Uni,<br />

Russie) ne sont pas en reste. Si elles remplissent certaines<br />

conditions de ce plan préparatoire au désarmement<br />

<strong>nucléaire</strong> — ratification Tice, arrêt de la production<br />

de matières fissiles — aucune nouvelle action n’a été<br />

entreprise depuis mai 2000.<br />

La possibilité de voir un monde diminuer son<br />

armement <strong>nucléaire</strong> s’est donc rapidement estompée, au<br />

profit de la liquidation de l’architecture internationale de<br />

sécurité. Dans ce sens, nous voyons apparaître des<br />

mesures illusoires de désarmement <strong>nucléaire</strong><br />

Les États-Unis an<strong>non</strong>cèrent dès le début de l’année<br />

2001 leur volonté de créer une défense antimissile<br />

(National Missile défense) sur l’ensemble du territoire,<br />

rompant ainsi avec les obligations du traité ABM. Le<br />

14 juin 2002, ils quittent ce traité, symbole pendant trente<br />

ans de « paix <strong>nucléaire</strong> ». Pour couper court à la<br />

controverse internationale née de c<strong>et</strong>te décision,<br />

Washington an<strong>non</strong>ce, après six mois de négociation avec<br />

la Russie (alors qu’il avait fallu dix ans pour Start I), la<br />

division par trois de leurs arsenaux stratégiques.<br />

Le 24 mai 2002, Georges W. Bush signait avec<br />

Vladimir Poutine le premier traité bilatéral de désarmement<br />

<strong>nucléaire</strong> du siècle : le Strategic Offensive


Reduction Treaty (traité sur les armes <strong>nucléaire</strong>s offensives<br />

stratégiques, Sort) <strong>et</strong> déclarait fièrement :<br />

« L’héritage de la guerre froide vient d’être liquidé ! » En<br />

fait de liquidation, s’agit-il de celle des ogives <strong>nucléaire</strong>s<br />

amassées lors de la course aux armements ou de celle<br />

d’une culture de la politique de maîtrise des armements<br />

acquise au fil des décennies de la guerre froide ?<br />

Paradoxalement c’est essentiellement la seconde alternative<br />

qui a été liquidée.<br />

En eff<strong>et</strong>, ce traité est un leurre, instituant une<br />

nouvelle façon de penser <strong>et</strong> d’ériger les mesures de<br />

désarmement. Ce document de trois pages établit que<br />

les deux États doivent atteindre un niveau compris entre<br />

1 700 <strong>et</strong> 2 200 ogives <strong>nucléaire</strong>s stratégiques opérationnelles<br />

en 2012. Les armes tactiques russes (3 380) <strong>et</strong><br />

américaines (1 120) restent une nouvelle fois à l’écart des<br />

négociations. Aucune mesure de vérification <strong>et</strong> de destruction<br />

des stocks n’est prévue Pire, Sort instaure une<br />

comptabilité partielle où seules les ogives <strong>nucléaire</strong>s<br />

opérationnelles sont prises en compte. Par conséquent,<br />

les milliers d’autres ogives qui seront mises en maintenance<br />

pour le contrôle des composants, en « réserve »<br />

pour être prêtes à l’emploi, ou en stockage pour le cas<br />

d’une hypothétique crise internationale grave ne seront<br />

pas comptabilisées, mais simplement effacées des<br />

tabl<strong>et</strong>tes officielles. Ce traité dont la durée de validité est<br />

de dix ans, prendra fin le 31 décembre 2012, sans obligation<br />

de prolongation au terme de sa durée légale. Ultime<br />

aberration, le r<strong>et</strong>our en arrière n’est pas interdit, c’est-àdire<br />

qu’au 1er janvier 2013 les deux parties auront la possibilité<br />

de revenir à un niveau de leurs forces <strong>nucléaire</strong>s<br />

supérieur aux exigences voulues par le traité !<br />

Sort m<strong>et</strong> ainsi un terme définitif <strong>et</strong> sans appel, aux<br />

multiples principes qui avaient permis de rendre les<br />

accords internationaux quelque peu contraignant (irréversibilité,<br />

destructions de sites…). Avec ce traité laxiste, la mise<br />

en œuvre de l’article VI du TNP (le désarmement <strong>nucléaire</strong>),<br />

semble s’éloigner durablement. Si c<strong>et</strong>te rupture dans la<br />

conception du mécanisme de désarmement <strong>nucléaire</strong><br />

devait être durable, « ce n’est pas la fin du désarmement<br />

qui arrive : c’est un nouveau désordre mondial 2 ».<br />

L’urgence est au désarmement <strong>nucléaire</strong><br />

Hiver <strong>nucléaire</strong><br />

N<br />

’importe quelle guerre <strong>nucléaire</strong>, avec les armes<br />

actuellement en possession par près de dix Etats,<br />

aurait des conséquences climatiques terribles.<br />

Une semaine après le conflit <strong>nucléaire</strong>, toute<br />

la région où elle se produirait serait plongée dans des<br />

ténèbres causées par des nuages de suie <strong>et</strong> de poussière,<br />

qui pourraient persister pendant des mois. Etant<br />

donné qu’au cours des explosions, pour chaque<br />

mégatonne, plus de 100 000 tonnes de fines particules<br />

seraint répandues dans l’atmosphère. Ce voile<br />

de fumée s’étendrait rapidement, alimenté en partie<br />

par la fumée des villes incendiées, ainsi que par celle<br />

des explosions aériennes <strong>et</strong> terrestres (usines, stations<br />

services…). La fumée, la suie <strong>et</strong> la poussière finiraient<br />

par arrêter le passage de la plus grande partie<br />

des rayons solaires, plongeant ainsi la région dans un<br />

hiver <strong>nucléaire</strong> caractérisée par des températures glaciales<br />

<strong>et</strong> des chutes de neige incessantes.<br />

Aucun scientifique ne peut alors prédire de ce<br />

qui se passerait ensuite dans c<strong>et</strong>te région <strong>et</strong> pour l’ensemble<br />

de la planète. F. V.<br />

D’après un article d’Albert Jacquart, paru dans<br />

Forum du développement, janvier 1984<br />

Les nouveaux acteurs<br />

du désarmement <strong>nucléaire</strong><br />

La guerre froide avait engendré un système de pensée<br />

bipolaire (Est/Ouest) où chaque négociation ne pouvait<br />

débuter <strong>et</strong> prétendre à un débouché positif sans l’aval<br />

soviétique ou américain. On constate que ce mode de pensée<br />

perdure. Ce raisonnement conservateur dénote une<br />

incapacité à penser le désarmement en des termes novateurs.<br />

Plus grave encore, il ignore les initiatives de la société<br />

civile <strong>et</strong> d’autres États. Or, on ne peut douter que l’avenir<br />

23<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong>


24<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong><br />

Jean-Marie Collin<br />

du désarmement <strong>nucléaire</strong> ne passera plus par des pourparlers<br />

entre les seuls « deux grands » (États-Unis/Russie)<br />

mais par des actions entreprises par de nombreux acteurs<br />

étatiques ou <strong>non</strong>, sous de multiples formes.<br />

La société civile, nouvel acteur à la table des<br />

négociations, tente de s’imposer comme un interlocuteur<br />

indispensable. Son action (recherche, information <strong>et</strong> prévention<br />

sur l’armement <strong>nucléaire</strong>) est reconnue <strong>et</strong> nécessaire<br />

mais elle doit être plus efficace dans le domaine du<br />

« désarmement <strong>et</strong> de la sécurité car, en fin de compte, ce<br />

sont des civils qui sont victimes de la poursuite des proj<strong>et</strong>s<br />

militaires de leurs dirigeants nationaux 3 ». Les<br />

acteurs de la société civile sont nombreux à influer directement<br />

sur les résolutions proposées par les États auprès<br />

des instances internationales (ONU, Conférence de<br />

désarmement, <strong>et</strong>c.). Pour exemple, l’influence du mouvement<br />

Abolition 2000 <strong>et</strong> celle du maire d’Hiroshima avec<br />

son organisation Mayor for peace auprès de certains<br />

États (Suède, Japon) montrent une prise de conscience<br />

internationale qui ne peut qu’influer sur la sécurité de ce<br />

nouveau millénaire.<br />

Un second groupe d’acteurs étatiques — dont<br />

les actions sont concurrentielles — commence à remporter<br />

des succès (diplomatiques) dans la promotion du<br />

désarmement <strong>nucléaire</strong>. Lors de la cinquante-huitième<br />

assemblée générale de l’ONU, la New Agenda Coalition<br />

(NAC) 4 <strong>et</strong> le Japon proposèrent des résolutions strictes <strong>et</strong><br />

modérées sur l’élimination des armes <strong>nucléaire</strong>s. Le<br />

Japon parvint ainsi à rassembler 164 votes favorables à<br />

sa résolution (XXIV) intitulée « Vers l’élimination totale<br />

des armes <strong>nucléaire</strong>s », <strong>et</strong> deux contre (États-Unis, Inde) 5 .<br />

La France fidèle à une politique de double jeu (pour le<br />

désarmement <strong>nucléaire</strong> tout en modernisant son arsenal)<br />

a voté c<strong>et</strong>te résolution, en invoquant cependant son<br />

désaccord avec le paragraphe relatif à la dévastation<br />

<strong>nucléaire</strong>. Ultime précision de la diplomatie française :<br />

« La décision (de mon pays) d’accepter le texte en l’état<br />

vaut ici <strong>et</strong> maintenant, <strong>et</strong> il ne saurait valoir précédent, y<br />

compris pour nos futurs débats 6 » !<br />

La portée politique <strong>et</strong> psychologique engendrée<br />

par la création de zones exemptes d’armes <strong>nucléaire</strong>s<br />

(ZEAN) souligne le lien entre désarmement <strong>et</strong> territoire<br />

qui est un des éléments essentiels au processus de <strong>non</strong>prolifération.<br />

C<strong>et</strong>te nouvelle forme de « géopolitique »<br />

est en pleine expansion ces vingt dernières années.<br />

Aujourd’hui il existe cinq zones exemptes d’armes<br />

<strong>nucléaire</strong>s 7 auxquelles se rajoute la Mongolie depuis<br />

septembre 1992. Ces zones couvrent plus de la moitié du<br />

globe (111 pays) <strong>et</strong> abritent près de 1,7 milliard de personnes.<br />

La volonté de créer de nouvelles zones est réelle<br />

<strong>et</strong> les propositions sont nombreuses (Moyen-Orient,<br />

Europe centrale, péninsule de Corée). La prochaine zone<br />

à bénéficier de ce statut sera constituée par les États de<br />

l’Asie centrale (Kazakhstan, Tadjikistan, Turkménistan,<br />

Khirghistan <strong>et</strong> Ouzbékistan). Inscrite à l’ordre du jour de


la cinquante-neuvième session de l’ONU, c<strong>et</strong>te création<br />

entérinerait l’idée qu’une zone exempte d’armes<br />

<strong>nucléaire</strong>s peut se situer également dans l’hémisphère<br />

nord. De plus, deux puissances <strong>nucléaire</strong>s — Russie <strong>et</strong><br />

Chine — seraient définitivement séparées par un vaste<br />

territoire exempt d’armes <strong>nucléaire</strong>s.<br />

L’action concertée de citoyens, d’associations,<br />

d’ONG <strong>et</strong> de nations peut ainsi influer à l’encontre de la<br />

volonté des grandes puissances. La Convention d’Ottawa<br />

pour l’élimination des mines antipersonnel est la preuve<br />

concrète qu’une forte volonté internationale perm<strong>et</strong><br />

d’obtenir des résultats positifs. L’avenir du désarmement<br />

passera donc certainement par une implication accrue de<br />

ces nouveaux acteurs qui entraînera ainsi des décideurs<br />

politiques de premier plan.<br />

Le couple franco-britannique, moteur<br />

du processus de désarmement <strong>nucléaire</strong> ?<br />

ans le contexte actuel, une des voies importantes<br />

« Ddu désarmement <strong>et</strong> de la <strong>non</strong>-prolifération<br />

<strong>nucléaire</strong>s réside dans l’approche régionale 8 . » Dans<br />

c<strong>et</strong>te optique, la France <strong>et</strong> le Royaume-Uni ont la capacité<br />

de proposer des mesures <strong>et</strong> un agenda de désarmement<br />

<strong>nucléaire</strong> progressif pour l’Europe. La mise en<br />

œuvre d’un programme de désarmement franco-britannique<br />

constituerait une suite logique aux multiples<br />

actions (politiques, juridiques, techniques) poursuivies<br />

en commun ; notamment à partir de 1996 quand Paris <strong>et</strong><br />

Londres ont signé <strong>et</strong> ratifié ensemble <strong>et</strong> le même jour le<br />

traité d’interdiction des essais 9 .<br />

Si le couple franco-britannique veut pleinement<br />

s’engager dans un processus d’élimination des armes<br />

<strong>nucléaire</strong>s 10 , il pourrait an<strong>non</strong>cer ses mesures, lors de la<br />

Conférence de révision du TNP qui se tiendra en 2005 à<br />

New York. Ces propositions communes perm<strong>et</strong>traient de<br />

créer une dynamique internationale. La troisième<br />

Conférence de préparation à la révision du TNP<br />

(PrepCom) de mai 2004 pourrait ainsi donner lieu aux<br />

premières négociations.<br />

L’urgence est au désarmement <strong>nucléaire</strong><br />

Au départ, la démarche pourrait consister en<br />

une déclaration commune de réduction des arsenaux<br />

<strong>nucléaire</strong>s ayant pour objectif la mise en œuvre d’un<br />

processus international d’élimination des armes<br />

<strong>nucléaire</strong>s. C<strong>et</strong> engagement pris par les deux États<br />

encouragerait la mise en place d’une Union européenne<br />

sans armes <strong>nucléaire</strong>s étrangères. Les États-Unis<br />

seraient ainsi en devoir d’éliminer leurs 150 ogives<br />

<strong>nucléaire</strong>s entreposées sur le sol européen. Ces<br />

an<strong>non</strong>ces effectuées, Paris <strong>et</strong> Londres pourraient ensuite<br />

arrêter la modernisation de leurs arsenaux <strong>nucléaire</strong>s,<br />

ce qui ne rem<strong>et</strong>trait pas en cause leur sécurité. Une<br />

étape intermédiaire pourrait consister également au<br />

remplacement des armes <strong>nucléaire</strong>s par des moyens<br />

conventionnels 11 . Une telle mesure n’est pas utopique<br />

25<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong>


26<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong><br />

Jean-Marie Collin<br />

puisque les États -Unis eux-mêmes ont déjà remplacé<br />

des missiles <strong>nucléaire</strong>s de quelques sous-marins par<br />

des missiles conventionnels.<br />

Enfin l’étape ultime de c<strong>et</strong> agenda porterait sur le<br />

contrôle des stocks <strong>et</strong> de la production des matières fissiles.<br />

La France <strong>et</strong> le Royaume-Uni sont favorables à la<br />

conclusion d’un traité dit « cut-off » portant sur l’interdiction<br />

de la production d’uranium <strong>et</strong> de plutonium de qualité<br />

militaire. Cependant, il serait nécessaire d’y inclure le<br />

tritium essentiel à la fusion thermo<strong>nucléaire</strong>. Ce traité<br />

prendrait ainsi une double dimension de <strong>non</strong>-prolifération<br />

<strong>et</strong> de désarmement. Le désarmement <strong>nucléaire</strong><br />

serait alors effectif à moyen terme, puisque le maintien<br />

en état de marche des ogives <strong>nucléaire</strong>s ne serait plus<br />

réalisable 12 . À ce niveau, les autres puissances <strong>nucléaire</strong>s<br />

devraient s’engager parallèlement, d’abord dans des<br />

mécanismes efficaces de vérifications bilatérales <strong>et</strong> multilatérales<br />

<strong>et</strong> enfin dans un processus d’élimination de<br />

leurs armements <strong>nucléaire</strong>s. La France <strong>et</strong> le Royaume-Uni<br />

pourraient prendre, dans de brefs délais, l’initiative d’ouvrir<br />

une Conférence internationale pour la mise en application<br />

de ce « nouveau » traité cut-off. Les actions volontaristes<br />

de certains États perm<strong>et</strong>tent souvent de débloquer<br />

des situations enlisées <strong>et</strong> d’obtenir un soutien international<br />

très rapide.<br />

Début 2004, la prolifération <strong>nucléaire</strong> est de<br />

r<strong>et</strong>our avec les aveux du professeur pakistanais Abdul<br />

Khan. En réalité, elle n’a jamais cessé : les programmes<br />

clandestins ont été alimentés pendant des décennies en<br />

raison des carences d’un système de contrôle trop laxiste.<br />

Tant que les puissances <strong>nucléaire</strong>s ne s’engageront<br />

pas dans un processus d’élimination de leurs arsenaux<br />

<strong>nucléaire</strong>s, leurs discours « vertueux » sur la <strong>non</strong>-prolifération<br />

n’auront guère d’eff<strong>et</strong>s sur la diffusion — clandestine<br />

ou <strong>non</strong> — de technologies dites « civiles » qui tôt ou<br />

tard conduisent à la bombe. L’horloge du « jour du<br />

Jugement dernier » (« The Doomsday Clock ») symbole du<br />

danger <strong>nucléaire</strong>, aujourd’hui à sept minutes de l’heure<br />

fatidique, est loin de voir ses aiguilles reculer ! Il est<br />

urgent d’engager le désarmement <strong>nucléaire</strong>. ■<br />

POUR EN SAVOIR PLUS<br />

Vers une Europe sans<br />

armes <strong>nucléaire</strong>s,<br />

Jean-Marie Collin,<br />

Observatoire des armes<br />

<strong>nucléaire</strong>s, 2003, 112 pages,<br />

12 euros (port compris)<br />

Disponible auprès du CDRPC,<br />

187, montée de Choulans,<br />

69005 Lyon<br />

1) Christophe Carle, « Le désarmement : les dix prochaines années »,<br />

Forum du désarmement, Unidir, n° 1, 1999.<br />

2) « Remise en question des traités de désarmement : Washington<br />

démantèle l’architecture internationale de sécurité », Le Monde<br />

diplomatique, Pierre Conesa <strong>et</strong> Olivier Lepick, juill<strong>et</strong> 2002.<br />

3) Jayantha Dhanapala, « Commentaire spécial. Un nouveau débat sur<br />

la sécurité », Forum du désarmement, Unidir, n° 1, 1999.<br />

4) La New Agenda Coalition (NAC) réunit une fronde de sept États<br />

(Afrique du Sud, Brésil, Égypte, Irlande, Mexique, Nouvelle-Zélande<br />

<strong>et</strong> Suède), en faveur du désarmement <strong>nucléaire</strong>.<br />

5) D’autres résolutions ont été déposées sur ce même thème, dont la<br />

résolution XVI de la NAC « Vers un monde exempt d’armes <strong>nucléaire</strong>s :<br />

un nouvel ordre du jour » : 133 pour, 6 contre (dont les principales<br />

puissances <strong>nucléaire</strong>s).<br />

6) Explication de vote pro<strong>non</strong>cée par François Rivasseau, représentant<br />

permanent de la France auprès de la Conférence du désarmement sur le<br />

proj<strong>et</strong> de résolution L.53 intitulé : « Vers l’élimination totale des armes<br />

<strong>nucléaire</strong>s », New York, le 30 octobre 2003.<br />

7) Les continents de l’Antarctique <strong>et</strong> de l’Afrique, les régions de l’Asie<br />

du Sud-est <strong>et</strong> de l’Amérique latine <strong>et</strong> des Caraïbes, les territoires du<br />

Pacifique au sud de l’équateur.<br />

8) Rapport de la France sur l’application de l’article VI <strong>et</strong> de l’alinéa C du<br />

paragraphe 4 de la décision de 1995 sur les principes <strong>et</strong> objectifs de la<br />

<strong>non</strong>-prolifération <strong>et</strong> du désarmement <strong>nucléaire</strong>s, Genève 30 avril 2003.<br />

9) Le Tice a été signé <strong>et</strong> ratifié par les deux pays respectivement les<br />

24 septembre 1996 <strong>et</strong> 6 avril 1998.<br />

10) Jean-Marie Collin, Vers une Europe sans armes <strong>nucléaire</strong>s,<br />

Observatoire des armes <strong>nucléaire</strong>s françaises/CDRPC, 2003.<br />

11) « La dissuasion <strong>nucléaire</strong> doit être repensée », Cahier de<br />

l’Observatoire des armes <strong>nucléaire</strong>s françaises, n° 1, juin 2002.<br />

12) Le tritium incorporé aux ogives <strong>nucléaire</strong>s doit être remplacé tous<br />

les quatre ou cinq ans en raison de sa décroissance radioactive qui a<br />

une période de 12,3 ans.


Une expédition<br />

pacifique<br />

Christian BRUNIER*<br />

*Membre du Man (Mouvement pour une alternative <strong>non</strong>-violente,<br />

114, rue de Vaugirard, 75006 Paris).<br />

En 1973, un groupe de Français embarque<br />

pour la Polynésie. Jean Toulat <strong>et</strong> le général<br />

Jacques de Bollardière racontent c<strong>et</strong>te<br />

expédition <strong>non</strong>-violente exemplaire à<br />

laquelle participait Jean-Marie Muller <strong>et</strong><br />

d’autres militants anti<strong>nucléaire</strong>s.<br />

Jean Toulat se souvient : « La Polynésie française avait<br />

alors pour député un Tahitien de race Maohi, Francis<br />

Sanford, qui ressentait très fortement l’humiliation imposée<br />

à son peuple. En 1962, sans consultation de la population<br />

ni même de ses représentants, le général de Gaulle,<br />

apôtre de l’autonomie interne sur d’autres terres, avait<br />

décidé d’implanter dans les îles du Pacifique un Centre<br />

d’expérimentations <strong>nucléaire</strong>s (CEP). On imagine la réaction<br />

des Corses si le chef de l’État, d’autorité, avait an<strong>non</strong>cé<br />

qu’il voulait faire de l’île de Beauté un champ de tirs atomiques…<br />

Sanford trouva une oreille complaisante — <strong>et</strong><br />

une imagination fertile — auprès du député de Nancy,<br />

Jean-Jacques Servan-Schreiber qui s’était toujours montré<br />

hostile à l’armement atomique. Au printemps 1973, les<br />

deux parlementaires imaginent une opération propre à<br />

frapper l’opinion <strong>et</strong> à briser le mur du silence : envoyer<br />

dans la zone des essais un bateau protestataire monté par<br />

des personnalités françaises représentant les divers<br />

milieux : politiques, scientifiques, culturels, religieux… Il y<br />

eut des volontaires. Mais sur place, à Pape<strong>et</strong>e, Francis<br />

Sanford ne trouva aucun armateur qui consente à “se<br />

mouiller” pour se rendre vers Moruroa. Tous craignaient de<br />

comprom<strong>et</strong>tre leur avenir auprès de l’administration.<br />

Cependant, parmi les personnalités pressenties,<br />

il y a un “battant”, le général de Bollardière, qui ne veut<br />

pas re<strong>non</strong>cer à une action directe. Une vieille goél<strong>et</strong>te<br />

américaine d’origine danoise, le Fri (Liberté) croise déjà<br />

dans la zone des essais avec un équipage international<br />

de treize personnes. Pourquoi ne pas essayer de la<br />

rejoindre ? Le baroudeur demande à Jean-Marie Muller <strong>et</strong><br />

à moi-même de l’accompagner dans sa tentative. Nous<br />

acceptons. À la dernière heure, un quatrième homme<br />

27<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong>


28<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong><br />

Christian Brunier<br />

demande à se joindre à nous comme responsable des<br />

Amis de la Terre : Brice Lalonde. Partis tous les quatre, le<br />

17 juin 1973, nous passons quinze jours à rechercher aux<br />

îles Fidji puis en Nouvelle-Zélande, un bateau qui accepte<br />

de nous conduire jusqu’au Fri. Enfin aux îles Cook, un<br />

Australien consent à nous transporter sur son yacht,<br />

l’Arwen, vers le navire protestataire repéré à mille huit<br />

cents kilomètres de là. Alors commence une aventure de<br />

quinze autres jours en haute mer avec tempête puis<br />

calme plat.<br />

L’Arwen finit par rejoindre, le 15 juill<strong>et</strong>, le courageux<br />

équipage du Fri parti de Nouvelle-Zélande depuis<br />

deux mois. Le capitaine, l’Américain David Moody a pour<br />

compag<strong>non</strong> des Néo-zélandais, des Australiens, un<br />

Britannique, un Hollandais <strong>et</strong> un Français : le pasteur<br />

Gilbert Nicolas.<br />

L’ultimatum de l’amirauté<br />

Dès le lendemain du 17 juill<strong>et</strong>, nous avons la visite d’un<br />

navire de la Marine nationale, La Dunkerquoise. Un<br />

officier s’en détache à bord d’un canot pour venir nous<br />

rem<strong>et</strong>tre un message du vice-amiral commandant le CEP.<br />

Il nous ordonne de quitter immédiatement la zone des<br />

essais. Forts de la convention de Genève sur la haute mer<br />

(car nous restons dans les eaux internationales), nous<br />

refusons l’ultimatum de l’amirauté. Alors, nous est-il<br />

an<strong>non</strong>cé, nous allons être remorqués de force hors de la<br />

zone dangereuse. Effectivement apparaissent deux<br />

autres navires de guerre, notamment l’aviso Doudart de<br />

Lagrée qui dépêche vers nous un commando de fusiliersmarins<br />

moulés dans le collant noir de plongée sous-marine,<br />

un poignard glissé le long du moll<strong>et</strong>. À bord, ils prennent<br />

la barre <strong>et</strong> arrachent les antennes de radio. Le Fri est<br />

amarré au remorqueur Hippopotame.<br />

Alors que, officiellement, on nous conduit hors de<br />

la zone des essais, nous sommes tout surpris lorsque,<br />

dans la nuit, nous apercevons un scintillement de<br />

lumières, comme à l’approche d’un port. Un ballon se dres-<br />

se dans le ciel, le ballon auquel sera suspendu la bombe —<br />

qui n’a pas encore éclaté ; nous sommes à Moruroa !<br />

Un jeune enseigne de vaisseau vient à bord <strong>et</strong>,<br />

fort courtoisement, nous prie de prendre nos bagages en<br />

vue de débarquer ; les Français seront aussitôt conduits<br />

par avion à Pape<strong>et</strong>e où ils seront libérés. Notre réponse<br />

est ferme : “Amenés ici par la force, c’est par la force<br />

aussi que nous en sortirons !” Nous restons assis dans le<br />

carré du Fri, immobiles, silencieux, opposant le poids de<br />

notre résistance à l’évacuation manu militari. Les gardes<br />

mobiles — une soixantaine venus de Tahiti renforcer les<br />

troupes locales —, nous empoignent un à un <strong>et</strong> nous hissent<br />

sur le pont où leurs compag<strong>non</strong>s nous agrippent. Il<br />

leur est donné de voir ce spectacle inédit : un glorieux<br />

soldat, compag<strong>non</strong> de la Libération, grand officier de la<br />

Légion d’honneur, le général de Bollardière, emmené par<br />

les mains <strong>et</strong> par les pieds entre une double haie de gendarmes<br />

<strong>et</strong> de parachutistes.<br />

Prisonniers à Hao<br />

Bollardière, Muller <strong>et</strong> moi, identifiés comme Français,<br />

nous sommes conduits — toujours portés —, dans un<br />

bureau isolé, tandis que les “étrangers”, même Lalonde <strong>et</strong><br />

Nicolas qui répondent en anglais à toutes les questions,<br />

sont déposés dans un baraquement à part. Des gendarmes<br />

<strong>et</strong> des fusiliers-marins assurent notre “sécurité”.<br />

Nous entamons une grève de la faim jusqu’à ce<br />

que nous ayons recouvré notre liberté de citoyens français.<br />

Le lendemain, nous sommes embarqués, seuls,<br />

dans un vaste Nord-Atlas qui nous dépose sur l’atoll<br />

d’Hao, à quatre cent cinquante kilomètres de Moruroa ;<br />

c’est là qu’est débarquée la bombe fabriquée en France.<br />

Un contre-ordre est arrivé : plus question de nous libérer.<br />

Accueillis par le colonel commandant du site, nous protestons<br />

contre les mesures illégales prises à notre encontre.<br />

Pour toute réponse, Bollardière est emmené dans une voiture<br />

vers une destination inconnue tandis que Muller <strong>et</strong><br />

moi, nous nous r<strong>et</strong>rouvons à la prison militaire de la base,


En Polynésie<br />

sur le bateau Fri.<br />

De gauche à droite :<br />

Jacques de<br />

Bollardière, Hugh<br />

Munro, Jean Toulat,<br />

Brice Lalonde<br />

<strong>et</strong> Jean-Marie Muller.<br />

DR<br />

les “étrangers” étant internés au club nautique cerné<br />

d’un grillage. »<br />

Le cas du général<br />

Jacques de Bollardière<br />

Extrait de Objectifs Moruroa, avec Bollardière,<br />

Jean Toulat, Robert Laffont, 1974<br />

Le 19 juill<strong>et</strong> 1973 à Hao, Jacques de Bollardière, mis au<br />

secr<strong>et</strong> sur l’atoll d’Hao, apprend qu’il est mis d’office à<br />

la r<strong>et</strong>raite « pour avoir manqué à l’obligation de réserve ».<br />

Il souhaite alors s’exprimer <strong>non</strong> contre la sanction qui le<br />

frappe mais sur les raisons qui le conduisent à protester<br />

Une expédition pacifique<br />

contre les essais <strong>nucléaire</strong>s français dans le Pacifique 1 .<br />

Ces convictions inspireront son action au cours des<br />

douze années qui lui restent à vivre <strong>et</strong> à lutter.<br />

« Trente ans de vie de soldat <strong>et</strong> d’opérations de<br />

guerre en Europe, en Asie <strong>et</strong> en Afrique m’ont convaincu<br />

que la violence se révèle absolument inefficace pour<br />

résoudre humainement les tensions <strong>et</strong> les conflits qui<br />

sont la trame de notre Histoire. Le recours obstiné à la<br />

violence pour résoudre les problèmes, de nature politique<br />

<strong>et</strong> avant tout humaine, que posaient à la France les<br />

aspirations de l’Indochine, puis de l’Algérie, a conduit<br />

notre peuple à l’oubli des valeurs fondamentales de civilisation.<br />

le gouvernement français a engagé l’armée, pendant<br />

dix-sept ans, dans des campagnes désastreuses qui<br />

ont abouti, en Indochine, à la défaite de Diên Biên Phu, à<br />

29<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong>


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<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong><br />

Christian Brunier<br />

celle des unités parachutistes d’élite que j’ai eu l’honneur<br />

de commander pendant dix ans, <strong>et</strong> en Algérie, à la<br />

rupture des liens avec la France, au départ des piedsnoirs,<br />

à la révolte de l’armée, <strong>et</strong> aux criminelles entreprises<br />

de l’OAS.<br />

J’ai donné trente ans de ma vie pour défendre<br />

mon pays. Je suis décidé plus que jamais à consacrer les<br />

années qui me restent à défendre la France, <strong>et</strong> d’abord<br />

contre elle-même, contre les choix politiques, en matière<br />

de défense, qui ne tiennent aucun compte des réalités du<br />

monde d’aujourd’hui, <strong>et</strong> conduisent à des conséquences<br />

aberrantes : choix d’objectifs démographiques, ventes<br />

d’armes dans le monde entier. Convaincu de l’efficacité<br />

des stratégies indirectes m<strong>et</strong>tant en œuvre des<br />

méthodes de résistance civile <strong>non</strong>-violente, je suis scandalisé<br />

du fait que ces méthodes ne soient pas ouvertement<br />

exposées aux différentes instances où s’élaborent<br />

la pensée militaire française. Je suis scandalisé encore<br />

que notre conception actuelle de la défense nationale<br />

n’ait jamais fait, jusqu’à ce jour, l’obj<strong>et</strong> d’un débat de<br />

fond après une information du peuple français. »<br />

Trente ans plus tard, pas un seul mot du texte de<br />

Jacques Bollardière à son ministre de tutelle n’est à<br />

r<strong>et</strong>rancher, sa vérité n’encourt aucun démenti…<br />

Regards<br />

Il y a trente ans, un général, qui ne craignait pas de « se<br />

mouiller », attira l’attention du monde entier avec ses<br />

compag<strong>non</strong>s contre le « scandale » des essais <strong>nucléaire</strong>s<br />

français dans le Pacifique C<strong>et</strong>te expédition lointaine précéda<br />

celle du Rainbow Warrior, navire amiral de l’association<br />

Greenpeace, coulé par les services secr<strong>et</strong>s français<br />

dans le port d’Auckland, le 10 juill<strong>et</strong> 1985. Dix ans plus<br />

tard, lors des derniers « essais Chirac », le Rainbow<br />

Warrior II, était arraisonné par les commandos de marine<br />

dans les eaux territoriales françaises autour du site de<br />

Moruroa. L’écrivain <strong>et</strong> prêtre engagé Jean Toulat r<strong>et</strong>race<br />

un épisode de c<strong>et</strong>te lutte implacable contre les essais <strong>et</strong><br />

l’armement <strong>nucléaire</strong> dont il fut un des héros. Dans le<br />

sillage de ces femmes <strong>et</strong> de ces hommes de paix, des<br />

dizaines de milliers de citoyens regroupés au sein de la<br />

coalition Abolition 2000 poursuivent leur combat contre<br />

l’arme <strong>nucléaire</strong>, instrument de la « sauvagerie » selon<br />

Albert Camus. Le lendemain de l’explosion d’Hiroshima, il<br />

nous exhortait à choisir entre l’« enfer <strong>et</strong> la raison », le<br />

« suicide collectif ou l’utilisation intelligente des<br />

conquêtes scientifiques ». Les États <strong>nucléaire</strong>s sont restés<br />

sourds à son avertissement. ■<br />

1) Jacques de Bollardière, compag<strong>non</strong> de toutes les libérations,<br />

éditions NVA, 20, rue du Dévid<strong>et</strong>, 45200 Montargis.


Sortir<br />

de l’oubli<br />

Bruno BARRILLOT*<br />

*Directeur du CDRPC. Auteur de : Les Irradiés de la République. Les<br />

victimes des essais <strong>nucléaire</strong>s français prennent la parole, co-édition<br />

Complexe, Grip <strong>et</strong> Observatoire des armes nculéaires, 2003,<br />

240 pages, 18 euros (port compris) ; <strong>et</strong> de L’héritage de la bombe.<br />

Polynésie, Sahara, 1960-2002. Les faits, les personnels, les<br />

populations. Études du CDRPC, 2002, 320 pages, 21,70 euros<br />

(port compris). Ouvrages disponibles auprès du CDRPC.<br />

Les irradiés de la bombe française sont<br />

innombrables. Ils portent plainte contre<br />

l’État français.<br />

Plus de 150 000 personnes 1 ont participé, de 1960 à<br />

1996, aux quelque 210 expériences <strong>nucléaire</strong>s réalisées<br />

par la France d’abord au Sahara, puis à partir du<br />

2 juill<strong>et</strong> 1966 à Moruroa <strong>et</strong> Fangataufa. L’immense majorité<br />

de ces personnes — des hommes en presque totalité<br />

— n’étaient pas des volontaires. Pour la plupart, ils<br />

ont été envoyés sur les sites d’essais pour effectuer leur<br />

service militaire obligatoire. Pas plus que les travailleurs<br />

algériens <strong>et</strong> polynésiens embauchés pour des tâches<br />

subalternes, ils n’étaient informés des risques qu’ils<br />

pouvaient encourir.<br />

« Nous étions jeunes, insouciants <strong>et</strong> heureux tout<br />

à la fois de participer à c<strong>et</strong>te grande aventure de la<br />

bombe. Et, de plus, nous allions au bout du monde aux<br />

frais de l’État ! » Quoi de plus rassurant, d’ailleurs, quand<br />

les consignes écrites données par les armées à ces<br />

hommes affirmaient faussement qu’après l’explosion de<br />

la bombe, on n’avait « rien à craindre des radiations » !<br />

Négligences <strong>et</strong> accidents au Sahara<br />

Mais aujourd’hui, les vétérans fouillent dans leur<br />

mémoire <strong>et</strong> font remonter des souvenirs oubliés<br />

depuis des dizaines d’années. À Reggane (Sahara), là où<br />

la France fit exploser dans l’atmosphère sa première<br />

bombe le 13 février 1960 (« Hourra pour la France ! »<br />

s’était écrié le général de Gaulle), les autorités militaires<br />

firent distribuer généreusement aux soldats « une paire<br />

de lun<strong>et</strong>tes pour 40 personnes » !<br />

Deux années plus tard, quelques semaines après<br />

la fin de la guerre d’Algérie, les Français inauguraient —<br />

comme un grand spectacle — une nouvelle technique de<br />

tir, en souterrain, dans le flanc d’une montagne — le Tan<br />

Afela — située dans le sud saharien.<br />

31<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong>


32<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong><br />

Bruno Barrillot<br />

C’était au p<strong>et</strong>it matin du 1 er mai 1962, car la chaleur<br />

arrive tôt dans c<strong>et</strong>te région désertique. Pour rehausser<br />

l’événement, les militaires avaient convié deux<br />

ministres du général de Gaulle — MM. Pierre Messmer <strong>et</strong><br />

Gaston Palewski — qui, entourés de près de deux mille<br />

hommes, allaient assister à ce formidable spectacle d’une<br />

montagne ébranlée par le choc brutal de l’explosion. Ce<br />

fut, hélas, la catastrophe imprévue : la montagne du Tan<br />

Afela s’ouvrit sous les yeux incrédules des assistants. Un<br />

énorme nuage noir s’échappa du flanc de la montagne <strong>et</strong><br />

se mit à obscurcir le ciel au-dessus de la foule des spectateurs.<br />

Ce fut la panique générale. Les témoins se souviennent<br />

de c<strong>et</strong>te débâcle qui n’est pas à l’honneur de la<br />

hiérarchie militaire. Les chefs s’enfuirent les premiers<br />

tandis que des soldats furent « oubliés » pendant des<br />

heures dans la tourmente radioactive. Quant aux PLBT<br />

(Populations laborieuses du Bas Taouat) — les auxiliaires<br />

touaregs employés à des tâches subalternes par les<br />

Français — ils furent carrément abandonnés.<br />

Le choix de la Polynésie française<br />

Mais, en 1962, l’Algérie était devenue indépendante.<br />

Les accords franco-algériens d’indépendance<br />

avaient prévu que les militaires français pourraient poursuivre<br />

leurs expériences au Sahara pendant cinq ans, le<br />

temps de trouver une solution de rechange. Depuis<br />

quelques années, la base de repli avait été r<strong>et</strong>enue sous<br />

d’autres cieux, en Polynésie.<br />

D’autre part, les militaires s’étaient rendu compte<br />

que les tirs souterrains du Sahara n’étaient guère<br />

concluants pour la mise au point des futures bombes. On<br />

décida alors de revenir aux essais dans l’atmosphère<br />

malgré la signature, en 1963 par les États-Unis, l’URSS <strong>et</strong><br />

le Royaume-Uni, du traité d’interdiction des essais<br />

<strong>nucléaire</strong>s atmosphériques. Il fallut attendre jusqu’en<br />

1974, après une campagne de protestation diplomatique<br />

<strong>et</strong> d’opinion sans précédent, pour qu’elle m<strong>et</strong>te fin aux<br />

essais en atmosphère.<br />

Il serait fastidieux de répertorier les accidents <strong>et</strong><br />

les incidents imprévus qui ont émaillé c<strong>et</strong>te période en<br />

provoquant des r<strong>et</strong>ombées radioactives, <strong>non</strong> seulement<br />

sur les personnels militaires mais également sur les<br />

populations des îles <strong>et</strong> atolls voisins de Moruroa <strong>et</strong><br />

Fangataufa. En fait, à écouter les témoignages, les conséquences<br />

désastreuses de ces expériences sur la santé<br />

des personnels proviennent tout autant, si<strong>non</strong> davantage,<br />

des négligences habituelles des autorités <strong>et</strong> de l’absence<br />

d’information sur les risques encourus par la proximité<br />

de la radioactivité. Selon l’enquête santé menée par<br />

l’Association des vétérans des essais <strong>nucléaire</strong>s (Aven),<br />

près de 80 % d’entre eux n’avaient reçu aucune information<br />

sur les liens entre le <strong>nucléaire</strong> <strong>et</strong> la santé quand ils<br />

étaient sur les sites. Les autorités ne peuvent pas prétexter<br />

que les connaissances de l’époque étaient lacunaires : au<br />

cours des années 1950, les États-Unis avaient déclassifié<br />

les rapports sur les conséquences des bombardements<br />

d’Hiroshima <strong>et</strong> Nagasaki <strong>et</strong> ces derniers faisaient, avant<br />

1960, l’obj<strong>et</strong> de nombreuses publications en français. Or,


pour ne décompter que les essais considérés comme les<br />

plus nocifs, avec 46 tirs aériens, la Polynésie <strong>et</strong> les archipels<br />

voisins ont subi l’équivalent de 675 Hiroshima !<br />

Création des associations<br />

En 1995, alors que les Polynésiens espéraient en avoir<br />

fini avec la bombe, la reprise des essais décidée sans<br />

aucune concertation par Jacques Chirac déclencha la colère<br />

des Tahitiens. Puisque depuis trente ans, l’avis de nos<br />

compatriotes du Pacifique n’avait jamais été sollicité, les<br />

ONG de Tahiti, appuyées par l’Église évangélique —<br />

confession majoritaire dans la population des archipels —<br />

engagèrent un processus de discussion au cours d’une<br />

enquête sociologique auprès des anciens travailleurs de<br />

Moruroa, animée par deux experts hollandais.<br />

« Moruroa e tatou » (Moruroa <strong>et</strong> nous) — a été le<br />

nom choisi par l’association des anciens travailleurs qui<br />

s’est finalement créée à Tahiti le 4 juill<strong>et</strong> 2001, date<br />

proche du trente-cinquième anniversaire de la première<br />

bombe française au-dessus de Moruroa. L’association<br />

compte aujourd’hui plus de deux mille membres.<br />

Parallèlement, en France, alors qu’un débat<br />

médiatique sur le « syndrome du Golfe » envahissait les<br />

médias, les vétérans des essais <strong>nucléaire</strong>s — militaires<br />

professionnels, personnels civils du Commissariat à<br />

l’énergie atomique 2 ou des entreprises sous-traitantes <strong>et</strong><br />

hommes de troupe ayant effectué leur service militaire sur<br />

les sites d’essais du Sahara ou de Polynésie — se constituèrent<br />

en association le 9 juin 2001. Elle regroupe aujourd’hui<br />

plus de deux mille adhérents <strong>et</strong> sympathisants.<br />

Comment expliquer ce réveil des témoins, pour<br />

les plus anciens près de quarante après les faits ? Les<br />

explications sont complexes <strong>et</strong> multiples. Beaucoup<br />

d’entre eux s’estimaient tenus au secr<strong>et</strong> qui leur avait été<br />

imposé. Mais la raison principale est probablement plus<br />

simple : tous ces personnels étaient en majorité des<br />

hommes très jeunes. Ils étaient enthousiasmés par c<strong>et</strong>te<br />

grande aventure de la bombe à laquelle ils avaient été<br />

Sortir de l’oubli<br />

conviés, à l’autre bout du monde. Les risques immédiats<br />

n’avaient aucune visibilité <strong>et</strong> leurs conséquences ne se<br />

révéleraient que bien des années plus tard. Mais de tout<br />

cela, la grande majorité des vétérans <strong>et</strong> des anciens travailleurs<br />

affirment qu’on ne leur avait rien dit.<br />

Graves problèmes de santé<br />

L e facteur déclencheur de ce réveil est incontestablement<br />

la maladie. Selon l’enquête médicale auprès des<br />

adhérents de l’Aven, 91 % d’entre eux déclarent ne pas<br />

être en bonne santé. Principales pathologies, on s’en<br />

doute, les diverses variantes de cancers. « Près de 31,6 %<br />

des maladies déclarées sont cancéreuses, constate Jean-<br />

Louis Valatx, président de l’association, médecin <strong>et</strong> directeur<br />

de recherche à l’Institut national de la santé <strong>et</strong> de la<br />

33<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong>


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<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong><br />

Bruno Barrillot<br />

Le fabuleux voyage de notre père parti de Brest<br />

Nous sommes en 1986, j’ai treize ans <strong>et</strong> mon frère en a dix.<br />

J’ai une leçon de géographie car je suis à l’école. Je me munis d’un planisphère <strong>et</strong> au moment<br />

de réciter ma leçon à mon père, je le vois tout pensif <strong>et</strong> il se m<strong>et</strong> à me narrer une histoire, son histoire.<br />

Il a effectué son service militaire dans la marine <strong>et</strong> quelle fierté pour lui.<br />

Il est parti de Brest, il me montre sur la carte où ça se situe. Il me raconte<br />

tout son voyage pour arriver en Polynésie sur un bateau qui s’appelle La<br />

Maurienne, à Moruroa, de 1969 à 1970, comme plongeur de bord.<br />

C’était fantastique, nous dit-il, la bombe qui explose pour lui est une<br />

expérience unique. Il nous sort ses photos sur lesquelles nous voyons de gros<br />

champig<strong>non</strong>s de fumée. Il a l’impression d’être privilégié <strong>et</strong> tellement fier de lui,<br />

<strong>et</strong> nous aussi, fiers de ce papa qui a vécu tant de choses formidables. Quelle<br />

chance nous avions !<br />

Il était unique. Dans nos p<strong>et</strong>ites têtes blondes, il n’y avait pas deux<br />

papas comme celui-là qui avait vécu de telles choses. Son pompon de marin est<br />

également une fierté, il trône dans toutes ses voitures, accroché au rétroviseur, à<br />

la vue de tout le monde.<br />

Puis un jour, notre père tomba malade, en 1989, à quarante ans. Nous<br />

étions des enfants. Les cancers successifs se sont déclarés dans le sang, dans les<br />

glandes pour se généraliser. Mais ce père si fort qui avait vécu tant de choses<br />

était pour nous immortel.<br />

J’ai trente ans maintenant <strong>et</strong> mon frère en a vingt-sept. Notre père est<br />

décédé en 1991 à 42 ans (lui qui voulait vivre cent ans).<br />

Puis je lis certains articles sur le <strong>nucléaire</strong> <strong>et</strong> tout cela me révolte. Je<br />

pense que notre père est mort pour rien, pas informé sur les dangers qu’il encourait à l’époque.<br />

Ma mère a 54 ans, elle est veuve depuis douze ans. Elle adhère aujourd’hui à l’Aven, association<br />

que je soutiens de tout mon cœur. C’est pourquoi j’écris à tous ces vétérans des essais <strong>nucléaire</strong>s<br />

qui ont vécu des choses formidables à l’époque, qui le paient très cher aujourd’hui <strong>et</strong> qui étaient sûrement<br />

aussi fiers que notre père.<br />

Pour mon fils qui ne connaît pas son grand-père, c<strong>et</strong> homme que nous aimions tant <strong>et</strong> je ne<br />

peux que lui parler <strong>et</strong> lui montrer quelques photos.<br />

Je souhaite maintenant que la vérité éclate au grand jour pour mon frère, ma mère, mon fils,<br />

moi <strong>et</strong> tous ces gens qui ne méritent sûrement pas tous ces malheurs qui leur arrivent aujourd’hui pour<br />

avoir vécu des moments de « rêve » dans leur passé.<br />

Deux mots pour tout cela : JUSTICE <strong>et</strong> COURAGE à tous ces vétérans malades <strong>et</strong> leurs familles.<br />

Karine C. (15 décembre 2003)


echerche médicale. Ce pourcentage est supérieur à l’incidence<br />

annuelle du cancer en France (17 %) pour les<br />

hommes de moins de 65 ans. » Mais bien d’autres affections<br />

<strong>non</strong> cancéreuses affectent les vétérans : maladies<br />

de peau <strong>et</strong> du squel<strong>et</strong>te, du système cardio-vasculaire. De<br />

nombreux vétérans ont également eu des difficultés pour<br />

avoir des enfants. Certains avaient même reçu la recommandation<br />

des médecins militaires, d’attendre quelques<br />

années avant d’avoir des enfants. Tous n’ont pas suivi ce<br />

conseil <strong>et</strong> beaucoup déplorent le décès de leur premier<br />

enfant <strong>et</strong> des malformations pour les autres…<br />

Plusieurs vétérans — ou leurs veuves — ont<br />

tenté des démarches auprès des autorités pour rechercher<br />

l’origine de ces maladies ou des décès. Ils n’ont<br />

reçu, de la part des services de santé militaire que<br />

réponses insignifiantes, indignes de la part de médecins<br />

pourtant tenus au serment d’Hippocrate.<br />

Aujourd’hui, la colère gronde face à ce mépris <strong>et</strong><br />

à c<strong>et</strong>te dissimulation des informations au prétexte du<br />

sacro-saint secr<strong>et</strong> militaire. « Qu’ils gardent donc les<br />

mystères de la bombe qui ne nous intéressent pas, clament<br />

les vétérans, mais quand notre santé est en jeu,<br />

quand l’avenir de nos enfants reste notre angoisse quotidienne,<br />

alors comment ne pas se révolter. »<br />

Les demandes justifiées de compensations ou<br />

les revendications de pensions passent après la soif de<br />

savoir, après l’exigence de vérité. Pourtant, quelques tribunaux<br />

commencent à leur donner raison en reconnaissant<br />

la responsabilité de l’État. Trois associations —<br />

l’Aven en France, Moruroa e tatou en Polynésie <strong>et</strong> l’association<br />

qui tente de se m<strong>et</strong>tre en place en Algérie — ont<br />

décidé de se battre en justice : une plainte contre X a été<br />

déposée début décembre 2003 auprès du Parqu<strong>et</strong> de<br />

Paris <strong>et</strong> un juge d’instruction devrait être nommé. Face à<br />

la mauvaise volonté <strong>et</strong> au mépris des autorités ministérielles,<br />

la justice devra trancher.<br />

Les associations militent également pour qu’une<br />

loi sur le suivi des essais <strong>nucléaire</strong>s soit adoptée en<br />

France, comme c’est le cas aux États-Unis depuis 1988.<br />

En janvier 2002, une conférence a été organisée au Sénat<br />

Sortir de l’oubli<br />

à Paris : les associations ont invité des représentants de<br />

leurs homologues anglais, américains, australiens, néozélandais<br />

<strong>et</strong> fidjiens qui tous, sont venus présenter en<br />

France les initiatives prises en leur faveur par leurs gouvernements.<br />

Une façon de montrer combien la France est<br />

en r<strong>et</strong>ard <strong>et</strong> crispée sur le dogme, répété depuis quarante<br />

ans, de l’innocuité parfaite de ses essais <strong>nucléaire</strong>s. Le<br />

28 novembre 2003, une conférence de presse a réuni, à<br />

Paris, plusieurs dizaines de journalistes des médias<br />

écrits <strong>et</strong> télévisés. Désormais les revendications <strong>et</strong> les<br />

épreuves des victimes des essais <strong>nucléaire</strong>s français sont<br />

connues du grand public. Reste à l’État de reconnaître<br />

enfin ses responsabilités. ■<br />

1) En 2002, un rapport officiel de l’Office parlementaire d’évaluation des<br />

choix scientifiques <strong>et</strong> technologiques écrit : « On a compté environ<br />

24 000 personnes sur les sites du Sahara avec 17 essais en six ans alors<br />

que pour le CEP en Polynésie on en comptait 57 750 pour 210 essais en<br />

trente ans. » Aujourd’hui, le ministère de la Défense reconnaît le chiffre<br />

de 150 000 participants aux essais.<br />

2) En France, c’est la Direction des applications militaires du Commissariat<br />

à l’énergie atomique (organisme civil à caractère scientifique) qui a la<br />

charge de concevoir, de tester, de fabriquer, d’assurer la maintenance <strong>et</strong><br />

de démanteler les armes <strong>nucléaire</strong>s. Les unités militaires ont la direction<br />

opérationnelle de ces armes. Lors des essais <strong>nucléaire</strong>s, les militaires<br />

avaient principalement des missions de soutien des expérimentations<br />

(préparation des sites de tirs, surveillance, infrastructures…). Des<br />

entreprises civiles, notamment spécialisées dans les travaux publics,<br />

ont également participé à la construction <strong>et</strong> à la maintenance des<br />

infrastructures des sites d’essais du Sahara <strong>et</strong> de Polynésie.<br />

POUR EN SAVOIR PLUS<br />

Les Irradiés de la République.<br />

Les victimes des essais<br />

<strong>nucléaire</strong>s français prennent<br />

la parole, Bruno Barrillot,<br />

co-édition Complexe, Grip<br />

<strong>et</strong> Observatoire des armes<br />

<strong>nucléaire</strong>s, 2003, 240 pages,<br />

18 euros (port compris)<br />

Disponible auprès du CDRPC,<br />

187, montée de Choulans,<br />

69005 Lyon.<br />

35<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong>


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<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong><br />

En Allemagne,<br />

à l’époque<br />

des euromissiles<br />

Danielle BERNARD*<br />

* Professeur agrégée germaniste.<br />

ANV reproduit ici un extrait de la brochure de l’auteure Humour<br />

<strong>et</strong> désobéissance civile jusqu’au désarmement à l’Ouest <strong>et</strong> à l’Est,<br />

pendant la crise des euromissiles en République fédérale allemande,<br />

2002, 34 pages ; disponible contre 7 euros (port compris) auprès<br />

de l’auteure : Danielle Bernard, 22, chemin du Lavoir,<br />

38500 Saint-Cassien (chèque à l’ordre de Danielle Bernard).<br />

C’est probablement en Allemagne, entre<br />

1981 <strong>et</strong> 1984, que l’opposition a été la plus<br />

forte en Europe contre l’installation<br />

des euromissiles. Exemples de blocades<br />

<strong>non</strong>-<strong>violentes</strong>.<br />

En novembre 1981, le groupe d’action <strong>non</strong>-violente de<br />

Tübingen (Gewaltfreie Aktion Tübingen, GA Tü) lance<br />

l’idée d’une blocade <strong>non</strong> stop pour l’été 1982 avec un millier<br />

de participants. Quelque sept cents activistes venus<br />

de toute la RFA, organisés au préalable en une soixantaine<br />

de groupes de base ou groupes d’affinité<br />

(Bezugsgruppen) bloquent, assis (Sitzblockade), pendant<br />

une semaine à tour de rôle les entrées du dépôt, jusqu’à<br />

ce que la police les emporte. Cela donne lieu à trois<br />

cent cinquante arrestations. Des équipes de trois<br />

groupes d’affinité 1 totalisant une quarantaine de personnes<br />

viennent en bicycl<strong>et</strong>te des camps sous toile <strong>et</strong> se<br />

relaient toutes les six heures pour bloquer l’accès au<br />

dépôt. Wir zerstören nicht, aber wir stören eben den reibungslosen<br />

Ablauf der Verteidigung zum Tode (jeu de<br />

mots de W. Biermann, §2 : Nous ne faisons pas de<br />

dégâts, mais, c’est vrai, nous dérangeons le cours bien<br />

huilé de la défense vers la mort). À la demande de l’armée<br />

<strong>et</strong> après les trois sommations de rigueur par hautparleur<br />

exigeant la libération des lieux, les policiers procèdent<br />

à l’évacuation (Räumung) des bloqueurs en les<br />

portant plus ou moins délicatement 2 jusqu’au bus de la<br />

police où l’on relève leur identité. Puis le bus les emmène<br />

à quelques kilomètres <strong>et</strong> les abandonne dans la nature,<br />

ce qui ne les empêche nullement de se rasseoir (sich<br />

wieders<strong>et</strong>zen) en travers de la chaussée pour s’opposer<br />

(sich widers<strong>et</strong>zen) à la modernisation de l’armement<br />

(Nachrüstung) qui les indigne (entrüsten) (jeux de mots<br />

des activistes allemands). Le reporter Wilhelm Bittorf 3<br />

évoque de façon comique les détails amusants de l’action<br />

dans Der Spiegel (33/82, pp. 66-72). La police effectue<br />

dix-sept évacuations durant la semaine de blocade à<br />

Großengstingen, c’est-à-dire deux ou trois par jour. […]


Importance de la blocade<br />

de Großengstingen<br />

Quel est l’intérêt d’une action qui n’a pas empêché le<br />

stationnement des euromissiles en novembre 1983<br />

en RFA ? L’opposition à Großengstingen, bien que tardive,<br />

pose un problème de fond, elle n’est pas focalisée sur<br />

de nouvelles armes, les missiles Lance sont stationnées<br />

depuis une dizaine d’années. Il ne s’agit pas seulement<br />

d’éliminer les euromissiles, mais toutes les armes atomiques,<br />

comme l’exprime l’appel à l’action des initiateurs<br />

4 : « Nous sommes des citoyens qui prennent euxmêmes<br />

en main le problème de la paix vu l’échec des<br />

politiciens. Nous n’aurons de cesse tant que les fusées<br />

Créer la paix sans armes<br />

Va donc de l’autre côté ! Va donc de l’autre côté !<br />

En Allemagne, à l’époque des euromissiles<br />

atomiques n’auront pas disparu de Großengstingen.<br />

Nous ne faiblirons pas tant que toutes les fusées atomiques<br />

ne seront pas détruites à l’Ouest <strong>et</strong> à l’Est. »<br />

Les initiateurs réaffirment leur volonté d’obtenir<br />

un désarmement à l’Est <strong>et</strong> à l’Ouest dans leurs tracts destinés<br />

à l’armée <strong>et</strong> à la population 5 . La caricature ci-dessus<br />

montre avec humour qu’il s’agit d’une démarche sur<br />

le fil du rasoir, incomprise à l’Ouest comme à l’Est !<br />

Un groupe d’affinité se réconforte<br />

C<strong>et</strong>te blocade se veut l’expression concrète relativement<br />

aboutie d’une réflexion de plusieurs années sur<br />

la manière <strong>non</strong>-violente de remédier aux conflits. Ses initiateurs<br />

sont conscients que les conflits ne naissent pas<br />

d’un potentiel militaire, mais d’intentions guerrières auxquelles<br />

ils ne sont pas toujours étrangers : ils cherchent<br />

donc à supprimer les attitudes <strong>violentes</strong> dans leur propre<br />

groupe social à titre d’exemple. Dans ce but, ils ont édité<br />

deux manuels (les premiers du genre, selon eux en RFA) 6 ,<br />

un pour préparer <strong>et</strong> guider l’action, le deuxième pour<br />

l’évaluer. Dans le premier, ils expliquent qu’ils se sont<br />

directement inspirés des méthodes du mouvement anti<strong>nucléaire</strong><br />

américain pratiquées en 1978 lors de l’occupation<br />

illégale du chantier de la centrale atomique de<br />

37<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong>


38<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong><br />

Danielle Bernard<br />

Seabrook 7 sur la côte est des États-Unis, près de Boston.<br />

Les activistes américains ont eux-mêmes étudié les techniques<br />

employées à Wyhl en 1975 par l’initiative de<br />

citoyens de Bade <strong>et</strong> d’Alsace qui avait acquis des expériences<br />

à Fessenheim, en Alsace, dès 1971 : le groupe initiateur<br />

de l’opposition à c<strong>et</strong>te centrale s’était formé à<br />

l’action <strong>non</strong>-violente auprès de Jean Goss, secrétaire itinérant<br />

du Mouvement international pour la réconciliation<br />

(ou Ifor, International Fellowship of Reconciliation) pour<br />

les pays francophones 8 . Forts de c<strong>et</strong>te tradition, les activistes<br />

de Großengstingen s’organisent en groupes d’affinité<br />

d’environ vingt personnes <strong>et</strong> s’entraînent à l’action<br />

<strong>non</strong>-violente par des jeux de rôles pour prendre conscience<br />

de leurs peurs, se préparer aux réactions de l’adversaire,<br />

à des prises de décision rapides sans vote, mais<br />

selon le principe du consensus (un accord de tous qui<br />

n’implique pas forcément l’unanimité, mais un effort<br />

dans le sens du groupe).<br />

Préparation d’un jeu de rôle :<br />

certains vont jouer les policiers<br />

Le groupe d’action <strong>non</strong>-violente de Tübingen<br />

avait répondu en août 1979 à l’appel de l’initiative de<br />

citoyens de Lüchow-Dannenberg pour s’opposer au<br />

Les « faux policiers » en action<br />

dépôt de déch<strong>et</strong>s atomiques <strong>et</strong> dispositif de r<strong>et</strong>raitement<br />

de Gorleben. Il avait pratiqué à c<strong>et</strong>te occasion pour la<br />

première fois la technique des groupes d’affinité 9 . Selon<br />

le même principe, il avait soutenu ensuite des blocades à<br />

Brockdorf (centrale atomique près de Hambourg) <strong>et</strong> à<br />

Ramstein dans le Rhénanie-Palatinat (première blocade<br />

d’une base militaire en juin 1981 avec des groupes venus<br />

de toute la RFA dans le cadre de la sixième marche internationale<br />

<strong>non</strong>-violente pour la démilitarisation), ainsi<br />

que des actions <strong>non</strong>-<strong>violentes</strong> à l’exposition internationale<br />

de défense électronique militaire (IDEE) de Hanovre<br />

(Basse-Saxe) en 1982. L’action de Hanovre avait eu un<br />

précédent à l’exposition MEDE (Military Electronic<br />

Defense Expo) de Wiesbaden en 1980. Les deux actions<br />

furent si bien orchestrées que les firmes de matériel électronique<br />

re<strong>non</strong>cèrent à exposer en RFA. D’après la presse<br />

locale, quarante mille opposants ont manifesté à<br />

Hanovre : seulement cent quarante-deux firmes sur les<br />

deux cents prévues ont exposé ; des huit mille visiteurs<br />

attendus, seuls quatre mille vingt-sept sont venus.<br />

La blocade de Großengstingen est aussi un point<br />

de départ dans la mesure où elle servit de modèle à des<br />

blocades contre le stationnement des Pershing-2 dans<br />

une centaine de localités en RFA. ■


1) Ce système s’inspire des grupos de affinidad des anarchistes<br />

espagnols pendant la guerre civile <strong>et</strong> du principe du p<strong>et</strong>it groupe<br />

des Quakers.<br />

2) Beaucoup plus délicatement si les bloqueurs sont connus ; Biermann<br />

à Mutlangen s’en amuse (§5) : « Blutjung waren die Polizisten, die mich<br />

später, nach der dritten Aufforderung, wie ein rohes Ei wegschleppten…<br />

wir waren eben Promis. Die Bullen, dachte ich, haben zuviel Glotze<br />

geglotzt, die verwechseln mich mit Biermann. Wir wurden alle nicht<br />

geprügelt und geschleift, wir erlitten eine diskriminierend menschliche<br />

Behandlung … Und ich genoss dieses höhere Unrecht und war froh, dass<br />

meine langen Fingernägel an der rechten Hand heil blieben. » (Ils étaient<br />

très jeunes, les policiers qui, plus tard, après la troisième sommation,<br />

m’ont évacué comme un œuf cru… car nous étions des personnalités.<br />

Les flics, pensai-je, à force d’écarquiller les yeux devant la télé, me<br />

confondent avec Biermann. Pas un des nôtres n’a reçu de coups, ne<br />

s’est vu traîner à terre, nous avons subi un traitement discriminatoire,<br />

humain. Et je savourai c<strong>et</strong>te injustice supérieure <strong>et</strong> j’étais content que<br />

les ongles longs de ma main droite soient restés intacts).<br />

3) Wilhelm Bittorf a tourné un film de 45 minutes, r<strong>et</strong>raçant la blocade<br />

d’une semaine à Großengstingen, intitulé : « Weg des Ungehorsams »<br />

(disponible chez W. Sternstein, Hauptmannsreute 45,<br />

D-70192 Stuttgart).<br />

4) Gewaltfreie Aktion [GA] 53/54, 1982, p. 34.<br />

5) Ibid. pp. 35-36.<br />

6) En 1963, le couple quaker H. <strong>et</strong> K. Tempel de Hambourg, initiateur des<br />

marches de Pâques, a publié chez Offenbach la traduction d’un manuel<br />

de l’Américain Charles Walker : Handbuch für Planung und Durchführung<br />

von direkten gewaltfreien Aktionen, Müller, p. 30.<br />

7) Sonderdruck aus Graswurzelrevolution (GWR) 30/31, 1978 : Die<br />

Bes<strong>et</strong>zung von Seabrock, 4 p., format A3. GWR 38, Okt. 1978, p. 21 :<br />

Seabrook ‘78 von Jens R. Boy. En mars 1984, c<strong>et</strong>te centrale courait à la<br />

faillite : voir Rosalie Bertell, Sans danger immédiat ? L’avenir de<br />

l’humanité sur une planète radioactive, Éd. la pleine lune, Montréal,<br />

1988, 673 p., (pp. 520-526 sur Seabrook). Texte original : No immediate<br />

danger ?, The Women’s Press Limited, Londres, 1985.<br />

8) Gewaltfreie Aktion (GA) 26/27, 1975/1976, Wolfgang Hertle. Skizze<br />

der französischen Ökologiebewegung, pp. 41-58, 45. Sur l’évolution du<br />

Larzac à Großengstingen, voir l’article de, Wolfgang Hertle, « Larzac,<br />

Wyhl, Brokdorf, Seabrook, Gorleben », in Ziviler Ungehorsam.<br />

Traditionen. Konzepte. Erfahrungen. Perspektiven, Hg. vom Komitee für<br />

Grundrechte und Demokratie e.V. Sensbachtal, 1992, pp. 83-106.<br />

9) Les premiers stages d’entraînement à l’action <strong>non</strong>-violente<br />

(gewaltfreie Trainings) ont lieu en RFA en 1972, proposés par l’Américain<br />

Eric Bachmann, au foyer international d’amitié de Bückeburg près de<br />

Hanovre (Müller, p. 30) construit par des membres du Mouvement<br />

international de la réconciliation (Schlupp, p. 13).<br />

En Allemagne, à l’époque des euromissiles<br />

Humour <strong>et</strong> désobéissance civile jusqu’au<br />

désarmement à l’Ouest <strong>et</strong> à l’Est, pendant la crise<br />

des euromissiles en République fédérale allemande,<br />

2002, 34 pages ; disponible contre 7 euros<br />

(port compris) auprès de l’auteure :<br />

Danielle BERNARD, 22, chemin du Lavoir,<br />

38500 Saint-Cassien (chèque à l’ordre<br />

de Danielle BERNARD).<br />

39<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong>


40<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong><br />

Les travaux de<br />

l’Observatoire<br />

des armes <strong>nucléaire</strong>s<br />

françaises<br />

Patrice BOUVERET*<br />

*Co-fondateur <strong>et</strong> actuel président du CDRPC.<br />

Animateur de la revue Damoclès.<br />

Créé en 2000 à Lyon, l’Observatoire des<br />

armes <strong>nucléaire</strong>s françaises occupe une<br />

place unique en France comme lieu<br />

d’expertise <strong>et</strong> d’aiguillon pour avancer sur<br />

le chemin d’un désarmement <strong>nucléaire</strong><br />

progressif <strong>et</strong> contrôlé.<br />

C<strong>et</strong> Observatoire indépendant, unique en France, s’inscrit<br />

dans le champ des activités du Centre de documentation<br />

<strong>et</strong> de recherche sur la paix <strong>et</strong> les conflits, le<br />

CDRPC, créé il y a maintenant vingt ans, au printemps<br />

1984, par trois Lyonnais, impliqués alors dans la mouvance<br />

antimilitariste.<br />

Un proj<strong>et</strong> ambitieux, certes, que celui de vouloir<br />

insuffler au sein de la société française plus de transparence<br />

<strong>et</strong> un débat contradictoire sur les questions militaires<br />

à partir d’un travail de documentation <strong>et</strong> d’expertise.<br />

D’autant que ce proj<strong>et</strong> est né d’un constat de relatif<br />

échec du développement en France — comparativement<br />

aux autres pays européens — d’un fort mouvement d’opposition<br />

à la guerre en général <strong>et</strong> à l’armement <strong>nucléaire</strong><br />

en particulier. En eff<strong>et</strong>, la première moitié de la décennie<br />

des années 1980 avait vu se lever un fort mouvement<br />

d’opposition à l’implantation de nouvelles armes<br />

<strong>nucléaire</strong>s en Europe. C<strong>et</strong>te mobilisation européenne<br />

s’inscrivait dans le contexte de la guerre froide entre les<br />

deux blocs <strong>et</strong> s’était focalisée alors sur la décision soviétique<br />

de déploiement des missiles SS20 <strong>et</strong> la « réponse »<br />

états-unienne d’installation des missiles Pershing dans<br />

plusieurs des États européens membres de l’Otan.<br />

Ralliement derrière le champig<strong>non</strong>…<br />

Certes, la France n’était pas directement concernée par<br />

c<strong>et</strong>te double décision. Un argument souvent rétorqué<br />

lorsqu’on soulignait la faiblesse de la mobilisation française<br />

vis-à-vis des autres opinions publiques européennes.<br />

Sauf que le gouvernement français construisait


<strong>et</strong> déployait dans le même temps des armes <strong>nucléaire</strong>s<br />

de conception <strong>et</strong> d’objectifs similaires aux euromissiles :<br />

les Hadès <strong>et</strong> les Pluton… Armes qui auraient dû devenir<br />

une cible majeure de mobilisation de la société française.<br />

Or, cela n’a pas été le cas.<br />

De manière plus profonde : la classe politique<br />

française, dans sa quasi-majorité, s’était ralliée à la stratégie<br />

<strong>nucléaire</strong> développée par le général Charles de<br />

Gaulle de manière secrète au sortir de la Seconde Guerre<br />

mondiale <strong>et</strong> surtout à partir des années 1960, une fois<br />

tournée la page des guerres coloniales. Jusqu’alors<br />

farouches opposants à la force de frappe, les socialistes<br />

<strong>et</strong> les communistes, à partir de la fin des années 1970,<br />

intègrent — <strong>non</strong> sans des débats houleux en leur sein —<br />

la stratégie de la dissuasion dans leur programme politique.<br />

La hiérarchie de l’Église catholique française, avec<br />

quelques nuances, fait de même. De fait, le mouvement<br />

contre l’armement atomique — jusqu’alors capable, par<br />

exemple, de rassembler plusieurs dizaines de milliers de<br />

personnes — connaît un affaiblissement certain.<br />

Sans doute d’ailleurs que, sans ce ralliement,<br />

François Mitterrand n’aurait pas pu accéder à la présidence<br />

de la République française le 10 mai 1981… Reste,<br />

qu’hormis quelques mesures prises dans la foulée de son<br />

élection — comme la suppression du proj<strong>et</strong> d’extension<br />

du camp militaire du Larzac ou la quasi-suppression des<br />

tribunaux militaires — la nomination de Charles Hernu<br />

comme ministre de la Défense n’augurait pas de la remise<br />

à plat de la politique militaire française <strong>et</strong> de l’ouverture<br />

d’un large débat. Un consensus sur la défense —<br />

reposant pour l’essentiel justement sur l’absence d’un<br />

débat <strong>et</strong> d’un contrôle démocratique — allait pouvoir<br />

s’installer de manière efficace, aujourd’hui encore.<br />

D’ailleurs, le pouvoir « socialiste » — par autointoxication<br />

sur la montée en puissance des actions pacifistes<br />

à l’encontre des essais <strong>nucléaire</strong>s ou pour donner<br />

des gages aux militaires ? — coule, le 10 juill<strong>et</strong> 1985, le<br />

bâteau-amiral de Greenpeace, le Rainbow Warrior.<br />

Opération absurde — dans sa décision <strong>et</strong> dans son principe,<br />

de plus mal exécutée par les services secr<strong>et</strong>s (la<br />

les travaux de l’Observatoire des armes <strong>nucléaire</strong>s françaises<br />

DGSE) <strong>et</strong> ensuite mal gérée par l’exécutif à base de déni<br />

<strong>et</strong> autres mensonges — s’il n’y avait la mort d’un homme,<br />

Fernando Pereira, un photographe portugais ! Charles<br />

Hernu « saute », servant de fusible au président<br />

Mitterrand… Occasion pour le CDRPC — à peine plus d’un<br />

an après sa création — de publier un dossier de presse<br />

sur c<strong>et</strong>te affaire, perm<strong>et</strong>tant de mieux en mesurer les<br />

tenants <strong>et</strong> les aboutissements… <strong>et</strong> de faire connaître<br />

l’existence <strong>et</strong> les services mis à disposition du monde<br />

associatif <strong>et</strong> de la société civile par le Centre.<br />

Premiers contacts<br />

avec les Polynésiens<br />

Un des premiers travaux de recherche conduits par le<br />

Centre sur les questions <strong>nucléaire</strong>s a été réalisé à la<br />

demande du directeur de Greenpeace-France, Philippe<br />

Lequenne, tout juste embauché pour relancer l’organisation<br />

sur le territoire. Nous étions en 1990. Il s’agissait<br />

d’aller confirmer une série de témoignages recueillis en<br />

Polynésie en 1987 par un médecin suisse, alors membre<br />

de l’équipage du Rainbow Warrior. De là date les premiers<br />

contacts de Bruno Barrillot avec les Polynésiens,<br />

qui se poursuivent aujourd’hui encore <strong>et</strong> ont permis que<br />

les conséquences des essais effectués par la France,<br />

pour les populations locales <strong>et</strong> les personnels civils<br />

comme militaires, commencent aujourd’hui seulement à<br />

être connues !<br />

Parallèlement, un important travail de recension<br />

<strong>et</strong> d’information sur un état des lieux de la force de frappe<br />

est entamé avec une première étude sur la fabrication<br />

de l’arme <strong>nucléaire</strong> (1991) <strong>et</strong> la publication d’un Guide<br />

des forces <strong>nucléaire</strong>s (1992). Ces recherches — conduites<br />

essentiellement par Bruno Barrillot — ont pu être poursuivies<br />

<strong>et</strong> développées grâce à l’octroi d’un soutien financier<br />

de la part de fondations principalement américaines.<br />

Car, malgré de nombreuses recherches, nous n’avons pas<br />

réussi à trouver en France de financements suffisants<br />

pour la réalisation d’études indépendantes sur la politique<br />

militaire française…<br />

41<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong>


42<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong><br />

Patrice Bouver<strong>et</strong><br />

Ainsi, successivement, des études ont été<br />

conduites sur les déch<strong>et</strong>s <strong>nucléaire</strong>s (avec Mary Davis en<br />

1994), le programme des essais <strong>nucléaire</strong>s (1996) ou le coût<br />

de la force de frappe (1999). Chacune de ces études a fait<br />

l’obj<strong>et</strong> d’une publication éditée <strong>et</strong> diffusée par le Centre.<br />

Vous trouverez sur notre site intern<strong>et</strong> (www.obsarm.org) la<br />

liste des ouvrages encore disponibles.<br />

La mise en place en 2000 d’un Observatoire spécifique<br />

sur la question de l’armement <strong>nucléaire</strong> au sein<br />

du CDRPC — au côté de celui sur les transferts d’armes<br />

créé en 1994 — manifestait notre espoir <strong>et</strong> notre volonté<br />

d’ancrer ce travail dans la continuité avec notamment<br />

l’embauche d’un jeune chercheur. Cela a été le cas durant<br />

l’année 2002/2003 avec la présence de Jean-Marie Collin<br />

qui a permis d’élargir le champ d’intervention avec<br />

l’ébauche d’un agenda de désarmement <strong>nucléaire</strong> à partir<br />

d’un axe franco-britannique <strong>et</strong> de nouer des contacts<br />

au niveau international dans le cadre notamment du<br />

réseau Abolition 2000.<br />

Prise de parole<br />

Résumer vingt ans d’activités en quelques pages<br />

conduit forcément à de nombreux raccourcis <strong>et</strong> à des<br />

oublis. Mais s’il y a un domaine où le Centre avec son<br />

Observatoire des armes <strong>nucléaire</strong>s a indéniablement<br />

joué un rôle irremplaçable <strong>et</strong> permis l’émergence d’une<br />

question enfouie dans les tréfonds de la conscience collective,<br />

c’est celui des « coûts » humains des essais<br />

<strong>nucléaire</strong>s français. Un travail entamé en 1990 avec les<br />

Polynésiens <strong>et</strong> qui s’est étendu aux Algériens <strong>et</strong> aux<br />

Français avec notamment la création de deux associations<br />

de vétérans des essais <strong>nucléaire</strong>s (l’Aven <strong>et</strong><br />

Moruroa e tatou), l’organisation de deux colloques à<br />

l’Assemblée nationale <strong>et</strong> au Sénat (voir l’article « Sortir<br />

de l’oubli », pp. 31-35). Une coordination internationale<br />

avec les vétérans anglais, néo-zélandais, <strong>et</strong>c., s’est également<br />

mise en place. Bref, c<strong>et</strong>te prise de parole des victimes<br />

— civiles <strong>et</strong> militaires confondues — des essais<br />

<strong>nucléaire</strong>s, devrait perm<strong>et</strong>tre que l’État français leur ren-<br />

dent « vérités <strong>et</strong> justice ». Espérons-le, dans des délais<br />

les plus courts possibles.<br />

Certes, la question militaire, ou <strong>nucléaire</strong> ne fait<br />

pas aujourd’hui l’obj<strong>et</strong> d’un large débat au sein ni de la<br />

classe politique, ni de l’ensemble de la société française.<br />

Toutefois, l’utilité d’un organisme comme l’Observatoire<br />

peut aussi se mesurer au rôle qu’il joue auprès des<br />

médias voulant aborder ces suj<strong>et</strong>s, pour qui nous<br />

sommes un point de passage quasi « obligé », en tout cas<br />

une référence importante, que ce soit les télévisions, les<br />

radios ou la presse écrite, française comme internationale<br />

d’ailleurs… Pas question ici d’en dresser une liste forcément<br />

fastidieuse, mais rares sont les médias qui n’ont<br />

pas fait appel un jour ou l’autre au Centre ou utilisé —<br />

voire même parfois « pillé » — une de nos publications<br />

ou les informations mises en ligne sur le site intern<strong>et</strong>…<br />

Ce rôle, à la fois de conseil <strong>et</strong> d’aiguillon, peut<br />

également être étendu des médias aux différents organismes,<br />

groupes locaux, personnes se posant des questions<br />

sur la place du <strong>nucléaire</strong> militaire dans notre société<br />

<strong>et</strong> qui, un jour ou l’autre, se sont appuyés sur les travaux,<br />

sur les personnes qui animent le Centre. ■<br />

Pour en savoir plus<br />

Sur le site www.obsarm.org vous trouverez de<br />

nombreux documents <strong>et</strong> références sur les activités<br />

du Centre <strong>et</strong> l’armement <strong>nucléaire</strong>.<br />

Sur la question des victimes des essais <strong>nucléaire</strong>s,<br />

voir également : www.aven.org/.<br />

Pour avoir un aperçu historique des actions contre<br />

l’armement <strong>nucléaire</strong>, voir le numéro spécial-bilan<br />

d’Alerte atomique : « 1963-1996, Du MCAA au MDPL.<br />

33 ans d’actions <strong>et</strong> de réflexions », 1997, 100 pages.<br />

Disponible auprès du CDRPC, contre 12 euros<br />

(port compris).


Stop Essais,<br />

un collectif pour<br />

le désarmement<br />

<strong>nucléaire</strong><br />

Dominique LALANNE*<br />

*Co-président de Stop Essais.<br />

D’où vient c<strong>et</strong>te association ?<br />

Quel travail accomplit-elle ?<br />

1991, l’année de l’effondrement de l’URSS, deux ans<br />

après la chute du mur de Berlin. Une charnière dans<br />

l’Histoire. On ne s’étonnera donc pas de la naissance du<br />

collectif Stop Essais 1 en c<strong>et</strong>te année 1991, car certains<br />

pensent que la fin de la guerre froide pourrait déclencher<br />

le désarmement <strong>nucléaire</strong> qui trouvait sa justification<br />

dans ce contexte. Désarmement <strong>nucléaire</strong> promis depuis<br />

1970 dans le Traité de <strong>non</strong>-prolifération.<br />

Et donc le but ambitieux du collectif Stop Essais<br />

est l’abolition des armes <strong>nucléaire</strong>s. Évidemment cela se<br />

conjugue avec plusieurs préoccupations. L’arrêt des<br />

essais <strong>nucléaire</strong>s tout d’abord, <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te idée dominante<br />

donne déjà le titre du collectif. Mais la santé des civils <strong>et</strong><br />

des militaires exposés lors de ces essais est aussi une<br />

grande préoccupation. Les liens entre toutes les associations<br />

qui s’opposent aux armes <strong>nucléaire</strong>s doivent<br />

être renforcés. Une action collective est à créer.<br />

Beaucoup à faire !!!<br />

Les avancées de la décennie 1990<br />

L a France aborde la décennie 1990 avec une note de<br />

zéro sur vingt en matière de désarmement <strong>nucléaire</strong> !<br />

Rappelons-nous : 1985, François Mitterrand laisse son<br />

ministre Charles Hernu dynamiter le bateau de<br />

Greenpeace en mission contre les essais <strong>nucléaire</strong>s <strong>et</strong><br />

ceci dans le port d’un pays neutre. L’explosion tue un<br />

43<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong>


44<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong><br />

Dominique Lalanne<br />

journaliste. En 1990, la France n’a toujours pas signé le<br />

TNP qui engage les pays à « éliminer totalement leurs<br />

armes <strong>nucléaire</strong>s » déjà en vigueur depuis vingt ans. Ni<br />

évidemment le Ticen, le traité d’interdiction complète des<br />

essais <strong>nucléaire</strong>s.<br />

La décennie 1990 commence plutôt bien avec la<br />

signature du TNP en 1992 mais la suite devient catastrophique<br />

lorsque Jacques Chirac est élu président de la<br />

République <strong>et</strong> décide d’une nouvelle campagne d’essais<br />

à Moruroa en 1995. C’est évidemment un tollé international.<br />

Stop Essais trouve naturellement une justification<br />

extraordinaire à son existence !!! Avec humour <strong>et</strong> sans<br />

modestie, on pourrait dire que grâce à Stop Essais, <strong>et</strong><br />

bien sûr grâce à l’opinion publique mondiale, les derniers<br />

essais de la campagne de tirs sont annulés, le site de<br />

Moruroa est ensuite définitivement abandonné <strong>et</strong> la<br />

France signe le Ticen…<br />

1995 est aussi un tournant pour le TNP. La conférence<br />

de révision réunie à New York décide de la reconduite<br />

indéfinie du TNP qui d’après ses statuts de 1970<br />

pouvait être remis en cause c<strong>et</strong>te année-là. Une conférence<br />

se réunira tous les cinq ans pour faire le bilan de la<br />

réalité du désarmement <strong>nucléaire</strong>. C’est un grand progrès.<br />

Un réseau mondial associatif, Abolition 2000 naît à<br />

New York lors de c<strong>et</strong>te conférence <strong>et</strong> pour Stop Essais<br />

c’est une nouvelle étape où le travail associatif va se<br />

situer dans une mouvance mondiale.<br />

Il faut noter la diversité des signataires de la<br />

charte fondatrice d’Abolition 2000, ONG, partis politiques,<br />

institutions <strong>et</strong> société civile avec de nombreuses<br />

municipalités. Stop Essais se r<strong>et</strong>rouve très à l’aise dans<br />

c<strong>et</strong>te mouvance car la déclaration d’Abolition 2000 fait le<br />

lien entre le désarmement <strong>nucléaire</strong> <strong>et</strong> la nécessité de<br />

changer la société, en particulier de recourir aux énergies<br />

renouvelables. Et donc de façon naturelle, Stop Essais se<br />

r<strong>et</strong>rouve un des moteurs d’Abolition 2000 en France avec<br />

les autres associations pacifistes, <strong>non</strong>-<strong>violentes</strong> <strong>et</strong> opposées<br />

aux armes <strong>nucléaire</strong>s.<br />

De nombreux contacts sont établis avec les<br />

populations polynésiennes <strong>et</strong> avec des vétérans des<br />

essais <strong>nucléaire</strong>s. C’est le début d’une solidarité pour<br />

répondre aux problèmes de santé qui se révèlent faire<br />

suite aux essais <strong>nucléaire</strong>s <strong>et</strong> qui sont niés par le gouvernement<br />

français. Les Polynésiens attendent que la France<br />

reconnaisse les dégâts faits dans le Pacifique <strong>et</strong> ne se<br />

contente pas de fermer le site de Moruroa.<br />

Les déconvenues des années 2000<br />

Reste que le but ultime n’est pas l’arrêt des essais mais<br />

l’abolition des armes <strong>nucléaire</strong>s <strong>et</strong> de ce point de vue<br />

il reste encore beaucoup à faire. De toute façon, les<br />

essais vont continuer en laboratoire avec le laser<br />

Mégajoule près de Bordeaux <strong>et</strong> donc une première campagne<br />

en 1999-2000 a essayé de créer une remise en<br />

cause de ce programme. Ce fut une campagne assez<br />

réussie en ce qui concerne la sensibilisation des militants<br />

opposés au <strong>nucléaire</strong> militaire mais qui n’a pas trouvé les<br />

soutiens régionaux qui auraient été nécessaires pour<br />

imposer un moratoire comme cela était le but. La bataille<br />

de l’emploi est toujours difficile pour les militants pacifistes.<br />

Toujours est-il que ce fut l’occasion pour beaucoup<br />

de faire le lien entre <strong>nucléaire</strong> militaire <strong>et</strong> <strong>nucléaire</strong> civil.<br />

Et de comprendre les enjeux du <strong>nucléaire</strong> futur.<br />

La France relance en 2001 un programme de<br />

modernisation de son arsenal <strong>nucléaire</strong> avec un nouveau<br />

sous-marin, le quatrième du genre, pour 2010. Une campagne<br />

est alors lancée avec le Man <strong>et</strong> le Mouvement de la<br />

Paix lors des premières Journées du désarmement<br />

<strong>nucléaire</strong> (JDN) qui ont rassemblé au printemps 2001<br />

toutes les ONG impliquées en France dans l’opposition<br />

au <strong>nucléaire</strong> militaire ainsi que le réseau Sortir du<br />

<strong>nucléaire</strong>. C’est le début d’un travail plus étroit entre<br />

ONG <strong>et</strong> d’un rapprochement avec les ONG anglaises.<br />

C’est aussi le début d’une réflexion en profondeur sur les<br />

blocages du désarmement <strong>nucléaire</strong>.<br />

Enfin en 2003, c’est la déconvenue complète au<br />

niveau mondial, européen <strong>et</strong> français. Les États-Unis<br />

changent de « posture », c’est-à-dire de politique militaire


mondiale. Ils adoptent l’idée de « guerre préventive »<br />

contre tout pays qui aurait des ambitions d’armement<br />

<strong>nucléaire</strong> (d’ambitions <strong>et</strong> <strong>non</strong> pas forcément de réalisations),<br />

<strong>et</strong> déclenchent la guerre d’Irak pour illustrer leur<br />

politique. L’Irak est en eff<strong>et</strong> un pays qui a eu des ambitions<br />

<strong>nucléaire</strong>s, certes, mais sans arme <strong>nucléaire</strong> en<br />

l’état, <strong>et</strong> un pays sans réelles capacités de défense. La<br />

preuve est ainsi faite que, sans l’accord de l’ONU, il est<br />

possible d’écraser un pays en l’accusant de développer<br />

des armes <strong>nucléaire</strong>s, même si celui-ci accepte les inspecteurs<br />

de l’AIEA, précisément chargés des inspections<br />

des armes <strong>nucléaire</strong>s supposées.<br />

C’est aussi le début aux États-Unis du programme<br />

de bouclier antimissiles, qui commence avec l’abrogation<br />

unilatérale par les États-Unis du traité ABM (antiballistic<br />

missiles), ce qui ouvre la voie à la militarisation<br />

officielle de l’espace, <strong>et</strong> à une course aux armements<br />

avec la Chine, principal ennemi désigné par les implantations<br />

décidées pour les antimissiles.<br />

Enfin, dernière information catastrophique, les<br />

États-Unis an<strong>non</strong>cent qu’ils m<strong>et</strong>tent au point des armes<br />

<strong>nucléaire</strong>s pour le champ de bataille, des mininukes,<br />

dans le but de détruire des bunkers enterrés. Et qu’ils ne<br />

reculeront pas à les utiliser contre des États à ambitions<br />

<strong>nucléaire</strong>s comme la Corée du Nord, l’Iran ou d’autres…<br />

L’Union européenne emboîte le pas en acceptant<br />

l’idée de guerre préventive au Conseil européen des<br />

12 <strong>et</strong> 13 décembre 2003, à la différence près d’exiger<br />

l’aval du Conseil de sécurité de l’ONU. Enfin la France<br />

engage un programme de modernisation complète de<br />

son arsenal <strong>nucléaire</strong>, avec une nouvelle loi de programmation<br />

militaire.<br />

On voit le r<strong>et</strong>our en arrière considérable que cela<br />

représente en l’espace de trois ans. Les treize résolutions<br />

pour le désarmement <strong>nucléaire</strong> décidées en mai 2000<br />

lors de la réunion du TNP à New York <strong>et</strong> acceptées par<br />

tous les États <strong>nucléaire</strong>s sont quasiment mortes. La<br />

Corée du Nord sort du TNP <strong>et</strong> an<strong>non</strong>ce sa volonté de<br />

s’équiper d’armes <strong>nucléaire</strong>s. La guerre <strong>nucléaire</strong> se profile<br />

comme possible.<br />

Stop Essais, un collectif pour le désarmement <strong>nucléaire</strong><br />

Les nouvelles stratégies<br />

de Stop Essais<br />

Il faut tout reprendre à la base. La mobilisation<br />

militante, les objectifs qu’on se fixe, les étapes<br />

« gagnables », les nouvelles campagnes qui peuvent en<br />

découler…<br />

L’engagement très fort de Stop Essais dans les<br />

« Journées du désarmement <strong>nucléaire</strong> » à Saintes en mai<br />

2001 en font un succès. Pendant deux jours <strong>et</strong> demi environ<br />

deux cents militants se r<strong>et</strong>rouvent pour étudier une<br />

relance du débat sur le désarmement <strong>nucléaire</strong>. Ce rassemblement<br />

est salué par toutes les organisations présentes<br />

<strong>et</strong> le dynamisme de l’association locale ACDN<br />

(Action des citoyens pour le désarmement <strong>nucléaire</strong>,<br />

membre de Stop Essais c<strong>et</strong>te année-là) en font une relance<br />

des activités militantes.<br />

La réflexion de Stop Essais part du constat que<br />

nos concitoyens français font un blocage de réflexion sur<br />

leur <strong>nucléaire</strong> militaire, tout comme finalement sur un<br />

certain nombre d’autre suj<strong>et</strong>s. Des suj<strong>et</strong>s « <strong>tabou</strong>s » en<br />

quelque sorte. D’une certaine façon, rem<strong>et</strong>tre en cause le<br />

choix du <strong>nucléaire</strong> est aussi une remise en cause de notre<br />

rapport de domination du monde <strong>et</strong> des autres peuples.<br />

Un essai de campagne de sensibilisation des municipalités<br />

pour signer la charte d’Abolition 2000 est tout à fait<br />

révélateur. Les maires <strong>et</strong> conseillers municipaux acquis à<br />

la cause ont quasiment chaque fois reculé pour éviter le<br />

débat en conseil municipal 2 . Alors qu’en principe, un<br />

conseiller municipal est choisi dans chaque conseil<br />

comme interlocuteur « défense » depuis la fin du service<br />

militaire. Et donc l’aspect « défense » <strong>et</strong> sécurité des<br />

citoyens devrait faire partie des préoccupations locales.<br />

Même l’Association des maires Pour la paix 3 , avec laquelle<br />

Stop Essais a des liens étroits <strong>et</strong> cordiaux, avoue que<br />

l’armement <strong>nucléaire</strong> est un suj<strong>et</strong> qui ne passe pas dans<br />

les débats de l’association pourtant paradoxalement fondée<br />

autour de c<strong>et</strong>te préoccupation principale avec l’association<br />

mondiale Mayor for Peace du maire d’Hiroshima.<br />

Dans le subconscient de chaque Français, l’arme <strong>nucléaire</strong><br />

45<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong>


46<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong><br />

Dominique Lalanne<br />

est une nécessité pour conserver un rang mondial, une<br />

politique internationale indépendante <strong>et</strong> un siège permanent<br />

au Conseil de sécurité de l’ONU. Il ne s’agit pas de<br />

se défendre <strong>et</strong> faire la guerre mais de conserver son rang<br />

de puissance <strong>nucléaire</strong>. Une autre difficulté provient de<br />

l’impression générale que la menace <strong>nucléaire</strong> n’est plus<br />

vraiment d’actualité. La guerre froide est finie, les Russes<br />

<strong>et</strong> les Américains ont dit qu’ils réduisaient leurs arsenaux.<br />

La France a fermé le plateau d’Albion. Bref, une<br />

impression floue que le désarmement <strong>nucléaire</strong> est plus<br />

ou moins déjà arrivé. Ce décalage incroyable entre la réalité<br />

<strong>et</strong> les préoccupations de sécurité est encore aggravée<br />

par les campagnes d’opinion sur le terrorisme <strong>et</strong> sur<br />

les attentats qui deviennent la seule source d’insécurité<br />

pour la plupart des citoyens, américains surtout, mais<br />

européens aussi par voie de conséquence. La principale<br />

bataille qui est devant nous, <strong>et</strong> loin d’être gagnée, est<br />

donc une bataille d’idées sur le rôle que nous attribuons<br />

à la France <strong>et</strong> au-delà à l’Europe. Fort de ces réflexions,<br />

Stop Essais provoque de nombreuses rencontres avec<br />

tous les acteurs concernés. Avec les groupes anglais<br />

d’Abolition 2000 pour dégager une dynamique européenne,<br />

avec les associations françaises pour relancer le<br />

débat dans les associations <strong>et</strong>, avec les Polynésiens <strong>et</strong><br />

les vétérans, pour créer une convergence des efforts.<br />

Un des succès en 2001 — grâce au travail de coordination<br />

assuré depuis plusieurs années par le CDRPC<br />

avec Bruno Barrillot — est la naissance de deux associations,<br />

celle des Polynésiens, Moruroa e tatou, créée le<br />

4 juill<strong>et</strong> 2001 (3 400 membres) <strong>et</strong> celle des vétérans des<br />

essais <strong>nucléaire</strong>s, l’Aven créée le 9 juin 2001 (2 300<br />

membres <strong>et</strong> contacts) 4 . Des débats au Sénat sont organisés<br />

avec le soutien de parlementaires Verts <strong>et</strong> communistes<br />

<strong>et</strong> les médias reprennent les informations <strong>et</strong> les<br />

demandes. Une plainte contre X est déposée en décembre<br />

2003 pour les problèmes de santé rencontrés par les vétérans.<br />

La question posée au gouvernement est d’accepter<br />

une loi qui reconnaisse la présomption de liens entre les<br />

essais <strong>nucléaire</strong>s <strong>et</strong> l’apparition de certains cancers à l’instar<br />

de la législation américaine. Mais un début d’action qui<br />

va demander encore beaucoup d’efforts pour aboutir…<br />

Fac-similé d’un<br />

auto-collant<br />

diffusé par<br />

Stop Essais<br />

Le succès des contacts avec les groupes anglais,<br />

CND (Campaign for Nuclear Disarmament), Abolition<br />

2000 UK, <strong>et</strong> plusieurs autres ont un premier impact au<br />

niveau de la réunion à Genève de la PrepCom en mai<br />

2003 où dans l’enceinte de l’ONU nous avons organisé<br />

une rencontre avec les diplomates qui assistaient à la<br />

conférence sur le TNP pour discuter d’une possible initiative<br />

franco-anglo-européenne pour relancer le désarmement<br />

<strong>nucléaire</strong>. C<strong>et</strong> ensemble de réflexions <strong>et</strong> de propositions<br />

débouche en octobre 2003 sur un p<strong>et</strong>it livre édité<br />

par le CDRPC 5 qui propose un scénario de sortie du<br />

<strong>nucléaire</strong> militaire à l’initiative de la France <strong>et</strong> de<br />

l’Angl<strong>et</strong>erre. Plusieurs rencontres avec des députés européens<br />

donnent un certain impact à ces réflexions.<br />

Enfin le travail de plus en plus collectif fait avec<br />

les autres associations opposées aux armes <strong>nucléaire</strong>s<br />

va donner la possibilité d’organiser les deuxièmes<br />

« Journées du désarmement <strong>nucléaire</strong> » à Vénissieux en<br />

octobre 2003 de façon étroite avec le Mouvement de la<br />

paix qui est très présent sur place grâce à un groupe<br />

local bien implanté. À nouveau, comme en 2001, c’est


l’occasion de rassemblement de toutes les associations<br />

concernées, y compris les Britanniques qui viennent à<br />

plusieurs pendant ces deux jours <strong>et</strong> demi, de prendre<br />

conscience de l’urgence de créer des actions communes.<br />

Et plusieurs campagnes sont décidées à c<strong>et</strong>te occasion.<br />

D’abord une campagne vers les élus. Le travail fait par<br />

Stop Essais depuis plusieurs années vers les élus municipaux<br />

<strong>et</strong> les maires est repris par toutes les associations,<br />

en partie aussi pour donner un écho à la campagne<br />

lancée au niveau mondial par le maire<br />

d’Hiroshima qui appelle à une mobilisation citoyenne<br />

pour imposer aux États le désarmement <strong>nucléaire</strong> promis<br />

depuis 1970 (voir encadré, p. 9). La campagne franco-anglo-européenne<br />

est aussi un axe majeur que ces<br />

JDN 2003 veulent amplifier. Enfin, une campagne plus<br />

orientée vers le gouvernement français voudrait<br />

rem<strong>et</strong>tre en cause les choix de la nouvelle loi de programmation<br />

militaire, choix évidents d’une pérennisation<br />

du <strong>nucléaire</strong>, surtout avec le laser Mégajoule.<br />

2005-2010 : la chance<br />

historique de la France<br />

En 2005, la conférence de révision du TNP doit faire le<br />

bilan du désarmement <strong>nucléaire</strong>. En l’an 2000, tous les<br />

États se sont engagés à l’élimination totale de leurs arsenaux<br />

<strong>nucléaire</strong>s. Depuis, les États-Unis ont clairement<br />

r<strong>et</strong>ourné leur veste. L’Europe qui veut proposer un autre<br />

modèle mondial — multilatéralisme <strong>et</strong> <strong>non</strong> unilatéralisme<br />

— va-t-elle s’affirmer au delà des déclarations d’intention ?<br />

La France, l’Allemagne <strong>et</strong> l’Angl<strong>et</strong>erre montrent récemment<br />

une volonté de leadership pour des contre-propositions.<br />

La crise de la guerre d’Irak a amené Tony Blair à<br />

tempérer son atlantisme <strong>et</strong> Jacques Chirac <strong>et</strong> Gerhard<br />

Schröder à affiner leurs contre-propositions. Peut-on imaginer<br />

une percée de propositions pour une élimination<br />

des armes <strong>nucléaire</strong>s ? La Grande-Br<strong>et</strong>agne, la France <strong>et</strong><br />

l’Allemagne feraient-elles une proposition mondiale dans<br />

ce sens que, vraisemblablement, elles pourraient rallier la<br />

Stop Essais, un collectif pour le désarmement <strong>nucléaire</strong><br />

Russie à leur cause. La Chine ne pourrait y voir qu’un<br />

avantage pour isoler diplomatiquement les États-Unis.<br />

L’Otan implanté en Europe avec 150 bombes <strong>nucléaire</strong>s<br />

serait confronté à réviser sa doctrine militaire car un<br />

accord avec la Russie sur les missiles tactiques (rayon<br />

d’action inférieur à 5 000 kilomètres) <strong>et</strong> aéroportés serait<br />

très bien accueilli par les pays de la « nouvelle Europe »<br />

qui ne seraient plus les cibles toutes désignées.<br />

Bref, l’Europe a une chance à saisir dans les cinq<br />

à dix prochaines années pour proposer une alternative à<br />

la politique américaine de domination par la terreur. Les<br />

Européens en auront-ils conscience <strong>et</strong> sauront-ils imposer<br />

à leurs gouvernements les attitudes courageuses à<br />

en tirer ? La campagne citoyenne lancée par le maire<br />

d’Hiroshima arrive à point nommé. C’est le combat de<br />

Stop Essais dont l’appellation complète précise<br />

« Abolition des armes <strong>nucléaire</strong>s ». Mais plus dramatiquement,<br />

c’est plutôt de notre survie qu’il s’agit. ■<br />

1) Stop Essais, 114, rue de Vaugirard, 75006 Paris. Liste des associations<br />

membres du collectif Stop Essais/Abolition des armes <strong>nucléaire</strong>s :<br />

Assemblée des Quakers de France, Brigades de paix internationales<br />

(BPI-France), Commission justice <strong>et</strong> paix de la famille franciscaine,<br />

Commission <strong>non</strong>-violence de Pax Christi, Communauté des sœurs de<br />

Grandchamp, Coordination de l’action <strong>non</strong>-violente de l’Arche (Canva),<br />

Groupe des protestants réformés de Lyon, Groupement des scientifiques<br />

pour l’information sur l’énergie <strong>nucléaire</strong> (GSIEN), Ligue internationale<br />

des femmes pour la paix <strong>et</strong> la liberté (LIFPL), Maison de vigilance,<br />

Mouvement international de la réconciliation (Mir-France), Mouvement<br />

pour une alternative <strong>non</strong>-violente (Man), Réseau Espérance, Réseau<br />

protestant solidarité Pacifique, Réseau 56 sortir du <strong>nucléaire</strong>, Réseau<br />

sortir du <strong>nucléaire</strong>, Union pacifiste de France, Les Verts.<br />

2) Début 2004, en France, seulement trois municipalités ont délibéré sur<br />

le désarmement <strong>nucléaire</strong>. Saintes <strong>et</strong> Les Gonds ont adhéré à Abolition<br />

2000 <strong>et</strong> Bègles a voté un soutien à la campagne du maire d’Hiroshima <strong>et</strong><br />

adhéré à son association (AFCDRP) contre l’armement <strong>nucléaire</strong>.<br />

3) AFCDRP, Association française des communes, départements <strong>et</strong><br />

régions pour la paix, section française de Mayors for Peace, association<br />

créée par le maire d’Hiroshima.<br />

4) Aven (Association des vétérans des essais <strong>nucléaire</strong>s), 187, montée<br />

de Choulans, 69005 Lyon. Sur Intern<strong>et</strong> : www.aven.org/.<br />

5) Vers une Europe sans armes <strong>nucléaire</strong>s, Jean-Marie Collin,<br />

Observatoire des armes <strong>nucléaire</strong>s/CDRPC, Lyon, 2003, 112 pages,<br />

12 euros (port compris). Disponible auprès du CDRPC, 187, montée<br />

de Choulans, 69005 Lyon, France ; ou sur Intern<strong>et</strong> : www.obsarm.org/.<br />

47<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong>


48<br />

diverses… Infos diverses… Infos divere s… Info diverses… Infos<br />

Pour continuer à s’informer<br />

sur le <strong>nucléaire</strong> militaire<br />

Info diverses… Infos diverses… Info…<br />

• Le plus simple, le plus concr<strong>et</strong>, consiste à s’abonner au bull<strong>et</strong>in<br />

mensuel d’information de Stop Essais, membre du réseau<br />

mondial Abolition 2000. Abonnement annuel : 15 euros. Stop<br />

Essais, 114 rue de Vaugirard, 75006 Paris. C<strong>et</strong>te publication se<br />

lit rapidement, <strong>et</strong> va sérieusement droit à l’essentiel.<br />

• S’abonner à La l<strong>et</strong>tre de Damoclès, publiée par le CRDPC :<br />

20 euros pour dix numéros (un an). CDRPC, 187, montée de<br />

Choulans, 69005 Lyon. C<strong>et</strong>te publication de qualité est destinée<br />

au grand public.<br />

• S’abonner à la l<strong>et</strong>tre du Cirpes, Le débat stratégique,<br />

54, boulevard Raspail, 75006 Paris. Abonnement pour<br />

6 numéros par an : 30 euros. C<strong>et</strong>te publication traite essentiellement<br />

des problèmes géostratégiques <strong>et</strong> économiques.<br />

Pour spécialistes.<br />

• S’abonner à Énergie <strong>et</strong> Sécurité (revue trimestrielle traduite<br />

de l’américain, une publication de l’IEER). Diffusion gratuite,<br />

en écrivant à Jean-Pierre Morichaud, Hameau des<br />

Oliviers, 26110 Venterol. Ce bull<strong>et</strong>in est consacré à la <strong>non</strong>prolifération,<br />

au désarmement <strong>et</strong> aux énergies durables.<br />

Pour spécialistes.<br />

Sur la question du lien entre le <strong>nucléaire</strong><br />

civil <strong>et</strong> militaire, on lira toujours<br />

avec intérêt :<br />

• Les publications du réseau Sortir du <strong>nucléaire</strong>, lesquelles<br />

présentent l’avantage de fournir des indications précieuses<br />

<strong>et</strong> pédagogiques pour militer contre le <strong>nucléaire</strong> civil. Ce<br />

réseau fédère 650 associations françaises. Réseau Sortir du<br />

<strong>nucléaire</strong>, 9, rue Dumenge, 69317 Lyon cedex 04.<br />

• Le mensuel Silence qui s’intéresse — avec compétence <strong>et</strong><br />

sens journalistique grâce à des enquêtes que l’on ne trouve<br />

nulle part ailleurs — à l’écologie, aux alternatives <strong>et</strong> à la<br />

<strong>non</strong>-violence. 1 an : 40 euros. Silence, 9, rue Dumenge,<br />

69317 Lyon cedex 04.<br />

• Le dossier « Énergie : pourquoi il faut consommer moins »,<br />

paru dans le mensuel <strong>Alternatives</strong> économiques<br />

de juin 2003, 3,50 euros. Alter Eco, 28, rue du Sentier,<br />

75002 Paris. Tél. 01 44 88 28 90.<br />

Jeûne de Taverny<br />

Depuis 1983, un groupe de jeûneurs se r<strong>et</strong>rouve chaque<br />

année pour jeûner aux dates anniversaires des explosions<br />

d’Hiroshima <strong>et</strong> de Nagasaki, du 6 au 9 août, devant les portes<br />

du Centre de commandement des armes <strong>nucléaire</strong>s de<br />

Taverny, en région parisienne. Se renseigner à la maison de<br />

vigilance, 134 route de Béthemont, 95150 Taverny.<br />

maison.vigilance@wanadoo.fr<br />

Le scientifique Théodore Monod participait régulièrement à ce<br />

jeûne, jusqu’à sa mort en 1999, comme en témoigne c<strong>et</strong>te<br />

photo (DR) prise à Taverny en 1998.


Campagne pour<br />

le désarmement <strong>nucléaire</strong><br />

Dans le prolongement des Deuxièmes Journées du<br />

désarmement <strong>nucléaire</strong> organisées à Vénissieux les<br />

24-25 <strong>et</strong> 26 octobre 2003 par les organisations françaises<br />

du réseau Abolition 2000, une campagne nationale pour<br />

l’élimination des armes <strong>nucléaire</strong>s est actuellement mise<br />

en place à l’initiative du réseaux Abolition 2000.<br />

En eff<strong>et</strong>, une conférence de révision du Traité de <strong>non</strong>-prolifération<br />

<strong>nucléaire</strong> — signé par 188 États — va se dérouler<br />

en 2005. Or, ce traité est menacé. S’il volait en éclats, ce<br />

serait un r<strong>et</strong>our en arrière de plusieurs décennies.<br />

C<strong>et</strong>te campagne a deux objectifs prioritaires :<br />

• rappeler que le désarmement <strong>nucléaire</strong> est une obligation<br />

posée par le droit international ;<br />

• peser sur les décisions de révision du TNP en 2005.<br />

Elle s’organisera à la fois comme une campagne d’éducation<br />

populaire à travers débats <strong>et</strong> rencontres <strong>et</strong> comme une campagne<br />

de mobilisation <strong>et</strong> d’actions diversifiées, notamment<br />

au travers de la diffusion. d’un quatre pages <strong>et</strong> d’une série de<br />

trois cartes pétitions, adressées :<br />

— une au président de la République pour que la France<br />

respecte ses engagements <strong>et</strong> œuvre au désarmement<br />

<strong>nucléaire</strong> ;<br />

— une aux parlementaires européens pour que l’Europe<br />

prenne des initiatives ;<br />

— une à un élu local pour qu’il s’engage dans la campagne<br />

du maire d’Hiroshima.<br />

Le secrétariat de c<strong>et</strong>te nouvelle campagne qui démarre<br />

courant mai est assuré par :<br />

Le Mouvement de la paix<br />

Campagne pour le désarmement <strong>nucléaire</strong><br />

139, boulevard Victor-Hugo, 93400 Saint-Ouen<br />

Tél : 01 40 12 09 12 • fax : 01 40 11 57 87<br />

Courriel : national@mvtpaix.org<br />

Jeûne Vivre sans <strong>nucléaire</strong><br />

L’arme <strong>nucléaire</strong> : totam <strong>et</strong> <strong>tabou</strong><br />

Trois personnes ont décidé d’entamer un jeûne politique à<br />

durée indéterminée le 21 juin 2004 à Paris. Par c<strong>et</strong>te action<br />

<strong>non</strong>-violente, nous souhaitons sensibiliser l’opinion<br />

publique <strong>et</strong> obliger le gouvernement à décider d’une politique<br />

de sortie du <strong>nucléaire</strong>. Deux demandes précises <strong>et</strong><br />

concrètes lui sont ainsi formulées :<br />

• une réorientation des budg<strong>et</strong>s de la recherche vers les<br />

énergies renouvelables ;<br />

• un abandon du proj<strong>et</strong> de réacteur EPR.<br />

Qui sommes-nous ?<br />

Nous sommes tous des militants ou salariés associatifs qui<br />

depuis de nombreuses années sont actifs dans les luttes <strong>non</strong><strong>violentes</strong><br />

<strong>et</strong> dans les réseaux anti<strong>nucléaire</strong>s : Michel Bernard,<br />

né en 1958, est, entre autres, le fondateur <strong>et</strong> le rédacteur de la<br />

revue Silence ; Dominique Mass<strong>et</strong>, né en 1952, est membre du<br />

collège national <strong>et</strong> trésorier du mouvement Appel pour une<br />

insurrection des consciences ; André Larivière, né en 1948, est<br />

salarié du Réseau Sortir du <strong>nucléaire</strong><br />

Nous avons tous déjà participé à un ou plusieurs jeûnes.<br />

Pourquoi ce jeûne ?<br />

Le gouvernement prévoit une relance du programme <strong>nucléaire</strong><br />

français avec la construction d’un nouveau réacteur dénommé<br />

EPR. Ce proj<strong>et</strong> rendrait stériles tous les efforts de diversification<br />

énergétique vers la maîtrise des consommations <strong>et</strong><br />

les énergies renouvelables.<br />

De plus, l’apparition d’alternatives énergétiques fiables partout<br />

dans les autres pays européens, a contribué au développement<br />

d’une opinion favorable à la sortie du <strong>nucléaire</strong> : 60 %<br />

contre la construction de nouveaux réacteurs <strong>et</strong> seulement<br />

20 % pour ; 90 % pour la réorientation des budg<strong>et</strong>s de<br />

recherche en faveur des énergies renouvelables, 4 % contre.<br />

Ce jeûne se veut le catalyseur de la volonté de l’opinion<br />

publique de vivre sans <strong>nucléaire</strong>.<br />

Pour tout contact <strong>et</strong> soutien<br />

9 rue Dumenge<br />

69317 Lyon cedex 04<br />

Tél : 04 78 29 01 51<br />

courriel : contact@vivresansnucleaire.org<br />

site : www.vivresansnucleaire.org<br />

49<br />

diverses… Infos diverses… Infos divere s… Info diverses… Infos


50<br />

diverses… Infos diverses… Infos divere s… Info diverses… Infos<br />

N° 130 • 1 er trimestre 2004<br />

Sortir du <strong>nucléaire</strong><br />

Le Réseau Sortir du <strong>nucléaire</strong> (civil), après le succès de la<br />

manifestation du printemps qui a rassemblé dix mille personnes<br />

à Paris, prépare un « tour de France pour sortir du<br />

<strong>nucléaire</strong> », du 23 avril au 24 mai. La caravane partira de<br />

Fessenheim, en Alsace, <strong>et</strong> arrivera en Normandie près du site<br />

de Penly où sera très probablement construit le premier réacteur<br />

EPR, tête de série destinée à renouveler le parc français<br />

de centrales <strong>nucléaire</strong>s.<br />

Sortir du <strong>nucléaire</strong>, 9, rue Dumenge, 69317 Lyon cedex 04.<br />

Tél. 04 78 28 29 22. Et aussi : www.sortirdunucleaire.org/.<br />

Enfin disponible :<br />

Un jeu vidéo qui apprend la <strong>non</strong>-violence !<br />

Salon des Initiatives de Paix, à Paris<br />

Le Salon des initiatives de paix se tiendra les 4, 5 <strong>et</strong> 6 juin à<br />

l’Espace Condorc<strong>et</strong> de la Cité des sciences <strong>et</strong> de l’industrie de<br />

la Vill<strong>et</strong>te (Paris). Il est organisé par la Coordination française<br />

pour la Décennie, le Secours catholique <strong>et</strong> le CCFD, avec le<br />

soutien de Non-Violence XXI. Ce salon réunira des acteurs de<br />

paix <strong>et</strong> de <strong>non</strong>-violence du monde entier. L’occasion est donnée<br />

à plus de soixante associations de s’y r<strong>et</strong>rouver. Il y aura<br />

des stands, mais aussi de nombreuses conférences <strong>et</strong> animations<br />

pour tous les âges. On peut aisément y venir en famille,<br />

nul ne s’y ennuiera !<br />

ANV aura un stand à ce salon. Si vous avez la possibilité d’aider<br />

à le tenir, parce que vous êtes connaisseur de la revue en<br />

tant qu’abonné(e), faites-le savoir. Merci d’indiquer alors la<br />

plage de deux heures que vous pouvez consacrer pour participer<br />

à c<strong>et</strong> effort de relations publiques, en le précisant à<br />

l’avance à François Vaillant<br />

(02 35 75 23 44 ou anv.revue@wanadoo.fr).<br />

Pour connaître le programme compl<strong>et</strong> des animations <strong>et</strong><br />

conférences, écrire, en envoyant trois timbres à 0,50 centimes,<br />

à : Coordination française pour la Décennie, 27, boulevard<br />

Saint-Michel, 75005 Paris. Site : www.decennie.org<br />

« Dix occasions de préférer la <strong>non</strong>-violence » est un étonnant jeu vidéo proposant d’incroyables p<strong>et</strong>its films pleins<br />

de couleurs <strong>et</strong> d’humour, illustrant des conflits de la vie de tous les jours : votre compagne se fait siffler, votre voiture<br />

est tamponnée, votre fils vous pousse à bout, vos vacances sont gâchées par une marée noire, vos élèves se<br />

disputent… Saurez-vous réagir de façon <strong>non</strong>-violente <strong>et</strong> gagner le bonus ? Ce n’est pas aussi simple qu’il y paraît…<br />

<strong>et</strong> les pièges vous attendent !<br />

C’est probablement le premier jeu vidéo <strong>non</strong>-violent créé en France. On le doit à quatre étudiant(e)s des Gobelins<br />

emmenés par Camille Sautel, avec Hélène Meneuvrier, Nicolas Rakotoary <strong>et</strong> Aurélien Coim<strong>et</strong>. Depuis quelques<br />

semaines, le jeu — mis à votre disposition sur le nouveau site Flash www.<strong>non</strong>violence21.com — a déjà été primé<br />

trois fois depuis novembre dernier dans divers festivals.<br />

Non-Violence XXI, Fonds associatif pour une culture de <strong>non</strong>-violence au XXI e siècle.<br />

www.<strong>non</strong>violence21.com (attention! haut débit nécessaire). Ce jeu vidéo, totalement gratuit, n’a pas fini de réjouir<br />

jeunes <strong>et</strong> toujours jeunes.


« Palestiniens <strong>et</strong> Israéliens<br />

Faire parler la <strong>non</strong>-violence »<br />

Le n° 128-129 d’ANV a soulevé l’enthousiasme des abonnés <strong>et</strong><br />

d’autres personnes, comme en témoigne le nombre des<br />

ventes de ce numéro double, dès sa parution. Le phénomène<br />

se poursuit <strong>et</strong> réjouit l’équipe d’ANV, car ce numéro perm<strong>et</strong><br />

d’affirmer que des Palestiniens <strong>et</strong> des Israéliens agissent avec<br />

<strong>non</strong>-violence pour des jours <strong>et</strong> des nuits autres que celles de<br />

ces dernières années.<br />

Le témoignage du médecin Abdelfattah Abu-Srour, au camp<br />

d’Aida, près de B<strong>et</strong>hléem, a passionné de nombreux lecteurs,<br />

comme on peut le relever dans le courrier que la rédaction<br />

d’ANV reçoit. Le centre, que ce médecin continue d’animer,<br />

veut promouvoir une culture de <strong>non</strong>-violence auprès des<br />

enfants du camp d’Aida.<br />

Grâce au courriel, nous avons appris en février, que ce centre<br />

a été largement endommagé par des soldats de l’armée israélienne.<br />

Des adolescents ont été ensuite emmenés par l’armée<br />

israélienne, toujours avides de recruter des informateurs. Des<br />

maisons, autour du centre Al-Rowwad, ont été détruites,<br />

semant haine <strong>et</strong> désarroi.<br />

Notre ami n’est plus à une menace près. Ce n’est pas un<br />

hasard si l’armée d’occupation israélienne a décidé de s’attaquer<br />

au Centre <strong>non</strong>-violent Al-Rowwad. Avec un courage étonnant,<br />

le médecin Abu-Srour vient de décider de construire un<br />

nouveau centre Al-Rowwad, plus grand, sur une terre ach<strong>et</strong>ée<br />

à un Palestinien. La construction légale va commencer. Il faut<br />

soutenir c<strong>et</strong>te initiative.<br />

En France, une association existe pour soutenir le proj<strong>et</strong> de ce<br />

nouveau centre. Les dons sont à envoyer par chèque, à l’ordre<br />

de : Société des amis Al-Rowwad.<br />

50 ou 100 euros, c’est déjà énorme. Société des amis de Al-<br />

Rowwad, 24 rue Custine, 75018 Paris. Tel. 01 42 59 06 59.<br />

Dépêchons-nous ! On peut aussi écrire un courriel de soutien<br />

au jeune médecin Abu-Srour. Il en a besoin !<br />

alrwwad@p-ol.com<br />

Chacun(e) peut également signer la pétition internationale<br />

contre le mur de la honte désormais en Palestine :<br />

http:/www.p<strong>et</strong>itio<strong>non</strong>line.com/stw/p<strong>et</strong>ition.html<br />

L’arme <strong>nucléaire</strong> : totam <strong>et</strong> <strong>tabou</strong><br />

Désobéissance civile<br />

contre la publicité dans le métro<br />

Quatre actions <strong>non</strong>-<strong>violentes</strong><br />

se sont déroulées<br />

dans le métro parisien<br />

les 17 octobre,<br />

7 novembre, 28 novembre<br />

<strong>et</strong> 19 décembre<br />

2003. Des milliers d’affiches<br />

ont été barbouillées<br />

(<strong>non</strong> pas taggées<br />

!), détournées par des graffitis. Ces actions ont eu lieu<br />

pour dé<strong>non</strong>cer les méfaits de la publicité : pollution visuelle,<br />

surend<strong>et</strong>tement, rack<strong>et</strong>, dictature des marques, sexisme, piétinement<br />

des cerveaux, <strong>et</strong>c.<br />

Soixante-deux acteurs ont été épinglés par la police. Il<br />

convient de noter que les consignes de <strong>non</strong>-violence données<br />

sur Intern<strong>et</strong> ont été parfaitement respectées. Les inculpés<br />

sont passés en procès à Paris le 10 mars 2004. Le verdict sera<br />

donné le 28 avril. La RATP <strong>et</strong> Métrobus (régie publicitaire) ont<br />

réclamé près d’un million d’euros ! Rien que ça ! Ce procès, où<br />

les témoins à comparaître n’ont même pas pu s’exprimer, a<br />

cependant permis qu’un début de débat s’amorce sur les<br />

ondes <strong>et</strong> dans les journaux. Un événement ! À noter qu’Edgar<br />

Morin a apporté son soutien aux soixante-deux inculpés.<br />

Pour soutenir les inculpés, chacun(e) peut envoyer un don, à<br />

partir de 5 euros, en mentionnant au dos du chèque « Collectif<br />

des 62 », à : Résistance à l’agression publicitaire, 53, rue Jean-<br />

Jaurès, 94300 Vincennes (01 43 28 39 21). Il convient de noter<br />

que RAP n’a jamais appelé à c<strong>et</strong>te action de désobéissance<br />

civile dans le métro, mais soutient les inculpés.<br />

Pour être tenu au courant de l’agression publicitaire, des<br />

suites du procès : www.antipub.n<strong>et</strong>, rubrique « actualité » ou<br />

« agenda ».<br />

Par ailleurs, ANV ne saurait trop recommander à ses lecteurs<br />

de lire la joyeuse feuille de chou Le Publiphobe, qui condense<br />

d’une fort belle manière les infos <strong>et</strong> des réflexions pointues<br />

sur le combat antipub. Pour cela, envoyer un chèque de<br />

6 euros pour recevoir les dix prochains numéros du Le<br />

Publiphobe, chèque à l’ordre de Le Publiphobe, dans un courrier<br />

à adresser à Yvan Gradis, 56 bis, rue Escudier, 92100<br />

Boulogne-Billancourt.<br />

51<br />

diverses… Infos diverses… Infos divere s… Info diverses… Infos


52<br />

diverses… Infos diverses… Infos divere s… Info diverses… Infos<br />

N° 130 • 1 er trimestre 2004<br />

Pour se former à la <strong>non</strong>-violence<br />

Plusieurs stages sont programmés c<strong>et</strong> été à La Fleyssière,<br />

près de Montpellier, dont « Conflit <strong>et</strong> médiation, se positionner<br />

pour agir », du 10 au 17 juill<strong>et</strong>, 400 euros tout compris.<br />

Se renseigner : La Fleyssière, Communauté de l’Arche de<br />

Lanza Del Vasto, 34650 Joncels (04 67 44 40 90). Des stages<br />

sont également prévus à la Communauté de l’Arche de Saint-<br />

Antoine, près de Grenoble. Se renseigner : Arche de Saint-<br />

Antoine, place de l’Abbaye, 38160 Saint-Antoine.<br />

Plus jamais victime !<br />

Pour éviter de contribuer<br />

à son propre malheur<br />

19 au 26 juill<strong>et</strong><br />

IFMAN Sud-Ouest<br />

La Combe de la Peyrière, dans le parc naturel des grands<br />

causses (12)<br />

La « victime » n’a-t-elle vraiment qu’à subir, râler dans son<br />

coin, ressasser son impuissance, ravaler ou proj<strong>et</strong>er sa colère,<br />

se distraire pour oublier ? En agissant ainsi la « victime » tend<br />

souvent à faire croître la violence. La formation aidera à mieux<br />

vivre consciemment le présent avec ses émotions, <strong>et</strong> à habiter<br />

son corps dans les moments difficiles.<br />

Coût : 250 € • Pension complète (site pittoresque, calme, piscine,<br />

nourriture à dominante bio) : 300 €<br />

Régulation des conflits <strong>et</strong> vacances<br />

Améliorer sa relation à l’autre <strong>et</strong> mieux vivre les conflits.<br />

Découverte de l’environnement <strong>et</strong> détente.<br />

15 août au 20 août à Rodez (12)<br />

Ce stage prévoit de conjuguer les aspects d’une formation, avec<br />

des propositions de détente (patrimoine, randonnée, canoë,<br />

yoga, relaxation, danse...). La formation abordera : la compréhension<br />

des mécanismes qui peuvent provoquer de la violence ;<br />

les techniques de communication basées sur le respect, l’écoute<br />

empathique <strong>et</strong> l’affirmation de soi ; la prise en compte des<br />

émotions, des peurs <strong>et</strong> des besoins dans la relation à autrui…<br />

Coût : 250 € • Pension complète : 200 €<br />

Pour en savoir plus :<br />

05 65 67 29 03<br />

Communication<br />

<strong>et</strong> <strong>non</strong>-violence<br />

IFMAN Rhône-Loire<br />

Cycle de trois soirées : 22 avril, 6 mai <strong>et</strong> 27 mai à Lyon<br />

Comment communiquer pour s’acheminer vers des relations<br />

plus satisfaisantes ? Comment se confronter à l’autre tout en<br />

le respectant dans ses différences ? En travaillant sur le verbal<br />

<strong>et</strong> le <strong>non</strong>-verbal, la formation perm<strong>et</strong> aux participants de développer<br />

ses capacités d’écoute, d’empathie <strong>et</strong> d’affirmation de<br />

soi, dans un esprit de bienveillance, favorisant le <strong>non</strong>-jugement<br />

<strong>et</strong> l’esprit de coopération.<br />

Coût : 50 € les trois soirées (19 h à 22 h 30)<br />

La Médiation<br />

Cycle de trois soirées : 5 oct., 19 oct. <strong>et</strong> 3 nov. à Lyon<br />

Être médiateur, que ce soit en position institutionnelle ou <strong>non</strong>,<br />

c’est toujours être le tiers, le troisième personnage d’un conflit,<br />

celui qui n’est pas directement impliqué dans celui-ci… Être ni<br />

dans un camp ni dans l’autre, tout en rendant possible, le dialogue<br />

entre les parties en conflit, le médiateur requiert des qualités<br />

<strong>et</strong> des compétences qu’il convient de développer.<br />

Coût : 50 € les trois soirées (19 h à 22 h 30)<br />

IFMAN Méditerranée<br />

Prévenir <strong>et</strong> réguler les conflits<br />

12-13 juin à Perrerue (04)<br />

Pour en savoir plus :<br />

04 77 89 20 28<br />

Pour en savoir plus :<br />

04 42 67 66 40<br />

8, 9 <strong>et</strong> 10 novembre à Mirabeau (84)<br />

Les moyens de régulation <strong>non</strong>-violente des conflits seront<br />

explorés grâce à la méthode du théâtre-forum. Mise au point<br />

par Augusto Boal dans les années 1970, c<strong>et</strong>te méthode de<br />

théâtre interactif perm<strong>et</strong> de s’entraîner à la régulation des<br />

conflits. Ce travail de recherche <strong>et</strong> d’expérimentation sera<br />

étayé par des apports théoriques. La gestion des émotions <strong>et</strong><br />

l’écoute active seront obj<strong>et</strong> d’approfondissement.<br />

Deux jours : formation professionnelle 200 €, ou inscription personnelle<br />

100 € - Autres tarifs <strong>et</strong> hébergement : nous consulter.<br />

Trois jours : formation professionnelle 300 ¤, ou inscription personnelle<br />

150 € - Autres tarifs <strong>et</strong> hébergement : nous consulter.


Communiquer sans violence<br />

9–10 octobre à La Roque d’Anthéron (13)<br />

Alors que des paroles peuvent déclencher involontairement<br />

ou envenimer des situations conflictuelles, il est possible<br />

d’apprendre à mieux communiquer dans le respect de l’autre.<br />

La communication <strong>non</strong>-verbale, l’expression <strong>et</strong> la gestion des<br />

émotions seront abordées à travers des exercices <strong>et</strong> mises en<br />

situation, tout en étant étayées par une réflexion de fond sur la<br />

communication. Trois jours : formation professionnelle 300 €,<br />

ou inscription personnelle 150 € - Autres tarifs <strong>et</strong> hébergement :<br />

nous consulter.<br />

IFMAN Nord–Pas de Calais<br />

Conflits <strong>et</strong> interculturalité<br />

15 <strong>et</strong> 16 avril à Lille<br />

Partir à l’étranger ou travailler en France, consiste souvent à<br />

entrer en contact avec des personnes vivant une autre culture.<br />

Dans ces moments peuvent émerger des sentiments d’incompréhension,<br />

une impression d’immobilisme, voire des situations<br />

conflictuelles… Formation professionnelle 200 € ; ou<br />

inscription personnelle 110 €<br />

Faire face aux conflits<br />

Pour en savoir plus :<br />

03 21 73 96 89<br />

23 au 27 août - Métropole lilloise<br />

À partir d’événements vécus par les participants, la formation<br />

explore les trois registres intervenant dans la régulation des<br />

conflits : le cadre relationnel, le ressenti émotionnel, le fonctionnement<br />

institutionnel. Elle aborde la prévention <strong>et</strong> la régulation<br />

des conflits, la transgression des règles, <strong>et</strong> les modes<br />

de régulation au sein d’un groupe… Formation professionnelle<br />

500 € ; ou inscription personnelle 280 €. Hébergement : se<br />

renseigner à l’Ifman<br />

Atelier : « Comment je me construis en tant que parent ? »<br />

Le 1 er jeudi de chaque mois, de 19 h à 22 h, de septembre<br />

2004 à juin 2005 à Lille<br />

C<strong>et</strong>te rencontre mensuelle perm<strong>et</strong> aux participants d’échanger à<br />

partir d’expériences, de découvrir de nouvelles options <strong>et</strong> d’expérimenter<br />

des pratiques sur les thèmes abordés : l’écoute active<br />

; parler en je, le tu tues ; accueillir les émotions de l’enfant <strong>et</strong><br />

de l’adulte ; la sanction, la punition, la fessée ; vivre les conflits ;<br />

accompagner l’enfant vers plus d’autonomie ; <strong>et</strong>c.<br />

Coût : 10 € la soirée (15 € pour un couple)<br />

L’arme <strong>nucléaire</strong> : totam <strong>et</strong> <strong>tabou</strong><br />

IFMAN Normandie–Br<strong>et</strong>agne<br />

Faire face aux conflits<br />

12, 13, 14 mai <strong>et</strong> 9, 10, 11 juin à Elbeuf (27)<br />

6 au 10 juill<strong>et</strong> à Marly-le-Roi (78)<br />

17, 18, 19 novembre <strong>et</strong> 8, 9, 10 décembre à Evreux (27)<br />

À partir d’événements de la vie quotidienne, la formation<br />

explore les trois registres intervenant dans la régulation des<br />

conflits : le cadre relationnel, le ressenti émotionnel, le fonctionnement<br />

institutionnel. Elle aborde la prévention de la violence,<br />

la gestion des conflits, la transgression des règles <strong>et</strong> les<br />

modes de régulation au sein d’un groupe.<br />

Formation professionnelle : 600 € ; inscription personnelle :<br />

350 €. Pension complète : 32 € par jour.<br />

Intervenir dans l’urgence, apaiser les tensions<br />

13 au 16 juill<strong>et</strong> à Marly-le-Roi (78)<br />

Dans les situations de tension un certain nombre d’actes peuvent<br />

éviter l’escalade de la violence. Souvent les protagonistes<br />

sont emportés par leur colère ou leur peur. Pour les<br />

apaiser, il faut prendre en compte les différentes réactions<br />

émotionnelles <strong>et</strong> ne pas les alimenter par sa propre émotion<br />

en r<strong>et</strong>our. La formation propose de travailler sur les éléments<br />

qui entrent alors en jeu.<br />

Formation professionnelle : 400 € ; inscription personnelle :<br />

230 €. Pensions complète : 32 € par jour.<br />

Paroles <strong>et</strong> sanctions qui donnent sens à la loi<br />

13 au 16 juill<strong>et</strong> 2004 à Marly-le-Roi (78)<br />

Les lois <strong>et</strong> les règles forment un cadre qui perm<strong>et</strong> de vivre en<br />

collectivité. Pour être respecté, ce cadre doit être expliqué.<br />

Mais quand la parole ne suffit pas, la contrainte est nécessaire.<br />

À la différence de la punition qui vise la soumission, la<br />

sanction cherche l’adhésion. La formation analyse les transgressions<br />

rencontrées par les participants <strong>et</strong> les aide à ajuster<br />

leurs réponses. Formation professionnelle : 400 €. Inscription<br />

personnelle : 230 €. Pension complète : 32 € par jour.<br />

Formations sur sites<br />

Pour en savoir plus :<br />

02 32 61 47 50<br />

Durant toute l’année, l’Ifman propose des formations <strong>et</strong> des<br />

conférences sur sites. Elles intéressent les établissements<br />

scolaires, les institutions sanitaires <strong>et</strong> sociales, les associations<br />

socioculturelles <strong>et</strong> les services publics. Vous pouvez<br />

demander le catalogue. Il vous sera adressé gratuitement.<br />

53<br />

diverses… Infos diverses… Infos divere s… Info diverses… Infos


54<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong><br />

N o u s a v o n s l u …<br />

Michel GIROD<br />

Penser le racisme,<br />

Paris, Calmann-Lévy, 2004, 154 p., 13 €<br />

Ce livre est celui d’un homme que la permanence<br />

du racisme inquiète, qui désire<br />

intensément laisser à ses p<strong>et</strong>its-enfants<br />

un monde plus humain, <strong>et</strong> qui est<br />

convaincu qu’il faut analyser le racisme<br />

en ses racines profondes pour mieux le<br />

combattre.<br />

Michel Girod fut longtemps professeur<br />

de géologie à l’Université de Lyon, puis à<br />

celle de Montpellier. Aussi n’a-t-il pas<br />

l’intention de traiter du racisme sous<br />

toutes les latitudes <strong>et</strong> dans ses diverses<br />

manifestations. Il se borne à analyser le<br />

rôle <strong>et</strong> la responsabilité des pays occidentaux<br />

— <strong>et</strong> plus particulièrement des<br />

scientifiques — dans l’élaboration des<br />

concepts racistes.<br />

Ce livre repose sur l’étude de très nombreuses<br />

sources, près de cent cinquante !<br />

À partir d’exemples édifiants, <strong>et</strong> suffisamment<br />

nombreux pour être significatifs,<br />

l’auteur montre combien <strong>et</strong> comment<br />

des hommes de science — depuis<br />

le dix-huitième siècle <strong>et</strong> jusqu’à nos<br />

jours — ont influencé, en matière de<br />

racisme, l’opinion de leurs contemporains<br />

<strong>et</strong> des générations suivantes.<br />

Poussant plus loin sa réflexion, Michel<br />

Girod analyse la notion de race.<br />

Appliquée aux humains, <strong>et</strong> à la lumière<br />

des connaissances actuelles, c<strong>et</strong>te<br />

notion n’a aucun fondement scientifique.<br />

Le mot « racisme » existe dans notre lan-<br />

gage, mais il faut néanmoins « adm<strong>et</strong>tre<br />

à la fois l’unicité de notre espèce <strong>et</strong> la<br />

grande diversité des individus qui la<br />

constituent […], <strong>et</strong> reconnaître qu’aucune<br />

race n’est supérieure à une autre ».<br />

Le racisme scientifique, invention de<br />

l’Occident, qui a tenté de justifier la<br />

supériorité d’une race sur une autre —<br />

par exemple à partir du volume du cerveau<br />

ou des tests de QI — est à son tour<br />

objectivement <strong>et</strong> scientifiquement critiquable.<br />

Pourtant, l’idéologie raciste<br />

continue d’imprégner les esprits <strong>et</strong> de se<br />

propager. Aussi faut-il chercher plus loin<br />

ses racines profondes ; l’auteur présente<br />

dans son avant-dernier chapitre les phénomènes<br />

d’<strong>et</strong>hnocentrisme, de peur <strong>et</strong><br />

d’agressivité.<br />

Pour terminer sur une note plus optimiste,<br />

Michel Girod évoque l’altruisme —<br />

total mystère pour les généticiens — qui<br />

peut être considéré comme « la forme<br />

supérieure de vie en société ». De plus,<br />

pour c<strong>et</strong> auteur, le métissage se présente<br />

comme un enrichissement, tant sur le<br />

plan biologique que culturel.<br />

Ce livre, facile à lire, clair <strong>et</strong> concis, peut<br />

véritablement, selon le souhait de l’auteur,<br />

« donner au lecteur des points de<br />

repère <strong>et</strong> lui perm<strong>et</strong>tre d’alimenter sa<br />

réflexion ». Jean-Loup ROCA<br />

Justice <strong>et</strong> Paix-France<br />

Du bon usage des<br />

institutions internationales<br />

Paris, Cerf-Mame-Bayard, 2003,<br />

144 p., 8 €<br />

Ce p<strong>et</strong>it livre montre d’abord la nécessité<br />

des grandes institutions internationales,<br />

comme le Conseil de Sécurité de l’ONU,<br />

le Conseil de l’Europe, la Cour internationale<br />

pénale, <strong>et</strong>c. Les mépriser, à cause de<br />

leurs évidentes faiblesses <strong>et</strong> erreurs, ce<br />

serait re<strong>non</strong>cer à régler par la concertation,<br />

la discussion, le compromis, les<br />

grands problèmes de notre planète ; ce<br />

serait laisser le champ libre aux forces<br />

militaires, économiques <strong>et</strong> idéologiques,<br />

lesquelles sont en mesure d’imposer<br />

leurs intérêts sans tenir compte de ceux<br />

des plus faibles. Ce serait re<strong>non</strong>cer à de<br />

précieux outils pour « maîtriser la mondialisation<br />

». Mépriser le multilatéralisme,<br />

c’est laisser le champ libre à l’unilatéralisme<br />

du plus fort.


Il se présente aussi comme un outil<br />

pédagogique, harmonieux <strong>et</strong> précis,<br />

pour comprendre comment fonctionnent<br />

ces institutions, ce que l’on peut<br />

attendre d’elles, par quels moyens on<br />

peut agir à travers elles pour la paix, les<br />

droits de l’homme, la solidarité. Il expose,<br />

documents à l’appui, la position de<br />

l’Église catholique à leur suj<strong>et</strong>.<br />

François VAILLANT<br />

Ce livre peut être commandé à :<br />

Justice <strong>et</strong> Paix, 17, rue Notre-Dame<br />

des Champs, 75006 Paris<br />

(9,40 €, port compris)<br />

Jean-Marie MERIGOUX<br />

Va à Ninive !<br />

Un dialogue avec l’Irak<br />

Paris, Cerf, 2000, 484 p., 29 €<br />

Le père <strong>et</strong> le fils Bush, avec le concours<br />

actif de Saddam Hussein, ont tellement<br />

fait parler de l’Irak depuis l’invasion du<br />

Koweït en 1990, que nous, Français, estimons<br />

assez bien connaître les Irakiens<br />

depuis c<strong>et</strong>te époque.<br />

Il faut lire un ouvrage comme celui-ci<br />

pour réaliser que les infos, que nous<br />

lisons ou entendons, empêchent littéralement<br />

de comprendre l’histoire d’un<br />

peuple. S’il n’y a pas toujours eu le parti<br />

Bass <strong>et</strong> un dictateur en Irak, il y a toujours<br />

eu des Irakiens, des cultures mésopotamiennes<br />

<strong>et</strong> arabes très diverses.<br />

L’auteur, Jean-Marie Mérigoux, dominicain,<br />

y a vécu plusieurs décennies. Il vit<br />

depuis quelques années au Caire,<br />

comme chercheur à l’Institut d’études<br />

orientales. Mais comme il a laissé son<br />

cœur en Irak, ce livre présente <strong>et</strong> raconte<br />

avec du recul ce qu’il a découvert dans ce<br />

pays, comme le fit au Moyen Âge le<br />

célèbre Riccoldo, frère mendiant de<br />

l’Ordre des Prêcheurs.<br />

Avec un style alerte, Jean-Marie<br />

Mérigoux invite le lecteur à rencontrer<br />

des trésors d’humanité plus grands que<br />

ceux des Mille <strong>et</strong> Une Nuits. Plusieurs<br />

millions d’Arabes chrétiens vivent en<br />

Irak. Ce sont d’abord eux que ce livre perm<strong>et</strong><br />

de rencontrer, avec pour toile de<br />

fond le site d’Assur, celui de Mossoul,<br />

l’ancienne Ninive, <strong>et</strong> chaque village qui<br />

est un trésor, loin de l’actualité brûlante<br />

de Bagdad. Pour mieux comprendre ses<br />

hôtes <strong>et</strong> vivre comme eux, Jean-Marie<br />

Mérigoux a voulu apprendre l’araméen <strong>et</strong><br />

le syriaque, en plus de l’arabe.<br />

Nous avons lu…<br />

Ce sont donc les villes <strong>et</strong> villages du<br />

Nord de l’Irak qui livrent ici leurs secr<strong>et</strong>s,<br />

loin des cités chiïtes du sud. Ce qui frappe<br />

le lecteur est de découvrir combien<br />

les communautés chrétiennes chaldéennes<br />

d’Irak ont une histoire religieuse<br />

<strong>et</strong> culturelle avec tout le Proche <strong>et</strong> le<br />

Moyen-Orient.<br />

On sourit, par exemple, en voyant combien<br />

la question du voile est abordée de<br />

nos jours d’une manière spécifique, car,<br />

en Irak, le voile d’un chrétienne comme<br />

d’une musulmane perm<strong>et</strong> de reconnaître<br />

son origine géographique de la personne.<br />

On a les papilles qui entrent en action<br />

aux récits des spécialités culinaires, dont<br />

la rec<strong>et</strong>te se trouve déjà sur des tabl<strong>et</strong>tes<br />

sumériennes. On est stupéfait d’apprendre<br />

que des chrétiens d’Irak ont<br />

témoigné de l’Évangile au XVIe siècle en<br />

Chine, si bien que des communautés chinoises<br />

sont toujours rattachées à l’Église<br />

nestorienne d’Irak.<br />

L’immense mérite de c<strong>et</strong> ouvrage est de<br />

fournir au lecteur des récits chaleureux,<br />

des références bibliographiques d’ouvrages<br />

savants, pour, en fin de compte,<br />

faire réaliser que nul ne peut comprendre<br />

l’Irak d’aujourd’hui sans se référer à tout<br />

un passé aussi complexe que prestigieux.<br />

Quand le livre est refermé, on se<br />

demande vraiment ce qu’un Américain<br />

peut comprendre d’un tel peuple, de ses<br />

misères <strong>et</strong> de ses grandeurs !<br />

Ce livre est paru en l’an 2000. Il n’a pas<br />

pris une ride. On ne peut que féliciter les<br />

Éditions du Cerf de c<strong>et</strong>te livraison qui<br />

nous rappelle que l’Europe a toujours<br />

engendré de grands orientalistes, sans<br />

armes, pour susciter l’espoir d’une fraternité<br />

universelle. F. V.<br />

55<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong>


56<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong><br />

Nous avons lu…<br />

Paul ARIÈS<br />

Putain de ta marque !<br />

Villeurbanne, Éditions Golias, 2003,<br />

526 p., 23 €<br />

S’il est vrai que l’actualité d’un procès de<br />

soixante-deux barbouilleurs d’affiches<br />

du métro parisien participe à susciter un<br />

début de débat national sur les méfaits<br />

de la publicité, il convient de toujours se<br />

demander de quoi l’on parle !<br />

Ce livre se présente comme une critique<br />

acerbe du phénomène publicitaire. Tous<br />

ses aspects économiques, contre-culturels,<br />

<strong>et</strong> politiques sont passés soigneusement<br />

en revue. La dictature des<br />

marques n’échappe pas à son auteur.<br />

Quel parent n’a-t-il pas été en proie à l’un<br />

de ses enfants qui a exigé une paire de<br />

bask<strong>et</strong>s de marque, comme si elle lui<br />

perm<strong>et</strong>tait de courir enfin plus vite !<br />

En moyenne, tout citoyen est confronté à<br />

une moyenne de 2 500 publicités par<br />

jour. Chacun sait que l’image de la<br />

femme véhiculée par la pub est particulièrement<br />

dégradante, mais on s’y habitue<br />

! D’après Paysages de France, plus de<br />

la moitié des panneaux 3x4 m sont illégaux,<br />

mais tout le monde s’en fiche, à<br />

commencer par des municipalités peu<br />

soucieuses du cadre de vie de leurs<br />

administrés.<br />

La pointe de l’ouvrage de Paul Ariès est<br />

certainement de montrer combien l’incitation<br />

à consommer toujours plus transforme<br />

l’individu en zombie, dénudé d’esprit<br />

critique, c’est-à-dire incapable de<br />

penser <strong>et</strong> de désirer par lui-même. Le mal<br />

réside dans le fait que la pub pousse à<br />

l’uniformité de penser, de sentir, d’agir,<br />

<strong>et</strong> donc d’être.<br />

Nous vivons manipulés comme nuls<br />

autres dans aucune société, <strong>et</strong> en plus, il<br />

paraît, d’après Ségala, que nous aimons<br />

cela ! Le passage en revue des méfaits de<br />

la pub réalisé par Paul Ariès est certes<br />

éloquent, mais le style littéraire de son<br />

ouvrage fini par fatiguer le lecteur. Nous<br />

sommes loin du livre Les fils de McDo du<br />

même auteur (L’Harmattan, 1997), où<br />

l’écriture se différenciait un peu plus du<br />

style cher à Lutte Ouvrière ou la LCR. Pris<br />

par l’envie de tout critiquer, l’auteur<br />

tourne en dérision, à la fin de son ouvrage,<br />

les trop rares associations qui luttent<br />

contre le phénomène publicitaire, dont<br />

RAP (Résistance à l’agression publicitaire)<br />

<strong>et</strong> Le Publiphobe.<br />

Qui veut découvrir les méfaits de la<br />

publicité (surend<strong>et</strong>tement, rack<strong>et</strong>,<br />

absence d’esprit critique, pollution<br />

visuelle, « piétinement des cerveaux »,<br />

<strong>et</strong>c.) trouve dans le livre de Paul Ariès<br />

des passages éloquents, mais au style<br />

<strong>non</strong> ciselé, avec trop de redites <strong>non</strong><br />

démontrées. Nous préférons toujours les<br />

beaux livres de François Brune Le<br />

Bonheur conforme, ou encore Le livre<br />

noir de la pub de Florence Amalou, <strong>et</strong><br />

99 F de Frédéric Beigdeber.<br />

Putain de ta marque n’en demeure pas<br />

moins intéressant pour qui veut s’initier<br />

aux dégâts économiques <strong>et</strong> cérébraux<br />

qu’occasionne le monde publicitaire,<br />

depuis le phénomène du surend<strong>et</strong>tement<br />

jusqu’à l’obésité, en passant par la<br />

destruction de la personnalité <strong>et</strong> des ressources<br />

énergétiques de la planète,<br />

compte tenu des remarques émises précédemment<br />

!<br />

Jacques CHARBY<br />

Les porteurs d’espoir<br />

F. V.<br />

Paris, La Découverte, 300 p., 2004, 22 €<br />

Le travail de mémoire sur c<strong>et</strong>te « guerre<br />

anachronique perdue d’avance », selon<br />

l’analyse de Francis Jeanson dès le début<br />

de l’insurrection, que fut la guerre<br />

d’Algérie, malgré des milliers d’écrits, est<br />

encore loin d’être terminé. La soixantaine<br />

de témoignages rassemblés par<br />

Jacques Charby, lui-même « porteur de<br />

valises », font de ce livre à la fois un hommage<br />

à leur combat mais aussi un document<br />

majeur pour mieux comprendre les<br />

ressorts de l’engagement. « Bien qu’à<br />

contre-courant, leur force fut justement<br />

de dire <strong>non</strong>, <strong>et</strong> d’appliquer la logique de<br />

leur refus », souligne Jacques Charby,<br />

rappelant qu’« ils avaient au moins deux


points communs : ils étaient, majoritairement,<br />

jeunes <strong>et</strong> agissaient en dehors de<br />

tout appareil. » Plusieurs, parmi ceux qui<br />

s’étaient engagés dans des actions clandestines<br />

de solidarité active, se sont<br />

d’ailleurs r<strong>et</strong>rouvés en prison… Un livre à<br />

m<strong>et</strong>tre entre toutes les mains.<br />

Patrice BOUVERET<br />

Patrick de SAINT-EXUPÉRY<br />

L’inavouable<br />

La France au Rwanda<br />

Paris, les arènes, 2004, 290 p., 19,90 €<br />

Comment ne pas partager votre « colère »,<br />

Monsieur Patrick de Saint-Exupéry, à la<br />

lecture de votre implacable réquisitoire ?<br />

« Le génocide est une folie raisonnée.<br />

Derrière l’apparente folie des hommes<br />

pèse la chape d’une logique spectrale,<br />

glacée, désincarnée. » Et à c<strong>et</strong>te logique,<br />

vous donnez un nom, vous en traquez les<br />

concepteurs. La chape, au fur <strong>et</strong> à mesure<br />

que l’on progresse dans la lecture de<br />

votre remarquable ouvrage, s’effrite,<br />

nous entraînant dans le labyrinthe des<br />

rouages <strong>et</strong> de auteurs, de la méthodologie<br />

sans laquelle ce génocide n’aurait<br />

pas eu lieu ! Car on ne tue pas près d’un<br />

million de personnes, en à peine cent<br />

jours, sans organisation, sans préparation<br />

minutieuse, sans doctrine.<br />

Certes, « nous n’avons tenu ni mach<strong>et</strong>tes,<br />

ni fusils, ni massues. Nous ne sommes pas<br />

des assassins, Monsieur. Nous avons instruit<br />

les tueurs », expliquez-vous. « Nous<br />

avons appliqué au Rwanda un vieux<br />

concept tiré de notre histoire d’empire. De<br />

nos guerres coloniales », c’est-à-dire<br />

l’Indochine, l’Algérie… « Des “guerres<br />

totales”. Avec des dégâts totaux. Les<br />

“guerres sales”. Au Rwanda, en 1990, nous<br />

Nous avons lu…<br />

remordons à c<strong>et</strong>te histoire. Sans aucun<br />

contrôle, sans aucune limite. »<br />

Patrick de Saint-Exupéry montre notamment<br />

en quoi l’opération « Noroît »<br />

déclenchée en 1990, officiellement pour<br />

protéger <strong>et</strong> évacuer nos ressortissants,<br />

« est un paravent, un leurre qui masque<br />

la mécanique “grise”, estampillée secr<strong>et</strong><br />

défense ». À compter de c<strong>et</strong>te date s’enclenche<br />

une mécanique en connaissance<br />

de cause comme le confirme a posteriori<br />

plusieurs « dépêches confidentiel défense<br />

», déclassifiées en 1998 <strong>et</strong> publiées<br />

dans le rapport de la Mission parlementaire.<br />

Augmentation massive du flux<br />

d’armes en provenance de la France, du<br />

nombre d’instructeurs issus dans leur<br />

majeure partie des régiments rattachés<br />

au Commandement des opérations spéciales,<br />

le COS, celui-là même qui alimente<br />

le service action de la DGSE… Cela<br />

bien sûr pour la partie immergée car se<br />

rajoute le « jeu » trouble de personnages<br />

comme Paul Barril <strong>et</strong> autres intermédiaires…<br />

Techniquement une réussite,<br />

« si on se débarrasse de ces concepts<br />

encombrants que sont le bien <strong>et</strong> le mal,<br />

l’humain <strong>et</strong> l’inhumain ». Une réussite<br />

« au somm<strong>et</strong> » que ce pacte noué par les<br />

militaires <strong>et</strong> les politiques qui contrôlaient<br />

alors l’exécutif. De toutes façons,<br />

« dans ces pays, un génocide c’est pas<br />

trop important » confie François<br />

Mitterrand à ses proches… Tout est dit !<br />

P. B.<br />

Pour prolonger l’information, vous pouvez<br />

consulter le site Intern<strong>et</strong> de la Commission<br />

d’enquête citoyenne sur le rôle de la France<br />

durant le génocide des Tutsi au Rwanda en<br />

1994 qui s’est réunie à Paris en mars<br />

dernier à l’initiative de Survie :<br />

www.enqu<strong>et</strong>e-citoyenne-rwanda.org<br />

57<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong>


✄<br />

A L T E R N A T I V E S<br />

N O N - V I O L E N T E S<br />

dossiers, recherches, documents sur la <strong>non</strong>-violence<br />

revue associéee à l’Institut de recherches sur la résolution <strong>non</strong>-violente des conflits (IRNC)<br />

ANV édite un joli dépliant qui présente la revue, indique les numéros disponibles <strong>et</strong> propose un abonnement.<br />

Aidez-nous à le distribuer !<br />

Écrivez, à ANV,<br />

Centre 308,<br />

82, rue Jeanne-d’Arc<br />

76000 ROUEN,<br />

pour recevoir gratuitement<br />

10, 20 ou 50 dépliants,<br />

selon votre choix.<br />

L’équipe d’ANV vous en remercie<br />

chaleureusement.<br />

Offrez le numéro d’<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong>-<strong>violentes</strong> que vous venez de lire<br />

sur “L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong>”<br />

3 exemplaires du n° 130 : 26 € au lieu de 31 €<br />

5 exemplaires du n° 130 : 43 € au lieu de 56,50 €<br />

À r<strong>et</strong>ourner à : ANV, Centre 308, 82, rue Jeanne-d’Arc, 76000 Rouen<br />

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Tous ces tarifs s’entendent port compris<br />

Envoyez-moi gratuitement ……… exemplaires du dépliant de présentation d’ANV<br />

Joindre le chèque à la commande, à l’ordre de : ANV


On se r<strong>et</strong>rouvera<br />

au Salon des initiatives<br />

de paix à Paris, les 4, 5<br />

<strong>et</strong> 6 juin !<br />

Voir page 50.<br />

❍m❍m<br />

Le prochain numéro<br />

a pour thème :<br />

« Je fais un rêve… »<br />

21 fictions pour le XXI e siècle<br />

Bull<strong>et</strong>in<br />

d’abonnement<br />

à envoyer à : ANV, Centre 308,<br />

82, rue Jeanne-d’Arc<br />

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revue (gratuits).<br />

Je désire recevoir les numéros suivants :<br />

Tarif ordinaire : 35 euros<br />

Soutien : 50 euros<br />

P<strong>et</strong>it budg<strong>et</strong> : 26 euros<br />

Étranger : 39 euros<br />

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envoi d’1 numéro : plus 2 € de port<br />

envoi de 2 numéros : plus 3 € de port<br />

envoi de 3 numéros : plus 4 € de port<br />

Je verse donc la somme de ....................<br />

à l’ordre de ANV (CCP 2915-21 U LYON)


<strong>Alternatives</strong><br />

Non-Violentes<br />

Face à la violence, incapable d’apporter une solution<br />

humaine aux inévitables conflits qui constituent la<br />

trame de l’histoire de l’humanité, la <strong>non</strong>-violence<br />

propose une alternative.<br />

La philosophie de la <strong>non</strong>-violence veut déconstruire<br />

l’idéologie de la soi-disant violence nécessaire <strong>et</strong><br />

légitime qui domine nos cultures <strong>et</strong> sociétés, tout en<br />

développant une culture de <strong>non</strong>-violence, avec des<br />

méthodes d’action perm<strong>et</strong>tant la gestion positive des<br />

conflits. La cohérence entre la fin <strong>et</strong> les moyens<br />

s’avère un impératif autant éthique<br />

que stratégique.<br />

L’action <strong>non</strong>-violente a été historiquement mise en<br />

œuvre dans les luttes de résistance pour les droits de<br />

l’Homme, avec au premier rang la lutte pour<br />

l’indépendance de l’Inde menée par Gandhi.<br />

L’action <strong>non</strong>-violente est résistance, <strong>non</strong>coopération,<br />

désobéissance aux lois injustes ; elle<br />

vise alors à créer un rapport de forces pour<br />

combattre les situations d’injustice <strong>et</strong> d’oppression.<br />

Mais la <strong>non</strong>-violence est aussi une force de<br />

proposition ; elle veut réaliser un programme<br />

constructif qui vise, ici <strong>et</strong> maintenant, dès la phase de<br />

résistance, à anticiper la société solidaire de demain,<br />

en m<strong>et</strong>tant en place les structures alternatives<br />

garantes de la justice <strong>et</strong> de la liberté.<br />

N° 108 : LA DÉSOBÉISSANCE CIVILE - 9,50 €<br />

Ce numéro a pour ambition de faire connaître la désobéissance<br />

civile, pensée <strong>et</strong> vécue par David-Henri Thoreau, Léon Tolstoï,<br />

Gandhi… jusqu’au procès Papon. Son originalité <strong>non</strong>-violente, sa<br />

force <strong>et</strong> ses limites. Avec Jean-Baptiste Eyraud, Christian Mellon,<br />

Jean-Marie Muller, Bernard Quelquejeu, Mario Pedr<strong>et</strong>ti, Alain<br />

Refalo…<br />

N° 110 : VIOLENCES CONTRE LES PERSONNES ÂGÉES - 9,50 €<br />

Les maltraitances contre les personnes âgées, à domicile comme en<br />

maisons de r<strong>et</strong>raite, constituent un véritable problème de société.<br />

Vieillir peut-il avoir encore un sens aujourd’hui ? Vieillissement <strong>et</strong><br />

immigration. La place de l’animal de compagnie. La sexualité du<br />

troisième âge. Fin de vie : l’apport des soins palliatifs ; débat sur<br />

l’euthanasie volontaire. Avec Maurice Abiven, Pascal Champvert,<br />

Jean Debruynne, Gilles Desrumaux, Noëlla Jarrousse, Jacques<br />

Pohier, Jean-Luc Vuillemenot… Un numéro exceptionnel !<br />

N° 113 : QUAND L’ENFANT SOUFFRE VIOLENCE - 9,50 €<br />

De nombreux enfants sont maltraités à notre époque. Un enfant<br />

violenté deviendra-t-il ensuite un adulte violent ? Quelles préventions<br />

éducatives, psychologiques <strong>et</strong> médicales m<strong>et</strong>tre en place ?<br />

Présentation de l’œuvre d’Alice Miller, suivi d’un débat contradictoire.<br />

Avec C. De Truchis, I. Filliozat, P. Lassus, F. Maqueda,<br />

O. Maurel, S. Missonnier, J.-M. Muller, C. Robineau <strong>et</strong> S. Robert-<br />

Ouvray.<br />

N° 115 : L’ANIMAL A-T-IL DROIT AU RESPECT ? - 9,76 €<br />

Jamais dans l’histoire les animaux n’ont été autant martyrisés qu’à<br />

notre époque : marées noires, industries pharmaceutiques, chasse<br />

en tous genres. L’animal mérite-t-il le respect au point de ne jamais<br />

le tuer ? Existe-t-il un lien entre la violence que les hommes exercent<br />

entre eux <strong>et</strong> la maltraitance sur le monde animal ? Avec<br />

E. Drewermann, K. L. Matig<strong>non</strong>, T. Monod, J.-M. Muller,<br />

B. Quelquejeu, P. Rabhi, A. Richard, F. Vanpoulle <strong>et</strong> Y. Wehrling.<br />

N° 117 : ANARCHISME, NON-VIOLENCE, QUELLE SYNERGIE ? - 9,76 €<br />

L’anarchisme prône la disparition de l’État <strong>et</strong> veut construire une<br />

société autogérée. Ce numéro exceptionnel fait découvrir l’histoire<br />

des idées anarchistes, la mouvance anarchiste d’aujourd’hui <strong>et</strong> sa<br />

confrontation à la <strong>non</strong>-violence. Avec André Bernard, Xavier Bekaert,<br />

Brigitte Bossen, Jean-Marie Muller, Alain Refalo, Hans Schwab,<br />

François Sébastianoff, Alain Théven<strong>et</strong>, Jacques Toubl<strong>et</strong>…<br />

N° 118 : NON-VIOLENCE, QUE FAIT LA POLICE ? - 9,91 €<br />

Même dans une société allant vers l’autogestion <strong>et</strong> la <strong>non</strong>-violence,<br />

une police est nécessaire pour établir la sécurité <strong>et</strong> faire respecter le<br />

droit. Mais quelle police ? Avec Isabelle Bartkowiak, Jean-Jacques de<br />

Félice, Dominique Monjard<strong>et</strong>, Béatrice Pouligny, Geneviève Pruvost,<br />

Cédric Moreau de Bellaing…


N° 119-120 : LES LUTTES NON-VIOLENTES AU XXe SIÈCLE<br />

(tome 1) 19,52 €<br />

Une force, la <strong>non</strong>-violence, est née, puis s’est développée au<br />

XX e siècle. Le phénomène a commencé avec Gandhi puis s’est propagé<br />

sur les cinq continents. De l’Australie à la chute du Mur de Berlin,<br />

de la Colombie à la Tanzanie, du Larzac à Seattle… Plus de trente<br />

articles r<strong>et</strong>racent l’héritage de <strong>non</strong>-violence transmis au XXI e siècle.<br />

N° 121 : LES LUTTES NON-VIOLENTES… (tome 2) 9,91 €<br />

Ce numéro consacré aux luttes <strong>non</strong>-<strong>violentes</strong> en Europe s’inscrit<br />

à la suite du n° 119-120. On y trouve en finale un entr<strong>et</strong>ien exclusif<br />

avec Michel Rocard <strong>et</strong> une analyse politique de Jean-Marie<br />

Muller sur les événements survenus à cause des actes terroristes<br />

du 11 septembre.<br />

N° AF (affiche) : LES CENT DATES DE LA NON-VIOLENCE AU XX e SIÈCLE<br />

5 €<br />

C<strong>et</strong>te affiche en quadrichromie, très grand format (84 x 64 cm) présente<br />

avec pédagogie les grandes luttes qui ont fait entrer la <strong>non</strong>violence<br />

sur les cinq continents. Elle est une illustration des n° 119-<br />

120 <strong>et</strong> 121. Idéal pour une classe, un bureau, une chambre ou… la<br />

porte de ses toil<strong>et</strong>tes ! Elle donne à réfléchir sur le bel héritage de<br />

<strong>non</strong>-violence que le XX e siècle lègue au XXI e siècle !<br />

N° 122 : L’AÏKIDO, UN ART MARTIAL NON-VIOLENT - 9,91 €<br />

L’aïkido parvient à libérer son adversaire de son agressivité <strong>et</strong> ignore<br />

la compétition. C<strong>et</strong>te discipline du corps <strong>et</strong> de l’esprit est propice<br />

à se défendre dans la rue contre une agression. Regards sur les<br />

autres arts martiaux <strong>et</strong> leurs origines guerrières. Coupe du monde<br />

de football <strong>et</strong> violences. Actualité : actions <strong>non</strong>-<strong>violentes</strong> exemplaires<br />

au Pays Basque. Avec Michel Caillat, André Cognard, Daniel<br />

Lance, Vincent Roussel, Gorka Torre…<br />

N° 123 : LA VOITURE VÉHICULE DE LA VIOLENCE - 9,91 €<br />

La violence routière est impitoyable, mais elle est acceptée comme<br />

le tribut sacrificiel d’un obj<strong>et</strong> idolâtré : la voiture ! Existe-t-il une<br />

conduite <strong>non</strong>-violente ? Le réaménagement urbain, avec le vélo <strong>et</strong> le<br />

tramway, est possible. Exemples en Europe. Un numéro qui ne<br />

mâche pas les mots, qui sort de la langue de bois si habituelle sur le<br />

suj<strong>et</strong>. Avec Jean-Pascal Assailly, Marie-Hélène Aubert, Michel<br />

Bourgu<strong>et</strong>, Philippe Delrue, Philippe Laville, François Marchand, Jean<br />

Sivardière, Paul Virilio…<br />

N° 124 : L’INTERVENTION CIVILE : UNE CHANCE POUR LA PAIX - 10 €<br />

L’intervention de civils <strong>non</strong> armés, dans des pays en guerre, est une<br />

chance pour la paix. Ce numéro constitue les Actes du colloque qui<br />

s’est tenu à l’Assemblée nationale, à l’initiative de l’IRNC <strong>et</strong> du<br />

Comité français pour l’intervention civile de paix. Prévention des<br />

conflits, interposition, médiation… Avec des chercheurs, des acteurs<br />

de terrain, des personnalités politiques <strong>et</strong> des représentants<br />

d’ONG…<br />

N° 125 : SANCTIONNER SANS PUNIR :<br />

LES SANCTIONS ÉDUCATIVES - 10 €<br />

Les châtiments <strong>et</strong> les punitions n’éduquent pas, mais engendrent<br />

soumission <strong>et</strong> humiliation. Les sanctions éducatives cherchent, au<br />

contraire, l’adhésion <strong>et</strong> la réparation de la faute, dans le respect<br />

d’autrui <strong>et</strong> de soi-même. Dans la famille, à l’école, la vie citoyenne…<br />

Analyses <strong>et</strong> exemples concr<strong>et</strong>s. Avec Chantal De Truchis, Élisab<strong>et</strong>h<br />

Maheu, Eirick Prairiat, Thierry Pech, Christian Robineau, Maryse<br />

Vaillant…<br />

N° 126 : QUELLE MONDIALISATION ? PAR QUI ? POUR QUI ? - 10 €<br />

L’idée de mondialisation pourrait être bonne si elle n’était pas colonisée<br />

par l’économie néo-libérale des États-Unis. Interview exclusive<br />

de José Bové sur l’action <strong>non</strong>-violente. Mondialisation <strong>et</strong> criminalité<br />

des cols blancs. Le danger des OGM est bien réel. Pour un commerce<br />

équitable. Pour découvrir l’histoire <strong>et</strong> les intentions d’Attac.<br />

Avec Attac, José Bové, Brigitte Chamak, Jean de Maillard, René<br />

Pass<strong>et</strong>, Henri Rouillé d’Orfeuil, François-Xavier Verschave.<br />

N° 127 : AUX SOURCES DE LA PHILOSOPHIE : LA NON-VIOLENCE<br />

10 €<br />

Comment se présente la <strong>non</strong>-violence chez les grands philosophes<br />

<strong>et</strong> penseurs qui en ont parlé : Annah Arendt, René Girard, Emmanuel<br />

Levinas, Éric Weil… ? Débats sur la philosophie de la <strong>non</strong>-violence.<br />

Avec : Joëlle Hansel, Henri Laux, Jean-Marie Muller, Bernard<br />

Quelquejeu, Jacques Ricot, Frédéric Rog<strong>non</strong>…<br />

N° 128-129 : PALESTINIEN ET ISRAÉLIENS :<br />

FAIRE PARLER LA NON-VIOLENCE - 21 €<br />

Aucune solution militaire ne perm<strong>et</strong>tra de sortir de l’impasse. La<br />

violence mimétique de Sharon <strong>et</strong> du Hamas n’apporte nulle part<br />

la sécurité. Ce numéro montre que des Israéliens <strong>et</strong> des<br />

Palestiniens tracent des voies pour sortir du conflit meurtrier <strong>et</strong><br />

de ses humiliations quotidiennes. Comment concevoir une force<br />

de police internationale <strong>et</strong> des interventions civiles ?<br />

Témoignages de Refuzniks ; récits <strong>et</strong> analyses de Palestiniens,<br />

Israéliens <strong>et</strong> Européens. Avec une quinzaine de spécialistes,<br />

dont Dominique Vidal, Fabienne Messica, Bernard Ravenel,<br />

Abdelfattah Abu-Srour, Denis Sieffert…<br />

N° 130 : L’ARME NUCLÉAIRE : TOTEM ET TABOU - 10,50 €<br />

La France continue ses essais <strong>nucléaire</strong>s au Laser Mégajoule, près<br />

de Bordeaux. Que vaut l’actuelle stratégie de dissuasion <strong>nucléaire</strong> à<br />

l’heure du danger terroriste ? Le <strong>nucléaire</strong> civil est-il nécessaire pour<br />

le <strong>nucléaire</strong> militaire ? Où en sont la prolifération <strong>et</strong> le besoin de nouveaux<br />

traités ? Qui s’intéresse aux victimes irradiés de Polynésie ?<br />

Avec Bruno Barrillot, Danielle Bernard, Patrice Bouver<strong>et</strong>, Christian<br />

Brunier, Jean-Michel Collin, Dominique David, Dominique Lalanne…<br />

Directeur de publication : Ch. Delorme / Commission paritaire n° 54826 / Dépôt légal : 1 er trimestre 2004 / Maqu<strong>et</strong>te : Goliards’Presse / Imp. Reynaud - 42000 Saint-Étienne


130<br />

1 er trimestre 2004<br />

<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong>-<strong>violentes</strong><br />

Centre 308<br />

82, rue Jeanne-d’Arc<br />

76000 ROUEN<br />

Tél.+ Fax 02 35 75 23 44<br />

anv.revue@wanadoo.fr<br />

Revue associée à l’Institut<br />

de recherche sur la résolution<br />

<strong>non</strong>-violente des conflits (IRNC)<br />

COMITÉ D’ORIENTATION<br />

Paul BLANQUART<br />

Bernard BOUDOURESQUES<br />

Patrice COULON<br />

Étienne GODINOT<br />

François MARCHAND<br />

Virginie MARTIN<br />

Jean-Marie MULLER<br />

Bernard QUELQUEJEU<br />

Alain REFALO<br />

Christian ROBINEAU<br />

Hans SCHWAB<br />

Jacques SÉMELIN<br />

Marlène TUININGA<br />

Jean VAN LIERDE<br />

Directeur de publication :<br />

Christian DELORME<br />

Rédacteur en chef :<br />

François VAILLANT<br />

A l t e r n a t i v e s<br />

n o n - v i o l e n t e s<br />

S o m m a i r e<br />

É d i t o r i a l ............................................................................................................................................ 1<br />

L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong><br />

L’armement <strong>nucléaire</strong> français du futur<br />

Dominique Lalanne ................................................................................................................ 3<br />

Budg<strong>et</strong> <strong>nucléaire</strong> : derrière les chiffres, le déficit démocratique<br />

Bruno Barrillot .............................................................................................................. 11<br />

Prolifération : le r<strong>et</strong>our<br />

Dominique David ............................................................................................................. 16<br />

L’urgence est au désarmement <strong>nucléaire</strong><br />

Jean-Marie Collin ............................................................................................................. 21<br />

Une expédition pacifique<br />

Christian Brunier ............................................................................................................. 27<br />

Sortir de l’oubli<br />

Bruno Barrillot ............................................................................................................. 31<br />

En Allemagne, à l’époque des euromissiles<br />

Danielle Bernard ............................................................................................................ 36<br />

Les travaux de l’Observatoire des armes <strong>nucléaire</strong>s françaises<br />

Patrice Bouver<strong>et</strong> ............................................................................................................ 40<br />

Stop Essais, un collectif pour le désarmement <strong>nucléaire</strong><br />

Dominique Lalanne ............................................................................................................. 43<br />

Infos diverses ............................................................................................................................................ 48<br />

N o u s a v o n s l u … ........................................................................................... 54


<strong>Alternatives</strong> <strong>non</strong> <strong>violentes</strong> n° 130 • L’arme <strong>nucléaire</strong> : totem <strong>et</strong> <strong>tabou</strong>

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