L 'arme nucléaire : Totem et tabou - Alternatives non-violentes

30
Alternatives non violentes n° 130 • L’arme nucléaire : totem et tabou
Christian Brunier
celle des unités parachutistes d’élite que j’ai eu l’honneur
de commander pendant dix ans, et en Algérie, à la
rupture des liens avec la France, au départ des piedsnoirs,
à la révolte de l’armée, et aux criminelles entreprises
de l’OAS.
J’ai donné trente ans de ma vie pour défendre
mon pays. Je suis décidé plus que jamais à consacrer les
années qui me restent à défendre la France, et d’abord
contre elle-même, contre les choix politiques, en matière
de défense, qui ne tiennent aucun compte des réalités du
monde d’aujourd’hui, et conduisent à des conséquences
aberrantes : choix d’objectifs démographiques, ventes
d’armes dans le monde entier. Convaincu de l’efficacité
des stratégies indirectes mettant en œuvre des
méthodes de résistance civile non-violente, je suis scandalisé
du fait que ces méthodes ne soient pas ouvertement
exposées aux différentes instances où s’élaborent
la pensée militaire française. Je suis scandalisé encore
que notre conception actuelle de la défense nationale
n’ait jamais fait, jusqu’à ce jour, l’objet d’un débat de
fond après une information du peuple français. »
Trente ans plus tard, pas un seul mot du texte de
Jacques Bollardière à son ministre de tutelle n’est à
retrancher, sa vérité n’encourt aucun démenti…
Regards
Il y a trente ans, un général, qui ne craignait pas de « se
mouiller », attira l’attention du monde entier avec ses
compagnons contre le « scandale » des essais nucléaires
français dans le Pacifique Cette expédition lointaine précéda
celle du Rainbow Warrior, navire amiral de l’association
Greenpeace, coulé par les services secrets français
dans le port d’Auckland, le 10 juillet 1985. Dix ans plus
tard, lors des derniers « essais Chirac », le Rainbow
Warrior II, était arraisonné par les commandos de marine
dans les eaux territoriales françaises autour du site de
Moruroa. L’écrivain et prêtre engagé Jean Toulat retrace
un épisode de cette lutte implacable contre les essais et
l’armement nucléaire dont il fut un des héros. Dans le
sillage de ces femmes et de ces hommes de paix, des
dizaines de milliers de citoyens regroupés au sein de la
coalition Abolition 2000 poursuivent leur combat contre
l’arme nucléaire, instrument de la « sauvagerie » selon
Albert Camus. Le lendemain de l’explosion d’Hiroshima, il
nous exhortait à choisir entre l’« enfer et la raison », le
« suicide collectif ou l’utilisation intelligente des
conquêtes scientifiques ». Les États nucléaires sont restés
sourds à son avertissement. ■
1) Jacques de Bollardière, compagnon de toutes les libérations,
éditions NVA, 20, rue du Dévidet, 45200 Montargis.