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Rapport_final_OGM_nov2006.pdf - FFEM

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REPUBLIQUE DE GUINEE<br />

____<br />

MINISTERE DU PLAN<br />

_______<br />

RAPPORT FINAL<br />

Projet financé par<br />

le Fond Français pour l’Environnement Mondial<br />

et l’Agence Française de Développement :<br />

GROUPE AGENCE<br />

F RANÇAISE DE<br />

DÉVELOPPEMENT<br />

Novembre 2006


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> Final – novembre 2006<br />

AVANT-PROPOS<br />

Placé sous la maîtrise d’ouvrage du Ministère du Plan et réalisé grâce à des<br />

financements de l’Agence Française de Développement et du Fond Français pour<br />

l’Environnement Mondial, le projet « Observatoire de la Guinée Maritime » a débuté<br />

officiellement ses activités le 23 avril 2003. Par suite de la suspension des décaissements<br />

de l’AFD, il a été interrompu de janvier à juin 2004.<br />

La convention de financement désigne comme opérateur du projet l’Association<br />

Française des Volontaires du Progrès et comme maître d’œuvre scientifique l’Université<br />

de Bordeaux III.<br />

L'<strong>OGM</strong> a pour mission première de créer des d’outils méthodologiques et<br />

d'information d'aide à la décision. Il a pour <strong>final</strong>ité de:<br />

Réaliser un état des lieux de l’état des écosystèmes, des systèmes de production<br />

et de la situation économique des populations concernées.<br />

Créer pour un développement écologiquement et socialement durable, des<br />

méthodologies d’amélioration de la gestion des ressources naturelles élaborées et<br />

validées avec des communautés locales.<br />

Contribuer au pilotage du développement économique et social de la Guinée<br />

maritime dans le cadre de la politique nationale de réduction de la pauvreté en<br />

construisant un tableau de bord reproductible de suivi de la pauvreté et des<br />

inégalités.<br />

Construire une base de données géoréférencée rassemblant l’ensemble des<br />

données existantes sur ces thèmes.<br />

Proposer des actions destinées à améliorer la durabilité des systèmes de gestion<br />

de la biodiversité co-construites avec les communautés rurales concernées.<br />

Apporter au travers d’expertises, un appui aux institutions guinéennes, aux<br />

bailleurs de fonds et aux différents opérateurs du développement en Guinée Maritime.<br />

Pour cela deux CRD pilotes ont été retenues. Kanfarandé dans la Préfecture de<br />

Boké et Mankountan, dans la Préfecture de Boffa.<br />

A la demande du Ministère du Plan, ces études se sont étendues fin 2004 à la CRD<br />

de Boffa centre, dans le cadre des études préliminaires au lancement du Projet de<br />

Gestion Intégrée des Ressources Naturelles (PGIRN) sur financement du Fonds pour<br />

l’Environnement Mondial.<br />

Le rapport de mai 2005 a détaillé les travaux effectués et les résultats obtenus<br />

par le projet, toutefois, celui-ci ayant été prolongé jusqu’à novembre 2006, un certain<br />

nombre de résultats nouveaux a pu être obtenu.<br />

Le présent rapport ne reprend pas l’ensemble du texte du rapport de mai 2005,<br />

très détaillé. Le lecteur pourra, en cas de besoin, utilement s’y reporter. Il présente<br />

uniquement, sous forme condensée, les principaux résultats d’ensemble du projet et, de<br />

façon plus explicative les travaux complémentaires menés depuis mai 2005.<br />

2


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> Final – novembre 2006<br />

EQUIPE DU PROJET<br />

Equipe AFVP<br />

Didier BAZZO, Chef de projet<br />

Mamadou SOW, Chef de projet adjoint<br />

Mamadou Senghor BALDET, Responsable administratif et financier<br />

Joseph GATINEAU, Responsable logistique<br />

Emmanuelle FAVROT, Responsable de la médiation institutionnelle<br />

Adama KEITA, Analyste programmeur, Gestionnaire de base de données<br />

Facinet Soriba BANGOURA, Technicien cartographe-documentaliste<br />

Mohamed FOFANA, Alhassane Thierno DIALLO, Chauffeurs<br />

Mohamed SOUMAH, Piroguier<br />

Equipe Bordeaux III<br />

Georges ROSSI, Professeur des universités, Directeur scientifique<br />

Biodiversité :<br />

Annette HLADIK, Ingénieur de recherches CNRS, Muséum d’histoire naturelle de Paris<br />

Elisabeth LECIAK, Attachée de recherches<br />

Marcel HLADIK, Directeur de recherches honoraire CNRS, Consultant primatologue<br />

Alhousseiny DABO, Assistant<br />

Oumar BAH, Stagiaire puis enquêteur<br />

Koné N’FALIDJOU, Stagiaire puis enquêteur<br />

Claude BIGOURD, Stagiaire<br />

Mélanie LUNEL, Stagiaire<br />

Nabilaye SOUMAH, Stagiaire<br />

Salifou SOUMAH, Stagiaire<br />

Aboubacar TOURE, Stagiaire<br />

Pauvreté - Inégalités :<br />

Jean-Luc DUBOIS, Directeur de recherches IRD<br />

Isabelle DROY, Chargée de recherches IRD<br />

David LEYLE, Attaché de recherches<br />

Nicolas SIRVEN, Consultant<br />

Alexandre BERTIN, Consultant<br />

Aboubacar SOUMAH, Assistant<br />

Systèmes Ruraux :<br />

Jean-Etienne BIDOU, Maître de conférences<br />

Mathilde BEURIOT, Attachée de recherches<br />

Daouda SAVANE, Assistant<br />

Aboubacar BARRY, Enquêteur<br />

Aboubacar BANGOURA, Enquêteur<br />

Fatoumata Alpha BARRY, Stagiaire<br />

Anthropologie – Innovation :<br />

Emmanuel FAUROUX, Directeur de recherches IRD<br />

Mathieu FRIBAULT, Attaché de recherches<br />

Pascal REY, Attaché de recherches<br />

Ferdinand BANGOURA, Correspondant scientifique<br />

Lamarana BARRY, Stagiaire puis assistant<br />

Makhissa SYLLA, Stagiaire puis enquêtrice<br />

Diaraye DIALLO, Stagiaire<br />

Alpha Oumar KEBE, Stagiaire<br />

3


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> Final – novembre 2006<br />

Statistiques - Bases de données :<br />

Charles-Antoine ARNAUD, Ingénieur CNRS<br />

Suivi – évaluation :<br />

Philippe SCHAR, Chargé de recherches CNRS<br />

4


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> Final – novembre 2006<br />

PRESENTATION GENERALE DU PROJET<br />

En partant des savoirs locaux dans l’utilisation et la gestion des ressources<br />

naturelles et d’un état des lieux des écosystèmes, des systèmes ruraux de production et<br />

de la pauvreté, l’objectif du projet est de construire des procédures pertinentes à la fois<br />

pour les paysans et pour les agents de développement de façon à formaliser les éléments<br />

de construction d’un dialogue technique capable d’améliorer ou de transformer l’existant<br />

dans le domaine de la gestion des ressources naturelles utilisées par les communautés<br />

rurales pour leur vie quotidienne et pour leur développement économique et social.<br />

En effet, les expériences déjà réalisées ou en cours montrent que les innovations<br />

collectivement co-produites par les chercheurs, les techniciens et les paysans s’avèrent<br />

être plus opérationnelles, généralisables et durables.<br />

Le but est de mettre en œuvre à l’échelle des CRD identifiés par le projet, un<br />

processus pilote de réflexion et d’actions sur la durabilité des modes de gestion des<br />

ressources et sur leur influence de sur la pauvreté, envisagée ici à partir des indicateurs<br />

locaux, c’est à dire de ceux qui ont un sens pour les populations locales.<br />

Ce point est important car si l’on souhaite que la participation des populations à<br />

un projet soit réelle et aille au-delà d’une adhésion de façade, il est fondamental que les<br />

populations constatent une amélioration de leur pauvreté, définie à partir de leur<br />

conception de celle-ci et des critères qu’ils utilisent pour en juger.<br />

Ces « indicateurs autochtones de pauvreté » seront ultérieurement intégrés, à<br />

coté des indicateurs techniques retenus, pour définir les composantes d’un tableau de<br />

bord de suivi de l’évolution de la pauvreté et des inégalités.<br />

Ce processus débouche, dans le cadre des PDL sur une série d’actions visant à<br />

une plus grande durabilité des ressources, construit et mis en œuvre par les acteurs<br />

locaux en coopération avec les organismes de développement et les CRD. Ces actions<br />

sont discutées et co-validées tant par les communautés que par les chercheurs comme<br />

susceptibles d’apporter, directement ou indirectement, une plus grande<br />

durabilité/reproduction des ressources en même temps qu’une amélioration de la<br />

situation économique des populations concernées.<br />

En effet, il serait illusoire d’intervenir sur les modes de gestion des ressources<br />

sans tenir compte de l’incidence de ces actions sur les situations de pauvreté et de<br />

vulnérabilité des populations.<br />

Localement, cette recherche-action permet:<br />

- de mettre en place une réflexion, au niveau local, sur l’évolution des pratiques<br />

dans leurs rapports aux ressources environnementales,<br />

- d’établir des procédures de dialogue et de travail collectifs entre agents de<br />

développement, paysans et responsables institutionnels aux niveaux local et<br />

régional sur la gestion des ressources à long terme,<br />

- de permettre aux communautés de définir et de maîtriser elles-mêmes, en<br />

étant appuyées techniquement, les opérations de développement.<br />

Au-delà des effets locaux, elle permet de définir une méthodologie généralisable<br />

et reproductible dans son principe pour une gestion autochtone durable des ressources.<br />

5


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> Final – novembre 2006<br />

METHODE DE TRAVAIL<br />

Le cheminement global est exposé ci-dessous, le détail des méthodologies<br />

spécifiques est exposé dans chaque chapitre thématique.<br />

CHOIX DES VILLAGES<br />

A l’intérieur des trois CRD pré-déterminées, il a été choisi, à partir d’un certain<br />

nombre de critères, un ensemble de 11 sites représentatifs de l’ensemble des situations<br />

présentes en Guinée maritime. A cela s’est ajouté Brika (Tougnifily) en raison de ses<br />

liens avec les populations de Mankoutan étudiées. Le choix a reposé sur les<br />

connaissances et les données acquises au cours du projet « Observatoire des<br />

mangroves - Atlas infographique de Guinée maritime » et sur l’exploitation de la base de<br />

données construite à cette occasion.<br />

A Kanfarandé, ont été choisis les districts de Dobali, Kambilam et des secteurs<br />

de Kankayani (relevant du district de Lansanaya) et Kankouf/Kanof/Tesken (secteurs<br />

relevant du district de Kanfarandé centre). Les secteurs ont été préférés aux districts, soit<br />

pour des raisons pratiques (le district de Lansanaya est très vaste), soit pour des raisons<br />

de spécificité (Kankouf, Kanof et Tesken permettaient d’étudier une situation insulaire ;<br />

dans le rapport le nom de Kanfarandé renvoie à ces trois secteurs et non à l’ensemble du<br />

district.<br />

A Mankountan, ont été retenus les districts de Bigori (situé dans la plaine<br />

endoréique de Mankountan) et de Madya (zone continentale).<br />

A Tougnifily, nous avons sélectionné le district de Brika, en raison de sa<br />

proximité avec le grand marché régional de Tougnifily, ce qui nous offrait la perspective<br />

d’étudier un site proche des grands réseaux de commercialisation sous-régionaux .<br />

A Boffa, quatre districts ont été sélectionnés : Dominya et Thia en zone<br />

continentale puis Dobiret et Marara en zone littorale..<br />

Les fiches regroupent des informations synthétiques sur le milieu naturel et<br />

biophysique, le village au sein du réseau administratif et socio-économique (hameaux,<br />

campements et marchés), l’organisation simplifiée du terroir villageois cultivé et non<br />

cultivé, les activités économiques et les actions de développement dans la zone. Le<br />

modèle simplifié de fiche de reconnaissance, les critères d’échantillonnage des villages,<br />

les fiches par site et les cartes détaillées des sites sont présentées dans le rapport<br />

d’étape.<br />

6


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Carte 1 : Les zones d’enquête du programme <strong>OGM</strong><br />

7


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

PHASE DE DIAGNOSTIC<br />

A l’issu d’une période de prise de contact et d’information des différentes autorités<br />

locales et, plus particulièrement, des populations dans les villages retenus, le diagnostic /<br />

état des lieux a concerné les domaines suivants :<br />

- Inventaire des écosystèmes, caractérisation de leur diversité biologique et de<br />

leurs dynamiques en lien avec les modes de gestion des ressources.<br />

- Analyse des systèmes ruraux de production.<br />

- Etude et caractérisation de la pauvreté.<br />

- Définition des structures foncières en lien avec les structures sociales et de<br />

pouvoir.<br />

Les enquêtes pauvreté et systèmes ruraux ont porté sur un échantillon raisonné<br />

de ménages/unités d’exploitation obtenu après dénombrement exhaustif de la population<br />

des villages. Dans le cas des travaux sur la biodiversité/modes de gestion et sur les<br />

structures foncières et de pouvoir qui demandent une connaissance globale de la<br />

situation, les enquêtes ont été conduites sous forme d’entretiens ouverts ou semidirigés.<br />

Afin de pouvoir construire ces bases de il fallait concevoir un identifiant des<br />

ménages (« ID Men »), construit comme un code unique pour chacun d’entre eux.<br />

Les 11 premiers chiffres de ce code permettent de localiser géographiquement le<br />

ménage : le premier chiffre renvoie à la région administrative, les deux suivants à la<br />

préfecture, puis les deux suivants à la sous-préfecture, deux chiffres encore pour le<br />

district, deux pour le secteur et enfin les deux derniers renvoyant à la plus petite unité<br />

géographique celle de la localité ou village. Ainsi, un ménage dont le code débute par 1<br />

12 05 06 02 01, signifie que ce ménage relève de la région administrative de Boké (1),<br />

préfecture de Boké (12), sous-préfecture de Kanfarandé (05), district de Kambilam (06),<br />

secteur de Kambilam (02), localité de Kambilam Centre (01). Les cinq derniers chiffres<br />

renvoient au numéro de concession et au rang du ménage dans la concession en fonction<br />

de l’ordre de dénombrement. Le ménage 1 12 05 06 02 01 003 01 est donc un ménage<br />

de la localité de Kambilam Centre relevant de la concession 003 et ayant été le premier<br />

ménage dénombré (01).<br />

Toutes les bases de données sont structurées en fonction de cet identifiant<br />

quelque soit le volet de recherche considéré, ainsi nous pouvons croiser tous les résultats<br />

d’enquêtes en utilisant la table d’identification des ménages et additionner les couches<br />

d’informations. Toutes les bases de données construites au cours des deux dernières<br />

années comprennent systématiquement la table d’identification des ménages et ensuite<br />

chaque table complémentaire a pour clé l’identifiant ménage.<br />

Ce travail de croisement permet d’établir des corrélations entre les situations<br />

économiques des ménages (états de pauvreté), les types d’activités, les dynamiques des<br />

écosystèmes engendrées et les déterminants fonciers/sociaux de ces situations.<br />

PHASE DE RESTITUTION/VALIDATION DES RESULTATS AVEC LES COMMUNAUTES RURALES.<br />

Les premiers résultats sont ensuite restitués aux communautés dans des<br />

« groupes de travail », librement constitués au sein de chaque village. Il s’agit de vérifier<br />

8


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

l’exactitude des informations collectées et de les valider. Il s’agit, aussi, de montrer aux<br />

paysans que leur connaissances et avis sont pris en compte dans l’élaboration de la<br />

méthode et des projets qui en découleront. Il s’agit très clairement de les considérer<br />

comme des partenaires.<br />

Les groupes de travail sont donc librement constitués. Nous n’intervenons pas<br />

dans leur formation et n’émettons aucun souhait particulier quand à leur composition.<br />

Par contre, les observations anthropologiques menées en parallèle permettent de savoir<br />

qui (quel groupe, quel lignage, quelle famille, quels pouvoirs….) est présent, quel rôle<br />

social et politique jouent les différents présents, qui s’exprime et au nom de qui. Cela est<br />

nécessaire pour replacer dans leur contexte et, éventuellement, pondérer, les<br />

observations et les suggestions qui sont faites.<br />

PHASE D’ELABORATION PARTICIPATIVE DES PROPOSITIONS D’ACTIONS<br />

Cette méthode, qui permet de décrypter les compositions et les discours des<br />

groupes de travail, est d’autant plus importante que ces groupes avec lequel s’est établi,<br />

aussi, un contact humain, vont également servir à élaborer, au sein d’une relation<br />

d’échange, les propositions d’actions. Son exposé est détaillé dans la partie<br />

« Propositions d’actions ».<br />

La phase de restitution/validation sert également, à travers les discussions, à<br />

mettre à jour les difficultés qu’ils rencontrent dans leur développement et à discuter des<br />

solutions qu’ils envisagent. La connaissance du milieu, de la société et de ses activités<br />

qui a été acquise par l’équipe permet de mener une discussion et de faire, le cas<br />

échéant, évoluer la perception des problèmes et les actions proposées, en fonction de<br />

l’expertise ainsi acquise, vers des solutions paraissant garantir plus de durabilité et une<br />

amélioration probable de leur situation de pauvreté.<br />

A ce stade il est crucial de savoir si ces propositions émanent de personnes<br />

réellement représentatives de groupes ayant les capacités de les mettre en œuvre :<br />

représentativité, force de travail disponible ou mobilisable, pouvoir sur le foncier ou, tout<br />

simplement, pouvoir social, c'est-à-dire pouvoir de faire appliquer ses décisions…ou de<br />

bloquer certaines autres qui ne leur plairaient pas. Cela permet de juger de la faisabilité<br />

réelle des réalisations envisagées.<br />

9


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

INTRODUCTION,<br />

LA GUINEE MARITIME<br />

10


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

1 ENTRE MONTAGNE ET OCEAN, LA DIVERSITE<br />

De la synthèse générale physique et humaine exposée dans le rapport de mai<br />

2005, nous ne reprendrons ici que les éléments permettant la compréhension de la suite<br />

du présent rapport.<br />

S’ouvrant sur l’océan Atlantique par une façade de quelques 300 km, la région<br />

administrative de Guinée Maritime occupe une bande d’environ 150 km de largeur<br />

moyenne entre les contreforts du plateau du Fouta-Djalon à l’est et l’océan à l’ouest. Sur<br />

43.730 km², elle regroupe, grâce à la présence de la capitale, Conakry, quelque 36 % de<br />

la population du pays soit 2,5 M.hab. (ou 1,4 M.hab. et 20 % de la population totale si<br />

l’on fait abstraction du poids de la capitale afin d’avoir une meilleure appréciation de la<br />

population rurale).<br />

Elle se caractérise par un climat aux précipitations abondantes, toujours<br />

supérieures à 2 m, mais avec une saison sèche très marquée d’au moins cinq mois, par<br />

un réseau hydrographique peu hiérarchisé, largement ouvert sur l’océan grâce à de<br />

nombreux chenaux et estuaires. Ce réseau de drainage est remonté, parfois sur près<br />

d’une centaine de kilomètres, par des marées à forte amplitude, qui dépassent 5 m dans<br />

les estuaires du Nord. Il débouche sur une plate-forme continentale exceptionnellement<br />

large, près de 160 km au Nord, et à très faible pente, par l’intermédiaire de vasières<br />

largement développées qui donnent au littoral guinéen sa physionomie spécifique.<br />

Trois écosystèmes dont l’analyse détaillée a été effectuée dans le rapport de mai<br />

2005, se succèdent de l’est à l’ouest : le rebord profondément entaillé du plateau<br />

gréseux du Fouta-Djalon, des marais maritimes occupés par la mangrove, puis des eaux<br />

littorales peu profondes. L’ensemble, en interrelation, constitue un système écologique<br />

complexe aux multiples interfaces.<br />

La mise en place du système écologique du littoral guinéen a donc abouti à la<br />

formation d’unités écologiques très différenciées mais interdépendantes. Cette situation<br />

implique non seulement une richesse écologique remarquable (très importante<br />

biodiversité ramassée dans un espace restreint), mais aussi une abondance qui tire son<br />

origine du jeu d’interactions qui relie les unités écologiques entre elles.<br />

Cette diversité et cette productivité remarquables du système côtier ont suscité<br />

un autre type d’interactions entre unités écologiques : celle des modes de mise en<br />

valeur.<br />

La richesse de ce milieu a toujours été mise à profit par les populations littorales:<br />

les témoignages les plus anciens, ceux des premiers marins portugais, font état, dès le<br />

XIV ème siècle, de modes de mise en valeur intégrant la diversité du potentiel des<br />

différents écosystèmes. Ce principe se maintient de nos jours et les populations côtières<br />

s’attachent toujours à mettre en valeur simultanément toutes les facettes écologiques<br />

auxquelles elles ont accès.<br />

Les complémentarités culminent avec les populations habitant en mangrove qui,<br />

en ce qui concerne les seules activités de production, pratiquent la pêche, la riziculture<br />

de mangrove, les cultures sèches de versant, celles inondées de bas-fonds d’eau douce,<br />

l’arboriculture, la foresterie… Anthropisés depuis des siècles, les écosystèmes, aménagés<br />

et gérés par les populations, deviennent des agrosystèmes dont la biodiversité et la<br />

productivité, construites et entretenues, sont exploitées en tant que ressource.<br />

11


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Ainsi, les paysages ruraux de la Guinée Maritime sont caractérisés par le maintien<br />

et la multiplication systématique des arbres utiles à proximité des villages, ces vergers,<br />

véritables agrosystèmes forestiers sont d’une grande variété (palmiers aux multiples<br />

usages, fruitiers, bois d’œuvre, arbres « magiques » pour les médicaments, arbres<br />

« sacrés » pour les cérémonies). Cette anthropisation s’exprime, sur le plateau, par la<br />

gestion raisonnée des jachères sur brûlis, des berges de marigots, la protection de<br />

certains massifs boisés, de sources ou de zones humides. Des règlements d’usage<br />

déterminent les modalités d’accès à la ressource et en posent les limites : interdictions<br />

ou restrictions à l’utilisation, périodes d’exploitation.<br />

Le respect de ces règles, souvent codées à travers des interdits magico-religieux,<br />

est fondé sur le contrôle social. C’est le cas par exemple pour la foresterie en mangrove<br />

et sur le plateau où certaines espèces et/ou certaines zones sont protégées, c’est aussi<br />

en partie le cas pour l’exploitation des peuplements de palmiers à huile. Ce qui est<br />

recherché à travers les différentes formes de contrôle de l’organisation de l’espace et de<br />

l’accès aux ressources, c’est bien, à travers la reproduction de la ressource, celle du<br />

groupe.<br />

Ces modes de mise en valeur peuvent être considérés comme une autre forme<br />

d’interaction entre unités écologiques. En effet, lorsque l’intensification de l’exploitation<br />

de l’une des facettes de l’agrosystème atteint ses limites dans le contexte<br />

démographique, technique et économique local, et s’accompagne d’une dégradation des<br />

conditions agronomiques/économiques, l’effort de mise en valeur est reporté sur les<br />

autres facettes.<br />

Ainsi, ces dernières années, les difficultés croissantes rencontrées dans la<br />

riziculture, qu’elle soit de mangrove ou de versant continental, se sont accompagnées<br />

d’une intensification de la pêche à pied et de la petite pêche embarquée. De même, la<br />

dégradation des conditions de la riziculture de mangrove dans de nombreux terroirs s’est<br />

accompagnée d’une recrudescence de la mise en valeur du talus côtier par de<br />

nombreuses plantations (bananiers, kolatiers, fruitiers...), mais aussi avec du manioc et<br />

du maïs. Ce mouvement s’étend maintenant aux bas-fonds d’eau douce qui sont, pour le<br />

moment, la facette la moins exploitée, comme le montrent les demandes<br />

d’aménagement formulées par les villages enquêtés.<br />

2 LA REGION ET SES TERRITOIRES<br />

La diversité et la richesse du système écologique se traduisent aussi par celle des<br />

paysages ruraux et de leurs modes de mise en valeur. Plusieurs caractères discriminants<br />

peuvent être proposés pour décrire cette diversité.<br />

Si, comme nous venons de le voir, les conditions naturelles, très différentes qui<br />

affectent les grandes unités écologiques ont occasionné une différenciation très nette des<br />

paysages ruraux en paysages d’altitude, de piémont et de mangrove, deux autres<br />

groupes de facteurs permettent d’expliquer plus finement la diversité des situations<br />

observées.<br />

D’une part, le peuplement de la Guinée Maritime, résultat d’une longue histoire de<br />

migrations et les particularités spatiales et sociales qui en découlent. D’autre part, le<br />

maillage de l’espace par un réseau urbain et de transport dont l’influence s’exerce de<br />

façon très inégale sur les campagnes.<br />

12


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Tous ces facteurs de diversification ont conduit à une véritable mosaïque rurale,<br />

où les paysages, les cultures, les modes de mise en valeur et les conditions sociales et<br />

économiques changent très rapidement.<br />

L’histoire des dynamiques de peuplement dont on trouvera la description dans le<br />

rapport précédent dessine une première zonation des paysages ruraux et des modes de<br />

mise en valeur.<br />

A l’Est (région de Télimélé) sur les plateaux d’altitude, une aire peuhle formée<br />

surtout de parcours pastoraux et de pâturages sur bowé qui s’apparente très fortement à<br />

celle du Fouta-Djalon dont elle est, en fait, la marge ouest.<br />

Au centre, sur le piémont, une aire soussou caractérisée par l’essartage rizicole et<br />

l’arboriculture. Cette aire s’étend, à l’ouest, jusqu’en bordure des marais maritimes où<br />

commencent les terroirs de mangrove. Ceux-ci sont dominés par des Soussou<br />

d’ascendance Mandényi au sud de Conakry ; d’ascendance Baga-Kaloum, Koba ou<br />

Kakissa entre Conakry et le cap Verga ; par des Bagas-Fore, Pukur, Sitemu et Mandori<br />

entre le cap Verga et le rio Nuñez ; par les Nalou, enfin, au nord de ce fleuve.<br />

Ce morcellement ethnoculturel ne recouvre pourtant pas une égale diversité dans<br />

les paysages et les modes de mise en valeur. Partout, en mangrove, domine une<br />

riziculture permanente, endiguée ou ouverte lorsque les conditions de salinité en saison<br />

sèche le permettent. Dans toute la partie nord du piémont, l’influence des Soussou<br />

décline au profit d’une mosaïque d’identités culturelles dominée par les Landouma et les<br />

Minkiforé pratiquant, eux aussi, l’essartage rizicole et, parfois, la riziculture de bas-fonds.<br />

Les Ballante pratiquent la riziculture de mangrove selon le même principe que les<br />

autres peuples du littoral : ils sont d’ailleurs recherchés pour leur grande maîtrise de<br />

l’itinéraire technique très spécifique de cette production. Dans le domaine de mangrove,<br />

les principes de la mise en valeur rizicole sont constants dans l’ensemble des pays des<br />

Rivières du Sud.<br />

2.1 LA MISE EN VALEUR DE LA MANGROVE<br />

Les chenaux d’arrière-mangrove ont été les premières terres à avoir été mises en<br />

valeur par les Nalou au nord du rio Pongo, et par les Mandényi au sud. La mise en valeur<br />

des chenaux est limitée par la nature des sols potentiellement acides, dont l’extrême<br />

acidité (pH parfois inférieur à 3), se révèle lors de leur assèchement. Cette contrainte ne<br />

donne cependant pas lieu à des techniques de maintien de l’acidité à des niveaux bas :<br />

les rizières sont défrichées, endiguées puis cultivées quelques années, tant que l’acidité<br />

n’est pas limitante. Ensuite, les casiers sont laissés à l’abandon. Le tassement des digues<br />

permet le retour de l’eau de mer chargée en éléments minéraux et organiques fins en<br />

suspension, dont le pouvoir à la fois tampon et fertilisant permet de reconstituer les<br />

qualités agronomiques des sols. En général, moins d’une dizaine d’années suffisent à<br />

rétablir les conditions de mise en culture.<br />

Dans les estuaires, où les fréquences de submersion plus grandes permettent des<br />

apports réguliers en matière organique, la riziculture de mangrove est plus développée.<br />

L’amont des estuaires permet une riziculture ouverte. Dans ces zones, la crue chasse le<br />

coin salé loin vers aval pendant tout le cycle cultural et offre de très bonnes conditions de<br />

mise en valeur pour un investissement en travail limité. Dans les parties aval,<br />

l’endiguement, gourmand en travail, devient nécessaire. Il sert en même temps à<br />

empêcher l’entrée de l’eau de mer dans les casiers, et à y retenir l’eau douce nécessaire<br />

à la croissance du riz durant tout le cycle. En estuaire, les rizières s’étendent<br />

13


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

généralement depuis le talus côtier jusqu’aux chenaux en laissant souvent un rideau de<br />

Rhizophora entre le drain et la dernière rizière.<br />

Les plaines de front de mer sont considérées par les riziculteurs comme les plus<br />

propices à la mise en valeur. Résultant d’une sédimentation surtout marine, n’ayant<br />

généralement jamais porté de peuplement de Rhizophora, elles ne sont pas soumises au<br />

risque d’acidification. Cependant, elles présentent souvent, en particulier dans leur partie<br />

centrale, de mauvaises conditions de submersion/drainage, ce qui limite les surfaces<br />

cultivables. Leur mise en valeur commence par la mise en place d’une auréole de casiers<br />

entre les cordons sableux, puis s’étend en direction du littoral, où une bande d’Avicennia<br />

est maintenue en bord de mer. Dans le cas des grandes plaines, les cordons sont<br />

entièrement occupés par l'habitat rural, les cultures sèches et les peuplements d’arbres<br />

utiles. Dans certains cas, comme à Monchon, ces cordons servent aussi de parcs à<br />

bestiaux en saison sèche : certaines plaines servent en effet de pâturages en saison<br />

sèche pour le bétail transhumant.<br />

La côte est aussi parsemée de très nombreux débarcadères de pêche artisanale.<br />

Ils sont situés dans les estuaires ou sur de grands cordons fonctionnels en front de mer<br />

et dénotent, comme nous le verrons, l’importance de cette ressource dans les modes de<br />

gestion les plus littoraux.<br />

2.2 LA MISE EN VALEUR DU PIEMONT<br />

La mise en valeur du piémont est homogène depuis le talus côtier jusqu’aux<br />

contreforts du Fouta-Djalon et consiste en un essartage rizicole classique basé sur des<br />

jachères plus ou moins longues, sur l’action fertilisante des produits du brûlis, antiadventice<br />

et anti-parasitaire du feu.<br />

Contrairement aux terroirs de mangrove délimités par les systèmes de diguettes<br />

qui sont des marques foncières très nettes, le parcellaire n’est pas marqué clairement<br />

dans le paysage. Les terroirs villageois sont divisés en grandes parcelles sur lesquels<br />

s’effectuent des rotations sur des périodes de jachère de l’ordre de la décennie.<br />

Avant les premières pluies, un conseil convoqué par le doyen de la famille<br />

d’ascendance fondatrice et réunissant les chefs des grandes familles, choisit la zone à<br />

mettre en culture. Celle-ci est ensuite divisée en autant de subdivisions que de familles<br />

élargies, puis réparties entre foyers nucléaires au sein des familles.<br />

Après le défrichement, l’essart est mis à feu en une seule fois, labouré à plat à la<br />

daba 1 . Ces travaux sont collectifs et nécessitent de mobiliser une importante force de<br />

travail, nécessaire à leur réalisation, dans un laps de temps assez bref avant les pluies.<br />

Les parcelles sont semées à la volée. Une autre technique se fait jour dans la région du<br />

cap Verga : le semis en poquet. Il ne nécessite pas de labour complet de la parcelle,<br />

quelques grains sont enfouis dans un trou creusé à l’aide d’une petite daba particulière et<br />

la terre tassée d’un coup de talon. Selon les paysans, cette technique permet<br />

d’économiser à la fois temps de travail lors du labour et semences pour un rendement<br />

convenable. Les récoltes ont lieu dès le mois de septembre pour le riz précoce.<br />

1 Houe à manche court.<br />

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Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Le défrichement, la mise à feu et le labour sont les travaux masculins, tandis que<br />

les vieux sèment et que les femmes, assistées de leurs enfants, s’occupent de tous les<br />

autres travaux. Dans le cas le plus courant, la deuxième année, le même champ est<br />

semé en arachide ou en fonio sans sarclage préalable, puis laissé en repos à partir de la<br />

troisième année. Aucun amendement chimique n’est pratiqué, seule la fumure provenant<br />

des troupeaux en transhumance sur les jachères jeunes permet, parfois, un apport<br />

organique.<br />

La limitation à deux années de mise en culture afin de limiter la baisse des<br />

rendements tient plus à deux choses : l’envahissement progressif du champ par les<br />

adventices qu’on laisse se développer librement et le développement des attaques<br />

parasitaires, qu’à une baisse de fertilité. En effet, les parcelles auraient souvent les<br />

capacités agronomiques pour être mises en culture plus longtemps, mais le sarclage<br />

demande un temps de travail féminin jugé trop important comparativement au<br />

rendement obtenu. Ce temps est jugé plus rentable s’il est investi dans des activités, non<br />

obligatoirement agricoles, à plus forte valeur ajoutée. Il peut, alors, être plus opportun<br />

que les hommes défrichent une nouvelle parcelle. Dans ce cas là, c’est le temps de<br />

travail disponible et sa répartition sexuelle qui est un des déterminants des vitesses de<br />

rotations.<br />

En outre, il semble que ce soit au bout de deux ans que l’assainissement des<br />

parcelles lié au feu commence à ne plus être efficace. Une troisième année de culture<br />

ferait courir un risque sanitaire important lié à l’explosion des populations d’insectes. Le<br />

contrôle de ces pestes nécessiterait l’emploi de produits chimiques, et donc d’investir du<br />

travail et de l’argent dont les valeurs réelles ne seraient pas compensées par celle de la<br />

récolte.<br />

Les durées de jachère varient aussi en fonction des densités de population :<br />

supérieures à quinze ans dans les régions les moins peuplées, elles sont actuellement en<br />

moyenne d’environ neuf à sept ans et atteignent parfois quatre ans. La durée limite de<br />

jachère pour maintenir, dans le contexte technique et d’investissement en travail actuel,<br />

le potentiel productif des sols des versants, se situe autour de cinq ans.<br />

De très nombreux villages du piémont disposent de bas-fonds, mais très peu sont<br />

aménagés de manière à permettre une mise en culture permanente. Lorsqu’ils le sont, ils<br />

peuvent être cultivés en riz flottant (riz bagamale de la région du rio Kapachez), après<br />

une préparation identique à celle des champs de versants. Mais la plupart du temps ils<br />

sont intégrés dans des parcelles de versant et mis en valeur sur le même principe de<br />

jachère longue ou laissés à l’abandon lorsque leur drainage est difficile.<br />

Les paysages ruraux du piémont présentent donc, en fonction de ce mode<br />

d’exploitation et des caractères locaux des sols, un aspect de collines couvertes de<br />

brousses plus ou moins arborées ou de formations forestières composées d’espèces<br />

pyrophiles qui correspondent, en fait, à différents stades de recrus forestiers sur jachère.<br />

Les palmeraies résultent d’un tri sélectif et d’un entretien, bien que les<br />

populations du continent n’assurent plus systématiquement leur renouvellement. Les<br />

liens entre la plus ou moins grande pureté de la palmeraie et le soin qui y est apporté,<br />

c’est à dire en grande partie la densité de population sont connus. La palmeraie de<br />

Katako, la plus importante du littoral, correspond aussi à un très ancien et très dense<br />

foyer de peuplement. On peut constater que certaines palmeraies se dégradent sous<br />

l’effet d’un manque d’entretien, que celui-ci résulte d’une émigration ou d’une orientation<br />

du travail disponible vers d’autres activités jugées plus lucratives.<br />

15


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

2.3 LA MISE EN VALEUR DU PLATEAU<br />

Les terroirs situés les plus à l’est et le plus en altitude sont essentiellement<br />

tournés vers l’élevage extensif. Les paysages se composent de trois éléments principaux.<br />

Les hauteurs, souvent tabulaires, qui dominent les bowé sont coiffées d’une vieille<br />

cuirasse pédologique extrêmement dure et épaisse, très perméable, héritée, au plus<br />

récent, du tertiaire. Inexploitable, et inexploitée, même pour des pâturages, elle est<br />

recouverte d’une savane boisée ou d’une forêt claire utilisée comme réserve semiforestière<br />

pour la chasse et le bois.<br />

Sur les versants parsemés de blocs éboulés, affleurent des altérites de grès plus<br />

ou moins argileux. Ils sont boisés et utilisés en défriche-brûlis pour la culture du fonio,<br />

peu exigeant et, plus rarement, du mil. A leur pied, les bowé, qui ne peuvent servir à<br />

rien d’autre, sont utilisés comme pâturages de saison des pluies. L’incendie est le seul<br />

moyen d’assurer une productivité minimale de ce qui devient alors, en saison des pluies,<br />

une belle prairie.<br />

Dans les bas-fonds colluviaux bien drainés, proches des habitations, les tapades,<br />

jardins permanents clôturés de haies vives, bénéficient des déchets organiques de toute<br />

l’exploitation. Enfin, les bas-fonds marécageux servent de pâturages de saison sèche.<br />

Ces paysages s’apparentent à ceux que l’on peut observer dans tout le Fouta-Djalon. Ils<br />

occupent la région de Télimélé et le nord-est de la Guinée Maritime.<br />

2.4 LES VILLES ET LEURS ROLES<br />

A cette diversification des paysages ruraux en fonction de leur situation dans le<br />

système écologique et de la dynamique de leur peuplement se superpose celle due à<br />

l’urbanisation et à la pénétration du changement qu’elles induisent en zone rurale par<br />

l’intermédiaire des flux. Ces différences transparaissent dans les paysages ruraux : pour<br />

des situations comparables au sein du système écologique, les modes de mise en valeur<br />

ont évolué de manières radicalement différentes en fonction de l’influence urbaine.<br />

L’influence urbaine est double. D’une part, les marchés exercent un très important<br />

effet d’orientation des modes de gestion vers la monétarisation et vers la satisfaction de<br />

la demande urbaine : maraîchage, huile de palme, sel, poisson séché, bois, charbon,<br />

mais aussi main-d’œuvre. Les multiples opportunités de gain, l’accès aux infrastructures<br />

de service public (éducation notamment), ont pour effet d’amplifier l’émigration rurale,<br />

drainant vers Conakry, mais aussi vers les centres urbains secondaires dynamiques, en<br />

particulier Kamsar, Fria et Kindia, les jeunes actifs ruraux, parfois accompagnés de leurs<br />

familles.<br />

La structure du maillage urbain de la Guinée Maritime s’appuie sur des bassins de<br />

peuplement plus ou moins bien connectés au tissu urbain par le réseau de routes et de<br />

pistes. Elle fait aussi apparaître des zones interstitielles ou enclavées, faiblement<br />

peuplées.<br />

La structuration de l’espace de la Guinée Maritime par le maillage urbain laisse<br />

apparaître une zonation aréolaire très marquée dont Conakry occupe le centre. Deux<br />

axes routiers majeurs rayonnent de la capitale : la RN 3 qui relie Conakry à Kolaboui (et<br />

qui se prolonge par les axes Kamsar-Boké et Tanéné-Fria), et la RN 1 qui dessert<br />

Mamou et, au-delà, les autres régions de Guinée, en passant par Kindia. Ceci reflète<br />

aussi une organisation administrative très centralisée où le découpage préfectoral<br />

(préfectures – sous-préfectures – secteurs) oriente largement les équipements publics.<br />

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Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

En effet, l’implantation des services publics et le niveau d’accessibilité sont avant<br />

tout fonction du rang de l’agglomération dans cette hiérarchie. Ainsi, du point de vue de<br />

la santé, par exemple, la capitale dispose de deux CHU. Chaque chef-lieu de région<br />

administrative (Boké et Kindia) dispose d’un hôpital régional. Chaque sous-préfecture<br />

dispose d’un centre de santé. Enfin, des postes de santé existent au niveau de certains<br />

chefs-lieux de districts. La plupart des services publics (éducation, assainissement…)<br />

reprennent le découpage administratif centralisé et pyramidal du pays.<br />

Or, cette organisation des services publics calquée sur l’organisation<br />

administrative, ne prend qu’imparfaitement en compte la répartition réelle de la<br />

population, ainsi que le développement rapide de certaines villes telles que Kamsar ou de<br />

certaines communes de Conakry (Matoto, Ratoma). On assiste alors dans ces localités au<br />

développement de structures privées. Ainsi, cabinets médicaux, établissements scolaires<br />

privés fleurissent dans les zones urbaines connaissant une croissance démographique<br />

importante. Ce développement se traduit concrètement, pour les populations les plus<br />

démunies, par un accès de plus en plus difficile à ces services de base.<br />

Les bassins de peuplement ainsi que les villes secondaires, à l’exception de<br />

Télimélé, difficile d’accès et en situation de retrait par rapport à l’organisation générale,<br />

sont les éléments structurants de l’espace de la Guinée Maritime, dominé par Conakry.<br />

Cette structure est à l’origine d’une forte différentiation spatiale.<br />

2.5 DU RURAL A L’URBAIN, LE RURBAIN ET LES BASSINS DE PEUPLEMENT<br />

A proximité de Conakry et des grandes villes (Kamsar, Kindia), se développent de<br />

véritables conurbations rurbaines. A la périphérie de Conakry, cette auréole rurbaine<br />

précède la croissance urbaine proprement dite, intégrant Manéah et Coyah. Autour de<br />

Kamsar, elle s’étend jusqu’à Kawas. A Kindia, c’est une part importante de la vallée qui<br />

est touchée par ce phénomène.<br />

Dans ces zones rurbaines, l’habitat, très peu structuré, se densifie sur les versants<br />

et les zones non inondables. Les densités de populations dépassent parfois 400 hab./km²<br />

(cas de la sous-préfecture de Manéah) dans un contexte d’équipement (assainissement,<br />

voirie, structures de santé, scolaires) très incomplet. Les cultures sèches de versant<br />

disparaissent complètement au profit de l’habitat, alors qu’un important report de mise<br />

en valeur s’effectue vers les bas-fonds, qui profitent de la proximité des marchés urbains<br />

et de l’opportunité qu’ils représentent pour le maraîchage.<br />

Bien que densément peuplés et en relation étroite avec des villes secondaires, ces<br />

bassins de peuplement se différencient fortement de la couronne rurbaine de Conakry<br />

par le maintien de leur caractère profondément rural. En effet, malgré l’importante<br />

monétarisation des activités qui y sont pratiquées, celles-ci restent essentiellement<br />

agricoles (sur la côte, elles sont complétées par la pêche et la saliculture) et intègrent<br />

une part importante d’autoconsommation.<br />

Une autre différence importante entre les zones rurbaines et les bassins de<br />

peuplement ruraux réside dans le fait que la terre, bien que valorisée économiquement,<br />

n’y est pas encore réellement monétarisée. Les règles traditionnelles qui régissent le<br />

foncier se maintiennent, malgré certains aménagements tels que la location rémunérée<br />

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Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

en nature (très rarement en monétaire). Fondée sur le principe de la zakhat 2 , cette<br />

rémunération est généralement symbolique (quelques noix de kola), mais peut parfois<br />

prendre la forme d’une dîme. Un pourcentage sur les bénéfices de l’activité pratiquée sur<br />

la parcelle est alors négocié entre propriétaire et locataire. La location est toujours<br />

formalisée par un contrat écrit validé devant témoins.<br />

L’influence urbaine a aussi eu pour effet d’influencer l’évolution de l’écosystème<br />

autour de la capitale. Ainsi, la ceinture du charbon couvre une zone d’environ 100 km de<br />

rayon qui approvisionne Conakry en combustible. La demande pour ce produit, qui est<br />

pratiquement la seule énergie domestique, a occasionné l’exploitation parfois à outrance<br />

des recrus post-culturaux puis des formations forestières secondaires. Cette ceinture du<br />

charbon présente des paysages bien plus dénudés que le reste de la côte.<br />

2.6 LES ZONES INTERSTITIELLES ET MARGINALES<br />

Entre les bassins de peuplement, les zones interstitielles, dépourvues de villes,<br />

même modestes, polarisant l’espace et offrant un minimum de services et d’opportunités,<br />

sont bien moins peuplées (entre 30 et 50h/km²) et présentent une tendance nette à<br />

l’émigration. Ces mouvements de population ne se font plus seulement en direction de la<br />

capitale mais aussi au profit des grandes villes secondaires industrielles.<br />

Faute de force de travail suffisante pour maintenir en l’état les modes de mise en<br />

valeur, ces zones présentent souvent des paysages de déprise avec recrudescence des<br />

friches et désorganisation de l’organisation de l’espace et de la production. Cette<br />

situation de sous-peuplement et aussi de déséquilibre démographique, car ce sont<br />

surtout les hommes et secondairement les femmes jeunes qui partent, entraîne le déclin<br />

du contrôle social de l’espace et de l’accès aux ressources. Elle peut laisser le champ libre<br />

à des pratiques prédatrices, telles que l’abattage illicite des arbres à valeur commerciale,<br />

le charbonnage ou le braconnage.<br />

Enfin, la Guinée Maritime comporte des marges. Ainsi, au nord de l’axe Kamsar-<br />

Boké-Sangarédi s’étend une vaste région comprenant les îles Tristao, mais aussi tout<br />

l’arrière-pays en bordure de la frontière de Guinée-Bissau, qui ne bénéficie d’aucune<br />

connexion routière avec le reste du pays. Seules quelques pistes praticables en saison<br />

sèche et des liaisons par pirogue depuis le port de Kamsar permettent de les rallier. Ces<br />

zones, excentrées par rapport au maillage urbain, peu peuplées (densités moyennes de<br />

l’ordre de 20h/km², mais souvent moins), subissent un enclavement très prononcé.<br />

De ce fait presque totalement exclues des circuits économiques, à l’exception des<br />

campements de pêche artisanale qui constituent des « enclaves dans l’enclave », ces<br />

zones, très faiblement monétarisées, évoluent en quasi-complète autarcie. Les<br />

productions sont uniquement vivrières et les échanges s’effectuent sur de très petites<br />

échelles, plus sur la base du troc que du commerce.<br />

Les services publics sont quasiment inexistants et de toute manière très difficiles<br />

d’accès. Les densités de population très faibles de l’extrême nord de la Guinée Maritime,<br />

ainsi que le passé de conflits qu’a connu cette région (de nombreuses zones frontalières<br />

2<br />

La zakhat, ou devoir d’aumône, est l’un des cinq préceptes de base de l’Islam, tout musulman qui en a<br />

les moyens doit s’en acquitter quotidiennement.<br />

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Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

entre la Guinée et la Guinée-Bissau sont minées depuis plus de vingt ans), ont contribué<br />

à soustraire de grands espaces à la mise en valeur agricole.<br />

Ces zones frontalières, très enclavées, se révèlent être des zones ouvertes à tous<br />

les trafics et sujettes à l’insécurité. Ainsi, les lignes de pirogues ravitaillant les<br />

campements de pêche sont épisodiquement victimes d’actes de piraterie. En l’absence de<br />

tout contrôle, la pêche industrielle déborde largement sa zone d’attribution et<br />

l’exploitation prédatrice des ressources forestières entraîne un rapide déboisement.<br />

Aujourd’hui, en Guinée Maritime, la situation géographique des campagnes par<br />

rapport au maillage de l’espace par les réseaux urbain et de transport, et donc l’accès au<br />

marché, est le principal facteur d’évolution différentielle du monde rural.<br />

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Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

GESTION DE LA BIODIVERSITE<br />

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Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

La biodiversité désigne la diversité du vivant dans son ensemble, à différents<br />

niveaux d’intégration biologique et écologique. Mais le terme de biodiversité a, en fait,<br />

une référence marquée pour les interactions homme-nature, et s’accompagne la plupart<br />

du temps de l’idée de la dégradation (on parle souvent de « l’érosion de la<br />

biodiversité »), d’une inquiétude face aux menaces que fait peser l’homme sur la nature.<br />

La biodiversité est alors entendue comme une norme positive, sous des<br />

arguments scientifiques largement reconnus aujourd’hui, mais aussi au titre de<br />

considérations éthiques diverses.<br />

En fait, la problématique, quand on s’intéresse à la biodiversité, dépasse<br />

l’inventaire des formes du vivant et réside justement dans les interactions hommenature.<br />

La biodiversité n’est pas un élément autonome, détaché de la sphère du social.<br />

Une réflexion sur la biodiversité doit s’appuyer sur une représentation dynamique, autant<br />

des écosystèmes que des systèmes techniques et des stratégies d’utilisation des<br />

ressources, étant entendu qu’il n’y a pas de frontières entre les milieux qualifies bien<br />

souvent abusivement de « naturels » et les espaces de mise en valeur. Les hommes, par<br />

l’éventail de leurs pratiques, façonnent la diversité des paysages, sélectionnent,<br />

déplacent ou éliminent des espèces (ou des variétés), leurs activités sont un facteur<br />

essentiel de la dynamique de la biodiversité.<br />

L’expérience montre que des politiques de conservation exogènes (mise en place<br />

d’aires protégées par exemple) se heurtent aux logiques des acteurs locaux. Elles se<br />

traduisent souvent par la remise en cause des règles coutumières d’accès aux ressources<br />

et d’usage de la biodiversité, et provoquent d’importantes “ dérégulations ”, évidemment<br />

préjudiciables à l’environnement et aux conditions socio-économiques des populations.<br />

Il semble pertinent aujourd’hui de considérer les populations locales<br />

comme les premières dépositaires des moyens de conservation, comme les<br />

gestionnaires de la biodiversité et comme les bénéficiaires de sa valorisation.<br />

Les études préliminaires à la mise en place de programme de gestion des<br />

ressources naturelles doivent donc s’appuyer sur une approche intégrée de<br />

l’environnement. Il s’agit ici d’une mise en relation étroite entre un état du milieu et ses<br />

perspectives dynamiques et les pratiques sociotechniques dont il est l’objet.<br />

La réalisation de ce travail à l’échelle de trois sous-préfectures de Guinée Maritime<br />

(Kanfarandé, Mankoutan et Boffa) implique un certain niveau de généralisation. La<br />

méthode d’analyse a pour but, en extrapolation d’études de cas ponctuelles,<br />

l’établissement d’une typologie de milieux qui se devait d’intégrer plusieurs échelles de<br />

temps, et au-delà des aspects strictement écologiques, des caractères liés à l’utilisation<br />

faite par les populations locales. Les catégories locales de l’espace sont importantes pour<br />

une analyse fonctionnelle des milieux. Elles synthétisent ce que l’on y fait, ce que l’on<br />

peut y faire.<br />

Un premier clivage distingue l’espace des hommes, le village (Ta) et l’espace de<br />

la nature (Wula), un espace sans objet particulier, c’est la “ brousse ”. Mais Wula existe<br />

seulement comme une idée, concrètement, pratiquement, la brousse est découpée en<br />

espaces fonctionnels. Au sein des espaces de la nature, on distingue l’espace de l’eau et<br />

l’espace de la terre. La mangrove est un espace en soi. Elle sera Bora, la boue, ou<br />

Dabonyi, le chenal.<br />

Deuxième échelle de distinction : les espaces fonctionnels. Espace transformable<br />

et productif, le Föton représente la formation forestière, mais il peut être défini<br />

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Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

localement sous ses différents stades de régénération (jachères) et contient la possibilité<br />

du champ Khè. C’est donc une vision dynamique que possèdent les populations envers<br />

cet espace. En devenant un champ, le Föton se convertit en un espace domestique<br />

temporaire et change ainsi de statut.<br />

Espaces non productifs (au sens de la production vivrière) : le Yamfoui, savane<br />

arborée sur sable ou sur sol squelettique et le Burunyi qui regroupe les autres types de<br />

savanes, arborées ou broussailleuses ; elles sont parfois distinguées par l’espèce<br />

dominante, par exemple le Mènè Burun (savane à Lophira lanceolata). Une catégorie<br />

particulière de savane est distinguée, c’est le Fiili. Il s’agit ici de la savane herbeuse, sans<br />

distinction écologique, qu’elle soit une savane sur sable ou une savane des sols<br />

hydromorphes. Selon les sites, le Fiili a des vocations productives différentes, depuis la<br />

production de paille de couverture, la culture du manioc, jusqu’à la riziculture.<br />

La grande forêt est le Wondy. Les reliques forestières sont des espaces interdits.<br />

Non cultivés, ils appartiennent à deux catégories aux fondements différents. La première<br />

est le Föton khönö, littéralement “ la forêt amère ” ou “ la forêt qui fait mal ”. Cette forêt,<br />

dont l’exploitation est dangereuse, est habitée par des diables aux pouvoirs maléfiques<br />

qui ne tolèrent pas le dérangement. On l’appelle parfois, en fonction de la morphologie<br />

du site, Fommè, la “ grotte ”, le “ trou ”, les diables vivant sous la terre, sous les rochers<br />

ou entre les racines des grands arbres. Ces forêts forment ainsi le Ninnè yirè, le lieu des<br />

diables. La seconde catégorie est celle que l’on traduirait par “ forêt sacrée ”. Elle<br />

représente des espaces où se déroulaient (ou se déroulent encore) les initiations, les<br />

rencontres entre initiés et les échanges de secrets (au sens de connaissances magicoreligieuses).<br />

C’est le Simö yirè, le lieu des initiés. Généralement, ces espaces sont<br />

habités par des êtres de la surnature, mais ceux-là, puisque en relation avec certains<br />

individus de la communauté, ne présentent pas de menace directe pour les membres du<br />

village. Parmi les sites sacrés, se trouve également le Yè dökhö dè, lieu où se pratiquent<br />

les sacrifices.<br />

Chaque type de formation, chaque définition de biocœnose végétale, est obtenu à<br />

partir du croisement de plusieurs critères. Ces descripteurs sont d’ordre quantitatif et<br />

qualitatif. Leur pondération et leur combinaison sont variables selon les formations<br />

considérées.<br />

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Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

1 LES FORMATIONS VEGETALES<br />

Plusieurs formations végétales ont été distinguées en fonction des critères<br />

structuraux et floristiques de la végétation, en fonction des sols et de l’hydrographie, en<br />

fonction de leur situation continentale ou littorale, sachant que la dynamique propre de<br />

chacune est sous la dépendance de ces critères physiques et biologiques mais également<br />

selon la perception et l’utilisation qu’en font les Hommes dans l’espace et dans le temps.<br />

FORMATIONS VEGETALES DES “ COTEAUX ” SUR SOLS FERRALLITIQUES<br />

- (1) Jachères « actives », espace des cultures et milieu en constante dynamique<br />

reconstruisant la biomasse<br />

- (2) Ilots forestiers, refuge de nombreuses espèces végétales et animales, en dehors<br />

des formations longeant les cours d’eau<br />

- (3) Savane à Borassus aethiopum (palmier rônier), cas particulier d’une espèce utile,<br />

« favorisée » par l’Homme<br />

- (4) Savanes boisées à Daniellia oliveri, plusieurs cortèges d’espèces des domaines<br />

soudanien et guinéen, espace de divagation des troupeaux, de la chasse, exploitation<br />

du bois d’œuvre et réserve de terres pour de nouvelles cultures<br />

- (5) Savanes à Lophira lanceolata, milieu particulier, siège d’une sorte de protoculture<br />

à grande échelle d’une espèce autochtone, enclave au milieu des savanes boisées.<br />

FORMATIONS SUR SOLS SABLEUX<br />

- (6) Savanes arborées, les arbres sont clairsemés, plusieurs catégories de feux les<br />

parcourent, cas particulier des savanes sur sols squelettiques, milieu “ stérile ”,<br />

néanmoins utilisé.<br />

FORMATIONS RIVERAINES DES COURS, MILIEU OU LA DIVERSITE EST LA PLUS ELEVEE<br />

- (7) Forêts-galeries, très riche en espèces de forêts denses humides<br />

- (8) Raphiales et Bas-fonds.<br />

PLANTATIONS<br />

- (9) Palmeraies<br />

- (10) Plantations mixtes : forêts villageoises et vergers.<br />

FORMATIONS DE MANGROVE<br />

- (11) Formation boisées de palétuviers<br />

Le domaine continental présente une mosaïque complexe de formations végétales<br />

en relation avec la grande variabilité des sols : sols ferrallitiques (issus des altérites sur<br />

grès), sols sableux (d’origine colluviale) et sols squelettiques (cuirasses et grès<br />

affleurants) et avec les différences hydrologiques des stations. Sous ces climats à saison<br />

sèche très marquée (sept mois secs), le facteur hydrique pose une contrainte majeure et<br />

la capacité de rétention en eau des sols est un caractère fondamental. Ayant intégré<br />

cette variabilité, les populations locales ont des pratiques associées à chaque facette<br />

écologique de ce terroir continental. Or, l’ensemble de la zone a fait l’objet d’une<br />

anthropisation très ancienne. L’histoire de l’installation d’où émerge les schémas fonciers<br />

complexes, les dynamiques démographique, les mouvements de populations au cours<br />

des cent dernières années, et le rôle des anciennes politiques coloniales (pour le cas du<br />

palmier à huile ou de l’arachide par exemple), s’ajoutent à la géographie contemporaine<br />

23


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

(densités de population, maillage des réseaux) pour former le cadre des modes de<br />

gestion actuels.<br />

Le domaine de la mangrove, malgré la simplicité des cortèges floristiques montre<br />

un gradient de végétation allant des peuplements de palétuviers aux formations<br />

herbeuses le long d’une toposéquence liée au gradient de salinité et à l’influence des<br />

marées.<br />

1.1 FORMATIONS VEGETALES DES « COTEAUX » SUR SOLS FERRALLITIQUES<br />

1.1.1 Jachères « actives », espaces des cultures et milieu en constante<br />

dynamique reconstruisant la biomasse (1)<br />

Nous entendons par le terme de jachères “ actives ”, les milieux soumis<br />

régulièrement aux cycles de défriche, par opposition à la plupart des formations boisées,<br />

qui ont, elles aussi, fait l’objet de défriches par le passé. Formations structurellement<br />

simples, assez homogènes, qu’un suivi diachronique permet de caractériser, les jachères<br />

correspondent à une phase de repos suivie par une phase d’exploitation.<br />

Durant la période de jachère, le milieu n’est plus soumis à aucune forme<br />

d’exploitation. Il est donc laissé à la libre reconquête de la végétation spontanée. La<br />

fonction de la jachère est de reconstruire une biomasse recyclable.<br />

Les jachères sont des taillis arbustifs denses, de hauteur relativement<br />

homogène, dont la croissance se fait uniformément au cours des années d’abandon. Le<br />

peuplement est ici majoritairement constitué d’arbustes ou de petits arbres, dont les<br />

tailles dépassent rarement les 15 mètres de hauteur. Les espèces de la jachère<br />

présentent des caractères biologiques qui donnent leurs aptitudes à se maintenir et se<br />

développer au travers des cycles de défriche-brûlis : phénologie, age de la reproduction,<br />

résistance au feu, aptitude au drageonnage ou à la multiplication végétative et grande<br />

vigueur de régénération (les lianes ou les arbustes sont fertiles dès la deuxième année).<br />

Dans les situations optimales la jachère n’est interrompue qu’après 6 à 8 ans de<br />

repos. Mais pour diverses raisons, le temps minimum de repos est de 4 ans. En fait, l’age<br />

d’exploitation d’une jachère dépend de nombreux facteurs, écologiques et socioéconomiques.<br />

Ces variations ne sont pas d’ordre qualitatif, car le peuplement spécifique<br />

des jachères est relativement homogène, mais elles sont d’ordre quantitatif. La<br />

« maturité » s’exprime difficilement en termes d’années. En témoigne la difficulté de<br />

certains cultivateurs à donner un nombre d’année pour leur jachère. Cette maturité<br />

intègre le potentiel du sol, qui s’exprime au travers de la vigueur de la végétation, les<br />

choix culturaux de chaque exploitant (les différentes variétés semées n’ayant pas les<br />

mêmes exigences), le cadre foncier de l’exploitation (disponibilités des terres,<br />

fonctionnement par domaine, fonctionnement individuel).<br />

La mise en œuvre de la défriche suit deux schémas avec chacun deux variantes<br />

possibles : le premier est la défriche d’un domaine, le second est la défriche d’une<br />

parcelle isolée.<br />

La défriche d’un domaine se réalise dans le cadre social du lignage ou de la famille<br />

étendue; les cultivateurs se regroupent afin d’aménager ensemble un espace de culture.<br />

Ce fonctionnement en domaine, au-delà du tissu social qu’il peut stigmatiser, et au-delà<br />

d’une démarche de gestion globale des territoires, présente des avantages pratiques non<br />

négligeables. Il peut être considéré comme une stratégie de gestion des principales<br />

contraintes et de conduite des travaux. De grandes surfaces dégagées seront beaucoup<br />

24


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

moins fréquentées par les ravageurs de culture, et le travail commun permet d’organiser<br />

la surveillance des champs.<br />

Le cas de parcelle isolée est minoritaire dans nos villages d’étude. L’exploitation<br />

de parcelles individuelles n’est pas générale et exclusive. L’existence de différents cas de<br />

figure, depuis le champ isolé, le domaine de petite taille (pour la famille élargie),<br />

jusqu’aux grands domaines lignagers met en évidence le rôle que joue la structuration du<br />

territoire.<br />

La richesse spécifique ne semble pas dépendre de l’age de la jachère mais<br />

d’autres facteurs comme la nature des sols sur laquelle elle se développe. Les richesses<br />

spécifiques les plus faibles ont été observées sur des sols très médiocres. Ailleurs, les<br />

écarts de valeur sont relativement peu importants. Les différences dans le nombre<br />

d’espèces présentes entre différents stades de jachères ne sont pas plus significatives<br />

qu’entre deux jachères de même âge rencontrées dans des conditions différentes. La<br />

régularité des peuplements (équifréquence des espèces) est réalisée.<br />

Au regard de nos observations, la défriche-brûlis, telle qu’elle se pratique<br />

sur nos zones d’étude (1 à 2 années de mise en culture, des temps de repos de<br />

5 à 10 ans), ne conduit pas à des érosions drastiques de biodiversité. La<br />

formation est sans signe, à ce jour, de forts déséquilibres.<br />

La jachère est une formation très homogène : le type biologique majoritaire<br />

regroupe les arbustes et les petits arbres issus majoritairement de rejets de souche. Cet<br />

aspect réduit considérablement la diversité structurelle, et par extension, de fonction. La<br />

résilience d’un écosystème, sa résistance aux perturbations dépend de la diversité des<br />

fonctions des différents éléments de la biocénose et des interactions qu’ils entretiennent.<br />

La présence sporadique des grands ligneux laissés en place lors des défrichements<br />

est fondamentale ; ils remplissent le rôle de réservoir de la biodiversité (production<br />

assurée de leurs propres semences et refuge des animaux frugivores qui dispersent les<br />

graines d’autres espèces). La plupart des espèces maintenues dans ce cadre sont des<br />

espèces utiles, pour la majorité, portant des fruits comestibles : le Parinari excelsa<br />

(Souguè), le Parkia biglobosa (Néri ou Néré), l’Elæis guineensis (Tougui), le Detarium<br />

senegalensis (Bötö). Dans leurs pratiques agricoles, les paysans intègrent ces questions<br />

soit en augmentant la densité de semis de riz sous le couvert des arbres, soit en y<br />

installant les petits jardins potagers.<br />

La résistance au feu de ces arbres est évidente, mais elle n’est pas sans limites. A<br />

termes, au bout de plusieurs cycles de brûlis, les arbres finiront par dépérir. De<br />

nombreuses jachères existent sans que ne se soit conservé un seul arbre. Au-delà de la<br />

résistance au feu, la sélection de coupe ne concerne que les individus adultes, de plus de<br />

12 m de hauteur, ce qui laisse peu de chance au renouvellement des individus. En effet,<br />

lors de la phase de défriche, les jeunes arbres sont coupés au même titre que les<br />

arbustes, sans distinction des espèces. Seul Elæis guineensis est épargné même dans ses<br />

jeunes stades, ce qui pourrait expliquer son abondance dans ces milieux.<br />

1.1.2 Ilots forestiers, une réserve de biodiversité (2)<br />

Ces formations forestières ne se rencontrent que dans les zones à faible<br />

occupation humaine, comme à Horrethangol (Kankayani, Kanfarandé), avec moins de 20<br />

habitants au km 2 . La superficie ne dépasse jamais 1 ha. Non cultivés de mémoire<br />

d’homme, ces espaces présentent néanmoins des signes évidents d’une exploitation<br />

passée : présence de taillis, anciennes traces de feux sur les plus grands troncs, fûts<br />

25


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

irréguliers ou divisés. Issus de l’évolution des jachères arbustives denses, ces milieux<br />

sont remarquables par la présence d’arbres massifs.<br />

Au cœur de ces bosquets abandonnés s’est développée une flore dense,<br />

essentiellement constituée d’arbustes sarmenteux et de lianes, rendant leur pénétration<br />

difficile et créant ainsi une ambiance fraîche et sombre qui suggère aux populations<br />

locales leur occupation par des êtres surnaturels. Leur fréquentation et leur exploitation y<br />

sont, en conséquence, tout à fait déconseillées. Certains de ces îlots furent, ou sont,<br />

également des lieux de cultes. Quand ils se trouvent proches des villages, ils abritent<br />

parfois les sépultures des anciens ou les autels des sacrifices.<br />

La richesse spécifique de ces milieux avoisine la trentaine d’espèces, proche de<br />

celle des jachères. Néanmoins, ces formations présentent un intérêt écologique encore<br />

plus grand que celui des arbres laissés en place dans les jachères. Certaines espèces se<br />

trouvent strictement inféodées à ces milieux. Il s’agit essentiellement de grands arbres<br />

comme Erythrophleum guineense ou Chlorophora excelsa. Se présentant parfois comme<br />

des refuges pour la faune (principalement pour les primates), au cœur de vastes espaces<br />

ouverts, ces îlots forestiers sont aussi à considérer comme des « réserves », ou des<br />

« banques de semences », crucial pour la régénération de la biodiversité.<br />

1.1.3 Jachères et Savanes à Borassus aethiopum (3)<br />

La savane à Borassus aethiopum, correspond à une variante dans le système<br />

jachère. Elle est strictement localisée dans la zone de Kanfarandé. Le passage répété des<br />

feux semble avoir structuré ces formations : feux précoces de l’élevage et feux tardifs de<br />

la défriche-brûlis. Le rônier est une espèce patrimoniale, introduite par les hommes et<br />

entretenue pour son utilité: bois imputrescible utilisé pour les charpentes ou pour<br />

fabriquer les « tubes » de vidange des casiers rizicoles. Le palmier rônier est<br />

systématiquement épargné lors des coupes de défriche. Il constitue parfois un marqueur<br />

d’anciens sites de villages.<br />

A l’heure actuelle, l’enclavement de la zone de Kanfarandé conduit à ce que<br />

l’exploitation des palmiers rônier soit faible. La coupe uniquement pratiquée par les<br />

résidents est, de plus, activement réglementée par les agents des eaux et forêts. Sur l’île<br />

de Kanof, l’abattage des adultes n’est autorisé par les autorités villageoises que tous les<br />

huit ans.<br />

1.1.4 Savanes boisées à Daniellia oliveri du domaine soudano-guinéen (4)<br />

Les savanes boisées appartiennent aux domaines strictement continentaux à<br />

faible densité de population, l’occupation humaine étant très localisée. Le peuplement est<br />

tout à fait caractéristique du domaine défini pour les savanes : une saison sèche bien<br />

marquée de sept mois et le passage des feux.<br />

Les savanes boisées (« Burunyi ») représentent un très fort potentiel agricole.<br />

C’est le Föton na ba khala, la « super forêt », la « meilleure à cultiver, mais la plus<br />

difficile à cause des grands arbres ». La défriche et la mise en culture sont pratiquées,<br />

mais elles sont peu fréquentes et de vastes territoires de savanes restent à l’abandon. La<br />

pression foncière étant faible sur les secteurs où se rencontre ces formations, les<br />

cultivateurs privilégient les jachères n’ayant pas dépassé 12 années de repos. La défriche<br />

des savanes aurait pour conséquence, si les espaces sont protégés du passage des feux,<br />

de faire ainsi entrer de nouveaux espaces dans le domaine des jachères « actives ». La<br />

conquête de la savane reste encore occasionnelle, nous ne l’avons observé qu’à<br />

Horrethangol (Kankayani). La savane est une formation aux multiples usages inclue dans<br />

26


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

les territoires villageois, son exploitation serait préférentiellement accordée aux<br />

résidents. Néanmoins, l’étendue des surfaces, la souplesse du contrôle local, fait, qu’en<br />

réalité, la savane peut être un site de prélèvement accessible à tous.<br />

La savane, espace de divagation des troupeaux (Kankayani, Kanfarandé), ou dans<br />

les marges de la transhumance comme à Missira (Mankountan), est régulièrement<br />

parcourue par les feux des éleveurs. C’est aussi un espace pour la chasse (Yalè Burunyi,<br />

la “ savane du Cobe de Fassa ”), pour le bois de chauffe, le bois de construction ou la<br />

cueillette (environs 50 % des espèces dénombrées sont des espèces utiles). La récolte du<br />

miel, dans les cavités des arbres ou dans des ruches artificielles, petits paniers de raphia,<br />

installées à la cime des grands Daniellia oliveri est couramment pratiquée. Enfin<br />

l’exploitation du bois d’œuvre, Daniellia oliveri (Woulounyi) et Pterocarpus erinaceus<br />

(Khari) est encore sporadique sur la zone de Kanfarandé (une seule tronçonneuse). Des<br />

bûcherons, en provenance de Bokè ou de Sansalè, à la recherche des plus grands arbres,<br />

s’associent occasionnellement aux exploitants, nouveaux défricheurs, pour dégager plus<br />

facilement une parcelle.<br />

Un contrôle effectif des populations locales sur cette forme d’exploitation est<br />

rendue difficile : traditionnellement, ces arbres ne sont pas appropriés et tout membre de<br />

la communauté y a librement accès, mais surtout elles ne peuvent s’opposer aux<br />

autorisations de coupe délivrées par l’Etat.<br />

1.1.5 Savanes à Lophira lanceolata (Mènè), et ses deux variantes (5)<br />

Les savanes à Lophira lanceolata (Mènè Burun) sont des formations presque<br />

monospécifiques. Stade régressif ou stade primaire dans la dynamique, ces savanes<br />

peuvent se rencontrer dans des états relativement stables. Lophira lanceolata est une<br />

espèce qui développe une forte dynamique de régénération (avec différentes classes de<br />

tailles) et qui présente, de plus, une grande aptitude à la reprise à partir de souches<br />

coupées ou calcinées.<br />

Il semblerait que les potentiels adaptatifs de Lophira lanceolata lui permettent de<br />

s’installer là où d’autres espèces ligneuses ne peuvent s’implanter, par exemple, sur les<br />

anciens périmètres FAPA voués, jusque dans les années soixante-dix, à une agriculture<br />

mécanisée. Non seulement, ces secteurs furent des zones privilégiées pour la riziculture<br />

au siècle dernier, sur la défriche des forêts-galeries, mais la nature des sols, à tendance<br />

hydromorphe, pourrait induire cette forme de reconquête.<br />

Localement, s’exploitent encore les pailles de couverture. Le Mènè est exploité<br />

pour une huile, de soins et de beauté, par les femmes qui l’extraient des graines après<br />

récolte au sol des fruits ailés. Le bois est ponctuellement employé en usage domestique<br />

(bois de chauffe, et utilisation des rameaux pour l’hygiène dentaire). Ailleurs, à<br />

Mankountan ou à Boffa, cette espèce est intensément utilisée pour la production de<br />

charbon. Les peuplements ne peuvent, dans ces situations, atteindre de grandes tailles,<br />

les arbres sont régulièrement coupés. Les savanes où domine le Lophira sont, dans la<br />

Préfecture de Boffa, des formations basses d’arbres rachitiques.<br />

Ici, ce n’est donc pas la diversité spécifique qui pose l’intérêt de cette formation,<br />

mais sa rareté en Guinée maritime. Les savanes à Lophira lanceolata s’insèrent<br />

physiquement, comme des enclaves dans les savanes boisées sur sols ferrallitiques. Elles<br />

participent, en tant qu’élément de la mosaïque et sont favorables à l’existence d’une<br />

riche faune ongulée : rares buffles (Syncerus cafer), cobes de Fassa (Cobus defassa),<br />

guibs harnachés (Tragelaphus scriptus) et céphalophes gris (Cephalophus silvicultor).<br />

27


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

1.2 LES FORMATIONS DES SOLS SABLEUX (SOLS DETRITIQUES)<br />

1.2.1 Savanes arborées des sols sableux : feu, arbre et paille (6)<br />

Les savanes arborées sur sables sont de composition floristique variable selon la<br />

texture et la composition du sol, la densité des espèces végétales en présence,<br />

l’exploitation par l’homme et le passage du feu. Faisant de mauvaises terres de cultures,<br />

ces espaces sont pourtant exploités. Durant toute la saison sèche, cet espace Yamfoui va<br />

être brûlé volontairement pour quatre utilisations principales : la paille à récolter pour les<br />

toitures, le pâturage, la chasse ainsi que l’entretien de l’espace autour du village. Ces<br />

espaces en accès surveillé sont sous le contrôle du chef de lignage dans les mêmes<br />

conditions que les savanes boisées. Le contrôle de leurs utilisations pose le même type<br />

de problèmes.<br />

C’est, en effet, sur cette formation qui présente plusieurs variantes qu’un nouveau<br />

marché s’est développé depuis les 5 dernières années : fabrication de charbon<br />

(principalement Syzygium guineense, Lophira lanceolata et Neocarya macrophylla) et de<br />

bois commercial (Pterocarpus erinaceus et Daniellia oliveri dépassant 10 mètres de<br />

hauteur).<br />

Une variante particulière est la savane sur sols squelettiques à fortes contraintes.<br />

Des dalles de roches gréseuses alternent avec des poches sableuses pour fournir un<br />

substrat minéral défavorable au développement végétal. Les espèces ligneuses<br />

caractéristiques de ces formations sont Fegimanra afzelii, strictement inféodée à ces<br />

milieux (en témoigne son nom local : Fanyè Garinyi, littéralement le “ frappeur de<br />

cuirasse ”), Neocarya macrophylla (Bansouma), arbres des savanes sur sable et<br />

Syzygium guineense.<br />

Sur ces sols, aucune forme d’agriculture n’est possible. Cette “ stérilité ” entre<br />

dans la catégorie des Yamfoui. Elles ne seront utilisées que pour les petits<br />

prélèvements : bois de chauffe, production (assez peu rentable) de paille de couverture,<br />

cueillette et ramassage des fruits du Bansouma (consommation légère des fruits frais et<br />

fabrication de soude pour le savon à partir des fruits calcinés). Les Yamfoui de<br />

Mankountan sont inscrits dans les parcours de transhumance des troupeaux qui<br />

descendent du Fouta en saison sèche. Tous ces différents usages s’accompagnent des<br />

feux précoces, au mois de décembre. Vu la faible productivité de ces formations, il<br />

n’existe pas de revendication de propriété ou d’usage exclusif pour ces espaces. L’accès y<br />

est complètement libre.<br />

1.3 LES FORMATIONS RIVERAINES DES COURS D’EAU<br />

1.3.1 Forêts-galeries, des espèces caractéristiques de la forêt dense humide<br />

(7)<br />

Les forêts-galeries, remarquables dans le paysage de Guinée maritime, longent le<br />

bord des marigots (sur 15 mètres de large au maximum, de part et d’autre du lit<br />

mineur). Toute l’année, qu’il s’agisse de cours d’eau temporaires ou permanents,<br />

l’humidité est maintenue.<br />

Aux yeux des villageois, ces sites sont des “forêts à diables ”, Ninnè yirè. Leur<br />

densité et leur richesse spécifique sont exceptionnelles. La majorité des espèces<br />

possèdent des fruits sucrés très recherchés par de nombreux primates. Site refuge<br />

inégalé, réserve d’eau, les forêts qui longent les marigots sont fréquentées, entre autres,<br />

par les vervets (Cercopithecus aethiops), les cercocèbes enfumés (Cercocebus atys), et,<br />

28


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

pour certains sites comme celui du Fommè de Kambissaf, par les chimpanzés (Pan<br />

troglodytes verus). Ces animaux sont les principaux agents de disséminations de ces<br />

espèces végétales et leur présence dans ces milieux est un facteur important<br />

d’enrichissement de la diversité biologique.<br />

La majorité des espèces ligneuses de la forêt-galerie sont inconnues des<br />

habitants. Seulement quelques espèces seront nommées « de la rivière » si par certains<br />

aspects il rappelle une autre espèce ; par exemple, on nommera Hymenocardia<br />

heudelotii le khourè Kinkeliba, pour la similitude de ses fruits et de ses feuilles avec ceux<br />

de Combretum micranthum (Kinkeliba). La forêt-galerie est exclue de l’espace<br />

domestique, à l’exception de quelques points d’eau fréquentés par les femmes. Seuls<br />

quelques rares guérisseurs connaissent l’usage des « plantes de la rivière ».<br />

1.3.2 Raphiales et Bas-fonds (8)<br />

Le marais à raphia ou bas-fond à Fossi se développe sur des sols résultant du<br />

comblement de vallons érosifs par des éléments colluviaux. La distribution de ces<br />

formations s’aligne généralement sur la présence de grès tabulaire plus ou moins<br />

recouverts par leurs produits de décomposition. Nous les avons rencontrés à Mankountan<br />

et Boffa, mais jamais à Kanfarandé. Ces marais sur sols siliceux bénéficient d’une<br />

humidité constante liée à un faible drainage (les eaux d’infiltration sont ramenées au jour<br />

par le banc gréseux et saturent la couche de terre meuble). Dans le bas-fond, le raphia<br />

acaule joue un rôle mécanique considérable. Le sous-sol est constitué d’un véritable<br />

feutrage de racines, mélangé de sable grossier. Ce lacis de racines fixe les éléments<br />

colluviaux et le couvert végétal enrichit manifestement le sol en humus.<br />

Les aménagements de bas-fonds avec drainage datent d’au moins deux<br />

générations. Nous n’avons pas observé de nouvelle défriche. Un même bas-fond peut<br />

porter des cultures diverses. Elles sont relativement peu diversifiées : patate douce et<br />

manioc durant la saison sèche, accompagnés de quelques cultures maraîchères (piment,<br />

gombo, aubergines). Le riz est parfois semé durant l’hivernage. Généralement, des<br />

plantations de palmiers, agrumes et bananiers se trouvent en périphérie. Les surfaces<br />

exploitées varient de 0,05 à 1,5 hectares. Souvent, plusieurs cultivateurs travaillent sur<br />

le même espace selon des modalités foncières variées. Ils exploitent chacun de 0,01 à<br />

0,3 hectares. Certains sont propriétaires par héritage, d’autres en simple situation de<br />

prêt. Aucun schéma foncier général ne se dégage pour cette exploitation de bas-fonds,<br />

mais s’appréhende au cas par cas.<br />

1.4 LES PALMERAIES, LES PLANTATIONS ET LES FORETS VILLAGEOISES<br />

1.4.1 Palmeraies : « là où se trouvent des palmiers, l’homme est passé » (9)<br />

Les palmeraies, milieux denses, relativement fermés, à la strate arborée<br />

exclusivement composée d’Elaeis guineensis, de 10 à 20 mètres de hauteur et un riche<br />

sous-bois arbustif, ponctuent les paysages de Guinée Maritime.<br />

Le palmier à huile, Elaeis guineensis, espèce anthropique par excellence est l’arbre<br />

le plus utilisé en Guinée Maritime. D’une très grande importance dans l’alimentation des<br />

populations locales, il est aussi très largement mobilisé dans la construction, le petit<br />

outillage ou la pharmacopée. La récolte du vin de palme reste très occasionnelle dans ce<br />

pays à majorité musulmane.<br />

L’Homme, en transportant les graines, est un efficace agent disséminateur. Pour<br />

la préparation des huiles (huile rouge et huile de palmiste) et de la sauce graine<br />

29


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

(Gböntöé), les régimes récoltés en brousse sont ramenés dans la concession ou les fruits<br />

sont détachés sur place si le site de collecte se trouve loin des villages. Des palmiers<br />

furent aussi plantés, du temps des anciens, de manière sporadique. De rares<br />

témoignages attestent de grands parents rapportant des graines ou des jeunes plants de<br />

leur voyage, d’un père semant ça et là des graines autour de la concession. Les villages<br />

se sont parfois déplacés durant les 100 dernières années, et le palmier à huile,<br />

accompagné du manguier, devient un excellent indicateur de ces anciens sites d’habitat.<br />

Les densités présentent dans ces palmeraies sub-spontanées tournent autour d’une<br />

vingtaine de palmiers adultes sur 1000 m 2 .<br />

Les palmeraies sont aussi utilisées comme espace agricole : culture de riz sous de<br />

fortes densités, arachide, manioc et fonio dans les zones à plus faible couverture. Le<br />

temps de jachère est de 5 à 7 ans, le nombre d’année de culture varie suivant la<br />

situation géographique. La mise en exploitation généralement possible dès la 4 ème année<br />

est compensée par l’élagage des palmes. La biomasse apportée par les feuilles de<br />

palmier est brûlée avec les bois de défriche et augmente considérablement l’apport en<br />

cendre, substrat du semis. Ces techniques d’éclaircissement pourraient même favoriser<br />

la productivité des Elaeis guineensis.<br />

Le palmier à huile peut donner des fruits toute l’année, mais il existe un pic de<br />

productivité autour du mois d’avril. La récolte peut donc avoir lieu à tout moment pour<br />

subvenir aux besoins alimentaires. Pour le palmier commun, il n’existe pas, en théorie,<br />

d’appropriation directe des arbres. Pour le palmier des jachères, une seule condition<br />

existe cependant, elle est temporaire, et s’applique seulement pendant la période de<br />

mise en culture de la parcelle où se trouvent les palmiers. Dans ce cas, seul le cultivateur<br />

et sa famille peuvent récolter les régimes. A l’image d’autres conditions d’usage et<br />

d’appropriation, c’est ici la notion de travail qui prime. Cette restriction se justifie<br />

socialement par le fait que le travail du champ rend l’accès plus facile aux arbres<br />

producteurs.<br />

De plus, une parcelle mise en culture, quelque soit son “ réel ” propriétaire, est à<br />

l’usufruit exclusif de l’agriculteur et sa famille pendant toute la période de culture et dès<br />

le moment de la défriche. Pour les palmeraies subspontanées, le statut foncier des<br />

espaces pourra induire des limites d’accès, selon les différentes localités. A Boffa, les<br />

palmeraies subspontanées ou spontanées s’inscrivent dans les domaines lignagers, les<br />

régimes sont réservés aux ayants droit. Pour tous les sites, les palmeraies proches d’une<br />

concession sont strictement en gestion familiale. A Madya ou sur l’ensemble de<br />

Kanfarandé, tous les membres du village détiennent le droit d’accès.<br />

Par ailleurs, il existe un interdit saisonnier encore en vigueur dans certaines<br />

localités (à Kanfarandé, Madya, Boffa). Personne n’a accès aux palmiers communs entre<br />

les mois de février-mars et avril. Cette période correspond à la phase relative au pic<br />

annuel de maturation des fruits. Elle permet un contrôle des récoltes, évite, ainsi, la<br />

présence de personnes dans les palmeraies et de ce fait, tente de limiter les vols. Elle<br />

permet également de regrouper la période de récolte, et par conséquent celle de la<br />

production d’huile. A Kanfarandé, cette interdiction saisonnière (plutôt en avril-mai),<br />

appelée Tonyi, se justifie aujourd’hui en rapport au calendrier agricole. Cet interdit<br />

coïncide en effet avec la période de défriche et de préparation des champs. La main<br />

d’œuvre familiale est alors très largement mobilisée. D’après nos informateurs,<br />

l’interdiction de récolte permet de garder les jeunes hommes (petits récolteurs<br />

indépendants) auprès de leur chef de famille pour les travaux.<br />

Les plantations anciennes, coloniales ou post-coloniales, ont le plus souvent été<br />

réalisées dans des sites particuliers, secteurs des plus basses altitudes derrière les fronts<br />

30


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

salés ou dans les bas-fonds humides. Des secteurs comme Boffa ou Kanfarandé, anciens<br />

débarcadères, sont, à cet égard, tout à fait exemplaires. Ces palmeraies commerciales,<br />

furent, suite à l’indépendance, remises à la gestion du village ou d’une famille.<br />

De nos jours, la plantation de palmier à huile se pratique, mais presque<br />

exclusivement avec des variétés améliorées (palmier nain, productif dès sa 4 ème année).<br />

L’acte de planter un arbre représente une occupation du site sur le long terme. Il définit<br />

dès lors une propriété individuelle et des droits d’usage restreints soit à l’intérieur des<br />

espaces sous le contrôle de son lignage ou de la famille étendue, soit par l’achat de<br />

terrain (cas encore rare). Le sous-bois des plantations est défriché de manière plutôt<br />

intensive et la régénération naturelle est évitée.<br />

1.4.2 Forêts villageoises et vergers, la biodiversité anthropogénique (10)<br />

Les alentours des villages se présentent parfois comme de véritables agroforêts.<br />

L’espace domestique est un espace productif où les villageois entretiennent les plantes<br />

utiles (plantes médicinales et protectrices, espèces fruitières, cultures vivrières et plantes<br />

ornementales). La plantation, la culture, le transfert et la conservation d’espèces<br />

spontanées sont autant de pratiques qui génèrent et entretiennent un stock remarquable<br />

d’espèces végétales.<br />

Les cultures vivrières (manioc, igname, banane) sont localisées derrière les<br />

maisons sur les Souti, zone fertilisée par les déchets domestiques. Les arbres se<br />

dispersent autour des maisons. La construction des clôtures ou des kandè (enclos pour la<br />

toilette) mobilise des ligneux prélevés en brousse qui auront la capacité de bouturer.<br />

Cet espace villageois fait l’objet d’une appropriation stricte, où chaque famille se<br />

réserve le droit d’usage sur les espèces qu’elle plante et entretient. Les espèces<br />

spontanées, croissant dans l’enceinte des concessions, acquièrent également ce statut.<br />

Les plus grands arbres, espèces plantés pour l’usage du bois (Terminalia ivorensis, Ceiba<br />

pentandra), se trouvent dans la forêt qui ceinture le village, avec les kolatiers, les<br />

manguiers et les palmiers. Anciennes, ces plantations, remontant à l’époque de<br />

l’installation, ont, à la différence des plantations fruitières récentes, de fortes charges<br />

symboliques. La diversité y est tout à fait considérable. Les plantations maintiennent une<br />

ambiance forestière qui encourage le développement des cortèges mésophiles à subhumide.<br />

Les nouvelles plantations s’effectuent, la plupart du temps, sans préférence<br />

écologique, indifféremment dans des jachères de coteaux, elles sont seulement<br />

conditionnées par les critères locaux de l’appropriation foncière.<br />

Les vergers sont constitués de kolatiers, orangers, citronniers, avocatiers,<br />

manguiers, ananas, goyaviers, mandariniers, bananiers, anacardiers, cocotiers.<br />

L’aménagement de la plantation se déroule tout d’abord par un essai où toutes les<br />

espèces sont éparpillées sur la parcelle, à faible densité. Les plants des pépinières<br />

viennent des alentours. Lors de la préparation du terrain, certaines espèces utiles sont<br />

conservées lors de la défriche, comme Anisophyllea laurina par exemple, arbre aux fruits<br />

comestibles et très prisé pour la construction. Les premières années de croissance<br />

peuvent être mises à profit pour d’autres cultures. La pratique de la défriche-brûlis étant<br />

désormais impossible sur le site, le manioc peut y être produit sans endommager les<br />

jeunes plants.<br />

31


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

1.5 LES FORMATIONS DE MANGROVES<br />

La véritable forêt de mangrove (peuplements hauts de 10 à 15 mètres) est<br />

cantonnée aux rives des chenaux ou en arrière des premières lignes d'arbres. Les<br />

peuplements bas et les fourrés de mangrove frangent le trait de côte. Rhizophora<br />

harrisonii est l’espèce la plus abondante. R. racemosa et R. mangle sont également<br />

présents ainsi que Languncularia racemosa et Conocarpus erectus. Les peuplements à<br />

Avicennia germinans sont plus en arrière, en densité variable liée au gradient de salinité<br />

et à la fréquence de submersion des marées. Viennent ensuite des formations herbeuses<br />

halophiles généralement juxtaposées mais aussi localement imbriquées. Ces “ prairies ”,<br />

de caractères halophiles, s’étendent jusqu’à un talus arbustif marquant la transition avec<br />

la zone continentale.<br />

Chacun des compartiments de cet espace sous l’influence des marées peut<br />

devenir un espace productif, selon deux modalités : celle de la transformation et celle<br />

des prélèvements.<br />

Les prélèvements concernent les secteurs riverains, les formations à Rhizophora,<br />

où l’exploitation du bois pour ses nombreux usages connaît des modalités variables. La<br />

transformation se réalise dans les parties éloignées du chenal, les hautes slikkes et les<br />

schorres inondés par les seules marées de vives eaux. Les conversions concernent<br />

l’aménagement des périmètres rizicoles et l’installation des campements pour la<br />

production de sel.<br />

1.5.1 Formations boisées de palétuviers (11)<br />

Les rives d’estuaire et des multiples chenaux de marée qui forment la côte à rias<br />

sont toutes bordées d’une formation à Rhizophora racemosa et R. harrisonii. La<br />

stratification des Rhizophora suit le gradient d’éloignement à la voie d’eau qui semble<br />

suivre la dynamique des dépôts sédimentaires, les peuplements hauts étant des<br />

formations plus anciennes, donc ici plus éloignées du chenal. Les Rhizophora se<br />

développent ainsi dans les secteurs soumis à submersion quotidienne. Cette distribution<br />

est un bon indicateur de la dynamique hydro-sédimentaire. Les secteurs où se déposent<br />

les sédiments fins voient leur conquête par les Rhizophora, et les states juvéniles<br />

formeront une bande riveraine. Ces formations, attestant d’une vive régénération,<br />

s’accompagnent parfois de bouquets de Languncularia racemosa. La zone de contact des<br />

Rhizophora avec la flore humide des forêts-galeries est progressive, et, certains sites<br />

sont, de ce fait très riches, englobant une flore spécifique des milieux halophile.<br />

Si le palétuvier rouge, le Rhizophora, s’impose par son étrange physionomie<br />

comme l’arbre des mangroves par excellence, l’espace halophile est principalement<br />

occupé par les formations à Avicennia germinans qui possède un optimum de salinité<br />

légèrement plus élevé que le Rhizophora. La reproduction sexuée est particulièrement<br />

efficace (nombre de graines important, pouvoir de germination élevé et bonne résistance<br />

des plantules) et la multiplication végétative intense conduit à de véritable front de<br />

colonisation. Les Avicennia se rencontrent donc en arrière de la formation à Rhizophora,<br />

d’abord au sein de peuplements mixtes puis en peuplements monospécifiques, dont la<br />

densité et la hauteur s’amenuisent à mesure que s’éloigne l’influence des marées. Ainsi<br />

les Avicennia ponctuent les espaces de tannes, les hautes slikkes, terres les plus salées.<br />

Pour les sites insulaires et littoraux, Rhizophora racemosa et R. harrisonii sont les<br />

espèces végétales les plus utilisées après le palmier à huile (Elaeis guineensis) : premier<br />

matériaux ligneux de construction pour l’étayage et la charpente et premier combustible<br />

de l’énergie domestique et de la fabrication ignifuge du sel et du fumage du poisson.<br />

32


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Parmi les activités les plus consommatrices de bois, la saliculture et le fumage du<br />

poisson, les matériaux combustibles proviennent aussi bien des espaces mangrove que<br />

des terres de défriche. Les arbres de plus de 25 cm de diamètre à hauteur d’homme<br />

parce que difficiles à abattre avec les moyens locaux, et les peuplements bas,<br />

inextricables, sont délaissés au profit des formations de taille moyenne (de 5 à 8 mètres<br />

de haut). L’exploitation est donc bien localisée. Les peuplements anciens, d’individus<br />

reproducteurs et les formations jeunes, sont épargnés.<br />

Pour obtenir des matériaux de construction, la sélection sera fine et concernera<br />

seulement certaines perches. La structure de la canopée des Rhizophora est un atout<br />

pour l’espèce face à cette forme d’exploitation. Leur architecture par réitération (partielle<br />

ou complète répétition de l’arbre), produit, pour un même individu, plusieurs nouvelles<br />

tiges. Seules quelques tiges seront prélevées, laissant l’arbre vivant, capable de croître et<br />

de se reproduire.<br />

Pour d’autres usages ne nécessitant pas de qualité particulière, comme le<br />

combustible, la coupe se réalise le plus souvent dans une petite trouée de quelques<br />

dizaines de mètres carrés correspondant au volume de chargement d’une pirogue (1 m 3<br />

de bois pour une monoxyle).<br />

Ces prélèvements sur des surfaces réduites et de type sporadique<br />

engendrent un essaimage des trouées, qui, pour les seuls usages locaux, reste<br />

relativement légers et ne menacent pas les capacités de régénération des<br />

peuplements. Toutefois, cette situation est nettement plus nuancée à Boffa, où<br />

les prélèvements liés à la proximité du marché de Conakry et à la facilité<br />

d’accès sont plus importants.<br />

Les professionnels choissent d’autres sites particuliers et notamment les hauts<br />

peuplements (atteignant parfois 20-25 mètres de haut), qu’un meilleur outillage et une<br />

remarquable endurance leur rendent accessibles. Ces futaies de grande taille sont des<br />

formations anciennes, reliques, sans nouvelles germinations, localisées en majorité, sur<br />

des vases exondées, extraites du mouvement des marées quotidiennes. Ces hautes<br />

futaies offre une biomasse ligneuse exceptionnelle. Une estimation du volume ligneux<br />

exploitable pour ce type de formation est largement au-dessus des moyennes calculées<br />

pour l’ensemble de la Guinée : 79,7 m 3 /ha.<br />

Cette forme d’exploitation entraîne le gaspillage : seuls les fûts sont prélevés.<br />

Près du quart de la biomasse ligneuse est abandonné (système racinaire et houppier).<br />

Les villageois profiteront de ce bois mort si les sites de coupe sont proches des<br />

habitations.<br />

Au cours de nos observations dans les périmètres de Kanof et Kankouf (Sous-<br />

Préfecture de Kanfarandé), sur les anciens sites de coupe, alors que l’exploitation<br />

remonte à 5 ou 8 ans, nous n’avons noté aucune forme de régénération, pas de<br />

réitération sur les individus coupés et l’absence totale de plantule ou de jeunes arbres.<br />

Seules restent les souches et les racines des arbres, témoins pétrifiés de l’ancienne forêt,<br />

se décomposant très difficilement. Les coupeurs témoignent : “ le kinsi, quand tu le<br />

coupe, ne revient pas ”. Pour ces sites, localisés en arrière des chenaux, si une<br />

reconquête ligneuse se réalise, elle se fera majoritairement par les Avicennia,<br />

l’installation des Rhizophora (conditionnée par la morphologie particulière des plantules)<br />

impliquerait une recharge sédimentaire, la réintégration des secteurs à des submersions<br />

plus fréquentes (ce qui est tout à fait possible).<br />

33


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Dans la zone de Kanfarandé, seuls les hauts peuplements exploitables à grande<br />

échelle sont menacés. Cette exploitation, importante, est compensée par la formation<br />

rapide de nouveaux peuplements dans les nombreux secteurs d’accrétion. Dans l’estuaire<br />

du Rio Nunez, les vasières, en progression, concourent à une bonne dynamique des<br />

peuplements à Rhizophora.<br />

Cette régénération s’exprime dans des peuplements jeunes, non exploitables.<br />

C’est donc l’activité de coupe et non le peuplement en lui-même qui est menacé à moyen<br />

terme.<br />

A Boffa, la situation est variable : la coupe intensive du bois est localisée en aval<br />

de l’estuaire, les formations amont étant à ce jour très peu fréquentées. En aval, le<br />

chenal principal et le front de mer subissent actuellement une phase d’érosion qui affecte<br />

notablement la dynamique des peuplements à Rhizophora. Ailleurs, dans les chenaux<br />

intérieurs des îles de Sakama, la régénération semble effective. La conjonction des<br />

processus naturels et de l’exploitation forestière peut présenter une menace pour les<br />

formations. Néanmoins, les dynamiques hydro-sédimentaires étant impossible à prédire,<br />

seul un principe de précaution serait de mise ici.<br />

L’exploitation commerciale du bois se révèle aujourd’hui être une activité<br />

en développement. La forêt de mangrove est en train de devenir la ressource<br />

énergétique indispensable au développement des nouveaux flux économiques<br />

régionaux. Cette situation ne présente pas encore un caractère de gravité, mais<br />

nécessite des mesures de gestion.<br />

Du point de vue du contrôle de la ressource, les mangroves avaient un statut tout<br />

à fait comparable aux autres espaces communautaires, comme les savanes par exemple.<br />

L’arrivée d’exploitants extérieurs a bouleversé la vision que les populations avaient du<br />

Rhizophora, et le Kinsi a progressivement gagné une valeur marchande.<br />

Dans l’interdiction d’accès aux étrangers, nous avons pu observer deux cas<br />

d’expression de l’autorité villageoise (illustration de gestion raisonnée de<br />

l’environnement).<br />

Le premier, à Kanfarandé, a été l’appropriation de cette nouvelle activité<br />

rémunératrice par les résidents. A Kanof, les anciens ont décidé d’autoriser la coupe aux<br />

membres de leur communauté. Leur argument est simple, les formations régénèrent de<br />

façon spectaculaire, et ils ont eux même assisté sur l’île à la conquête de vastes espaces<br />

par les palétuviers. Le second cas, à Marara (Boffa) a été le refus catégorique de toute<br />

exploitation des forêts de Rhizophora. Ici, la mangrove recule à chaque grande marée.<br />

“ Si on coupe les Kinsi, la mer rentrera dans le village ”.<br />

1.6 MOSAÏQUE DES PAYSAGES, DIVERSITE FAUNISTIQUE<br />

La richesse en espèces animales est étroitement corrélée à la diversité des niches<br />

écologiques, c'est-à-dire à la mosaïque végétale entretenue par l’agriculture sur brûlis.<br />

Les espaces boisés des savanes, non exploités, relativement peu fréquentés par les<br />

populations humaines, forment l’habitat des cobes (Kobus ellipsiprymnus, Kobus kob),<br />

guibs (Tragelaphus scriptus) et céphalophes (Sylvicapra grimmia). Les buffles nains<br />

(Syncerus caffer) sont encore présents dans ces milieux. Si la savane, refuge et source<br />

d’alimentation (ressource importante en herbacées), représente l’espace privilégié de ces<br />

espèces, leurs niches écologiques semblent s’étendre à plusieurs milieux. Les zones<br />

humides et les jachères sont également fréquentées. Les domaines de jachères sont, par<br />

ailleurs, les milieux de vie des phacochères (Phacocherus aethiopicus), potamochères<br />

34


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

(Potamochoerus porcus), céphalophes roux (Cephalophus rufilatus) et porc-épic (Hystrix<br />

cristata).<br />

La liste des mammifères est donnée en annexe. Profitant des nombreux espaces<br />

boisés de la zone (palmeraies, forêts galeries, forêts villageoises, mangrove), les<br />

populations de primates sont bien représentées. Très mobiles, les nombreuses espèces<br />

de singes (Cercopithecus spp., Colobus spp.) exploitent ces habitats forestiers morcelés<br />

en optimisant toutes les facettes de la mosaïque. L’abondance des espèces végétales à<br />

fruits charnus comestibles place les primates, avec les oiseaux, comme de véritables<br />

agents de dissémination et d’enrichissement de la diversité floristique.<br />

Parmi les primates, la situation du chimpanzé (Pan troglodytes verus) est tout à<br />

fait remarquable. L’abondance du palmier à huile, la conservation et la faible<br />

fréquentation humaine des forêts galeries, s’imposent comme un atout pour le maintien<br />

de l’espèce 3 . Alors que dans la plus grande partie de son aire de répartition, le chimpanzé<br />

apparaît comme une espèce gravement menacée, son statut ethno-écologique (prenant<br />

en compte les relations avec les populations locales) lui confère au contraire, en Guinée<br />

Maritime, une position d’espèce en équilibre stable avec son environnement. Les<br />

chimpanzés ne faisant l’objet d’aucune agressivité de la part des populations locales (ils<br />

ne sont ni chassés, ni consommés), leur observation est fréquente au cœur de tout<br />

l’espace agricole.<br />

Dans notre zone d’étude, les chimpanzés ont des domaines vitaux qui peuvent<br />

s’étendre sur plusieurs petits bassins versants, au cœur d’une mosaïque incluant forêtsgaleries,<br />

bas-fonds herbeux, anciennes plantations d’Elaeis guineensis, savanes<br />

arbustives et formations associées à la mangrove. Nos informateurs locaux, chasseurs et<br />

cultivateurs, témoignent de la fréquentation par les primates de l’ensemble de ces<br />

milieux et nous avons pu les observer a proximité immédiate de villages. A Kanfarandé,<br />

de nombreux fruits sont consommés (par exemple Dialium guineense, Ficus spp.,<br />

Landolphia spp., Parinari excelsa, Parkia biglobosa, Saba senegalensis, Salacia<br />

senegalensis, Sorindeia juglandifolia, Strychnos sp., Syzygium guineense, Treculia<br />

africana et Uvaria chamae) ainsi que les fruits d’Avicennia nitida lorsque les chimpanzés<br />

fréquentent les mangroves. Tous ces fruits comestibles pour le chimpanzé le sont<br />

également pour l’homme. Leur production semble excéder la couverture des besoins des<br />

consommateurs. Il existe cependant une période de faible disponibilité en saison sèche<br />

au cours de laquelle les fruits du palmier à huile constituent la ressource-clé.<br />

De plus, toute la diversité des adaptations comportementales du chimpanzé<br />

incluant les manipulations d’outils, est bien connue des populations locales capables d’en<br />

décrire les variantes concernant l’utilisation des différentes parties du palmier à huile.<br />

Même si les chimpanzés cassent les sommets des palmiers à huile pour y établir leurs<br />

nids ” pour la nuit, l’effet destructeur de cette espèce est quasiment insignifiant. En<br />

revanche, la dissémination des graines des fruits des espèces comestibles dont nous<br />

avons mesuré la fréquence et la diversité dans les fèces, contribue de façon significative<br />

à la dissémination des espèces et au maintien d’une grande biodiversité.<br />

3 Voir : Leciak, E., Hladik, A. & Hladik, C.M. (2005, sous presse). Le palmier à huile (Elaeis<br />

guineensis) et les noyaux de biodiversité des forêts-galeries de Guinée maritime : à propos du commensalisme de<br />

l’homme et du chimpanzé . Revue d’Ecologie (Terre Vie), 60.<br />

35


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Dans la zone de Kanfarandé, se révèle donc, toute l’importance du palmier à huile<br />

et des îlots forestiers que constituent les espaces interdits, pour l’existence des groupes<br />

de chimpanzés. L’habitat de ces primates est dès lors en rapport très étroit avec les<br />

pratiques locales de gestion du milieu, les croyances et les relations sociales qui les soustendent.<br />

Le cas des “ forêts des diables ” est à ce titre très parlant. Essentielles pour le<br />

maintien de la diversité biologique et pour la régénération naturelle, ces forêts le sont<br />

également d’un point de vue social. Par l’intermédiaire des forces surnaturelles qu’elles<br />

abritent, elles médiatisent les pouvoirs de certains individus. Elles symbolisent les<br />

hiérarchies en place, les rapports de pouvoir existants entre les différents groupes<br />

ethniques et entre les individus.<br />

La conservation à long terme d’un tel système de commensalité entre les<br />

chimpanzés et les hommes ne peut donc s’appréhender qu’à travers une compréhension<br />

fine des activités humaines et du contexte spirituel à l’intérieur duquel elles se déroulent.<br />

1.7 PARTICULARITE ET RICHESSE DES ESPACES LITTORAUX<br />

La situation d’interface entre milieux terrestres et milieux continentaux des sites<br />

forment l’habitat de deux espèces de grands mammifères menacées, considérées<br />

aujourd’hui comme espèces patrimoniales. La première est l’hippopotame (Hippopotamus<br />

amphibius, la dernière observation des villageois à Kanfarandé remonte à 2002 et la<br />

présence de l’espèce reste donc à confirmer mais une observation a été faite par les<br />

membres de l’<strong>OGM</strong> dans le secteur amont de la Fatala (Boffa) en décembre 2004. La<br />

seconde espèce est le lamantin (Trichechus senegalensis). Ce mammifère aquatique<br />

fréquente les eaux saumâtres des chenaux de mangrove, où il trouve dans les<br />

peuplements de palétuviers son alimentation (jeunes pousses de Rhizophora et<br />

Languncularia racemosa). Des observations régulières sont rapportées par les pêcheurs,<br />

ce qui laisse supposer un bon état des populations (pour Kanfarandé et Boffa). Des sites<br />

de reproduction seraient localisés au niveau du Rio Komponi (Kanfarandé).<br />

Les zones humides côtières (vasières, mangroves, rizières, bas-fonds d’eau<br />

douce) sont d’une grande importance du point de vue ornithologique. Il est reconnu que<br />

d’importantes colonies de limicoles paléarctiques hivernent sur le littoral. Elles se<br />

joignent aux effectifs sédentaires des espèces fréquemment observées sur les vasières<br />

de mangrove (courlis corlieu, chevalier, héron cendré, aigrettes…).<br />

La richesse des ressources halieutiques, issue d’entretiens menés avec les<br />

pêcheurs est fournie en annexe et nous renvoyons aux documents de synthèse élaborés<br />

par l’IRD et le CNSHB.<br />

1.8 REMARQUES SUR LES RELATIONS HOMMES – ANIMAUX<br />

La pression sur les mammifères très modérée en Guinée Maritime. Les habitudes<br />

alimentaires des populations littorales caractérisent les potentialités de leur<br />

environnement. Le plat quotidien de riz est accompagné d’une sauce faite à partir<br />

d’éléments végétaux dont le palmier à huile est le premier constituant. L’apport en<br />

protéine animal de la sauce est quasi-exclusivement issu du poisson, généralement<br />

quotidien mais en faible quantité. La consommation des autres animaux est<br />

exceptionnelle. La volaille, poulet et canard, agrémentera certains repas de cérémonie, la<br />

consommation de viande de bœuf et de mouton ne se fait que dans certaines familles et<br />

lors de la rupture du jeune du ramadan.<br />

Les techniques de fumage du poisson sont totalement acquises par la majorité des<br />

femmes, mais il ne se trouve aucune maîtrise de la conservation de la viande. Le<br />

36


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

transport des produits est délicat. La vente, qui, de nos jours, remplace les pratiques de<br />

dons/contre-dons (moyens qui, au-delà d’un renfort à la cohésion sociale, devaient palier<br />

aux problèmes de conservation des aliments), se restreint généralement aux membres<br />

de la communauté villageoise. Les espèces les plus chassées sont également les plus<br />

abondantes : porc-épic, phacochère et céphalophe roux. Face aux tabous alimentaires<br />

liés à l’Islam, les « cochons », phacochères et potamochères, ne sont pas consommés<br />

par les villageois. Ce qui explique la proportion de vente à l’extérieur des villages.<br />

Les grands ongulés, les guibs ou les cobes, plus rarement les buffles, ne sont la<br />

cible que de quelques chasseurs expérimentés. S’attache dès lors, à la pratique de la<br />

chasse des aspects magico-religieux : les animaux étant alors le plus souvent des alliés<br />

ou des représentations des diables, les chasseurs devant porter « secrets » et de<br />

talismans. Cette pratique de chasse n’est donc pas généralisée et la faible proportion de<br />

piégeurs est un indice pour montrer que, contrairement aux populations forestières, la<br />

chasse n’est pas une activité à fort ancrage culturel.<br />

D’autre part, il existe des tabous alimentaires qui protègent certaines espèces. Le<br />

cas du chimpanzé est exemplaire. Considéré comme un homme transformé, puni par<br />

Dieu pour avoir bravé un interdit, trop proche des humains par un grand nombre de<br />

caractères morphologiques, il ne peut être et n’est pas consommé.<br />

Bien que les prélèvements actuels sur la faune soient modérés, certaines espèces<br />

sont devenues rares ou même sont en voie de disparition. Cette synthèse est résumée<br />

dans les tableaux en annexe.<br />

37


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

2 CARTOGRAPHIE DES FORMATIONS ET DIAGNOSTIC PAR CRD<br />

2.1 REMARQUES SUR L’ANALYSE DES IMAGES SATTELITE<br />

Les spatiocartes présentées dans ce rapport sont issues du traitement d’images<br />

satellites et de leur intégration au Système d’Informations Géographiques (SIG) de<br />

l’<strong>OGM</strong>. Deux échelles de traitement ont été utilisées pour produire les documents<br />

cartographiques, d’une part pour la spatiocarte au 1/100 000 ème les traitements ont été<br />

effectués au 1/ 50 000 ème . D’autre part, pour les cartes des CRD, restituées au<br />

1/50 000 ème , les traitements ont été réalisés au 1/ 25 000 ème . Cet écart entre échelles de<br />

traitement et de restitution permet de produire des spatiocartes à lisibilité accrue.<br />

Les traitements de télédétection ont été effectués avec le logiciel ENVI 4.0 qui<br />

permet, outre l’utilisation d’algorithmes performants, l’exploitation directe des levés GPS<br />

de terrain. Ceci réduit ainsi les risques d’erreur d’analyse et d’interprétation inhérents<br />

aux techniques classiques de traitements d’images. Les classifications <strong>final</strong>es sont le fruit<br />

d’analyses itératives et de combinaisons de néo canaux.<br />

Les principaux traitements effectués sont : le calcul d’indices de végétation, les<br />

classifications iso datas, maximum de vraisemblance et hyper cubes et enfin les<br />

classifications supervisées. Le choix du nombre de classes a été déterminé par la capacité<br />

d’analyse sur des compositions colorées des canaux 4,5et 2 des images Landsat TM 7+.<br />

A l’issue des premières phases d’analyses, plusieurs missions de vérification de terrains<br />

ont été effectuées pour valider l’interprétation des images.<br />

Pour les spatiocartes au 1/50 000 ème , des masques réalisés à partir des limites des<br />

Sous-préfectures ont permis l’extraction des portions d’images correspondant aux zones<br />

d’études. Les spatiocartes de l’<strong>OGM</strong> portent des informations vectorielles telles que les<br />

limites administratives, les villages ou les voies de communications produites par le<br />

projet et intégrées au SIG.<br />

Les images P203R53 et P203R52, exploitées pour le traitement, ont été produites<br />

par le satellite LANDSAT TM 7+. Chaque image couvre une région d’approximativement<br />

180 kilomètres de côté et est composée de pixels de 30 mètres par 30 mètres. Les<br />

images LANDSAT sont composées de 8 canaux correspondant à des longueurs d’ondes<br />

spécifiques pour couvrir de l’infrarouge au thermique. Les canaux principalement<br />

exploités sont les canaux 4, 3 et 2 qui correspondent aux canaux 3, 2 et 1 de SPOT. Les<br />

images LANDSAT TM 7+ offrent également trois canaux spécifiques, deux dans le<br />

thermique (6à et 6b) et un canal panchromatique avec une résolution au sol de 15<br />

mètres.<br />

La biodiversité, telle que nous l’avons abordée dans ce travail, est d’abord définie<br />

via la diversité végétale. Or les espèces végétales, selon leurs aptitudes, sont très<br />

sensibles aux variations du milieu. Les facteurs influents, qu’ils soient d’ordre naturels ou<br />

anthropiques, connaissent des écarts parfois minimes qui peuvent avoir des<br />

conséquences sur les peuplements végétaux. Certaines formations ont des répartitions<br />

extrêmement strictes, liées à des conditions particulières existantes sur des espaces<br />

réduits. Enfin, le caractère de mosaïque végétale variable dans l’espace et le temps qui<br />

découle des dynamiques liées à la culture sur brûlis rend l’identification et la classification<br />

délicate.<br />

Chaque unité, identifiée sur les images satellites, essentiellement distingué par<br />

des aspects structurels (densité du couvert, hauteur du peuplement…) est une agrégation<br />

des types utilisés pour l’analyse de la biodiversité. Elle est, soit, elle-même, une<br />

38


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

mosaïque d’habitat, soit le regroupement de plusieurs types qui diffèrent par le cortège,<br />

l’appartenance à une série dynamique, le rôle fonctionnel ou leur potentiel pour les<br />

populations humaines. C’est le cas notamment pour les savanes boisées ou arborées qui,<br />

sous le même générique, regroupent des milieux notoirement distincts.<br />

2.2 LES JACHERES ET LES CHAMPS<br />

Les jachères sont identifiées sur l’image Landsat sous leurs différents stades de<br />

développement. Afin de produire une carte de végétation qui ne devienne pas obsolète<br />

deux ou trois ans après sa réalisation, les jachères ont été considérées comme un<br />

ensemble regroupant des espaces de physionomie différente et donc de réponses<br />

radiométriques différentes. Nous avons donc regroupé lors de la synthèse<br />

cartographique, les espaces suivants pour former une seule catégorie :<br />

- Les jachères défrichées et mises à feu : recouvrement par les cendres de<br />

100 %, espace homogène contiguë<br />

- Les jachères défrichées : recouvrement par les bois coupés séchant sur<br />

place de 100 %, espace homogène contiguë<br />

- Les jachères dans leurs premiers stades de développement : recouvrement<br />

de 25 à 50 % des ligneux bas, formation homogène contiguë<br />

- Les jachères à maturité : recouvrement de 75 % des ligneux moyens (de 5<br />

à 8-10 mètres de haut), formation homogène contiguë<br />

Confusions possibles :<br />

Les recouvrements arbustifs étant très élevés dans les jachères de plus de 8 ans<br />

(75 %), l’entrée dans la classe des formations boisées est fréquente. Par ailleurs, les<br />

fortes densités d’Elaeis guineensis peuvent conduire à identifier une palmeraie plutôt<br />

qu’une jachère.<br />

Des confusions sont également possibles pour les cas de parcelles mises à feu. En<br />

effet, d’autres types d’espaces peuvent avoir été brûlés, comme les savanes herbeuses<br />

ou arborées, les bas-fonds et les prairies d’arrière-mangrove. Pour ces sites calcinés,<br />

aucune distinction n’est possible au traitement.<br />

2.3 LES FORMATIONS BOISEES : SAVANES BOISEES DENSES ET ANCIENNES JACHERES<br />

Sur l’image, la distinction entre les formations est essentiellement faite à partir du<br />

couvert végétal. Les formations présentant des recouvrements arborés supérieurs à<br />

30 % pourront être inclues dans cette classe. Il est donc possible de rencontrer sous ce<br />

déterminant, les formations suivantes :<br />

- Savanes boisées des sols ferrallitiques : ligneux supérieurs à 10 mètres de<br />

haut, recouvrement des strates arborées compris entre 25 et 50 %, recouvrement<br />

herbacé de 100 %, formation hétérogène<br />

- Savanes boisées denses sur sols sableux : mêmes caractéristiques<br />

- Jachères de plus de 8 ans : ligneux supérieurs à 10 mètres de haut,<br />

recouvrement des strates arborées supérieur à 50 %, formation hétérogène.<br />

39


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Confusions possibles :<br />

Lorsqu’elles sont très denses, ces formations boisées se confondent dans la<br />

catégorie des forêts mésophiles, forêts villageoises et palmeraies. Elles présentent alors<br />

des recouvrements supérieurs à 50 %, ce qui les rapproche inévitablement de ces<br />

classes. En incrustation au sein des formations boisées, les zones identifiées comme<br />

types forestiers (sub-humides) peuvent soit être des îlots boisés ou des palmeraies, si<br />

une rupture dans les conditions hydrographiques existent, soit être une savane boisée<br />

dense. Néanmoins, les localisations assez strictes des autres formations forestières, en<br />

agrégats autour des habitations et en ligne le long des cours d'eau, permettent de les<br />

distinguer pour tous les autres cas.<br />

2.4 LES FORMATIONS FORESTIERES DENSES : ILOTS BOISES, PALMERAIES<br />

Les milieux les plus denses sont regroupés sous la catégorie des formations<br />

forestières. Le recouvrement des strates hautes (supérieures à 12 mètres) peut dépasser<br />

50 %. Pour les secteurs littoraux, elles sont essentiellement des palmeraies. Les<br />

formations denses hautes rassemblent :<br />

- Palmeraies littorales : peuplement quasi monospécifique à Elaeis<br />

guineensis, de 10 à 15 mètres de haut, avec des recouvrements de 75 %<br />

- Palmeraies de bas-fonds et des bords de marigot : mêmes caractéristiques<br />

- Ilots boisés et anciennes jachères avec de forte densité de palmier :<br />

peuplement ligneux dépassant 12 mètres de haut, avec des recouvrements<br />

supérieurs à 75 %<br />

- Formations anthropiques : plantations, forêts de ceinture villageoise :<br />

formations monospécifiques à mixtes, avec généralement une bonne<br />

représentation du palmier à huile, recouvrement ligneux supérieur à 75 %<br />

Confusions possibles :<br />

Ces formations denses, essentiellement caractérisées par des peuplements hauts<br />

et une forte représentation d’Elaeis guineensis, se confondent ou s’imbriquent au cœur<br />

des formations identifiées en savanes boisées. Ces deux types se trouvent parfois sous la<br />

forme d’une mosaïque dans la représentation cartographique. La discrimination entre les<br />

deux groupes est liée à la densité des peuplements, qui peut induire effectivement un<br />

changement de milieu, mais qui peut, tout aussi bien, caractériser un même type.<br />

2.5 LES PLANTATIONS ET LES FORETS VILLAGEOISES<br />

Regroupées lors du traitement avec les formations les plus denses (îlots boisés et<br />

palmeraies), leur discrimination est possible grâce à une localisation dans la proche<br />

périphérie des villages.<br />

2.6 LES SAVANES ARBOREES CLAIRES<br />

Les savanes arborées claires présentent des plages herbacées. Les recouvrements<br />

sont de l’ordre de 25 % pour la strate ligneuse, avec des densités inférieures à 20<br />

individus pour 1000 m², la taille des ligneux est généralement comprise entre 8 et 12<br />

mètres. Elles se distinguent ainsi des savanes boisées.<br />

40


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Sous cette catégorie se trouvent regroupées :<br />

- Savanes arborées claires à flore pyrotolérantes (voir Savane à Borassus<br />

aethiopum) : strate ligneuse rarement supérieur à 10 mètres de haut,<br />

recouvrement des ligneux de 5 à 25 %, recouvrement herbacé supérieur à 75 %,<br />

forte hétérogénéité spatiale<br />

- Savanes arborées des sols sableux : mêmes caractéristiques<br />

- Savanes de reconquête à Lophira lanceolata : mêmes caractéristiques<br />

- Végétation rudérale et plantation clairsemée des villages : recouvrements<br />

très variables, ponctuels.<br />

Confusions possibles :<br />

Lors de leur mise à feu, il est impossible de les distinguer des champs en<br />

préparation. Certaines jachères de 1 et 2 ans peuvent être reconnues comme ces<br />

formations claires en fonction de la vigueur de la régénération. Dans certains cas, les<br />

premières années de jachère peuvent connaître un développement des herbacées. Selon<br />

l’échelle de distinction, les plages herbeuses peuvent être considérées comme des<br />

enclaves de savane herbeuse.<br />

2.7 LES FORMATIONS HERBACEES : SAVANES HERBEUSES ET BAS-FONDS<br />

Ces formations ne présentent pas de recouvrement ligneux. Cette catégorie<br />

englobe des formations d’origines différentes :<br />

- Savanes herbeuses des sols squelettiques (dalles de grés et cuirasses)<br />

- Formations herbacées sur sols hydromorphes des bas-fonds<br />

- Savanes des cordons littoraux<br />

Confusions possibles :<br />

Les champs et les sols nus peuvent être inclues dans ces formations herbacées.<br />

2.8 LES FORETS GALERIES<br />

Formations linéaires longeant le bord des marigots, les forêts galeries ne sont pas<br />

systématiquement distinguées lors du traitement de l’image en conséquence de leur<br />

importante variabilité. Le fort recouvrement des ligneux et la hauteur des arbres permet<br />

néanmoins de bien distinguer les formations de belle venue. Pour des zones de moindres<br />

densités ou avec une forte représentation du palmier à huile, la forêt galerie apparaîtra<br />

telle une formation forestière. Lorsqu’elle a été défrichée récemment, ou qu’elle se<br />

présente comme une formation arbustive dense, elle se révèlera telle une jachère ou une<br />

savane arborée. Néanmoins, à proximité des marigots, toutes les formations identifiées<br />

présenteront toujours un cortège spécifique plus humide.<br />

2.9 LES FORMATIONS DE CONTACT AVEC LE DOMAINE HALOPHILE<br />

La succession des groupements végétaux entre le domaine halophile à<br />

proprement parlé et le domaine extrait d’une importante influence des marées est<br />

41


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

extrêmement serrée. Les changements de cortège se produisent sur quelques mètres<br />

entre les groupements mixtes d’herbacées supportant de léger taux de sel et les<br />

groupements à hydrophytes. Le peuplement herbacé rejoint progressivement une<br />

formation de ligneux bas (à Phoenix reclinata, Drepanocarpus lunatus, Dalbergia<br />

ecastaphyllum…) qui marquera, très souvent, la transition véritable avec le domaine<br />

continental où se développent les palmeraies de bordure. Cette succession s’étale de<br />

quelques mètres à quelques centaines de mètres. La discrimination de chaque<br />

groupement est évidemment impossible sur l’image satellitale. Néanmoins, la position de<br />

ce complexe de formation est bien déterminée et lorsque la frange herbeuse est<br />

importante, il peut être identifié.<br />

Confusions possibles :<br />

Des tannes herbeux (formations basses à halophytes crassulescents : Sesuvium<br />

portulacastrum, Philoxerus vermicularis) peuvent être assimilés dans cette classe.<br />

2.10 LES VASIERES<br />

Les vasières regroupent l’ensemble des sols nus ou à très faible recouvrement de<br />

la zone littorale.<br />

- Vasières littorales<br />

- Tannes nus (tannes vifs)<br />

- Tannes herbus<br />

Confusions possibles :<br />

Certaines formations très clairs à Avicennia peuvent être confondues avec les<br />

tannes, leur imbrication peut être localement très forte.<br />

Les périmètres rizicoles, hors culture à la date de l’image, sont également des sols<br />

nus ou présentant un faible recru herbeux. Leur confusion avec les tannes est courante.<br />

2.11 LES RIZIERES DE MANGROVE<br />

L’identification des périmètres rizicoles est rendue difficile par la grande diversité<br />

des pratiques culturales. Les rizières endiguées (bougounis), les rizières ouvertes, les<br />

périmètres abandonnés, les zones brûlées, présentent des réponses spectrales bien<br />

différentes. Par ailleurs, des variations dans les calendriers culturaux constitue des<br />

décalages de « l’état » de la rizière d’un périmètre à l’autre au moment de<br />

l’enregistrement, entre les casiers en cours de préparation, les casiers encombrés par les<br />

adventices, les casiers ennoyés.<br />

Il en résulte que la détermination exacte des rizières de mangrove est impossible<br />

à cette échelle. Seuls les plus grands périmètres ont pu être identifiés avec précision et<br />

confirmés par les connaissances de terrain. La dispersion de certains périmètres<br />

marginaux rend d’autant plus difficile leur repérage.<br />

2.12 LES PRAIRIES INONDABLES<br />

Seule la plaine de Mankountan appartient à cette catégorie. Ce marais d’eau<br />

douce entretient une relation très étroite avec la topographie. La situation hydrologique<br />

42


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

est extrêmement complexe, et conduit à une véritable marqueterie de facettes<br />

écologiques. Les formations à hydrophytes jouxtent les espèces halophiles et les<br />

périmètres rizicoles, anciens ou actuels. La définition des limites de ce milieu<br />

dulçaquicole est forcément imparfaite.<br />

2.12.1 Les formations de mangrove à Rhizophora spp.<br />

Pour les formations boisées à Rhizophora, deux classes ont été distinguées<br />

d’après la hauteur du peuplement et le taux de recouvrement.<br />

La première constitue les peuplements bas. Avec des hauteurs comprises entre 2<br />

et 8 mètres, la densité de ces formations est moyenne, les recouvrements de 25 à 50 %.<br />

Cette classe regroupe les formations jeunes, en cours de régénération qui se développent<br />

en bordure des chenaux. La seconde, « peuplements hauts », de 8 à plus de 15 mètres<br />

de hauteur, comprend les peuplements qui présentent les plus fortes biomasses<br />

ligneuses.<br />

Confusions possibles :<br />

Malgré une répartition théorique stricte, des imbrications complexes entre les<br />

formations à Rhizophora et les formations à Avicennia existent. Même si la réponse<br />

radiométrique des deux espèces semble bien différente, des confusions ont pu avoir lieu<br />

en rapport avec la densité.<br />

2.12.2 Les formations de mangrove à Avicennia germinans<br />

Deux classes constituent l’ensemble des formations à Avicennia germinans. Le<br />

critère de distinction est essentiellement fondé sur la densité du peuplement depuis les<br />

formations très claires des fronts de colonisation et des terrains les plus salés, jusqu’aux<br />

formations denses. Un troisième type existe. Il s’exprime en une formation mixte<br />

d’Avicennia et de Rhizophora, elle est « naturelle » entant qu’espace de transition entre<br />

deux peuplements monospécifiques, secondaire si il s’agit d’une conquête des Avicennia<br />

après exploitation des ligneux.<br />

43


UNITES CARTOGRAPHIQUES<br />

REMARQUABLES<br />

Forêts galeries<br />

Recouvrement ligneux<br />

> 75 %<br />

Formations forestières<br />

Recouvrement ligneux<br />

> 75 %<br />

Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

TYPE DE FORMATION<br />

CORRESPONDANTS<br />

SYNTHESE-DIAGNOSTIC PAR TYPE DE FORMATION<br />

Présence sur les sites pilotes<br />

Kanof Dobali Kankayani Kambilam<br />

Forêts galeries + ++ ++<br />

Palmeraies spontanées<br />

et sub-spontanées<br />

++ +++ ++ +<br />

Ilots boisés + ++ ++<br />

Précisions sur les situations<br />

locales<br />

L’état de conservation des forêts galeries<br />

est globalement satisfaisant. Ayant fait<br />

l’objet de défriche pour la riziculture,<br />

elles sont aujourd’hui hors des domaines<br />

d’exploitation. Parmi elles, se rencontrent<br />

des espaces inexploitables (forêts des<br />

diables) présentant une flore très riche et<br />

rare pour l’ensemble de la zone. Elles<br />

sont d’important site refuge pour la faune<br />

sauvage, principalement les primates et<br />

abritent notamment des groupes de<br />

chimpanzés.<br />

Ces palmeraies sont la source principale<br />

d’approvisionnement des populations<br />

pour la production d’huile. Leur statut de<br />

ressource commune permet l’accès à<br />

l’ensemble des villageois, sans<br />

distinction de statut social.<br />

Elles forment l’habitat privilégié des<br />

groupes de primates (notamment<br />

chimpanzés), à la faveur e la régénération<br />

des peuplements.<br />

De taille très réduite, ces milieux sont un<br />

facteur clé pour la résilience des<br />

écosystèmes et une source de nourriture<br />

pour la faune.<br />

Perspectives<br />

Aucune menace directe ne semble peser<br />

sur ces formations. Les reconversions en<br />

plantation appartiennent désormais au<br />

passé et l’exploitation pour la riziculture<br />

est ralentie à la fois par un contrôle local<br />

(via la présence de diable, via les<br />

représentations de leur rôle pour lutter<br />

contre l’assèchement des marigots) et par<br />

un contrôle du service des Eaux et Forêts.<br />

Les forêts galeries ne sont pas des espaces<br />

de prélèvements.<br />

La régénération du palmier à huile est<br />

assurée sur l’ensemble de la zone.<br />

Une exploitation plus intensive de cette<br />

ressource est possible.<br />

Même liés à des croyances locales, ils<br />

peuvent faire l’objet d’une défriche. La<br />

levée des interdits est possible.<br />

Essentiellement dû à la présence de<br />

grands ligneux, l’exploitation agricole et<br />

l’exploitation des bois d’œuvre feront<br />

inévitablement disparaître ces sites.<br />

La conservation des grands arbres au sein<br />

des jachères peut permettre leur<br />

reconstitution<br />

44


UNITES CARTOGRAPHIQUES<br />

REMARQUABLES<br />

Plantations mixtes et forêts<br />

villageoises<br />

Champs et jachères<br />

Recouvrement variable<br />

Formations boisées<br />

Recouvrement ligneux<br />

25-50 %<br />

Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

TYPE DE FORMATION<br />

CORRESPONDANTS<br />

Jachères de plus de 10<br />

ans (formation arbustive<br />

dense haute)<br />

Présence sur les sites pilotes<br />

Kanof Dobali Kankayani Kambilam<br />

+ + ++ ++<br />

Forêts villageoises ++ + + +<br />

Champs et<br />

jachères de 0 à 8 ans<br />

Savanes boisées à<br />

Daniellia oliveri<br />

+ ++ + +<br />

++ +<br />

Précisions sur les situations<br />

locales<br />

Elles offrent le plus fort potentiel agricole<br />

et sont également une source pour les<br />

diverses prélèvements domestiques<br />

(notamment bois pour les construction,<br />

artisanat et médicinales). Parmi les<br />

espaces en jachères, celles-ci, où la<br />

circulation est possible en sous-bois, sont<br />

les plus fréquentées par la faune ongulée<br />

(phacochères, potamochères,<br />

céphalophes…).<br />

Cas de biodiversité anthropogène. Les<br />

plantations mixtes sont, pour certains<br />

sites les dernières formations forestières<br />

qui abritent en sous-bois une flore<br />

caractéristique. Elles offrent un stock<br />

important d’espèces utiles.<br />

Espaces productifs d’importance majeure<br />

pour l’économie locale<br />

Uniquement localisées dans la zone nord<br />

de Kanfarandé, ces savanes sont l’habitat<br />

privilégié de la grande faune ongulée.<br />

Perspectives<br />

Une réduction des temps de jachère<br />

corrélative à une augmentation des<br />

densités de population et/ou à une<br />

orientation plus marquée des producteurs<br />

vers la culture d’arachide risque<br />

d’accentuer la rareté de ces jachères<br />

avancées.<br />

Les plantations existantes sont entretenues<br />

et renouvelées par les populations.<br />

L’essor des nouvelles plantations se fait à<br />

peine ressentir dans cette sous-préfecture.<br />

Les plantations d’anacardier se<br />

développent timidement (Kambilam) mais<br />

des mesures d’incitation et une meilleure<br />

accessibilité aux pépinières pourraient<br />

encourager le développement des<br />

plantations mixtes.<br />

Les pratiques actuelles permettent une<br />

bonne reconstitution de la biomasse<br />

ligneuse et de la diversité spécifique. Le<br />

peuplement est en équilibre avec l’usage.<br />

Seule la progressive disparition des<br />

grands ligneux pourrait avoir un effet<br />

négatif sur la résilience global des<br />

écosystèmes<br />

L’augmentation des besoins en terre<br />

cultivables, l’ouverture de la zone à<br />

l’exploitation des bois d’œuvre vont<br />

progressivement conduire à la disparition<br />

de cette formation. Elle se trouve, dans les<br />

secteurs où nous l’avons observée<br />

soumise à un très faible contrôle<br />

territoriale.<br />

45


UNITES CARTOGRAPHIQUES<br />

REMARQUABLES<br />

Savanes arborées<br />

Recouvrement ligneux<br />

5-25 %<br />

Formations herbacées<br />

Recouvrement ligneux<br />

< 5 %<br />

Formations de contact avec le<br />

domaine halophile<br />

Zone de recouvrement ouvert<br />

à mixte<br />

Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

TYPE DE FORMATION<br />

CORRESPONDANTS<br />

Savanes à Lophira<br />

lanceolata (type b)<br />

Savanes arborées<br />

denses des sols sableux<br />

Savanes arborées claires<br />

à flore pyrotolérante<br />

Savanes mixtes sur<br />

sable<br />

Savanes de reconquête à<br />

Lophira lanceolata (type<br />

a)<br />

Savanes herbeuses des<br />

cordons sableux<br />

Savanes herbeuses + +<br />

Successions végétales<br />

des prairies à<br />

hydrophytes et<br />

bourrelets arbustifs de<br />

transition<br />

Présence sur les sites pilotes<br />

Kanof Dobali Kankayani Kambilam<br />

+<br />

+ + + +<br />

+<br />

+<br />

Précisions sur les situations<br />

locales<br />

Mêmes remarques que précédemment.<br />

L’exploitation des fruits du Lophira<br />

lanceolata pour la production d’huile<br />

représente des revenus non négligeables<br />

pour les ménages en difficultés.<br />

Perspectives<br />

La principale menace sur les peuplements<br />

de Lophira lanceolata est la production de<br />

charbon. Cette pratique n’a pas encore été<br />

introduite dans la zone de Kanfarandé.<br />

L’enclavement de la CRD participe<br />

encore largement à la préservation de<br />

cette espèce.<br />

Uniquement décrite sur la zone de Dobali Cette savane est incluse dans le processus<br />

de conquête de nouveaux espaces<br />

agricoles. Elle sera reconvertie en jachère,<br />

formation arbustive. Sa valeur agricole est<br />

néanmoins très faible.<br />

Ces formations ont été identifiées hors<br />

des sites pilotes. La dynamique du<br />

palmier rônier, espèce utile et<br />

patrimoniale, y est remarquable.<br />

Ces formations ont été identifiées hors<br />

des sites pilotes, dans la zone de<br />

Koukouba.<br />

Formation de transition, elle est la<br />

première étape d’une reconstitution<br />

ligneuse pour des espaces appauvris par<br />

le passage trop fréquent des feux.<br />

Ponctuelles, on ne les rencontre que dans<br />

les secteurs insulaires du sud de la Sous-<br />

Préfecture.<br />

Utilisée pour la production de pailles de<br />

couverture.<br />

Ces milieux, en abondance sont peu<br />

fréquentés, et comme la majeure partie<br />

des espaces littoraux (loin des périmètres<br />

villageois) sont en excellent état de<br />

conservation<br />

Actuellement, le degré d’exploitation du<br />

rônier ne présente pas de menace pour la<br />

régénération des peuplements.<br />

Formations édaphiques, elles sont stables<br />

et soumises à des prélèvements légers<br />

Idem que pour les savanes du type b<br />

Non exploitées.<br />

Ces savanes sont en régression<br />

progressive, les besoins en paille<br />

diminuant, la fréquence des feux est<br />

réduite. Elles se reconvertissent<br />

progressivement en savane arborée.<br />

Seule l’installation des campement de sel<br />

utilise ces compartiment de l’espace<br />

mangrove. Dans les zones d’exploitation<br />

du sel, le bourrelet de transition est un site<br />

de prélèvement pour les matériaux de<br />

46


UNITES CARTOGRAPHIQUES<br />

REMARQUABLES<br />

Formations claires à Avicennia<br />

germinans<br />

Recouvrement ligneux<br />

5-25 %<br />

Formations denses à<br />

Avicennia germinans<br />

Recouvrement ligneux<br />

> 50 %<br />

Formations basses à<br />

Rhizophora spp.<br />

Recouvrement ligneux<br />

25-50 %<br />

Formations hautes à<br />

Rhizophora spp.<br />

Recouvrement ligneux<br />

> 75 %<br />

Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

TYPE DE FORMATION<br />

CORRESPONDANTS<br />

Tannes à<br />

crassulescentes et<br />

Avicennia germinans<br />

épars<br />

Peuplements clairs de<br />

Avicennia germinans<br />

Peuplements mixtes de<br />

Rhizophora spp. et<br />

Avicennia germinans<br />

Peuplements denses de<br />

Avicennia germinans<br />

Peuplements en<br />

régénération de<br />

Rhizophora harrisonii, R.<br />

racemosa, R. mangle<br />

Peuplements clairs de<br />

Rhizophora harrisonii, R.<br />

racemosa, R. mangle<br />

Peuplements denses de<br />

Rhizophora harrisonii, R.<br />

racemosa, R. mangle<br />

Présence sur les sites pilotes<br />

Kanof Dobali Kankayani Kambilam<br />

++ +++ + +<br />

++ +++ + +<br />

+ +<br />

+ + +<br />

+++ + + +<br />

++ + + +<br />

+++ +<br />

Précisions sur les situations<br />

locales<br />

Ces peuplements sont les sites privilégiés<br />

de la riziculture<br />

Soumis à une exploitation sporadique, les<br />

formations à Rhizophora sont en bon état<br />

de conservation.<br />

Elles présentent une forte dynamique de<br />

régénération dans l’ensemble des zones<br />

insulaires<br />

Perspectives<br />

construction des campements et pour le<br />

combustible. Les tannes forment les sites<br />

de récolte de terre salée. Entant donné les<br />

importantes surfaces couvertes par ces<br />

formations, même une augmentation de la<br />

saliculture présenterait peu d’impact.<br />

Fortement représentés à Dobali, ces<br />

formations ne sont néanmoins pas<br />

favorables à la riziculture du fait des<br />

nombreux affleurements de cuirasse. Pour<br />

les zones insulaires, une extension des<br />

périmètres productifs est souhaitable. La<br />

sous-préfecture revèle une production<br />

rizicole bien en dessous des possibilités<br />

offertes par le milieu.<br />

Actuellement, l’exploitation est<br />

compensée par la formation de nouveaux<br />

peuplements, dans les nombreux secteurs<br />

d’accrétion. Dans l’estuaire du Rio<br />

Nunez, les vasières, en progression,<br />

concourent à une bonne dynamique de<br />

génération et de régénération des<br />

peuplements à Rhizophora. Ce rythme,<br />

qui, pour l’instant, s’exprime dans des<br />

peuplements jeunes, non exploitables,<br />

interdit la disparition de ces formations<br />

ligneuses. Seule la part réellement<br />

exploitable, c’est à dire les hauts<br />

peuplements, est menacée. C’est donc<br />

l’activité de coupe et non le peuplement<br />

en lui-même qui souffre d’un manque de<br />

perspective.<br />

47


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

CONCLUSIONS<br />

L’étude de la dynamique de la biodiversité et de son rapport aux modes locaux de<br />

gestion s’est construite au travers de la définition d’une typologie de milieux. Ce<br />

découpage, inhérent à la démarche d’analyse, ne doit néanmoins pas dissimuler<br />

l’imbrication très étroite qu’il existe entre les différents habitats, et les notions de<br />

mosaïque et d’éco-complexe sont fondamentales ici. C’est l’approche paysagère et<br />

intégrée qui permet de mettre en perspective l’influence des pratiques locales sur le<br />

maintien, la conservation ou la réduction de la biodiversité.<br />

Tout d’abord, la variabilité des conditions micro-locales établit, en Guinée<br />

Maritime, un très fort potentiel de diversité d’habitat. Une grande variété de sols, couplé<br />

à un dense réseau hydrographique influençant les conditions d’humidité, la façade<br />

littorale et sa dynamique hydro-sédimentaire, va fonder le « substrat » pour l’installation<br />

des formations végétales.<br />

Sur ces facettes de leur environnement, les populations locales ont utilisé pour<br />

leurs activités de production chaque potentiel. Loin d’être unidimensionnelle, la<br />

production locale se réalise au cœur d’un système d’activité, et au cœur de règles<br />

d’usages et d’accès adaptées et modulables. Ce « système productif » répond à la fois<br />

aux contraintes sociales et aux contraintes des milieux.<br />

Il en résulte que les pratiques, et particulièrement l’agriculture sur brûlis,<br />

participent à maintenir la mosaïque des milieux, facteur essentiel de<br />

biodiversité. Les écosystèmes actuels sont globalement en équilibre avec les<br />

modes de gestion.<br />

Les rôles concomitants des principaux facteurs mésologiques (sol, humidité) et<br />

des modes de gestion favorisent, en Guinée Maritime, une flore riche et diversifiée<br />

représentative de plusieurs domaines biogéographiques : flore soudano-guinéenne des<br />

savanes entretenues par les feux précoces, flore guinéenne des espaces de jachère, flore<br />

des forêts humides semi-décidues dans les forêts galerie et les îlots boisés.<br />

La mosaïque des formations joue un rôle fondamental pour la résilience<br />

des écosystèmes. Chaque enclave, chaque bosquet, peut être interprété comme<br />

un réservoir de biodiversité (production assurée de leurs propres semences et<br />

refuge des animaux frugivores qui dispersent les graines d’autres espèces). Ils<br />

sont la garantie de la conservation des espèces.<br />

En effet, lors des défriches, une sélection de coupe existe. Elle concerne d’abord<br />

les grands individus ligneux, qui en cas d’abandon de longue durée de la parcelle, vont<br />

permettre la constitution d’enclaves denses (micro-climat sous la canopée,<br />

enrichissement du sol par une abondante litière). Parmi les espèces utiles qui ne seront<br />

pas coupées alors, certaines sont si bien favorisées par les agriculteurs que l’on observe<br />

l’apparition de véritables « boisements monospécifiques ». C’est le cas exceptionnel du<br />

palmier à huile (Elaeis guineensis), très abondant dans la région, c’est le cas aussi très<br />

localement du palmier rônier (Borassus aethiopum).<br />

Le cas des espèces végétales utiles se prolonge jusque dans la périphérie des<br />

villages, illustrant parfaitement la biodiversité anthropique. Dans les forêts villageoises,<br />

les populations entretiennent une grande diversité d’espèces plantés mais aussi des<br />

48


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

espèces spontanées qui trouvent dans ces forêts-vergers les habitats forestiers<br />

favorables à leur développement.<br />

Au sein d’un terroir villageois peuvent s’identifier une ou plusieurs pratiques et les<br />

règles d’accès et d’usages associées à ces pratiques. Les cas les plus pertinents se<br />

rencontrent pour les jachères. L’agriculture itinérante sur brûlis, impliquant une période<br />

de mise en repos des parcelles, de 5 à 12 ans, loin de menacer les potentialités agricoles<br />

locales, permet une bonne reconstitution de la biomasse ligneuse. La formation arbustive<br />

dense qui se développe sur les terrains en jachère est en équilibre avec la pratique, les<br />

espèces végétales en présence ayant les caractères adaptatifs requis.<br />

Or, l’agriculture se déroule dans un cadre social (liens de parenté, alliances<br />

interlignagères), qui permet, sauf cas exceptionnel, un accès à la terre pour l’ensemble<br />

des cultivateurs. Des densités de population relativement faibles et ce réseau de liens<br />

sociaux qui accroît les possibilités de disponibilités foncières pour chaque exploitant,<br />

empêchent toute forte pression sur les terrains agricoles. On n’observe pas de réduction<br />

drastique des temps de jachère ou plus de trois années de culture sur une même<br />

parcelle.<br />

Les pratiques agricoles : une à deux années de culture sur la même<br />

parcelle, temps de repos suffisant au renouvellement de la biomasse, ne<br />

présentent de risque, à l’heure actuelle, ni pour les sols, ni pour la biodiversité<br />

végétale.<br />

Ce sont, <strong>final</strong>ement, les espaces secondaires, les espaces des prélèvements, qui<br />

pourraient présenter des limites en termes de durabilité. Espaces des prélèvements<br />

réservés à la communauté, sous le contrôle foncier des lignages fondateurs, ils sont<br />

progressivement devenus des espaces rentables, dont les ressources acquièrent une<br />

valeur marchande.<br />

Tirée par la demande urbaine, la commercialisation, essentiellement entre les<br />

mains de personnes étrangères aux villages, touche essentiellement les ressources<br />

ligneuses et concerne les savanes sur sable, milieux à faible potentiel agricole pour le<br />

bois de feu et le charbon de bois et les espaces boisés des mangroves, essentiellement<br />

pour le bois d’œuvre. Ce phénomène est relativement récent : moins de 10 ans à Boffa,<br />

moins de 5 ans à Mankountan en savane et à Kanfarandé pour le bois de mangrove<br />

uniquement.<br />

Les effets de cette rapide monétarisation sont actuellement difficiles à évaluer. En<br />

mangrove la régénération des peuplements de palétuviers peut être rapide si les<br />

conditions hydro-sédimentaires sont favorables et, en l’état, on ne peut pas encore<br />

parler de surexploitation généralisée. Il en va autrement en savane où la régénération<br />

des ressources ligneuse est lente et où, là où il s’effectue, le prélèvement excède très<br />

largement les capacités de renouvellement. Dans ces deux cas, et de façon plus urgente<br />

pour les savanes, le principe de précaution paraît devoir s’appliquer et des actions<br />

entreprises à la fois pour réduire quantitativement les prélèvements et assurer une<br />

gestion raisonnée de l’espace.<br />

Les îlots boisés, les forêts galerie, les palmeraies, forment <strong>final</strong>ement un habitat<br />

forestier morcelé exploité par la faune sauvage. Très mobiles, les nombreuses espèces<br />

de singes (Cercopithecus spp., Colobus spp.) optimisent toutes les facettes de la<br />

mosaïque. L’abondance des espèces végétales à fruits charnus comestibles place les<br />

49


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

primates, avec les oiseaux, comme de véritables agents de dissémination et<br />

d’enrichissement de la diversité floristique.<br />

La présence du chimpanzé, considéré à l’égal d’un humain et qui n’est donc pas<br />

chassé car non consommé, représente une autre assurance contre la perte de<br />

biodiversité. Sa vie en groupes assez nombreux, en commensalité avec les populations<br />

locales, dans de grands domaines régulièrement parcourus, participe au maintien du<br />

grand nombre d’espèces végétales inventoriées dans la région.<br />

Alors que dans la plus grande partie de son aire de répartition, le<br />

chimpanzé apparaît comme une espèce gravement menacée, en Guinée<br />

maritime, son statut ethno-écologique, c'est-à-dire qui prend en compte les<br />

relations avec les populations locales, lui confère une position d’espèce en<br />

équilibre stable avec son environnement.<br />

Dans les milieux aquatiques, l’hippopotame, bien que non chassé, est, au dire des<br />

populations, très rare. Quelques relations d’observations le signalent dans la Fatala et<br />

une observation a été faite en 2002 à Kanfarandé. La tortue verte, bien que protégée,<br />

est, elle, chassée et sa viande appréciée. Sa population serait en diminution.<br />

Bien que la consommation et la vente de viande de brousse par les populations<br />

locales soient relativement rares, à preuve la rareté du métier de chasseur dans les<br />

villages, parmi les grands ongulés, le Cobe de Fassa et le Cobe de Buffon, sont, aux dires<br />

de nos informateurs en diminution sensible et sont considérés comme rares. Le buffle est<br />

signalé, lui aussi serait extrêmement rare. Compte tenu de leur mobilité, de leur petit<br />

nombre et de leur dispersion, il est extrêmement difficile de se faire une idée<br />

approximative de l’abondance de ces espèces.<br />

50


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

ANNEXE 1 : LISTE BOTANIQUE ET ETHNOBOTANIQUE<br />

Documentations et Flores utilisés pour les identifications :<br />

ARBONNIER M., 2000, Arbres, arbustes et lianes des zones sèches d’Afrique de l’Ouest,<br />

Paris, CIRAD, MNHN, 571 p.<br />

HUTCHINSON J., DALZIEL J.M (2th edition revised by Keay R.W.),<br />

1954, Flora of West Tropical Africa, vol. 1, part. 1 : Gymnospermae,<br />

Angiospermae : Annonaceae to Guttiferae, 295 p.<br />

1958, vol. 1, part. 2 : Scytopetalaceae to Umbelliferae, p. 297-828.<br />

1963, vol. 2 : Ericaceae to Labiatae, 544 p.<br />

1968, vol. 3, part. 1 : Monocotyledones : Butomaceae to Orchidaceae, 276 p.<br />

1972, vol. 3, part. 2 : Monocotyledones : Juncaceae to Graminae, p. 277-574.<br />

London, Crown agents for Oversea Governements and Adminitrations, Millbank.<br />

GEERLING C., 1988, Guide de terrain des ligneux sahéliens et soudano-guinéens, Papers<br />

87-4,<br />

Agric. Univ., Wageninger, 340 p.<br />

LETOUZEY R., 1982, Manuel de botanique forestière, tome 2 A, 210 p.<br />

1983, Manuel de botanique forestière, tome 2 B,<br />

Nogent-sur-Marne, Centre Technique Forestier Tropical, 244 p.<br />

MERLIER H., MONTEGUT J., 1984, Adventices Tropicales,<br />

Ministère des relations extérieures, ORSTOM-GERDAT-ENSH, 489 p.<br />

TOMLINSON P.P., 1986, The botany of Mangroves, Cambridges Univ. Press, 413 p.<br />

Abréviations :<br />

TYPE BIOLOGIQUE MILIEUX<br />

A+ grand arbre Bf bas-fond<br />

A arbre C champ<br />

a arbuste Fg forêt galerie<br />

as arbuste sarmenteux Fm forêt mésophile<br />

L liane Fv forêt villageoise<br />

tub plante à tubercule J jachère<br />

bulb plante à bulbe M mangrove et arrière-mangrove<br />

h herbacée Pl plantation<br />

Pm palmeraie<br />

V village<br />

(Les numéros entre parenthèses sont les numéros des échantillons en herbier<br />

pour les espèces à confirmer)<br />

51


FAMILLE NOM<br />

SCIENTIFIQUE<br />

AGAV Dracaena mannii A Fg<br />

TYPE<br />

MILIEU SOUSSOU POULAR LANDOUMA BAGA<br />

BIOLOGIQUE<br />

AMAR Crinum sp. (146) h (bul) J woula yèbè<br />

AMAR<br />

AMAR<br />

ANAC<br />

Haemanthus<br />

multiflorus<br />

Philoxerus<br />

vermicularis<br />

Anacardium<br />

occidentale<br />

h (bul) Fv<br />

h M bossa<br />

A Pl koussou, yagalè yalaguè yakalé myalki<br />

ANAC Fegimanra afzelii A S fanyè garinyi<br />

ANAC Lannea acida A<br />

ANAC Lannea sp. (203) A S<br />

ANAC Lannea sp. (571) A S<br />

J, Fm,<br />

Pm<br />

loukhouré sinè<br />

ANAC Lannea velutina A S bindy kilinyi thiouko<br />

ANAC Mangifera indica A+ V, Fv mango mango<br />

ANAC Sorindeia juglandifolia as<br />

J, Fm,<br />

Pm, Fg<br />

kankèboumba,<br />

tankéboumba<br />

kitchiöle<br />

kifatch<br />

NALOU ET<br />

AUTRES NOMS<br />

n'tôbèlèngne<br />

tankibombon m'kantanboli tantiboumba<br />

ANAC Spondias mombin A V loukhouré thialè koeloep kilepe<br />

ANNO Annona muricata A V sop sop sop sop<br />

corossol,<br />

saap saap<br />

sööp sööp<br />

52


FAMILLE NOM<br />

SCIENTIFIQUE<br />

TYPE<br />

MILIEU SOUSSOU POULAR LANDOUMA BAGA<br />

BIOLOGIQUE<br />

NALOU ET<br />

AUTRES NOMS<br />

ANNO Annona senegalensis a J, S soungni doukoummè kambomba kiböögna mboognâ<br />

ANNO Monodora tenuifolia A J sikhignè, foroma kengbonelo mpoupou<br />

ANNO Uvaria chamae as J<br />

ANNO Xylopia acutiflora A Fg<br />

ANNO Xylopia aethiopica A<br />

ANNO Xylopia sp. (1034) A Fg<br />

ANNO Xylopia sp. (114) A Fg<br />

ANNO Xylopia sp. (172) A Fg<br />

Fg, J,<br />

Fm<br />

möronda,<br />

kouroukaré<br />

APOC Alstonia congensis A Fg yèmbè<br />

APOC Ancylobotrys sp.(35) L<br />

APOC Baissea multiflora L<br />

APOC Baissea sp. (636) L Fg<br />

APOC<br />

APOC<br />

Dictyophleba sp.<br />

(802b)<br />

Dictyophleba<br />

stipulosa<br />

L Fg<br />

L Fg<br />

J, Fm,<br />

Pm<br />

J, Pm,<br />

Fm, Fg<br />

boïlè<br />

ayapa,<br />

tabampe<br />

siminyi kimi msillâ<br />

foré, woyenyi<br />

mpêndênne<br />

APOC Holarrhena floribunda A J, S kamayètè, yètè endhanma kitiya touba, endhama<br />

APOC Landolphia dulcis L J foré, woyenyi porè<br />

APOC Landolphia heudelotii L J foré porè k'mana, kwan agbân wanigni, m'bôl<br />

53


FAMILLE NOM<br />

SCIENTIFIQUE<br />

TYPE<br />

MILIEU SOUSSOU POULAR LANDOUMA BAGA<br />

BIOLOGIQUE<br />

APOC Landolphia sp. L J foré porè agbân<br />

APOC Rauvolfia vomitoria a J<br />

APOC Saba senegalensis L<br />

APOC Strophantus hispidus L J<br />

APOC<br />

APOC<br />

Strophantus<br />

sarmentosus<br />

Tabernaemontana<br />

crassa<br />

L J<br />

A Fv<br />

APOC Thevetia neriifolia a V<br />

APOC Voacanga africana as<br />

APOC Voacanga cf. (140) a Fg<br />

ARAC<br />

Amorphophallus<br />

aphyllus<br />

ARAC Anchomanes difformis h (tub) Fv<br />

ARAC Caladium bicolor h (tub) Fv<br />

ARAC Cercestis sp. (297) h (tub)<br />

ARAC Cercestis sp. (520) h (tub)<br />

J, Fm,<br />

Pm, Fv,<br />

Fg<br />

J, Fm,<br />

Pm<br />

sogoferi<br />

modjha<br />

wasangui, gbensi<br />

thialèl<br />

gbensi<br />

ksâdjô tankéwuri<br />

NALOU ET<br />

AUTRES NOMS<br />

sikhiniyè,<br />

mboontloy<br />

laré lârè anöönna malééléé<br />

seregni<br />

h (tub) Fv khaloumawoé<br />

Pm, Fv,<br />

Fg<br />

Pm, Fv,<br />

Fg<br />

katé khorègbé,<br />

yinnè konde<br />

danteli<br />

mama yata<br />

khorègbè<br />

ARAC Colocasia esculenta h (tub) V bâré diâbèrè yick mnimpâ<br />

ARAC Culcasia sp. (824) h (tub) Fg, Fm<br />

54


FAMILLE NOM<br />

SCIENTIFIQUE<br />

ARAC Culcasia sp.(733) h (tub)<br />

ARAC Nephthytis sp. h (tub)<br />

TYPE<br />

MILIEU SOUSSOU<br />

BIOLOGIQUE<br />

Fg, Fm,<br />

Pm<br />

Fv, Fm,<br />

Fg, Pm<br />

POULAR LANDOUMA BAGA<br />

AREC Borassus aethiopum A+ J boulè, khankhè aboulé mboula<br />

AREC Calamus sp. (767) as Fg tambinyi<br />

AREC<br />

Ancistrophyllum cf.<br />

(693)<br />

as Fg n'gangkè<br />

AREC Cocos nucifera A+ V, Pl koko kôko<br />

AREC Elaeis guineensis A+<br />

J, Fg,<br />

Fm, Pm, tougui<br />

Fv<br />

tougui akoom n'sins<br />

NALOU ET<br />

AUTRES NOMS<br />

AREC Phoenix reclinata A M tamari, khissi pébééte mkoussoul<br />

AREC Raphia hookeri a Bf fossi, possi<br />

AREC Raphia vinifera A Fg târi<br />

ASTE Ageratum conizïdes h C, V, J mama kounfikhè kikalapourel<br />

ASTE Vernonia colorata A M, bf dakhouna<br />

ASTE Vernonia sp. (431) h J<br />

akokon,<br />

n'kokôn<br />

akökânne mkökânne<br />

AVIC Avicennia germinans A M wofiri wofili kewoper myööf<br />

BIGN<br />

Markhamia<br />

tomentosa<br />

A J, Fv kafowandè, lâkö kaafawâdou klatlamgbè<br />

BIGN Newbouldia laevis A J, S kinki soûkoundè ktanke<br />

kibéégne<br />

wakar<br />

kékégne,<br />

antenk<br />

msééykét<br />

55


FAMILLE NOM<br />

SCIENTIFIQUE<br />

Spathodea<br />

BIGN<br />

campanulata<br />

TYPE<br />

MILIEU SOUSSOU POULAR LANDOUMA BAGA<br />

BIOLOGIQUE<br />

A+ V<br />

BOMB Adansonia digitata A+ V kiiri bhohè ankiri mbêk<br />

BOMB Bombax costatum A+ J, V loukhoui kimpoffo<br />

BOMB Ceiba pentandra A+<br />

V, Fv,<br />

Pl<br />

BROM Ananas sativus h V fougnè<br />

CAPP<br />

Capparis<br />

erythrocarpos<br />

CAPP Euadenia cf. (60) L Fv<br />

CAPP<br />

Gynandropsis<br />

gynandra<br />

NALOU ET<br />

AUTRES NOMS<br />

mtô fal,<br />

mkawééika bâck<br />

kondé bantan kawééï mkawééï<br />

L J gnènguè rakhörö gnaari sèkè<br />

h<br />

Fm, Fg,<br />

Pm<br />

CAPP Ritchiea capparoides L Fg, Fv<br />

kebagne<br />

kekarne<br />

massintarêpe<br />

CARI Carica papaya A Pl fofïa boûdi aapâï mpapâï<br />

CELA<br />

Loesenerielle africana<br />

cf .<br />

L Fg<br />

CELA Salacia senegalensis L J kinkirissi<br />

CELA Salacia sp. (737) L Fg<br />

CERA<br />

Ceratophyllum<br />

demersum<br />

h V sassalenyi<br />

poré<br />

koodoudou<br />

kinkinkrèss,<br />

kinkrès<br />

ankenkérés mankindis<br />

CESA Afzelia africana A+ Fm, Fg leenguè leenguè kkonta kekonta mbâre mbâre<br />

CESA Anthonotha crassifolia A J doumboui, koffé boûbè<br />

CESA<br />

Anthonotha<br />

macrophylla<br />

A J doumboui, koffé boûbè<br />

56


FAMILLE NOM<br />

SCIENTIFIQUE<br />

TYPE<br />

MILIEU SOUSSOU POULAR LANDOUMA BAGA<br />

BIOLOGIQUE<br />

CESA Cassia alata a V wantanye anthiènthièn<br />

CESA Cassia occidentalis h J kikiwindi<br />

CESA Cassia siamea A Pl cassia cassia kassia kassia<br />

NALOU ET<br />

AUTRES NOMS<br />

CESA Cassia sieberiana A J, S gbangba sindja kintchientchie msânsân<br />

CESA<br />

Anthonota cf.<br />

stipulacea (40)<br />

A J<br />

CESA Crudia klainei A+ Fg<br />

CESA Daniellia oliveri A+ S, J woulounyi thièwè kontol kindole n'bôbô<br />

CESA<br />

CESA<br />

Detarium<br />

macrocarpum<br />

Detarium<br />

senegalensis<br />

CESA Dialium guineense A+<br />

CESA<br />

Erythrophleum<br />

guineense<br />

A+ J, S botö, fori wouri booto kekitan aboule mbatè<br />

A+ S botö, fori wouri booto kekitan aboule mbatè<br />

J, Fm,<br />

Pm, Fg<br />

mökè méko kambam<br />

prendaan,<br />

tebamp<br />

m'boum<br />

A+ J, S meli teli kokon n'tôm<br />

CESA Guibourtia copallifera A Pl, Fv kâki kâck mtchiâck<br />

CESA Piliostigma thonningii a J yorogoé barkè kfara atchiokele mmoukouri<br />

CESA Tamarindus indica A V, Pl tombigni diabbhè tombinyi tombinyi<br />

CHRY Neocarya macrophylla A S<br />

CHRY Parinari excelsa A+<br />

J, Fm,<br />

Fg<br />

bansouma,<br />

koumbe wouri<br />

mbabet<br />

sougué coura kbiss mabiis mlout<br />

CLUS Garcinia polyantha a Fg lâmmi keféépe mkusul ka mköi<br />

57


FAMILLE NOM<br />

SCIENTIFIQUE<br />

Cochlospermum<br />

COCH<br />

tinctorium<br />

TYPE<br />

MILIEU SOUSSOU POULAR LANDOUMA BAGA<br />

BIOLOGIQUE<br />

a S yala filira guèsè<br />

COMB Combretum album a S yembè fikhè boori<br />

COMB Combretum lecardii as<br />

COMB Combretum lineare h S<br />

COMB<br />

Combretum<br />

micranthum<br />

as J<br />

COMB Combretum molle a J<br />

Pm, Fm,<br />

Fg<br />

kinkéliba,<br />

kenkéliba<br />

kankaliba<br />

COMB Combretum nigricans a J limbi krounprounpanè<br />

COMB Combretum nioroense a J<br />

COMB<br />

Combretum<br />

tomentosum<br />

COMB Conocarpus erectus a M<br />

COMB<br />

Laguncularia<br />

racemosa<br />

L<br />

J, Fm,<br />

Pm<br />

koumbè firi,<br />

tafoè<br />

konkongnè<br />

khoukhouri<br />

aykayklaay,<br />

ankanklaan<br />

a M mampeka kekofa<br />

COMB Terminalia albida A J, S yèmbè fikhè boori<br />

COMB Terminalia catappa A V, Pl foté kansi foté kansi<br />

COMB<br />

Terminalia<br />

glaucescens<br />

A Fv woli<br />

COMB Terminalia ivoirensis A V, Pl woli<br />

COMB Terminalia scutifera A M bâdè kbeth<br />

COMB Terminalia sp (559) A S<br />

NALOU ET<br />

AUTRES NOMS<br />

mbâbis<br />

kinâppe mbassock<br />

mboutelon<br />

femka,<br />

mkoonkoon<br />

58


FAMILLE NOM<br />

SCIENTIFIQUE<br />

Commelina (sp.540,<br />

COMM sp.691, sp.700,<br />

sp.913)<br />

TYPE<br />

MILIEU SOUSSOU POULAR LANDOUMA BAGA<br />

BIOLOGIQUE<br />

h J, Fg<br />

COMM Commelina sp.(538) h J khè gantou tarè<br />

COMM<br />

CONN<br />

Palisota cf hirsuta<br />

(827)<br />

Agelaea (sp.1025,<br />

sp.601, sp.705)<br />

CONN Agelaea trifolia a<br />

h Fg<br />

a<br />

J, Fm,<br />

Pm<br />

J, Fm,<br />

Pm<br />

CONN Byrsocarpus sp.(331) L J, S<br />

karamoko<br />

gbibolontami,<br />

tiliminyi<br />

CONN Cnestis ferruginea a J koulè yinmaba<br />

CONN Connarus africanus a J séri gbéli<br />

CONN Connarus sp. (448) a J<br />

katontonkouk<br />

rass,<br />

tatotantonkrat<br />

katanwour<br />

doudou<br />

awur<br />

NALOU ET<br />

AUTRES NOMS<br />

Tuli werè werè,<br />

mtchiagboeda<br />

CONV Ipomea batatas L V wouré poutè petèt m'batata<br />

CONV Ipomoea involucrata L J, C karinyi<br />

CONV Ipomea mauritiana L<br />

CONV Ipomoea pre caprae L M<br />

CUCU Adenopus breviflorus L C<br />

J, Fg,<br />

Fm, Pm,<br />

M<br />

CUCU Lagenaria siceraria A V lengué korè kili, kali m'bô<br />

59


FAMILLE NOM<br />

SCIENTIFIQUE<br />

CYPE Cyperus articulatus h M mêla<br />

CYPE<br />

Cyperus esculentus cf<br />

(29)<br />

TYPE<br />

MILIEU SOUSSOU<br />

BIOLOGIQUE<br />

POULAR<br />

mâlan<br />

doghol<br />

LANDOUMA BAGA<br />

h J mêla mâlan<br />

CYPE Eleocharis mutata h M, Bf kolmè kokolma mtédda<br />

CYPE Fimbristylis sp. h C, V, J<br />

CYPE Mariscus cylindricus h M mêla<br />

NALOU ET<br />

AUTRES NOMS<br />

CYPE Mariscus ligularis cf h M, Bf mêla mâlan agnetchia mtchroumgnâre<br />

CYPE Scirpus cubensis h J mêla mâlan<br />

CYPE Scleria depressa h C, V, J<br />

DILE Tetracera alnifolia L<br />

DILE Tetracera potatoria L<br />

DILE Tetrapleura sp. (193) L Fg<br />

DIOS Dioscorea alata L (tub) V<br />

J, Fm,<br />

Pm<br />

J, Fm,<br />

Pm<br />

firi forè kinal kibi n'anan bala<br />

ninti kanan't bora firi<br />

kara gbeli, khosé<br />

khabi<br />

dagbakte<br />

londone<br />

DIOS Dioscorea bulbifera L (tub) J, S bounki datoute, dapass<br />

DIOS<br />

Dioscorea bulbifera<br />

(cult.)<br />

L (tub) V, Pl dannè dannè<br />

binkini samani<br />

DIOS Dioscorea cayenensis L (tub) V khabi, kappè tawonne mtchiéépe<br />

DIOS Dioscorea hirtiflora L (tub) J, S<br />

DIOS<br />

Dioscorea<br />

praehensilis<br />

L (tub) J, S baté maloungoui<br />

60


FAMILLE NOM<br />

SCIENTIFIQUE<br />

DIOS Dioscorea preussii L (tub) J, S<br />

DIOS Dioscorea togoensis L (tub) J, S kara<br />

EBEN<br />

Diospyros cf.<br />

mespiliformis<br />

EBEN Diospyros heudelotii a<br />

TYPE<br />

MILIEU SOUSSOU<br />

BIOLOGIQUE<br />

tôfisa, kosè<br />

khabi<br />

POULAR LANDOUMA BAGA<br />

a J<br />

EBEN Diospyros sp. (523) a Fg<br />

EUPH Alchornea cordifolia as<br />

EUPH Alchornea hirtella as Fg<br />

EUPH Anthostema sp.(109) A<br />

J, Fg,<br />

Fm, Pm<br />

Fm, J,<br />

Pm, Fg<br />

J, Fm,<br />

Fg, Pm<br />

(dabakala),<br />

sunsu<br />

NALOU ET<br />

AUTRES NOMS<br />

ampan mmampan<br />

malèfou malefou kingbokot kal kingbokot<br />

mah bala<br />

matibala,<br />

maléfou<br />

bölönta gargassaki kiyapa ayappa msempe<br />

wâninyi bhouro awânne mpmante<br />

EUPH Bridelia ferruginea A J, S tolinyi daafi kitchiah, ketia mtâ kintân<br />

EUPH Bridelia micrantha A J, S tolinyi daafi kitchiah, ketia mtâ kintân<br />

EUPH Maranga cf. (498) a<br />

EUPH Drypetes sp. a J mantègne mantentch<br />

EUPH Drypetes sp.(547) a Fg<br />

EUPH Euphorbia sp. A M ganganyi<br />

EUPH Hymenocardia acida A S simöèyèlè pellitoro simayele simayele<br />

EUPH<br />

Hymenocardia<br />

heudelotii<br />

A S khourè kenkeliba<br />

61


FAMILLE NOM<br />

SCIENTIFIQUE<br />

TYPE<br />

MILIEU SOUSSOU POULAR LANDOUMA BAGA<br />

BIOLOGIQUE<br />

NALOU ET<br />

AUTRES NOMS<br />

EUPH Jatropha curcas a V bakha, bakhanè kiidi baka mkentaal<br />

EUPH Macaranga barteri a Fg<br />

EUPH Macaranga sp.(749) a Fg<br />

EUPH Manihot esculenta h (tub) C yoka bantara atchiâck mmandiöck<br />

EUPH<br />

EUPH<br />

EUPH<br />

Maprounea cf.<br />

membranacea (567)<br />

Margaritaria<br />

dioscoidea<br />

Phyllanthus<br />

muellerianus<br />

A J<br />

EUPH Phyllantus amarus h C, V, J<br />

EUPH Phyllantus sp. (171) h C, J<br />

EUPH<br />

Phyllantus sp.<br />

(ADV23)<br />

A J, S kéri, khéri kéri kouboumbi kouboumbi<br />

A J, Fm gbélékhè sérégni kboumbi<br />

h C, J<br />

EUPH Ricinus communis a V yakhuya khulè<br />

EUPH<br />

Uapaca cf paludosa<br />

(564)<br />

A J<br />

EUPH Uapaca heudelotii A+ Fg yagalé khouré<br />

EUPH Uapaca togoensis A S yagalé<br />

FABA<br />

FABA<br />

FABA<br />

Abrus precatorius cf<br />

(514)<br />

Aechinomene sp.<br />

(592)<br />

Andira inermis cf<br />

(273)<br />

l J<br />

h M<br />

A J<br />

asagne<br />

gnaroundou<br />

Yakhuya<br />

khulè<br />

mféénne ka<br />

mbâck<br />

62


FAMILLE NOM<br />

SCIENTIFIQUE<br />

TYPE<br />

MILIEU SOUSSOU POULAR LANDOUMA BAGA<br />

BIOLOGIQUE<br />

FABA Arachis hypogaea h C kansi tiga köölbân mkolina<br />

FABA Baphia cf polygalacea L M<br />

FABA Baphia sp.(577) L M<br />

NALOU ET<br />

AUTRES NOMS<br />

FABA Cajanus cajan a C togué gnèbbè ickoucla mdêbènne<br />

FABA Canavalia cathartica<br />

FABA cf Pericopsis sp.(614) A J, S<br />

FABA Crotalaria retusa h C, V, J<br />

FABA Crotalaria sp.2 h J<br />

FABA Dalbergia sp.(476) L J toumbè gbéli<br />

FABA<br />

FABA<br />

Dalbergia cf.<br />

sanacama<br />

Dalbergia<br />

ecastaphyllum<br />

L M<br />

teppè<br />

daroulla<br />

as M, Bf bâdè k'montch<br />

kibankîme n'pâte<br />

FABA Dalbergia sp.(442) L J, Fv gboungbourougni taböönka mboudouck<br />

FABA<br />

FABA<br />

FABA<br />

Desmodium<br />

sp.(694b)<br />

Desmodium<br />

velutinum<br />

Drepanocarpus<br />

lunatus<br />

h J donmè yalè<br />

h J<br />

a M tagani aköléra mféén<br />

FABA Eriosema glomeratum h J khökhiè khourè<br />

FABA<br />

Erythrina<br />

senegalensis<br />

A J, S<br />

kilimenyi,<br />

tiliminyi<br />

bhothiolla kdolè, ksèrdédé koutchiöle<br />

kefatch<br />

mtchiekerfatch<br />

63


FAMILLE NOM<br />

SCIENTIFIQUE<br />

Indigofera (sp 258,<br />

FABA sp 266,<br />

sp 622, sp 729) .<br />

Indigofera<br />

FABA<br />

macrophylla<br />

Lonchocarpus<br />

FABA<br />

cyanescens<br />

Lonchocarpus<br />

FABA<br />

sericeus<br />

TYPE<br />

MILIEU SOUSSOU POULAR LANDOUMA BAGA<br />

BIOLOGIQUE<br />

h J, S séréré timgbîn mtchînk<br />

NALOU ET<br />

AUTRES NOMS<br />

h J, S garè karè mpéckra<br />

as M sakha, saka afouroup mmafkèn<br />

A M, Bf<br />

FABA Millettia thonningii A J lènsè<br />

FABA Mimosa pudica h siranga<br />

FABA Mucuna pruriens L J bâgui, bagi baagui klô bagui mawortchatch<br />

FABA Pterocarpus erinaceus A+ J, S khari bani kitâï kitaaï n'silla<br />

FABA<br />

FICO<br />

HYPE<br />

HYPE<br />

HYPE<br />

Pterocarpus<br />

santaloides<br />

Sesuvium<br />

portulacastrum<br />

Harungana<br />

madagascariensis<br />

Psorospermum<br />

sp.(139)<br />

Psorospermum<br />

sp.(190)<br />

A Fg khamfè bani<br />

h M wonwonyi macoque<br />

a<br />

a J<br />

J, Fg,<br />

Fm, Pm<br />

wobé soungala komongne mköönde<br />

wobè loli, wobè<br />

sinnè<br />

a J guiné wobè<br />

soungala mtöö koondo<br />

ICAC Icacina senegalensis a J, S silla siila bonorou dambankin pinbinyi mfôl<br />

IRID Gladiolus sp. (1046) h S<br />

IRVIN Irvingia gabonensis A+ Fg<br />

64


FAMILLE NOM<br />

SCIENTIFIQUE<br />

Octhocosmus<br />

IXON<br />

africanus<br />

TYPE<br />

MILIEU SOUSSOU POULAR LANDOUMA BAGA<br />

BIOLOGIQUE<br />

A J marèntènyi kesâre<br />

LABI Hoslundia opposita L J khè khori sira sinièti<br />

LABI Solenostemon sp. h C, V, J<br />

LAUR Persea americana A V piya piya piya piya<br />

LILI Asparagus sp.(499) h (bul) J kaounkaoun<br />

LILI<br />

Chlorophytum<br />

sp.(526)<br />

h (bul) J sasalenyi<br />

LILI Gloriosa superba h (bul) J tirba<br />

LINA Hugonia sp.(745) L Fg<br />

LOGA Anthocleista nobilis A Fm, Fg<br />

LOGA Anthocleista procera A<br />

LOGA Strychnos sp.(480) L Fg<br />

LOGA Usteria guineensis L J<br />

Fm, Fg,<br />

pm<br />

disa wouri, koulé<br />

mataganyi<br />

bheydho<br />

modho<br />

koböle m'kôbôl<br />

NALOU ET<br />

AUTRES NOMS<br />

köboè gbéyébé n'gbèyabè<br />

LYTH Lawsonia inermis a V lâli lalé mbâl<br />

MALP<br />

Acridocarpus<br />

plagiopterus<br />

as J<br />

MALP Heteropteris leona a M kouroufi sakha<br />

MALV Gossypium veride h V barikeri, gesi soûkora tî tî<br />

MALV Hibiscus asper h C, V, J<br />

65


FAMILLE NOM<br />

SCIENTIFIQUE<br />

MALV Hibiscus esculentus h<br />

MALV Hibiscus sabdariffa a<br />

TYPE<br />

MILIEU SOUSSOU<br />

BIOLOGIQUE<br />

POULAR LANDOUMA BAGA<br />

V, C,<br />

J<br />

C, V,<br />

J<br />

soulenyi takou<br />

NALOU ET<br />

AUTRES NOMS<br />

santoui follèrè mantchiéne<br />

MALV Hibiscus sterculiifolius as J, Fm baminyi baami nassin n'ttokott<br />

MALV Hibiscus surattensis h J santoui follèrè mantchiéne<br />

MALV Sida acutiflora h C<br />

MALV Sida stipulata h C, V, J soré sörè malahâ<br />

MARA Hypselodelphys sp. h (bul) khötörogne kintefen<br />

MARA<br />

Marantochloa cf.<br />

cuspidata (296)<br />

MELA Memecylon sp. (709) h J<br />

MELI Azadirachta indica A V<br />

MELI Carapa procera A<br />

MELI Trichilia cf prieureana A Fg<br />

h J khötörogne kintefen<br />

Fv, Fm,<br />

Pm<br />

kasia<br />

khounkhouri<br />

MENI Triclisia cf patens L Fg firi förè<br />

cassia<br />

thièouko<br />

gobi tagbocktchira<br />

MIMO Albizia adianthifolia A J wasa maaro nay wassampe<br />

MIMO Albizia ferruginea cf A J wasa maaro nay wassampe<br />

MIMO Albizia zygia A J<br />

MIMO<br />

Cathormion<br />

altissimum<br />

A<br />

Fm, Fg,<br />

Pm<br />

tombo khari,<br />

wasa<br />

maaro nay ksamp kasambam massamp masip<br />

66


FAMILLE NOM<br />

SCIENTIFIQUE<br />

Dichrostachys<br />

MIMO<br />

glomerata<br />

MIMO Entada africana as M<br />

MIMO Entada gigas L Fg<br />

TYPE<br />

MILIEU SOUSSOU POULAR LANDOUMA BAGA<br />

BIOLOGIQUE<br />

NALOU ET<br />

AUTRES NOMS<br />

a J, S santè boullè bètè kampanségéri kiplikintchî mpinkîdi<br />

MIMO Newtonia cf (311) A Fg koulé néri<br />

MIMO Parkia biglobosa A+ J néri nété kbè tchiébbé myoûh<br />

MIMO<br />

Piptadeniastrum<br />

africanum<br />

A V k'tema (bs)<br />

MIMO Prosopis africana A S timmè thièlen tîmmè<br />

MIMO Samanea cf dinklagei A Fg wasa fikhè maaro nay<br />

MOLL Mollugo sp.(ADV39) h C, V, J<br />

MORA Antiaris africana A<br />

Fm, Fg,<br />

Pm<br />

tibi<br />

MORA Artocarpus altilis A+ V fout fout foute birééde foute<br />

MORA<br />

Artocarpus<br />

heterophyllus<br />

A+ V yaka yaka,caka yaka<br />

MORA Chlorophora excelsa A+ J, Fm simmè thimmè kitemo mtimèè<br />

MORA Dorstenia sp. (702) L Fg<br />

MORA Ficus capensis A J, S khödè djhibbè tounkinia mtankounia<br />

MORA Ficus exasperata A J, S nyöènyi gnègnè aragne<br />

MORA Ficus glumosa A<br />

J, Fm,<br />

Pm, Fg<br />

mraan,<br />

mmannanna<br />

67


FAMILLE NOM<br />

SCIENTIFIQUE<br />

MORA Ficus mucuso A<br />

MORA Ficus natalensis A<br />

MORA Ficus ovata A<br />

MORA Ficus platyphylla A<br />

MORA Ficus polita A<br />

MORA Ficus umbellata A<br />

MORA Myrianthus libericus A+ Fg<br />

MORA Myrianthus serratus A Fg<br />

MORA Treculia africana A+ Fg<br />

TYPE<br />

MILIEU SOUSSOU<br />

BIOLOGIQUE<br />

J, Fm,<br />

Pm, Fg<br />

POULAR LANDOUMA BAGA<br />

J, Fm, sökui<br />

Pm, Fg khounkhouri<br />

J, Fm,<br />

Pm, Fg<br />

J, Fm,<br />

Pm, Fg<br />

sokou, dégui<br />

dégui<br />

wounken<br />

J, Fm,<br />

Pm, Fg<br />

J, Fm,<br />

Pm, Fg<br />

dégui dégui<br />

MYRT Eugenia sp.(133) A V, Pl raisin raisin<br />

MYRT Psidium guajava A V kôbè ngoyâbè gbèyabè<br />

MYRT Syzygium guineense A S<br />

NYCT Boerhavia erecta<br />

kaayo,<br />

marentanyi<br />

khoukhouri<br />

NALOU ET<br />

AUTRES NOMS<br />

konkolgbougou kiucikidi mtchouh<br />

OCHN Lophira lanceolata A S mènè, gbessè malanga mènè mmènè<br />

OCHN Ochna sp.1 A Fg<br />

OCHN Ochna sp.2 A Fg<br />

68


FAMILLE NOM<br />

SCIENTIFIQUE<br />

OLAC Heisteria sp. (757) A Fg<br />

OLAC Olax subscorpioidea A Fg<br />

OLAC Strombosia cf (742) A Fg<br />

OLAC Ximenia americana A<br />

OLEA<br />

Jasminum<br />

dichotomum<br />

PAND Pandanus cadelabrum A Fg<br />

TYPE<br />

MILIEU SOUSSOU POULAR LANDOUMA BAGA<br />

BIOLOGIQUE<br />

J, Fm,<br />

Fg, Pm<br />

PASS Adenia sp. (713) L J, Fm<br />

PASS Passiflora edulis L V<br />

PASS<br />

PEDA<br />

PEDA<br />

PERI<br />

Smeathmannia<br />

pubescens<br />

Ceratotheca<br />

sesamoides<br />

Sesamum indicum<br />

(radiatum)<br />

Cryptolepis<br />

sanguinolenta cf.<br />

toumbè<br />

khirignakhi<br />

as Fg ksâr<br />

as<br />

J, Fm,<br />

Pm, Fg<br />

tökhölè, woronyi daaka sonko<br />

thabbhoulè kodè toofissa<br />

koutöe<br />

kamâsse<br />

NALOU ET<br />

AUTRES NOMS<br />

mbabtâne,<br />

malâpta<br />

h V, C salakhoui böiè, borè mböre<br />

h C, V, J diguiniènyi manunè mkinini<br />

L Fg<br />

POAC Andropogon gayanus h Bf, M yobanyi dioban yobanyi<br />

POAC Bambusa vulgaris h<br />

Fm, Pm,<br />

Bf, Fg<br />

tatami kèwè koussoule m'koussoul<br />

POAC Chloris pilosa h J maléfèrè kèbbè alandeen mmélfèrè<br />

POAC Coix lacryma gobi h M<br />

POAC Digitaria exilis h C foundengni fonyiè poundoun pindi<br />

69


FAMILLE NOM<br />

SCIENTIFIQUE<br />

POAC Echinochloa colona cf h M, Bf<br />

POAC Eleusine indica h M, Bf yengalè<br />

TYPE<br />

MILIEU SOUSSOU POULAR LANDOUMA BAGA<br />

BIOLOGIQUE<br />

NALOU ET<br />

AUTRES NOMS<br />

POAC Imperata cylindrica h J soolonyi plate mrantay<br />

POAC Olyra latifolia h<br />

POAC<br />

Oxytenanthera<br />

abyssinica<br />

J, Fg,<br />

Fm, Pm<br />

h J tatami kèwè<br />

POAC Paspalum vaginatum h M, Bf soufè<br />

POAC Pennisetum sp. h J kouli pouki tichèp kouli mtchiatan<br />

POAC Rottboellia exaltata h J, S kalè kalin kalé myâï<br />

POAC<br />

Saccharum<br />

officinarum<br />

h V khemounyi soukarkalo<br />

POAC Zea mays h V, C kabè kaaba kabagne mkaffe<br />

POLY<br />

GON<br />

POLY<br />

GALA<br />

Antigonon leptopus h V<br />

Securidaca<br />

longepedunculata<br />

a J loutou djoutou awoup<br />

RHIZ Anisophyllea laurina A J kantinyi kansi kakant'ch pekânne msougne<br />

RHIZ Rhizophora harrisonii A M kinsi fikhè yakantch kink'pin<br />

RHIZ Rhizophora mangle A M kinsi forè<br />

RHIZ Rhizophora racemosa A M<br />

RUBI Bertiera cf h<br />

70


FAMILLE NOM<br />

SCIENTIFIQUE<br />

TYPE<br />

MILIEU SOUSSOU POULAR LANDOUMA BAGA<br />

BIOLOGIQUE<br />

NALOU ET<br />

AUTRES NOMS<br />

RUBI Borreria compressa h C, V, J mama koumfikhè kempoulörè kempoulörè<br />

RUBI Borreria radiata h C, V, J<br />

RUBI Borreria scabra h C, V, J<br />

RUBI Canthium vensum a J<br />

RUBI<br />

RUBI<br />

RUBI<br />

Cephaëlis<br />

peduncularis<br />

Craterispermum<br />

laurinum<br />

Crossopteryx<br />

febrifuga<br />

a J, Fv fôton khôrè foton kôrè plawa n'tökôï<br />

a J<br />

mèkhèmèkhènyi,<br />

yayè<br />

A S mékian, mékinya bèlèndè gnakrigna<br />

RUBI Gardenia aqualla a S sii khignè<br />

kipouri guaranké wouri<br />

anoff,<br />

kengbonelo<br />

RUBI Gardenia ternifolia a S sily bitènyi klawwa<br />

RUBI Geophila sp. (699) h<br />

RUBI Ixora sp. (555) A Fg<br />

RUBI<br />

Macrosphyra<br />

longistylis<br />

J, Fm,<br />

Fg, Pm<br />

L J khamienyi<br />

RUBI Morelia senegalensis A Fg<br />

RUBI Morinda geminata A J<br />

RUBI Morinda lucida A J kintanki<br />

RUBI Mussaenda sp. (416) a J<br />

bomböè, wanda,<br />

kountonkon<br />

RUBI Mussaenda sp. (469) a J koumissosso koumissosso<br />

mpoupou<br />

bömböe kountonkou<br />

71


FAMILLE NOM<br />

SCIENTIFIQUE<br />

TYPE<br />

MILIEU SOUSSOU POULAR LANDOUMA BAGA<br />

BIOLOGIQUE<br />

RUBI Nauclea latifolia as J doundakhè doundoukè kdoundèkhè akoulkounta<br />

NALOU ET<br />

AUTRES NOMS<br />

mfôle, touba,<br />

baaté<br />

RUBI Nauclea pobeguinii A Fg pôpa moosl kamoaak<br />

RUBI Oxyanthus racemosus L J<br />

RUBI Pavetta cf crassipes L J<br />

RUBI Pavetta cf hispida L J<br />

RUBI Pavetta corymbosa L J<br />

RUBI Pavetta sp. (283) L J<br />

RUBI<br />

RUBI<br />

Roettmania<br />

whitefieldi<br />

Rytigynia<br />

senegalensis<br />

A Fg<br />

a J<br />

RUBI Rytigynia sp.194 a J, Fv ségété gbéli mgnekersitôte<br />

RUBI Sabicea sp .(293) L<br />

RUBI Sabicea sp .(486) L Fg<br />

RUBI Sabicea sp. (692) L Fg<br />

RUBI<br />

RUBI<br />

Sherbournia cf<br />

calycina<br />

Tricalysia cf<br />

gossweileri<br />

L Fg<br />

L J<br />

RUBI Tricalysia sp. (295) L J<br />

RUBI Tricalysia sp. (322) L J<br />

Fg, Fv,<br />

Pm, Fm<br />

72


FAMILLE NOM<br />

SCIENTIFIQUE<br />

TYPE<br />

MILIEU SOUSSOU POULAR LANDOUMA BAGA<br />

BIOLOGIQUE<br />

NALOU ET<br />

AUTRES NOMS<br />

RUTA Citrus limon A V, Pl mouloukhougni kathou sinimi mnimböör<br />

RUTA Citrus sinensis A V, Pl léfourè lémounè talagntchia noumbôl<br />

RUTA Fagara cf rubescens A Fg kankansan kitchiélliba mbâr<br />

RUTA Fagara sp. A Fg<br />

RUTA<br />

Zanthoxylum sp.<br />

(277)<br />

A Fg<br />

khourè<br />

kankansan<br />

SAPI Allophylus cobbe A J foutètè korndéala ktété petètè mtakarbéétch<br />

SAPI<br />

SAPI<br />

Cardiospermum<br />

grandiflorum<br />

Lecaniodiscus<br />

cupanioides<br />

L, h R bèndounyi<br />

A<br />

J, Fm,<br />

Fg, Pm<br />

SAPI Paullinia pinnata L J, Fm<br />

SAPO Malacantha alnifolia A J<br />

SAPO Manilkara alnifolia A J<br />

SAPO Manilkara obovata A<br />

SAPO Pachystela brevipes A Fg<br />

J, Fg,<br />

Fm, Pm<br />

SCRO Bacopa decumbens h C, V, J<br />

SCRO Bacopa erecta h M<br />

SELA Selaginella sp. h Bf fiféli<br />

SMIL Smilax kraussiana L J, S<br />

kèbè sattagha koukèbè kèbè mtchiömghrânne<br />

bèlèkhè solé<br />

souli<br />

kollidjoy kichiknopi drön<br />

lalawuri, manguè<br />

borè khamè<br />

klalawouri kiyöfyöffa mafakhaléou<br />

wolen wolenyi,<br />

wouli wouninyi<br />

goligoli akona krutemgren<br />

n'gara,<br />

msintarâpe<br />

73


FAMILLE NOM<br />

SCIENTIFIQUE<br />

TYPE<br />

MILIEU SOUSSOU POULAR LANDOUMA BAGA<br />

BIOLOGIQUE<br />

SOLA Capsicum frutescens L V, C gbèmgbè gnamakou markâte malkèt<br />

NALOU ET<br />

AUTRES NOMS<br />

SOLA Nicotiana sp. h V yèmbè yambakata m'tenka<br />

SOLA Physalis angulata a J khè khori sira<br />

STER Cola acuminata A Bf köla köla mköla<br />

STER Cola laurifolia A Bf köla goumbambè köla mköla<br />

STER Cola nitida A Fv, Bf kôla gôrö köla mköla<br />

STER Sterculia tragacantha A J<br />

TILI Christiana africana A Fg<br />

manguè borè,<br />

forikè, timba<br />

bourou<br />

bourou<br />

TILI Clappertonia ficifolia L J khouré baminyi Baami<br />

TILI Corchorus tridens h C, V, J<br />

TILI Triumfetta cordifolia L J, Fv mansoksok kèbbè<br />

TILI Triumfetta pentandra h C, V, J<br />

ULMA Trema guineensis L J<br />

VERB<br />

VERB<br />

Clerodendrum<br />

(sp.634, sp 814, sp<br />

183, sp 720)<br />

Clerodendrum<br />

capitatum<br />

L Fm, Pm firi forè<br />

L J<br />

VERB Gmelina arborea A V, Pl laförè wuri<br />

ktoksoulè keköfa<br />

massanksouk,<br />

antaankorkor massocksok<br />

74


FAMILLE NOM<br />

SCIENTIFIQUE<br />

TYPE<br />

MILIEU SOUSSOU POULAR LANDOUMA BAGA<br />

BIOLOGIQUE<br />

VERB Lantana camara L V ti tii<br />

VERB Tectona grandis A+ Pl, V laförè wuri<br />

VERB Vitex doniana A S kokou<br />

VERB Vitex madiensis L S<br />

VITA<br />

Cayratia (sp 286, sp<br />

552)<br />

VITA Cissus diffusiflora L<br />

VITA Cissus dinklagii L<br />

VITA Cissus sp.1 L<br />

VITA Cissus sp.2 L<br />

ZING<br />

Aframomum<br />

(sp.1000b, sp. 305) h<br />

ZING Costus afer h<br />

L Fg, Fm<br />

ZING Costus spectabilis h S<br />

ZING Tika sp. (1051) h S<br />

PTERIDO-<br />

PHYTES<br />

Acrostychum aureum L M<br />

kokou<br />

khounkhouri<br />

boummèl<br />

bâpèl<br />

pebagne<br />

NALOU ET<br />

AUTRES NOMS<br />

koukoui,<br />

msekere<br />

J, Fm,<br />

Fv, Pm<br />

J, Fm,<br />

Fv, Pm<br />

J, Fm,<br />

Fv, Pm<br />

bikini sanami<br />

J, Fm,<br />

Fv, Pm<br />

yata khorégbé<br />

J, Fm,<br />

Fv, Pm<br />

gogoé googo agbogbo mmâgbo<br />

Fm, Pm,<br />

sinkönyi<br />

Fg, Fv<br />

75


ANNEXE 2 : LISTES FAUNISTIQUES<br />

LISTE DES MAMMIFERES ET NOMS VERNACULAIRES DES ESPECES<br />

MAMMIFERE<br />

TERRESTRE<br />

MAMMIFERE<br />

TERRESTRE<br />

MAMMIFERE<br />

TERRESTRE<br />

MAMMIFERE<br />

TERRESTRE<br />

MAMMIFERE<br />

TERRESTRE<br />

MAMMIFERE<br />

TERRESTRE<br />

MAMMIFERE<br />

TERRESTRE<br />

MAMMIFERE<br />

TERRESTRE<br />

ORDRE FAMILLE NOM SCIENTIFIQUE NOM COMMUN SOUSSOU POULAR LANDOUMA BAGA BALLANTE NALOU<br />

Artiodactyl<br />

a<br />

Artiodactyl<br />

a<br />

Artiodactyl<br />

a<br />

Artiodactyl<br />

a<br />

Artiodactyl<br />

a<br />

Artiodactyl<br />

a<br />

Artiodactyl<br />

a<br />

Artiodactyl<br />

a<br />

Bovidae<br />

Tragelaphus<br />

scriptus<br />

Bovidae Sylvicapra grimmia<br />

Bovidae<br />

Cephalophus<br />

rufilatus<br />

Guib<br />

harnaché,<br />

antilope<br />

harnaché<br />

Bovidae Syncerus caffer Buffle<br />

Bovidae Kobus kob<br />

Bovidae<br />

Hippopotamidae<br />

Suidae<br />

Kobus<br />

ellipsiprymnus<br />

Hippopotamus<br />

amphibius<br />

Potamochoerus<br />

porcus<br />

Céphalophe<br />

couronné,<br />

Céphalophe<br />

de Grimm<br />

Céphalophe à<br />

flancs roux<br />

Cobe de<br />

Buffon<br />

kheli diaourè watchèck wètchèk awélo ma'chaff<br />

bolé<br />

forè<br />

bolé<br />

gbéli<br />

sèkhèningué<br />

toguèr<br />

è<br />

toguèr<br />

è<br />

hêda oban<br />

worre tor n'kère mout'ban<br />

worre tor n'kère mout'ban<br />

wanawad<br />

ope<br />

n'yanriwossa<br />

masigbèka<br />

-tongue<br />

dagbè kobba - alouck - n'solowoka<br />

Cobe défassa yalé doussa walouk verré - n'sila<br />

Hippopotame meli gabbî akane ambayess n'finfil mirrèbe<br />

Potamochère<br />

khosè<br />

gbeli<br />

kosèè<br />

whui<br />

agnanda asope<br />

koumbé<br />

hache<br />

mafeng<br />

sèha<br />

76


MAMMIFERE<br />

TERRESTRE<br />

MAMMIFERE<br />

TERRESTRE<br />

MAMMIFERE<br />

TERRESTRE<br />

MAMMIFERE<br />

TERRESTRE<br />

MAMMIFERE<br />

TERRESTRE<br />

MAMMIFERE<br />

TERRESTRE<br />

MAMMIFERE<br />

TERRESTRE<br />

MAMMIFERE<br />

TERRESTRE<br />

MAMMIFERE<br />

TERRESTRE<br />

MAMMIFERE<br />

TERRESTRE<br />

MAMMIFERE<br />

TERRESTRE<br />

ORDRE FAMILLE NOM SCIENTIFIQUE NOM COMMUN SOUSSOU POULAR LANDOUMA BAGA BALLANTE NALOU<br />

Artiodactyl<br />

a<br />

Suidae<br />

Carnivora<br />

Herpestida<br />

e<br />

Carnivora<br />

Herpestida<br />

e<br />

Phacocherus<br />

aethiopicus<br />

Carnivora Hyaenidae Crocuta crocuta<br />

Carnivora Mustelidae Aanyx capensis<br />

Phacochère du<br />

cap<br />

Atilax paludinosus Mangouste<br />

des marais<br />

Ichneumia<br />

Mangouste à<br />

albicauda<br />

queue blanche<br />

Hyène<br />

tachetée<br />

Loutre à joues<br />

blanches<br />

Carnivora Viverridae Viverra civetta Civette<br />

Carnivora Viverridae Genetta genetta<br />

Carnivora Viverridae Genetta tigrina<br />

Insectivor<br />

a<br />

Lagomorp<br />

ha<br />

MAMMIFERE<br />

TERRESTRE Primate<br />

Erinaceida<br />

e<br />

Leporidae<br />

Genette<br />

vulgaire<br />

Genette à<br />

grande tâche<br />

khoubin<br />

yé<br />

n'baba<br />

-ladè<br />

agnanda<br />

asop'gnar<br />

op<br />

koumbémone<br />

mafeng<br />

lahi baré - a'yentanè klna nam'nine machinguè<br />

pe<br />

layih<br />

baré<br />

- a'yantanè klna<br />

nam'<br />

nine<br />

machinguè<br />

pe<br />

khaloum<br />

a<br />

bonôro<br />

u<br />

miliguiyi baré<br />

dignan<br />

khoulou<br />

-massé<br />

khoulou<br />

-massé<br />

hhoulou<br />

-massé<br />

houlou<br />

-massé<br />

yobbo khalma n'wolou noupo<br />

doulouyangba<br />

akène<br />

kourouch<br />

a<br />

m'benque<br />

abataga kanda - noupo<br />

houlou<br />

massalé<br />

-massé<br />

tossoncké tafnafé m'tengben<br />

houlou<br />

massalé<br />

-massé<br />

tossoncké tafnafé m'tengben<br />

Atelerix sp. Hérisson - - - - - -<br />

Lepus saxatilis;<br />

Lepus crawshayi<br />

Pholidota Manidae Manis gigantea<br />

Cercopithecidae<br />

Papio papio<br />

Lièvre à oreille<br />

de lapin<br />

Pangolin<br />

géant<br />

Babouin de<br />

guinée<br />

yéré sariret boumbi torope n'kifah n'dinkètte<br />

khotè<br />

gokhi<br />

konson<br />

-wal<br />

ghokiro<br />

u<br />

horohonto<br />

n<br />

- - mouhousse<br />

atofoun atofine tchon mâ toufou<br />

77


MAMMIFERE<br />

TERRESTRE Primate<br />

MAMMIFERE<br />

TERRESTRE Primate<br />

MAMMIFERE<br />

TERRESTRE Primate<br />

MAMMIFERE<br />

TERRESTRE Primate<br />

MAMMIFERE<br />

TERRESTRE Primate<br />

MAMMIFERE<br />

TERRESTRE Primate<br />

MAMMIFERE<br />

TERRESTRE<br />

MAMMIFERE<br />

TERRESTRE<br />

MAMMIFERE<br />

TERRESTRE Primate<br />

ORDRE FAMILLE NOM SCIENTIFIQUE NOM COMMUN SOUSSOU POULAR LANDOUMA BAGA BALLANTE NALOU<br />

Cercopithecidae <br />

Cercopithecidae <br />

Cercopithecidae <br />

Cercopithecidae <br />

Cercopithecidae <br />

Cercopithecidae<br />

Cercopithecus<br />

(aethiops) sabaeus<br />

Cercopithecus<br />

(mona) mona<br />

Cercopithecus<br />

(mona) campbelli<br />

Cercopithecus<br />

(cephus)<br />

petaurista<br />

Cercopithecus<br />

diana<br />

Cercopithecus<br />

(erythocebus)<br />

patas<br />

Primate Colobidae Colobus polykomos<br />

Primate Colobidae Piliocolobus badius<br />

Galagonid<br />

ae<br />

Galago<br />

senegalensis<br />

Singe vert,<br />

Callitriche<br />

Cercopithèque<br />

mona<br />

Singe des<br />

palétuviers,<br />

Cercopithèque<br />

de Campbell<br />

Hocheur nezblanc<br />

Cercopithèque<br />

diane<br />

Singe rouge<br />

Colobe blanc<br />

et noir<br />

d'Afrique<br />

Occidental<br />

Colobe bai<br />

d'Afrique<br />

Occidental<br />

Galago du<br />

Sénégal<br />

koulé<br />

fihè,<br />

krissi<br />

koulé<br />

koulen kèrèppa engrate toudihi m'sèsèck<br />

koula<br />

bhodè<br />

- - - -<br />

- - - - - -<br />

koulé<br />

forè<br />

koulé<br />

koulé<br />

gbeli<br />

koularo<br />

u<br />

koula-<br />

kèro<br />

koula<br />

bhodè<br />

chahala<br />

atchackla<br />

ka<br />

touroumone<br />

m'fèfèckab<br />

ala<br />

kerèpa - tourou m'fèfèck<br />

n'bidewoulèn<br />

worobo<br />

tourouha<br />

ne<br />

- - - - - -<br />

krissi koulé adossi engrte -<br />

bingui<br />

binguirou<br />

m'fèfèck<br />

mangueritt<br />

e<br />

kèrèppa wèkre abacha m'sèsèck<br />

78


MAMMIFERE<br />

TERRESTRE<br />

MAMMIFERE<br />

TERRESTRE<br />

MAMMIFERE<br />

TERRESTRE<br />

MAMMIFERE<br />

TERRESTRE<br />

MAMMIFERE<br />

TERRESTRE Rodentia<br />

MAMMIFERE<br />

TERRESTRE<br />

MAMMIFERE<br />

MARIN<br />

ORDRE FAMILLE NOM SCIENTIFIQUE NOM COMMUN SOUSSOU POULAR LANDOUMA BAGA BALLANTE NALOU<br />

Primate Hominidae Pan troglodytes Chimpanzé demoui démoû<br />

-rou<br />

Rodentia Hystricida<br />

e<br />

Rodentia Sciuridae Euxerus<br />

erythropus<br />

Hystrix cristata Porc-épic sagalé<br />

Ecureuil<br />

fouisseur,<br />

Rat palmiste<br />

saghal<br />

dè<br />

khoriyè n'guro<br />

u<br />

Rodentia Sciuridae Xerus sp. Ecureuil yèdèhèh<br />

Tubulident<br />

ata<br />

Cétacé<br />

Thryonom<br />

yidae<br />

Orycterop<br />

odidae<br />

Delphinide<br />

a<br />

Thryonomys<br />

gregorianus<br />

Orycteropus afer Oryctérope kinfè<br />

Tursiops truncatus Dauphin<br />

souffleur<br />

youliro<br />

u,<br />

n'djold<br />

ou<br />

ademou aremi dare -<br />

alippe klippe tötèh mafah<br />

arobane slé chinhin<br />

toudorma<br />

ne<br />

toundorm<br />

a<br />

Agouti yènyè magna soubème debème<br />

foyè<br />

konson<br />

-wal<br />

höröhonto<br />

n<br />

- -<br />

adaroumou<br />

nè<br />

laou m'gbandé<br />

a'mèhèra macrope<br />

mafouctou<br />

m<br />

79


MAMMIFERE<br />

MARIN<br />

ORDRE FAMILLE NOM SCIENTIFIQUE NOM COMMUN SOUSSOU POULAR LANDOUMA BAGA BALLANTE NALOU<br />

Sirénien<br />

Trichechid<br />

ae<br />

Trichechus<br />

senegalensis<br />

Lamantin<br />

d'Afrique<br />

koumba koumb<br />

a<br />

- afou -<br />

m'mawawè<br />

sse<br />

80


LISTE DES REPTILES ET NOMS VERNACULAIRES DES ESPECES<br />

ORDRE FAMILLE NOM SCIENTIFIQUE<br />

REPTILE Crocodilia Crocodilid<br />

ae<br />

Crocodilus<br />

niloticus<br />

REPTILE Squamata Agamidae Agama agama<br />

REPTILE Squamata Boidae Phyton regius<br />

NOM<br />

COMMUN<br />

Crocodile<br />

du Nil<br />

Agame des<br />

colons, Petit<br />

margouillat<br />

Python<br />

royal<br />

REPTILE Squamata Boidae Phyton sabae Phyton<br />

REPTILE Squamata Chameleontidae<br />

SOUSSOU POULAR LANDOUMA BAGA BALLANTE NALOU<br />

doûni nöra - agboui - mafik<br />

kassa<br />

tinè<br />

gbéli/fik<br />

hè<br />

Chameleo spp. Caméléon kôlo<br />

REPTILE Squamata Colubridae Philothamnus sp. Serpent<br />

vert<br />

REPTILE Squamata Colubridae Gastropyxis<br />

smaragdina<br />

Serpent<br />

émeraude<br />

koulé<br />

sèguè<br />

bourakh<br />

è khindé<br />

REPTILE Squamata Colubridae Psammophis sp. Couleuvre wantèn<br />

gala<br />

REPTILE Squamata Elapidae Dendroaspis sp. Manba vert koulé<br />

sèguè<br />

pala<br />

doukè<br />

modhô<br />

ri<br />

dôgnor<br />

-gal<br />

koulé<br />

sèguè<br />

akèlè akatchè n'bil -<br />

nguiram<br />

alangatchè<br />

ne<br />

atchatwag<br />

al<br />

niram<br />

gnayim,<br />

niramgnafé<br />

ri<br />

sinhasse,<br />

sinmone<br />

msébèle<br />

(séha)<br />

arikène n'tonwane n'kognègn<br />

ème<br />

akissim ratforèt n'gboyani<br />

hâköri assope tossolet adémila hoff<br />

bambo<br />

ukalin<br />

koulé<br />

sèguè<br />

assongol kissöri -<br />

atchatwag<br />

al<br />

montongn<br />

a<br />

akissim ratforèt n'gboyani<br />

81


ORDRE FAMILLE NOM SCIENTIFIQUE<br />

REPTILE Squamata Elapidae Naja nigricollis<br />

NOM<br />

COMMUN<br />

Cobra<br />

cracheur<br />

REPTILE Squamata Lacertidae Lacerta spp. Lézard<br />

REPTILE Squamata Leptotyplo<br />

pidae<br />

Leptotyplops spp. Serpentminute<br />

SOUSSOU POULAR LANDOUMA BAGA BALLANTE NALOU<br />

bîda fintöri bîda bîda n'kémète n'kémète<br />

bomboli<br />

ka<br />

kolo<br />

yalakha<br />

nbangni<br />

REPTILE Squamata Varanidae Varanus niloticus Varan du Nil séguéri<br />

REPTILE Squamata Viperidae Bitis sp. Vipère<br />

REPTILE<br />

REPTILE<br />

REPTILE<br />

Testudinita<br />

, chelonia<br />

Testudinita<br />

, chelonia<br />

Testudinita<br />

, chelonia<br />

Cheloniida<br />

e<br />

Cheloniida<br />

e<br />

Lepidochelys<br />

olivacea<br />

Chelonia mydas<br />

Emididae Emys sp.<br />

Tortue<br />

olivâtre<br />

Tortue<br />

verte<br />

Tortue<br />

terrestre<br />

tamba<br />

loumbé<br />

pala<br />

moulou<br />

-kou<br />

kolo<br />

yalakh<br />

anbang<br />

ni<br />

sagariwal<br />

agbongbol kambanbar n'dissolo magnôla<br />

alagassèn asgnal ratmone n'sissèbala<br />

assèlè assèle assomba mafèm<br />

koûrari doff doff n'forème n'forède<br />

- - - - - -<br />

yéma<br />

kourè<br />

darama<br />

kourè<br />

kékou<br />

n'diyan<br />

kékouwal<br />

atchankre<br />

yandimant<br />

e<br />

atchakar n'kobor<br />

atchankre koumbène niobor<br />

n'koubour<br />

kadab<br />

n'koubour<br />

ou<br />

82


POPULATIONS ANIMALES ET UTILISATIONS DE QUELQUES ESPECES<br />

ESPECE HABITAT<br />

REGIME<br />

ALIMENTAIRE<br />

Aanyx capensis mangrove Piscivore<br />

MODE<br />

DE VIE<br />

groupe<br />

familial<br />

EVALUATION<br />

DES<br />

POPULATIONS<br />

commun<br />

PROTECTION<br />

Protection<br />

réglementaire<br />

CHASSE<br />

ET<br />

ALIMENTATION<br />

UTILISATIONS<br />

(HORS ALIMENTAIRE)<br />

oui Sorcellerie (peau)<br />

Agama agama - - solitaire Non - -<br />

Atelerix sp. savane Insectivore solitaire Non -<br />

Atilax paludinosus<br />

forêtgalerie,<br />

mangrove<br />

Carnivore solitaire commun Non<br />

Bitis sp. - Carnivore solitaire Non<br />

Cephalophus<br />

rufilatus<br />

Cercopithecus<br />

(aethiops) sabaeus<br />

Cercopithecus<br />

(cephus) petaurista<br />

Cercopithecus<br />

(erythocebus) patas<br />

Cercopithecus<br />

(mona) campbelli<br />

savanes<br />

boisées<br />

habitats<br />

boisés<br />

forêtgalerie<br />

Herbivore<br />

solitaire/<br />

en couple<br />

Omnivore grégaire<br />

Chasse avec<br />

permis<br />

Tabou<br />

alimentaire<br />

Viande très<br />

appréciée<br />

Protection des<br />

hommes<br />

(venimeux)<br />

Viande très<br />

appréciée<br />

Occasionnelle,<br />

viande peu<br />

appréciée<br />

Frugivore - - Non - -<br />

savane Herbivore grégaire commun Non -<br />

forêtgalerie<br />

et<br />

mangrove<br />

Omnivore grégaire<br />

Artisanat (peau)<br />

-<br />

Artisanat (peau)<br />

Sorcellerie et<br />

religion (peau,<br />

corne)<br />

-<br />

83


ESPECE HABITAT<br />

Cercopithecus<br />

(mona) mona<br />

forêtgalerie<br />

et<br />

mangrove<br />

Cercopithecus diana forêtgalerie<br />

REGIME<br />

ALIMENTAIRE<br />

MODE<br />

DE VIE<br />

EVALUATION<br />

DES<br />

POPULATIONS<br />

PROTECTION<br />

CHASSE<br />

ET<br />

ALIMENTATION<br />

Omnivore grégaire - Non - -<br />

Omnivore grégaire - Non - -<br />

Chameleo spp. - Insectivore solitaire Non -<br />

Chelonia mydas<br />

Colobus polykomos<br />

mer<br />

côtière<br />

forêtgalerie<br />

Herbivore<br />

solitaire<br />

Crocodilus niloticus mangrove Carnivore solitaire<br />

en forte<br />

diminution<br />

en forte<br />

diminution<br />

Crocuta crocuta savane Carnivore groupe très rare Non<br />

Dendroaspis sp.<br />

zone<br />

boisée et<br />

humide;<br />

arboricole<br />

Euxerus erythropus savane Herbivore solitaire<br />

Galago senegalensis<br />

Gastropyxis<br />

smaragdina<br />

savane,<br />

palmeraie,<br />

forêtgalerie<br />

Carnivore solitaire Non<br />

très<br />

abondant<br />

Omnivore grégaire commun Non<br />

- - solitaire Non<br />

Genetta genetta savane Carnivore abondant<br />

Protection<br />

réglementaire<br />

Protection<br />

réglementaire<br />

?<br />

Protection<br />

réglementaire<br />

- -<br />

- -<br />

Capture rare<br />

mais viande<br />

consommé<br />

Protection des<br />

hommes<br />

(venimeux)<br />

Chassé par<br />

les enfants<br />

Viande non<br />

consommé<br />

Protection des<br />

hommes<br />

(venimeux)<br />

UTILISATIONS<br />

(HORS ALIMENTAIRE)<br />

Vente de la peau sur<br />

les marchés de<br />

Conakry<br />

-<br />

-<br />

-<br />

-<br />

Oui Sorcellerie (peau)<br />

84


ESPECE HABITAT<br />

Genetta tigrina<br />

Hippopotamus<br />

amphibius<br />

Hystrix cristata<br />

Kobus<br />

ellipsiprymnus<br />

Forêtgalerie,<br />

savane à<br />

ilôts<br />

boisés<br />

point<br />

d'eau<br />

profond et<br />

calme<br />

jachères,<br />

savanes<br />

REGIME<br />

ALIMENTAIRE<br />

MODE<br />

DE VIE<br />

EVALUATION<br />

DES<br />

POPULATIONS<br />

Carnivore abondant<br />

Herbivore<br />

Herbivore<br />

savane Herbivore<br />

Kobus kob savane Herbivore<br />

Orycteropus afer<br />

Pan troglodytes<br />

Papio papio<br />

Phyton regius<br />

jachères,<br />

savanes<br />

forêtgalerie,<br />

palmeraie,<br />

savane<br />

arborée<br />

savane et<br />

jachères<br />

zone<br />

boisée, de<br />

préférence<br />

en savane<br />

mâle<br />

solitaire/<br />

en groupe<br />

groupe<br />

familial<br />

mâle<br />

solitaire/en<br />

groupe<br />

mâle<br />

solitaire/en<br />

groupe<br />

rare<br />

Insectivore solitaire rare<br />

rare, en<br />

forte<br />

diminution<br />

très rare<br />

très rare<br />

Omnivore grégaire commun<br />

Omnivore grégaire<br />

Carnivore solitaire<br />

rare, en<br />

forte<br />

diminution<br />

en forte<br />

diminution<br />

PROTECTION<br />

Protection<br />

réglementaire<br />

Protection<br />

réglementaire<br />

et croyances<br />

locales<br />

Non<br />

Chasse avec<br />

permis<br />

Chasse avec<br />

permis et<br />

taxe<br />

Chasse avec<br />

permis et<br />

taxe<br />

Protection<br />

réglementaire<br />

et croyances<br />

locales<br />

Protection<br />

réglementaire<br />

et croyances<br />

locales<br />

Protection<br />

réglementaire<br />

CHASSE<br />

ET<br />

ALIMENTATION<br />

UTILISATIONS<br />

(HORS ALIMENTAIRE)<br />

Oui Sorcellerie (peau)<br />

Rare -<br />

Viande très<br />

appréciée<br />

Oui -<br />

Oui -<br />

Capture rare<br />

Non -<br />

Capture<br />

occasionnelle<br />

Capture<br />

occasionnelle<br />

Usages médicinaux<br />

(épines, gros<br />

intestin et queue)<br />

Sorcellerie (petit<br />

doigt de la patte<br />

gauche)<br />

Animal de<br />

compagnie (vente à<br />

Conakry et<br />

Kamsar))<br />

Vente, artisanat<br />

(peau)<br />

85


ESPECE HABITAT<br />

Potamochoerus<br />

porcus<br />

jachères,<br />

savanes,<br />

forêtgalerie<br />

REGIME<br />

ALIMENTAIRE<br />

MODE<br />

DE VIE<br />

Omnivore groupe<br />

EVALUATION<br />

DES<br />

POPULATIONS<br />

très<br />

abondant<br />

PROTECTION<br />

Tabou<br />

alimentaire<br />

CHASSE<br />

ET<br />

ALIMENTATION<br />

Oui -<br />

Sylvicapra grimmia savane Herbivore commun Non Oui -<br />

Syncerus caffer savane Herbivore en groupe très rare Non Oui -<br />

Thryonomys<br />

gregorianus<br />

Tragelaphus<br />

scriptus<br />

Trichechus<br />

senegalensis<br />

Varanus niloticus<br />

savane,<br />

forêtgalerie,<br />

jachères<br />

Herbivore en groupe<br />

très<br />

abondant<br />

Non<br />

savane Herbivore solitaire commun Non Oui<br />

mangrove Piscivore<br />

Forêtgalerie<br />

solitaire/<br />

en couple<br />

commun<br />

Protection<br />

réglementaire<br />

et croyances<br />

locales<br />

Très rare -<br />

Omnivore solitaire Non Capture rare -<br />

UTILISATIONS<br />

(HORS ALIMENTAIRE)<br />

Usages médicinaux<br />

(viande)<br />

Sorcellerie (cornes,<br />

peau)<br />

Usages médicinaux<br />

86


LISTE DES OISEAUX OBSERVES EN MANGROVE<br />

ACCIPITRIDAE<br />

Gypohierax angolensis<br />

Vautour palmiste<br />

ALCEDINIDAE<br />

Ceryle rudis<br />

Martin pêcheur-pie<br />

ARDEIDAE<br />

Ardea cinerea<br />

Héron cendré<br />

Ardea goliath<br />

Héron goliath<br />

Ardea melanocephala<br />

Héron mélanocéphale<br />

CHARADRIIDAE<br />

Arenaria interpres<br />

Tournepierre à collier<br />

Calidris alba<br />

Bécasseau sanderling<br />

Calidris sp.<br />

Bécasseau cf.<br />

Charadrius hiaticula<br />

Grand gravelot<br />

Charadrius marginatus<br />

Pluvier à front blanc<br />

FALCONIDAE<br />

Falco cuvieri<br />

Hobereau africain<br />

LARIDAE<br />

Larus ridibundus<br />

Mouette rieuse<br />

Larus cirrhocephalus<br />

Mouette à tête grise<br />

MEROPIDAE<br />

Merops persicus<br />

Guépier de perse<br />

PELECANIDAE<br />

Pelecanus rufescens<br />

Pélican gris<br />

Milvus migrans<br />

Milan noir<br />

Ceryle maxcima<br />

Martin pêcheur géant<br />

Ardea purpurea<br />

Héron pourpré<br />

Egretta alba<br />

Grande aigrette<br />

Egretta egretta<br />

Aigrette garzette<br />

Charadrius alexandrinus<br />

Gravelot à collier interrompu<br />

Limosa limosa<br />

Barge à queue noire<br />

Limosa lapponica<br />

Barge rousse<br />

Numenius arquata<br />

Courlis cendré<br />

Numenius phaeopus<br />

Courlis corlieu<br />

Sterna maxima<br />

Sterne royale<br />

Sterna caspia<br />

Sterne caspienne<br />

Padnion haliaetus<br />

Balbuzard pêcheur<br />

Halcyon malimbica<br />

Martin chasseur à poitrine bleu<br />

Egretta gularis<br />

Aigrette dimorphe<br />

Ixobrichus minutus<br />

Blongois nain<br />

Scopus umbretta<br />

Ombrette<br />

Philomachus pugnax<br />

Chevalier combattant<br />

Tringa hypoleucos<br />

Chevalier guignette<br />

Tringa ochropus<br />

Chevalier cul-blanc<br />

Tringa totanus<br />

Chevalier gambette<br />

Sterna hirundo<br />

Sterne pierregarin<br />

87


PHALACROCORACIDAE<br />

Phalacrocorax africanus<br />

Cormoran africain<br />

PHOENICOPTERIDAE<br />

Phoenicopterus ruber<br />

Flamant rose<br />

THRESKIORNITHIDAE<br />

Threskriornis aethiopica<br />

Ibis sacré<br />

Platalea alba<br />

Spatule d’Afrique<br />

88


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

LE DROIT FONCIER TRADITIONNEL<br />

EN GUINEE MARITIME<br />

89


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

1 DES SPECIFICITES TERMINOLOGIQUES TERRITORIALES<br />

1.1 SPECIFICITE DES TERMES UTILISES EN CULTURE SUR BRULIS<br />

1.1.1 Parcelle<br />

Espace individuel de culture sur brûlis. Les parcelles sont des parties situées à<br />

l'intérieur des domaines lignagers ou non. En outre, l'espace peut être sans limite active<br />

interne (voir ci-dessous) c’est à dire sans parcelle acquise ni domaine détenu par des<br />

groupes composants le village. La parcelle et le domaine n’ont alors qu'une existence<br />

momentanée.<br />

1.1.2 Domaine<br />

Les surfaces de culture en zones sèches (cultures sur brûlis) sur lesquelles le<br />

lignage, la famille étendue ou le village exercent leur droit d'usage, sous la tutelle d'un aîné<br />

dont l'autorité se limite à la mise en œuvre des cultures.<br />

Il existe 2 types de domaines :<br />

- ceux où les parcelles sont prédécoupées: l'aîné établi (AE) du lignage a alors<br />

pour rôle de désigner le domaine à cultiver chaque année (ou de valider l'avis de<br />

personnes de confiance); au sein de ce domaine, chaque dépendant de l'AE utilise<br />

son dd'u sur la parcelle qui lui revient durablement; les limites entre domaines et<br />

parcelles sont actives et durables;<br />

- ceux qui sont sans limites internes: en plus de désigner le domaine, l'AE<br />

découpe chaque année les parcelles qui sont attribuées aux familles et aux individus<br />

du groupe en fonction de la taille des unités domestiques. Seules les limites du<br />

domaine sont durables et actives.<br />

1.2 SPECIFICITE DES TERMES UTILISES EN CULTURE DE MANGROVE<br />

1.2.1 Casier<br />

Espace individuel de riziculture de mangrove. Le terroir rizicole est organisé par<br />

lignages ou par groupement de lignages ou par quartiers. Il s'agit de grands ensembles<br />

historiquement appropriés par des groupes (de parents ou locaux). Par contre, les casiers<br />

sont utilisés individuellement, chacun choisissant chaque année son lieu de culture parmi<br />

les casiers qu'il a acquis et qu'il a reçus de son aîné établi.<br />

Il n'existe pas de domaine en culture de mangrove. Les terres individuelles (casier<br />

ou parcelles) des membres d'un lignage peuvent être extrêmement dispersées, sur des<br />

territoires ou domaines d'autres lignages.<br />

2 LES TYPES DE DROITS<br />

Dans les zones étudiées, on peut distinguer 3 types de droits fonciers qui, selon les<br />

cas, se juxtaposent ou se superposent :<br />

- des droits "éminents" qui correspondent à un accord "moral" entre les<br />

premiers occupants des lieux et les forces de la Surnature qui contrôlaient ces lieux<br />

avant les premières arrivées humaines,<br />

90


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

- des droits d'usage (dd'u) qui permettent à des groupes ou à des individus<br />

d'utiliser légitimement les terres qui leur ont été attribuées par les titulaires de<br />

droits éminents sous le contrôle de ces titulaires qui pourraient, le cas échéant, les<br />

expulser ;<br />

- des droits de propriété, de nature individuelle qui ne sont l'objet d'aucune<br />

limitation d'origine externe, sauf celles qui pourraient provenir des lois générales du<br />

pays.<br />

Les droits éminents et les dd'u appartiennent à la logique du droit traditionnel et<br />

constituent la base de son fonctionnement, alors que la "propriété" est du domaine du droit<br />

foncier moderne.<br />

Il existe aussi un cas de figure qui ne résulte pas d'un droit acquis, mais correspond<br />

à une situation imposée sans aucun support juridique: l'occupation de fait qui ne s'appuient<br />

sur aucun droit.<br />

Nous envisagerons aussi le cas de l'accès surveillé.<br />

2.1 LES DROITS EMINENTS<br />

Le terme est utilisé dans la littérature juridique concernant notamment l'Afrique<br />

pour désigner les droits fonciers qui ont leur origine dans les contrats autrefois établis<br />

entre les "génies", premiers occupants des lieux, et les premiers hommes qui s'y sont<br />

installés. On parle plutôt, en Guinée, de "diables", mais nous préférons ici le terme "génie"<br />

moins chargé de connotations péjoratives, car les "génies" sont nombreux et divers,<br />

certains sont bienveillants et cherchent à favoriser la vie des hommes. Les génies ont donc<br />

"autorisé" les hommes à s'installer. Les premiers arrivants et leurs descendants directs ont<br />

le devoir de respecter et de faire respecter les termes des clauses autrefois établies avec<br />

les "génies".<br />

Il s'agit toujours d'un droit collectif établi entre le "collectif" des "génies" présents et<br />

le groupe qui s'installe, un lignage en général, même si, dans l'établissement de l'accord, le<br />

lignage est représenté par son chef et même si le lieu choisi a généralement été découvert<br />

par un individu isolé ou par un petit nombre d'individus (un ou plusieurs chasseurs, par<br />

exemple) qui ont attiré le reste du groupe.<br />

Le droit éminent peut être considéré comme un droit situé en amont des dd'u. Le<br />

titulaire de ce droit peut l'utiliser lui-même, et peut aussi donner des dd'u à un groupe<br />

d'arrivants sur une partie du territoire.<br />

Dans la logique traditionnelle, cela leur donne un droit de contrôle sur les nouveaux<br />

arrivants, droit qui n'est pas entièrement dépourvu d'un certain pouvoir de manipulation.<br />

De façon générale, on peut imposer certaines clauses aux nouveaux arrivants qui se<br />

sentent moralement obligés de les accepter pour ne pas heurter de front l'autorité du<br />

groupe localement dominant (motif souvent déterminant).<br />

Il existe des cas dans lesquels le groupe fondateur partage son territoire et cède<br />

ainsi son droit éminent sur une partie du territoire villageois, ou encore, perd son droit par<br />

prise de pouvoir de la part d'un autre lignage installé plus tardivement ou à travers un<br />

rapport de force impliqué par la quantité sociale.<br />

91


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Le droit éminent peut donc se définir comme un droit, fondé sur l'histoire mythique<br />

d'un lieu, qui permet aux premiers occupants d'attribuer, au nom des génies locaux, des<br />

droits d'usage à de nouveaux arrivants et d'exercer un certain nombre de contrôles sur la<br />

manière dont ces nouveaux arrivants mettent en pratique leur droit d'usage. En général, le<br />

groupe est localement assez fort, grâce à sa taille, à sa cohésion et à ses alliances, pour<br />

contraindre de nouveaux arrivants à agir comme il convient aux intérêts de la collectivité<br />

en général et aux intérêts du groupe localement dominant en particulier. Ce contrôle peut<br />

aller jusqu'à l'expulsion de nouveaux arrivants qui refuseraient d'accepter les règles<br />

imposées.<br />

L'attribution du dd'u à de nouveaux arrivants n'affaiblit pas le droit éminent<br />

conservé intact par le groupe qui en bénéficie. L'aîné établi est le représentant de son<br />

groupe dans tout ce qui concerne le DE ou la transmission d'un dd'u, mais c'est le groupe<br />

tout entier qui est propriétaire en fait. A l'échelle d'un village le rôle de l'aîné du lignage<br />

fondateur est essentiel dans les litiges relatifs au foncier et, même, dans la prévention de<br />

ces litiges, par sa connaissance des évènements qui, parfois depuis plusieurs générations,<br />

ont jalonné l'histoire foncière du groupe. Son savoir est même invoqué comme argument<br />

d'autorité.<br />

2.2 LES DROITS D'USAGE<br />

2.2.1 Généralités sur les droits d'usage<br />

Les dd'u peuvent être délégués par leurs détenteurs à plusieurs niveaux :<br />

- à un premier niveau, par les détenteurs du DE eux-mêmes qui les délèguent<br />

à des parents, des alliés, ou à des étrangers;<br />

- à un second niveau, par les premiers détenteurs de dd'u qui peuvent, sous<br />

certaines conditions (par exemple, informer les titulaires du DE), les déléguer à<br />

d'autres parents, alliés ou étrangers,<br />

- à d'autres niveaux successifs, par d'autres détenteurs indirects qui, à leur<br />

tour, attribuent de nouveaux dd'u à de nouveaux arrivants.<br />

On se trouve alors en présence de « couches successives » de dd'u délégués,<br />

comparables à des strates ou à des horizons géologiques. Quand tout se passe bien, ces<br />

« couches » du foncier finissent par être largement oubliées. En cas de litige, les<br />

arguments « juridiques » ont d'autant plus de force qu'on se rapproche de la première<br />

couche et des droits fonciers accordés initialement par les génies aux premiers occupants,<br />

ainsi que des accords anciens entre les divers groupes qui sont arrivés dans les premiers<br />

temps de l'installation. En principe, les arguments juridiques relatifs à ces accords anciens<br />

sont les plus forts. En réalité, les situations concrètes sont plus compliquées et les<br />

argumentations en cas de conflit s'appuient plus sur des rapports de force nés dans<br />

d'autres conditions que sur la simple logique juridique. En particulier, le pouvoir d'expulser<br />

des usagers peu conformes aux normes est plus théorique que réel.<br />

Dans la réalité, on distingue au minimum 3 types de couches:<br />

- Couche 1<br />

92


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Elle correspond au droit éminent du premier arrivant, obtenu grâce à un pacte avec<br />

les génies qui autorise sa présence. Grande force morale du lien, pourtant très flou, entre<br />

détenteur du DE et forces de la Surnature.<br />

- Couche 2<br />

Elle peut correspondre à l'autorisation de défricher donnée par le groupe titulaire du<br />

droit éminent aux arrivants successifs qui lui en font la demande.<br />

- Couche 3<br />

Ces arrivants successifs, directement autorisés par le groupe titulaire du droit<br />

éminent, peuvent, s'ils le jugent bon, accorder un dd'u à de nouveaux arrivants, parents ou<br />

étrangers, sous la forme, la plupart du temps, d'un droit de défricher.<br />

- Couche 4<br />

Les détenteurs de dd'u peuvent encore les transmettre à de nouveaux arrivants y<br />

compris à des étrangers. On peut parler de dd'u au second degré, voire au troisième degré.<br />

Le lien devient plus faible et plus facilement récusable.<br />

- Couche 5… etc.<br />

Par ailleurs, il semble que l'on puisse considérer au moins 3 types de dd'u en les<br />

distinguant selon l'intensité des droits qu'ils confèrent à leur détenteur :<br />

- un dd'u précaire, à durée déterminée et brève en général.<br />

- un dd'u imprescriptible qui est peu sujet à contestation et qui s'étend au<br />

moins sur toute la durée d'une vie.<br />

- un dd'u "consolidé" qui s'étend sur la très longue durée et n'est plus l'objet<br />

d'aucune contestation; il appartient aux groupes anciennement implantés et,<br />

quelquefois, au groupe fondateur exclusivement, il se distingue peu, nous le<br />

verrons, d'un droit de propriété pur et simple.<br />

Parmi ces dd'u, certains sont collectifs (attribués au groupe lignager dans son<br />

ensemble), d'autres concernent une petite collectivité, comme un ménage (le chef de<br />

ménage, son épouse et ses enfants), d'autres, enfin, sont individuels. Ces droits peuvent<br />

être transmis au sein d'une même unité de parenté (lignage, famille étendue, famille<br />

nucléaire) par héritage ou par délégation. Ils peuvent aussi être transmis par délégation<br />

d'une unité de parenté à une autre, voire à un individu non parent.<br />

Tous les dd'u sont, en principe révocables par l'autorité qui les a attribués (y<br />

compris, en théorie, les dd'u consolidés, la "révocation" pouvant s'exprimer par une série<br />

de malheurs qui indiquent que les génies ont cessé d'accorder leur protection. En principe,<br />

ils ne peuvent pas, non plus, faire l'objet de transactions monétaires.<br />

93


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

2.2.2 Les divers types de droit d'usage<br />

2.2.2.1 Un droit d'usage précaire<br />

Le dd'u précaire ne découle pas d'une obligation. Il peut être attribué à n'importe<br />

quelle personne qui en fait la demande sur les terres contrôlées par un chef de lignage ou<br />

même, plus fréquemment, par le titulaire d'un dd'u consolidé. La demande donne lieu à<br />

une négociation. Le dd'u précaire porte sur une durée courte. Il peut être attribué :<br />

- à un lignage nouvellement arrivé qu'on connaît encore mal: on attend de le<br />

voir à l'œuvre pour savoir si le groupe peut lui attribuer sa confiance,<br />

- à des étrangers arrivés déjà depuis quelque temps mais dont on ne souhaite<br />

pas que, en restant trop longtemps sur la même terre, il finisse par transformer un<br />

dd'u provisoire en dd'u consolidé,<br />

- à un individu qui manque de terre et qui désire cultiver en deuxième année<br />

sur la parcelle d'un tiers.<br />

Ce droit est révocable et peut être accompagné de clauses qui le rendent très<br />

proches d'un contrat de location.<br />

2.2.2.2 Un droit d'usage imprescriptible<br />

Ce droit se distingue du précédent principalement par le fait qu'il n'a pas à être<br />

négocié car il constitue un droit imprescriptible pour celui qui en bénéficie. Il est<br />

généralement de courte durée mais ce n'est pas toujours le cas (par exemple quand le<br />

droit est accordé à une épouse), on peut dire que l’acquéreur décide en partie de son<br />

temps d’occupation. C’est un droit « contextuel », dans le sens où l’échange s’effectue<br />

entre un donneur précis et des individus en position d’ayants droit, dans le cadre d’entités<br />

sociales bien circonscrites :<br />

- des membres d'un lignage (notamment par l'intermédiaire des chefs de<br />

familles) qui peuvent recevoir ce droit de leur chef de lignage (dans le cas des<br />

domaines non prédécoupés).<br />

- des membres d'une famille: le chef de famille peut transmettre ce droit à un<br />

fils qui n'est pas encore marié mais qui est manifestement apte à travailler er<br />

désireux de le faire. Par exemple, à la naissance d'un garçon, son père peut lui<br />

réserver un casier ou une terre à défricher qu'il lui attribuera définitivement avec<br />

droit consolidé, le jour où, s'étant marié, il deviendra chef de ménage.<br />

En attendant, selon les besoins de l'unité familiale de production, cette parcelle, ou<br />

ce casier, pourra être confié(e) à un autre membre de la famille ou du ménage, souvent,<br />

par exemple, à la mère (du garçon.), aux filles en attente de se marier et de devenir<br />

femme, et aux femmes auxquelles le mari est tenu de fournir des terres pour cultiver,<br />

durant toute sa vie. La demande ne peut être refusée.<br />

2.2.2.3 Un droit d'usage consolidé<br />

Au niveau lignager<br />

94


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

L'attribution des dd'u consolidés est effectuée sur le territoire et sur les terres dont<br />

dispose le lignage fondateur. Elle peut être effectuée par le lignage fondateur ou par un<br />

autre lignage déjà détenteur d'un dd'u consolidé. Ce dernier a cependant besoin de l'accord<br />

du ou des lignage(s) donateur(s) en remontant jusqu'au lignage détenteur du DE.<br />

L'attribution est ancienne même si elle ne remonte plus au temps de la fondation du<br />

village. Elle n'est pas limitée dans temps. Il est admis que, à la mort du chef de lignage<br />

détenteur du dd'u consolidé, ce droit sera retransmis sans autre complication à son héritier<br />

(dans la succession de l'aînesse établie). Si le détenteur du dd'u mourait en ne laissant<br />

aucun membre de son groupe, l'espace considéré reviendrait au groupe qui avait autrefois<br />

attribué ce dd'u. A notre connaissance, ce cas reste purement théorique.<br />

Le droit d'usage est :<br />

- détenu symboliquement par le chef de lignage,<br />

- transmissible aux héritiers sans autre formalité,<br />

- reconnu par tous les villageois.<br />

Il laisse l'autonomie de gestion des parcelles exploitées aux détenteurs du dd'u,<br />

mais il ne leur permet pas de faire n'importe quoi sur ces parcelles. En particulier, le mode<br />

d'exploitation ne doit pas porter atteinte aux intérêts des autres membres de la société<br />

locale.<br />

Le dd'u ne serait pas transmissible à un tiers (groupe ou individu) sans l'accord du<br />

groupe qui l'avait autrefois transmis. Il suffirait, semble-t-il, que ce groupe soit prévenu et<br />

qu'il n’ait aucune raison de s'opposer à l'arrivée du nouveau venu.<br />

Au niveau du ménage<br />

Un chef de ménage peut avoir reçu de son chef de lignage un dd'u « à vie » sur une<br />

parcelle faisant partie de l'espace qu'il est autorisé à contrôler (le plus souvent par<br />

défrichage). A défaut, il peut avoir reçu ce droit d'un autre chef de ménage (casier ou<br />

parcelle déjà défriché) ou du chef d'un autre lignage. Dans ces deux derniers cas,<br />

l'acquisition du droit tend à se monétariser sur certains sites. Le nouveau titulaire de ce<br />

droit se comportera alors presque exactement comme s'il était propriétaire, au sens<br />

moderne, de sa parcelle (autonomie de gestion, transmission par héritage…). Les deux<br />

situations ne sont pourtant pas absolument identiques. Elles diffèrent sur au moins deux<br />

points :<br />

- Le chef de lignage peut reprendre / révoquer le dd'u si le chef de ménage<br />

meurt sans héritiers, ou s'il a gravement désobéi à la discipline collective de son<br />

groupe lignager.<br />

- Le titulaire du dd'u ne peut, en principe vendre sa parcelle, ni l'aliéner sans<br />

l'accord de son chef de lignage et des autres membres de son lignage. S'il le faisait,<br />

il pourrait déclencher des conflits qui nuiraient gravement à son intégration sociale.<br />

Par contre, comme un droit de propriété moderne,<br />

- il n'est pas contestable par un tiers,<br />

95


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

- les détenteurs du dd'u consolidé sont entièrement libres de leur gestion et de<br />

leurs choix d'exploitation sous la seule réserve de ne pas porter atteinte directe aux<br />

intérêts des exploitations voisines (par exemple, construire une prise d'eau qui<br />

priverait d'eau tout le voisinage, agir directement contre un interdit local<br />

unanimement respecté).<br />

- A sa mort son (ses) fils en héritera (ont).<br />

Le chef de ménage a reçu son dd'u de son chef de lignage. Il peut gérer la parcelle<br />

dont il dispose de manière à peu près autonome, mais son chef de lignage exerce sur lui un<br />

contrôle qui pourrait conduire, au pire, à ce qu'il l'expulse de sa parcelle. Le chef de<br />

ménage détenteur ne pourrait aliéner sa parcelle (la vendre ou la transmettre à un tiers)<br />

sans l'accord des autres membres de son lignage et sans l'accord de son chef de lignage.<br />

2.2.3 Les droits de propriété<br />

En soussou, on emploie le même terme ("khanyi") pour la propriété d'un objet, de la<br />

terre, d'une femme, d'une famille. Une terre devient une propriété, toujours individuelle,<br />

lorsqu’elle est vendu pour une somme d’argent conséquente par rapport aux échanges qui<br />

prévalent dans le cadre traditionnel, et surtout lorsque l’acte de vente/achat est validé par<br />

un contrat écrit, dans le cadre du droit national : contrairement aux dd'u, le "propriétaire"<br />

est libre de vendre ou de louer ou d'utiliser sa parcelle comme il l'entend, sans avoir à<br />

subir le contrôle de son groupe, de son chef de ménage ou de son chef de lignage. Aucun<br />

interdit ne vient limiter ce droit sauf les lois générales du pays. Une terre en propriété<br />

rentre ensuite dans le circuit d’héritage. Le propriétaire est libre de tout acte face aux<br />

instances traditionnelles. On devient donc propriétaire en en faisant la demande et par<br />

achat, ou alors, par héritage.<br />

D’après nos observations, la propriété s’applique le plus souvent à des terrains<br />

d’habitation et aux plantations, puisque ces usages sont de longues durées. L’usage<br />

cultural est annuel, et il est toujours possible de trouver de trouver des terres à occuper<br />

chaque année, pour une somme beaucoup raisonnable.<br />

2.2.4 Les occupations de fait<br />

Une personne qui n'a reçu aucun dd'u délégué sur une parcelle, qui n'a demandé<br />

aucune autorisation et qui, a fortiori, ne dispose d'aucun droit éminent, peut occuper une<br />

parcelle. Son statut est extrêmement précaire car, en l'absence de tout droit localement<br />

reconnu, il ne pourrait faire face à d'éventuelles contestations. Ces pratiques d'occupation<br />

sont valables pour toutes sortes d'activités et de milieux : pour l'occupation d'une terre de<br />

culture, la création d'une plantation, la cueillette des palmes, le prélèvement de bois, etc.…<br />

Dans le cas de terres, si ces parcelles tardent à être contestées, le fraudeur peut, à<br />

la longue, acquérir des droits d'usage. La démarche implique que le fraudeur joue la<br />

réussite de sa fraude sur des éléments localement favorables: la place de son lignage dans<br />

le village, sa position au sein de son lignage, les types d'espaces concernés, ses alliances….<br />

L'occupation de fait ne semble correspondre qu'à des initiatives individuelles.<br />

2.2.5 La notion d'accès surveillé aux ressources<br />

L’accès surveillé n’est pas un droit ni un statut juridique en soi. Il s’agit plus d’un<br />

assouplissement des dd’u présentés ci-dessus, uniquement pour des espaces collectifs. En<br />

effet, dans certains cas, l’accès ou l’exploitation d’une ou de quelques ressources sur un<br />

96


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

espace collectif donné, est accessible à tous sous réserve de demande ou information soit<br />

réservé à un groupe, mais ne font pas l’objet d’un contrôle strict, tout au plus, une<br />

surveillance.<br />

L’accès surveillé n’en est pas pour autant libre. Les paysans, et notamment les aînés<br />

établis, rendent plus ou moins effectifs des droits d’usage potentiels en pleine connaissance<br />

de cause, comme le montrent les exemples suivants :<br />

Dans le cas de terres de culture, c’est l’absence de limites internes (voir le <strong>Rapport</strong><br />

foncier 1) qui fait que la place qu’un paysan va choisir, ne lui est pas imposée. Mais<br />

lorsqu’un territoire n’est pas découpé en domaines appropriés par des sous-groupes et en<br />

terres acquises par des individus, c’est alors l’aîné établi du village qui contrôle et autorise<br />

l’accès. Or, la parole et le contrôle d’un aîné établi sont l’autorité la plus forte qui soit. Pour<br />

les autres activités, l’accès et les prélèvements sont sujets à gestion plus souple. C’est le<br />

cas par exemple pour les prélèvements de régimes de palme, le charbonnage, ou encore la<br />

pêche bien qui suivant des modalités différentes.<br />

Dans tous les cas les critères et facteurs qu’observent les aînés pour faire ce choix,<br />

et qui permettent à ces pratiques de gestion d’exister sont les suivants :<br />

- Absence de rareté d’un produit ou de place (dans le cas des cultures<br />

notamment),<br />

- Absence d’exploitation importante,<br />

- Absence d’intérêt envers certains milieux (variables suivant les sites et les<br />

systèmes d’activités),<br />

- absence d’aménagement important (qui correspond à l’absence d’exploitation<br />

le plus souvent).<br />

- Il arrive, rarement, qu’il y ait conflit ou doute (par perte de mémoire) sur un<br />

espace quant aux groupes qui en détient les droits d’usage. Le statut alors quelque<br />

peu flottant, fait que personne n’y exerce d’autorité. Mais il suffit que cet espace<br />

devienne intéressant pour que l’appropriation soit discutée et se réactive.<br />

- Enfin, certains produit sont considérés comme étant « à tout le monde » et<br />

ne sont en fait pas territorialisés : c’est le cas des poissons et animaux (pêche et<br />

chasse) ou des plantes médicinales. Mais si ces produit viennent à manquer, ou<br />

encore, que leur capture nécessite des aménagements conséquents ou actions<br />

irréversibles (feu de chasse) , alors les prélèvements peuvent devenir territorialisés,<br />

à l’échelle des territoires de groupes ou même, d’espaces individuels.<br />

On le voit, l’accès est loin d’être libre pour un nouveau venu qui souhaiterait<br />

acquérir des droits d’usage. Ce nouveau venu devra négocier avec le chef (aîné établi) du<br />

groupe concerné, chef qui, le plus souvent, est plus strict que des propriétaires individuels,<br />

car il pense et gère pour le groupe : les éléments de son groupe suivent de près ses<br />

actions et peuvent contester. Il existe par ailleurs des chefs sans scrupule, mais c’est là un<br />

autre problème, non lié spécifiquement à la question des espaces où les dd’u sont plus<br />

souples. Lorsque les espaces sont utilisés et acquis par des sous-groupes et individus, il est<br />

toujours possible de contourner l’aîné, ce qui peut être plus difficile dans le cas des espaces<br />

soumis à accès surveillé.<br />

97


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

C’est au-dessous d’un certain seuil d’utilisation de l’espace ou de la ressource par<br />

des étrangers, évalué de près et régulièrement, que les vrais titulaires des dd’u laissent<br />

faire puisque la situation ne les gènes pas. Ou ils sont eux-mêmes intéressés par cette<br />

ressource, mais elle ne manque pour personne, ou ils sont tournés vers d’autres activités,<br />

et la ressource n’est pas à leurs yeux, d’un grand intérêt. Un exemple simple est celui du<br />

charbonnage : dans la zone de Mankountan où l’activité semble récente et non réalisée par<br />

les titulaires des dd’u les plus forts, ceux-ci laissent faire les autres groupes. A Boffa, où<br />

l’activité est plus ancienne et plus développée et rémunératrice, les premiers arrivants<br />

tendent à contrôler l’accès aux zones concernées et l’exploitation du bois, pour la maintenir<br />

à un niveau raisonnable.<br />

Lorsque cette situation se modifie (augmentation des prélèvements, utilisation d’un<br />

espace auparavant délaissé pour une nouvelle activité en train de se développer dans le<br />

secteur, etc.), les paysans ont plusieurs techniques pour restreindre l’accès et le contrôler,<br />

pour affirmer des règles de dd’u jusqu’ici non appliquées, restées latentes : les demandes<br />

d’accès ou de prélèvements deviennent obligatoires, et/ou réservés à certains groupes et<br />

totalement fermés à d’autres, ou soumises à conditions. Les aînés vont jouer sur deux<br />

registres : les conditions et la limitation des usages, et le choix des groupes concernés : on<br />

« active » des limites de sous-territoires jusque là non prise en comte, et se faisant, on<br />

restreint l’accès aux personnes du groupe titulaire du dd’u, voir à des alliés, etc.<br />

Dans ces cas, l'accès surveillé peut être d'abord limité, puis disparaître. Il peut y<br />

avoir accès surveillé dans certains domaines (le foncier par exemple) en même temps que<br />

des règles limitantes dans d'autres domaines (pour la chasse, par exemple, des règles<br />

d'accord avec la Surnature sont établies…). Les combinaisons sont multiples.<br />

Les conflits surviennent notamment parce que les évolutions ne se font pas de<br />

manière continue et homogène (par ex. les terres sont encore abondantes mais les palmes<br />

sont touchées par une maladie et deviennent rares). Quand un conflit éclate, ce n'est pas<br />

le rapport aux règles admises qui permet de trancher, ce sont les rapports de force<br />

opposant les parties qui déterminent les conditions dans lesquelles un accord finit par<br />

s'établir. De là, certains groupes chefs de villages (premiers arrivants) peuvent, si une<br />

ressource les intéresse, réserver l’accès qu’à leur groupe.<br />

98


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

ANNEXE 1 : GUIDE METHODOLOGIQUE DE REPERAGE RAPIDE DU FONCIER<br />

Nous proposons ici deux questionnaires permettant à un enquêteur de se faire<br />

rapidement une idée du statut foncier d’une terre et de celui de l’individu enquêté par<br />

rapport à cette terre.<br />

Le premier questionnaire, fait référence au résumé de ce rapport et doit être<br />

interprété à l’aide de la grille de lecture qu’il propose.<br />

Le second fait référence aux catégories identifiées et analysées dans le rapport<br />

principal et résumées dans les différents tableaux de synthèse de celui-ci. L’interprétation<br />

des réponses doit donc faire en référence à ces tableaux et aux catégories du texte<br />

principal.<br />

Ils se complètent et permettent de recouper les informations, mais peuvent être<br />

utilisés indépendamment en fonction de l’objectif recherché.<br />

Pour être fiables, tous deux supposent, au préalable un dénombrement de la<br />

population du site enquêté, puis l’identification des principales structures sociales<br />

(Lignage/famille au minimum) et de sa hiérarchie.<br />

Réserves méthodologiques: il faut impérativement éviter toute inquiétude chez les<br />

enquêtés, souligner fortement qu'il ne s'agit pas de remettre en cause les droits acquis,<br />

mais au contraire d'en faire l'inventaire pour mieux les respecter.<br />

QUESTIONNAIRE 1 :<br />

RECONNAISSANCE DES PRINCIPAUX STATUTS<br />

Ce questionnaire peut être présenté aux "aînés établis" de chaque groupe lignager<br />

important et à un petit nombre de personnes ressources.<br />

1. Questions concernant les dd'u.<br />

1A). Questions à présenter à l'aîné établi du groupe fondateur.<br />

• Quel espace correspond au droit éminent originel ?<br />

• Quelle est la portée de ce droit éminent ? à l'origine ? aujourd'hui ?<br />

• De quelles attributions de dd'u actuellement fonctionnels l'aîné se souvient-il<br />

?<br />

• On suivra avec un intérêt tout particulier l'histoire des conflits fonciers liés à<br />

ce droit éminent et aux contestations de ce droit émanant éventuellement<br />

d'individus ou de groupes attributaires de dd'u (stratégies d'autonomisation /<br />

lignage fondateur).<br />

1B). Questions à présenter aux aînés établis des principaux groupes<br />

lignagers qui disposent actuellement de dd'u.<br />

• Etendue et localisation des dd'u attribués.<br />

• Histoire des conflits qui ont pu apparaître entre le groupe lignager qui a reçu<br />

le dd'u et le groupe fondateur qui a donné ce droit (1 ère et 2 ème "couche"<br />

selon les termes du rapport 1).<br />

99


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

• Etendue et localisation des dd'u attribués à de nouveaux arrivants par le 1 er<br />

groupe qui avait autrefois reçu le dd'u attribué par le groupe fondateur.<br />

• Histoire des conflits qui ont pu apparaître entre le 1 er groupe ayant reçu le<br />

dd'u (la "2 ème couche") et les groupes ayant reçu ultérieurement le dd'u (la<br />

"3è couche").<br />

• Il n'y a sans doute pas un intérêt majeur à connaître le détail de toutes les<br />

"couches" superposées. Dans une perspective opérationnelle, il suffit<br />

généralement de connaître les couches extrêmes, celles qui donnent lieu à<br />

un dd'u précaire, à durée déterminée et celles qui donnent lieu à un dd'u<br />

"imprescriptible" ou "consolidé" (à peu près incontesté, sur la longue durée).<br />

2. Acquisitions non consécutives à l'attribution d'un dd'u.<br />

2A). Acquisitions par défrichement:<br />

Questions à présenter à l'aîné établi du groupe défricheur ou à l'individu<br />

défricheur lui-même si son initiative est individuelle:<br />

dd'u.<br />

• Le défrichement a-t-il été autorisé par une autorité ? Si oui, laquelle<br />

et sous quelles conditions ?<br />

• La terre défrichée est-elle restée sous le contrôle du groupe (ou de<br />

l'individu) défricheur ? Sinon, préciser.<br />

• Des contestations sont elles intervenues autour du contrôle de la terre<br />

défrichée ? Esquisse d'une histoire des éventuels conflits.<br />

2B). Acquisitions liées à l'émergence de droits individuels au sein de<br />

. terrains d'habitation (y compris jardins de case…)<br />

. casiers rizicoles.<br />

Les statuts liés à ces types d'acquisition étant à peu près uniformes, il n'y a<br />

sans doute pas lieu de procéder à des questions détaillées, individu par individu.<br />

Recours à un petit nombre d'informateurs (aînés établis, bon connaisseur de la<br />

zone…) susceptibles de présenter à grands traits le fonctionnement général du<br />

système:<br />

• mode général de transmission (héritage, prêt, vente, sous quelles<br />

conditions en cas de vente…),<br />

• les principales exceptions au mode général de transmission,<br />

• les types de conflits les plus fréquents liés à ce mode de<br />

transmission…<br />

3B). Acquisition de droits fonciers<br />

Questions à poser à des informateurs indirects:<br />

. par achat.<br />

• Dans la zone considérée, est-il fréquent d'acheter ou de vendre des terres ?<br />

• Si oui, existe-t-il un marché foncier (prix à peu près comparables pour des<br />

terres de qualité voisine) ?<br />

100


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

• Sinon, comment s'opèrent les transmissions de terre ? (remboursement de<br />

dettes impayées, prix symbolique payé dans le cadre d'échanges complexes<br />

de prestations et de contre-prestations, procédures résolument étrangères au<br />

droit traditionnel avec immatriculation….).<br />

. par occupation de fait.<br />

Signaler (s'il en existe) des cas d'occupation de fait et les problèmes et litiges<br />

suscités par cette occupation. Méthodes de résolution des conflits liés à ces<br />

occupations ou de pérennisation des droits acquis.<br />

3C). Description des situations d'accès libres.<br />

• Description de situations d'accès libre actuellement opérationnelles.<br />

• Conditions qui, en général, dans la région, conduisent à limiter l'accès libre.<br />

• Cas où des situations d'accès libre ont disparu. Conflits et litiges liés à cette<br />

disparition de l'accès libre. Groupes qui ont pris les décisions concernant l'accès<br />

libre. Description des conditions dans lesquelles certains groupes ont tenté de<br />

reconquérir l'accès libre…<br />

QUESTIONNAIRE 2 :<br />

STATUT INDIVIDUEL DES TERRES DE CULTURE<br />

1). Statuts individuels des terres :<br />

1) Le casier ou la parcelle (terre individuelle) sur lequel vous cultivez vous a-t-il été<br />

donné par un de vos aînés de votre famille (frère aîné de même père, père, frère de père,<br />

grand-père, chef de votre lignage) ou de la famille de votre mère (oncles, grand-père), ou<br />

encore, par votre lignage tuteur ? (Citer les choix entre parenthèses, puis choix unique à<br />

préciser).<br />

2) Pourrez-vous faire hériter votre fils de ce casier ou de cette parcelle ? (si Non,<br />

s’arrêter là).<br />

Si Oui à 1) :<br />

3) La terre que vous cultivez a-t-elle été obtenue à l’origine avec la cola ou par<br />

signature et achat ?<br />

4) L’aîné qui gère l’espace commun de culture a-t-il délimité votre parcelle au début<br />

de la saison de culture ou l’était-elle déjà ?<br />

Si Non à 1) :<br />

3) Avez-vous obtenu votre terre avec la cola ou avec votre signature et par achat ?<br />

Questions supplémentaires (échanges) :<br />

1) Cette terre est-elle sur un espace de votre lignage X ou sur l’espace du lignage<br />

de votre mère Y ou de votre femme Z, ou d’un autre lignage ? Lequel ? (Citer)<br />

2) Qui a obtenu cet espace pour ce lignage à l’origine, et auprès de quelle famille ?<br />

101


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

2).L’individu chez lui et chez les autres :<br />

1) Pratiquez-vous l’activité sur un espace personnel ?<br />

Si oui : Poser le questionnaire sur les acquisitions (ci-dessus).<br />

Si non :<br />

2) Réalisez-vous cette activité sur l’espace de votre famille étendue, de votre<br />

lignage, de votre quartier ou de votre village ? (choix unique).<br />

3) La réalisez-vous ou pouvez-vous la réaliser sur des espaces appartenants à<br />

d’autres familles, lignages, quartiers, villages que le votre ?<br />

Si oui à 3) :<br />

4) Lesquels ? (choix multiples, citer la liste des noms, au moins, celui de la famille<br />

du mari de votre sœur, du lignage de la mère.).<br />

3).Les autres chez l’individu :<br />

4) Les individus issus des (familles, lignages, quartiers, villages, les nommer)<br />

peuvent-il venir pratiquer cette activité sur cette espace de votre famille, lignage, etc. ?<br />

(Décliner toutes les combinaisons).<br />

102


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

LES POUVOIRS LOCAUX ET LEURS ROLES<br />

103


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

L’étude des pouvoirs, dans le cadre de l’<strong>OGM</strong>, a été réalisée afin d’accompagner la<br />

construction des propositions de développement. En effet, l’adhésion réelle des<br />

populations, tout comme la pérennité des actions doit prendre en compte la réalité des<br />

pouvoirs locaux. Seule leur adhésion, implicite ou explicite, ou, à défaut, leur non<br />

opposition peut garantir la réalisation effective d’un projet et, au-delà, sa prise en charge<br />

réelle par une communauté. En outre, le décryptage des systèmes de pouvoirs est une clé<br />

majeure dans la compréhension du foncier, des ressources qu’il porte et de leur gestion.<br />

1 LES DIFFERENTS POLES DE POUVOIR EN GUINEE MARITIME<br />

1.1 POUVOIR INSTITUTIONNALISE<br />

1.1.1 Le pouvoir déconcentré de l’Etat<br />

1.1.1.1 La Préfecture<br />

Nous ne rentrerons pas dans les détails de cette échelle administrative, ni de celle<br />

de la Sous-préfecture, car elles sont véritablement en amont de celle retenue pour l’étude<br />

des pouvoirs présentée ici. Toutefois, l’échelle d’étude étant inscrite dans la préfecture et la<br />

Sous-préfecture, il est important d’évoquer ces entités administratives qui peuvent<br />

intervenir, même ponctuellement, au niveau local.<br />

Si nous n’évoquerons pas en détails toutes les fonctions de préfet, il en est une nous<br />

concernant directement dans les relations entretenues par la Préfecture avec des échelles<br />

administratives plus réduites comme le district. En effet, et toujours selon le texte, le<br />

Préfet veille au bon fonctionnement des Conseils élus et contrôle la régularité de leurs<br />

délibérations. Nous verrons par la suite, que de nombreux Conseils siègent au niveau des<br />

districts et des secteurs dans le but, entre autre, de gérer les conflits de telle sorte qu’il est<br />

toujours possible à un des protagonistes qui ne serait pas satisfait par la décision du<br />

Conseil d’en référer à un autre Conseil hiérarchiquement plus élevé. De plus, le préfet est<br />

responsable du maintien de l’ordre dans la préfecture. Il est donc possible, théoriquement,<br />

de recourir à la Préfecture pour la résolution d’un conflit. Toutefois, cette pratique est assez<br />

rare, l’appel en dernier recours s’arrêtant le plus souvent à l’échelle de la Sous-préfecture.<br />

1.1.1.2 La Sous-préfecture<br />

Le Sous-préfet est nommé par arrêté du ministre chargé de l’intérieur et de la<br />

décentralisation parmi les fonctionnaires appartenant aux hiérarchies B et C de la fonction<br />

publique et les officiers et sous-officiers de l’armée, de la gendarmerie et de la police.<br />

Tout comme la préfecture, la Sous-préfecture est rarement sollicitée à l’échelle du<br />

district. Toutefois, elle peut jouer un rôle dans la gestion des conflits. Afin d’illustrer ce<br />

propos, il est intéressant d’évoquer la mobilisation de la Sous-préfecture dans la résolution<br />

d’un conflit survenu à une échelle micro locale.<br />

1.1.2 Le pouvoir décentralisé de l’Etat<br />

1.1.2.1 La CRD<br />

La CRD – Communauté Rurale de Développement – est une entité de<br />

décentralisation de l’Etat, indépendante aussi bien dans sa gestion budgétaire que dans ses<br />

choix de développement. Ses limites sont le plus souvent calquées sur les limites souspréfectorales.<br />

104


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

La CRD est une structure autonome. Toutefois, le sous-préfet a un droit de regard<br />

sur la gestion du budget de la CRD. Il incombe également à la Sous-préfecture d’apporter<br />

une assistance technique dans l’exécution de leurs projets de développement. En principe,<br />

le sous-préfet a le droit de suspendre le président de CRD mais si ce dernier est le neveu<br />

d’un ministre, le champ d’action du sous-Préfet est réduit. Le sous-préfet peut également<br />

dissoudre le Conseil communautaire dans son intégralité si son disfonctionnement le<br />

légitime.<br />

1.1.2.2 Rôle<br />

Le Conseil communautaire gère différentes affaires par délibération au niveau de la<br />

CRD. Il établit le programme de développement de toute la CRD à partir des fonds de la<br />

communauté (issus des impôts), mais aussi, si nécessaire, sur des fonds d’emprunts et<br />

encore, si l’opportunité se présente, sur des fonds de concours. Le Conseil communautaire<br />

a ainsi la charge de constituer et de modifier, si besoin est, le budget de la CRD. De même,<br />

il est impliqué dans la tarification et la perception des impôts, des droits et taxes locaux<br />

tout en restant dans les limites fixées par les lois et les règlements institués par l’Etat. Si,<br />

en pratique, le Conseil n’intervient pas véritablement dans la tarification des impôts (elle<br />

est uniforme entre les différentes CRD étudiées), il perçoit la plus grande partie des impôts<br />

collectés auprès des contribuables : autour de 75% des impôts perçus reviennent à la CRD<br />

(cf. 1.1.3.3). On comprend donc que non seulement le Conseil dispose déjà de fonds<br />

conséquents avant d’avoir recours à des emprunts ou des fonds de concours, mais<br />

également que le poste de président du Conseil est très convoité.<br />

Le Conseil communautaire intervient le plus souvent dans la création des<br />

infrastructures. Il est chargé des modifications des voies et places publiques, ainsi que des<br />

pistes reliant les districts qui composent la CRD/Sous-Préfecture. C’est souvent dans ce<br />

domaine que nous avons pu observer des réalisations imputables aux Conseils. Toutefois,<br />

elles ne sont pas toujours à créditer exclusivement à la CRD.<br />

Une autre responsabilité incombe au Conseil communautaire. Il s’agit de la gestion<br />

des ressources. La CRD doit gérer la lutte contre les incendies et la pratique des feux de<br />

brousse. Elle est chargée également de régler le régime et les modalités d’accès et<br />

d’utilisation des points d’eau de toute nature. Elle se doit de créer et d’aménager des<br />

chemins de transhumance pour le bétail à l’intérieur de la CRD. Aucune action du Conseil<br />

dans ces domaines n’a pu être observée.<br />

1.1.3 Les élus locaux<br />

1.1.3.1 Au niveau du village et du secteur<br />

Le secteur est une unité qui regroupe le plus souvent un village et ses hameaux<br />

(ceci n’est pas une règle absolue). Il n’est pas reconnu par la loi fondamentale. En effet,<br />

l’article 88, titre III (relatif à l’organisation territoriale), s’arrête au district : « Les<br />

Circonscriptions Territoriales sont les Régions, les Préfectures, les Sous-préfectures, les<br />

Quartier [pour les villes] et les Districts [pour les campagnes] ». Toutefois, il existe des<br />

chefs secteur et des chefs secteur adjoints qui ont véritablement un rôle à jouer au niveau<br />

des circonscriptions territoriales. Ils sont, par exemple, chargés de la collecte des impôts<br />

au sein de leur secteur.<br />

Le chef secteur est généralement nommé par le président de district. Ce dernier<br />

consulte les anciens (ou le Comité des Sages au niveau du secteur : cf. 1.3.1.2) du secteur<br />

en question. De la même façon, son éviction doit être prononcée par le président de<br />

105


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

district. La loi ne reconnaissant pas cette fonction, il n’existe pas de mandat déterminé. Les<br />

seules raisons de changement de chef secteur sont la faute ou l’inefficacité de ce dernier<br />

entraînant un mécontentement des habitants du secteur ou, bien évidemment, son décès.<br />

Le chef secteur est le plus souvent considéré comme le chef du village. Il a la<br />

charge d’accueillir les acteurs extérieurs ou de représenter son village au niveau<br />

administratif supérieur. Il est également le prolongement de l’administration à l’échelle du<br />

secteur car il fait part à la communauté villageoise des réunions ou décisions prises à<br />

l’échelle administrative supérieure et concernant le secteur. De plus, le chef secteur est<br />

chargé de collecter les impôts dans tout son secteur.<br />

1.1.3.2 Au niveau du district<br />

Le district, comme nous l’avons vu, est la plus petite unité considérée par la loi<br />

fondamentale.<br />

Jusqu’à ce jour, le Conseil de district est élu par la population. Le plus souvent, la<br />

procédure consiste à élire le président de district qui constitue ensuite son Conseil.<br />

Toutefois, nous n’avons pas rencontré de président de district réellement élu. Dans la<br />

majorité des cas, il est nommé par les anciens et plus précisément par le Conseil des<br />

Sages.<br />

Les postes sont plus souvent des titres que des fonctions. En effet, il n’est pas rare<br />

d’interroger un membre du bureau sur sa fonction et devoir attendre qu’il consulte son<br />

entourage pour s’en souvenir. Il semble que le Conseil de district ait surtout un rôle en tant<br />

qu’entité indivisible lorsqu’il s’agit d’actions menées à l’intérieur du district, le président et<br />

son vice-président étant chargés de la représentation à l’extérieur du district. De plus, si la<br />

liste des membres indiquée par l’état peut être respectée, il n’est pas rare de voir les chefs<br />

secteurs et leurs adjoints siéger au Conseil de district, invités par le président de district<br />

afin d’être en mesure de toucher les autres secteurs du district, les secrétaires étant<br />

souvent des habitants du secteur central. Ils sont alors considérés comme faisant<br />

pleinement partis du bureau. En effet, il semble plus représentatif de les incorporer dans le<br />

Conseil de district mais nous nous heurtons ici à une limite du texte puisque, comme nous<br />

l’avons vu, la loi fondamentale ne reconnaît pas les secteurs.<br />

1.1.3.3 Les impôts<br />

Le détournement des impôts est souvent une cause de destitution de représentants<br />

administratifs. Il semble donc pertinent de se pencher sur le circuit de collecte. Depuis les<br />

chefs secteurs, jusqu’aux présidents de district, les malversations peuvent souvent obliger<br />

le sous-préfet à révoquer ces élus locaux. Toutefois, si au terme de la loi, le sous-préfet est<br />

légalement en mesure d'intercéder au niveau du bureau de la CRD, dans les faits, cela est<br />

moins évident, comme nous avons pu le constater. C’est pourquoi nous nous penchons sur<br />

les modalités de collecte dans cette partie : les malversations sont dénoncées, le plus<br />

souvent, parmi les élus locaux (cela ne signifie pas pour autant qu’elles n’existent pas à<br />

d’autres niveaux). De plus, la connaissance de la répartition des impôts entre les différents<br />

organes administratifs permet une bonne lisibilité des relations entre eux.<br />

Chaque année, un recensement est réalisé par le secrétaire communautaire, appuyé<br />

par le chef de chaque secteur. Sur la base de ce recensement, les présidents de district<br />

reçoivent des instructions matérialisées par un carnet de reçus nominatifs. Ce dernier est<br />

ensuite remis à chaque chef secteur. Au niveau du secteur central, c’est également le chef<br />

secteur, et non le président de district, qui est chargé de la collecte. L’argent collecté est<br />

106


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

remis au président de district. Ce dernier le remet au secrétaire communautaire. Une fois<br />

les recouvrements achevés, celui-ci rend compte au président de la CRD. Les rétributions<br />

du district, de la Sous-préfecture et de la CRD sont calculées sur la base du rapport établi.<br />

En 2004, la cotisation par individu s’élevait à 2000GNF. Elle est passée à 5000GNF<br />

en 2005. 75% du total des impôts reviennent à la CRD, 15% retournent au district et 10%<br />

sont pour la Sous-Préfecture. Les fonds destinés à la CRD, comme nous l’avons mentionné<br />

plus haut, servent le programme de développement établi par son bureau. Ils sont remis<br />

au trésorier qui les dépose au Crédit Rural. Ceux de la Sous-préfecture sont utilisés pour<br />

son fonctionnement. S’ils étaient directement alloués au sous-préfet jusqu’en 2004, à partir<br />

de 2005, par ordre du ministère compétent, les fonds sont déposés au trésor public. Le<br />

sous-préfet doit donc émettre des factures pour chaque frais, remboursé par le trésor au<br />

niveau de la préfecture dans la limite des fonds disponibles. Cette nouvelle disposition<br />

renforce le contrôle par la Préfecture des dépenses des Sous-Préfectures. Enfin, le district<br />

peut utiliser la somme pour assumer la réception des autorités et également, si les fonds le<br />

permettent, pour contribuer au développement des infrastructures villageoises.<br />

1.2 POUVOIR TRADITIONNEL<br />

1.2.1 Le lignage<br />

1.2.1.1 Définition et relations internes<br />

Toutes les sociétés de la Guinée Maritime Nord sont patrilinéaires. L’appartenance<br />

au lignage est donc transmise par le père à tous ses enfants, qu’ils soient garçon ou fille.<br />

Sont ainsi membres du lignage tous les descendants patrilinéaires consanguins d’un même<br />

patriarche. Celui-ci est le premier arrivant du lignage dans le village. Les épouses des<br />

membres du lignage ne sont pas considérées comme membre du lignage : elles sont sous<br />

la coupe du lignage dont elles proviennent. De plus, les femmes du lignage ne<br />

transmettront pas l’appartenance lignagère à leurs enfants qui appartiennent au lignage de<br />

leur père mais elles dépendent toujours de leur lignage d’origine. Ainsi, les enfants d’un<br />

frère et d’une sœur ne font pas partie du même groupe de filiation. Les individus de sexe<br />

féminin gardent leur nom à vie, même après le mariage ; les épouses ou les mères ne<br />

portent donc pas le même nom que le reste de la famille nucléaire.<br />

L’appartenance lignagère intervient à de nombreux niveaux que nous allons essayer<br />

d’énumérer maintenant sans toutefois rentrer dans les détails : nous en approfondirons les<br />

implications tout au long du présent rapport. Tout d’abord, vis-à-vis du village, le lignage<br />

d’origine d’un individu détermine sa place, au delà du lignage, dans la communauté<br />

villageoise (se référer à la sous-partie suivante). Au sein de son lignage, la filiation décide<br />

les modalités d’entraide mais également de regroupement dans la gestion des activités.<br />

Elle régit donc la mobilisation de la force de travail et aussi la distribution des espaces à<br />

cultiver. De plus, que ce soit au sein du lignage ou du village, elle détermine les choix<br />

matrimoniaux.<br />

Le lévirat est très communément pratiqué dans la zone d’étude. Ainsi, lors du décès<br />

d’un chef de ménage, ses femmes deviennent les épouses d’un de ses frères de même père<br />

et même mère. Traditionnellement, le cadet direct du défunt a la charge d’intégrer ses<br />

épouses à son ménage. Toutefois, les femmes ont le droit de faire valoir leur préférence.<br />

Celle-ci fléchit souvent vers un frère plus vieux afin de s’assurer un certain confort et faire<br />

partie d’un ménage dont le chef a plus de poids qu’un cadet.<br />

107


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

La généalogie d’un lignage est connue par ses membres, parfois jusqu’à six<br />

générations au-dessus de l’individu interrogé. Ainsi, tout le monde connaît l’appartenance<br />

générationnelle de chacun. Ceci détermine des catégories hiérarchisées : la décision<br />

appartient le plus souvent aux « pères » et les « fils » doivent le respect à leurs « pères ».<br />

Toutefois, avec la différence d’âge qui peut exister, pour un père, entre son premier fils et<br />

son dernier, on comprend les répercussions après plusieurs générations : des « fils »<br />

peuvent être plus vieux que des « pères ». Ceci peut poser parfois des problèmes car la<br />

rancœur peut être très vive envers un fils qui, par son âge, occupe un poste décisionnaire<br />

(nous verrons cela par la suite).<br />

1.2.1.2 Les relations inter-lignagères<br />

Si tous les lignages connaissent leurs histoires migratoires, ils ont également une<br />

parfaite connaissance des différentes vagues de migration qui ont constitué leur village.<br />

Ceci est capital dans les relations entre les lignages au sein d’un village. Chacun connaît<br />

l’ordre d’arrivée de chaque lignage et surtout le premier arrivant ou lignage fondateur.<br />

Tous les autres lignages arrivés par la suite sont les « étrangers » d’un lignage arrivé<br />

antérieurement et qui est considéré comme leur lignage « tuteur ».<br />

Le lignage fondateur, arrivé en premier sur le site, établit un contrat avec le ou les<br />

génie(s) vivant à l’endroit où ce lignage souhaite fonder un village (se référer au 1.2.2). Ce<br />

contrat, qui est, en d’autres termes, une autorisation accordée par le ou les génie(s) au<br />

lignage désireux de s’installer, confère au lignage fondateur un droit éminent sur les<br />

espaces. Les premiers arrivants et leurs descendants ont ainsi le devoir de veiller au<br />

respect du contrat. Comme nous le verrons en 1.2.3.1, l’aîné du lignage contrôle<br />

concrètement l’application de ce contrat. Ce pouvoir lui permet, au nom du lignage, de<br />

céder ou non des droits d’usage sur une partie du territoire à des lignages qui viennent<br />

s’installer dans le village. On comprend aisément que cela permet au lignage fondateur de<br />

contrôler les lignages arrivant après eux et, éventuellement, d’imposer de nouvelles<br />

conditions à leur avantage. Un refus des néo-villageois serait synonyme d’expulsion.<br />

Toutefois, la stratégie des fondateurs reste le développement démographique du village. Il<br />

leur faut donc doser savamment les interdits et les libertés afin d’assurer la pérennisation<br />

de l’installation de leurs étrangers.<br />

Les autres lignages (les étrangers) bénéficient de droits d’usage. Il existe deux<br />

types de droit d’usage à l’échelle du lignage.<br />

Le droit d’usage consolidé est accordé à un lignage par un autre. Il peut ainsi être<br />

octroyé par le lignage détenteur du droit éminent mais aussi par un lignage détenteur<br />

également d’un droit d’usage consolidé après, le plus souvent, consultation du lignage<br />

fondateur (c’est-à-dire détenteur du droit éminent). Ce droit est toujours concédé sur le<br />

territoire dont dispose le lignage des premiers arrivants. Comme nous venons de le dire, un<br />

lignage s’étant vu remettre un droit d’usage consolidé peut en accorder un à un lignage<br />

arrivant sur une partie du territoire qui leur a été confié. On comprend donc qu’il existe<br />

différentes couches ou strates de dépendance convergeant vers le lignage fondateur dont<br />

tous les autres lignages sont les « étrangers » directement ou indirectement. On peut ainsi<br />

entendre des villageois dire : « ce sont nos étrangers et nous [mon lignage et moi]<br />

sommes les étrangers de tel lignage ».<br />

108


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Lignages<br />

d’étrangers<br />

d’étrangers<br />

Droit d’usage<br />

consolidé « en<br />

deuxième<br />

main »<br />

Figure 1 : Représentation des différentes couches<br />

de dépendances entre les lignages et de droits fonciers<br />

Le droit d’usage « en deuxième main » sous-entend que toute modification majeure<br />

de l’espace ou de clauses du contrat peut nécessiter une consultation en différé au lignage<br />

fondateur qui doit de toute façon être sollicité. En d’autres termes, les étrangers<br />

d’étrangers ne traitent pas avec un lignage ayant les pleins pouvoirs sur le territoire, ce qui<br />

peut influer sur leurs libertés d’action. Seulement trois couches ont été figurées sur le<br />

schéma mais il peut en exister d’autres. Plus on s’éloigne de la couche du lignage des<br />

premiers arrivants, moins le lignage est impliqué dans les sphères décisionnaires du<br />

village. Les répercussions ne s’arrêtent donc pas au foncier mais à tous les niveaux de la<br />

vie sociale du village. Tous ces phénomènes de dépendance seront repris tout au long du<br />

rapport.<br />

Il existe un autre type de droit foncier qui concerne les lignages : le droit d’usage<br />

que nous avons appelé précaire. Tout comme le droit d’usage consolidé, il peut être<br />

accordé par un lignage détenteur d’un droit d’usage consolidé ou éminent. C’est un droit de<br />

courte durée et limitant les possibilités d’action sur le territoire donné. Il est généralement<br />

accordé à un lignage récemment arrivé, n’ayant pas de relations avec aucun villageois et<br />

dont on veut s’assurer des bonnes intentions afin de savoir s’il peut intégrer le village.<br />

Aucun lignage anciennement établi dans le village n’exploite ses terres sous ce type de<br />

contrat.<br />

Nous nous sommes intéressés ici aux droits fonciers concernant le lignage dans sa<br />

globalité. Nous étudierons par la suite les droits fonciers dont dispose l’individu. Si certains<br />

sont similaires, d’autres sont l’apanage du lignage ou de l’individu. Par exemple, le droit<br />

éminent ne peut être l’attribut d’un individu mais réellement d’un lignage : l’aîné du lignage<br />

fondateur exerce ce droit non pas en tant qu’individu mais en tant que représentant de son<br />

lignage.<br />

1.2.2 Les aînés ou anciens<br />

1.2.2.1 Les aînés de lignage<br />

Lignages<br />

d’étrangers<br />

du lignage<br />

fondateur<br />

Droit<br />

d’usage<br />

consolidé<br />

Lignage<br />

fondateur<br />

Droit<br />

éminent<br />

Les aînés sont par définition les hommes les plus âgés ; ils sont également appelés<br />

les anciens. Il existe des aînés à tous les niveaux de regroupement, qu’ils soient familiaux<br />

109


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

ou géographiques. On peut ainsi être l’ancien ou l’aîné d’une famille nucléaire, d’une<br />

concession, d’un lignage dans un quartier, d’un lignage dans un village.<br />

Le premier rôle de l’aîné de lignage est d’attribuer les terres aux membres de son<br />

lignage. Il dispose en effet, du patrimoine foncier du lignage. L’aîné du lignage fondateur,<br />

dans le cas de territoire villageois sans domaines lignagers, assume, en plus de la<br />

distribution de parcelles aux ménages de son lignage, l’attribution d’espaces pour les<br />

autres lignages du village. Les aînés de chaque lignage les répartissent ensuite entre les<br />

ménages de leur lignage. Plus qu’un droit, la répartition des territoires lignagers est un<br />

devoir. En effet, il incombe aux aînés de lignage de veiller à ce que tous les ménages aient<br />

suffisamment d’espaces à cultiver pour assurer la subsistance de leurs membres.<br />

Nous pouvons ainsi distinguer un autre type de droit foncier, que nous avons appelé<br />

imprescriptible, un droit détenu par tous les chefs de ménage des lignages. Il implique que<br />

chaque ménage du lignage peut revendiquer un espace à cultiver sur le domaine lignager<br />

ou sur le territoire villageois s’il n’y a pas de domaines lignagers. De même, il est de la<br />

responsabilité de l’aîné du lignage fondateur de s’assurer que tous les villageois aient des<br />

terres à exploiter. Il ne pourra donner de manière durable des espaces à un autre lignage<br />

sans consulter les cadets de sa génération. Nous comprenons ainsi que le terme « maître<br />

des terres » n’est pas approprié car il s’agit plus d’un devoir et l’aîné ne peut disposer de<br />

l’espace sans considérer la communauté villageoise. Grâce à cette obligation nous pouvons<br />

affirmer qu’il n’y a pas de paysans sans terre en Guinée Maritime. Nous développerons plus<br />

longuement ce point dans la troisième partie.<br />

L’aîné de lignage est également un premier échelon dans la gestion des conflits. En<br />

effet, avant de s’adresser à des institutions, les aînés sont consultés dans les différents<br />

problèmes liés à la vie quotidienne. S’ils sont internes au lignage, c’est l’aîné du lignage<br />

concerné qui sera sollicité. Si les protagonistes sont de lignages différents, les aînés de<br />

chaque lignage devront essayer de résoudre le conflit. C’est seulement si un des partis<br />

n’est pas satisfait par la décision du ou des aînés, qu’il y aura recours à un autre niveau.<br />

L’aîné de lignage doit aussi s’occuper de toutes les cérémonies impliquant des<br />

membres du lignage : il devra réunir les cotisations si elles sont nécessaires, mobiliser le<br />

lignage et en référer au doyen du village (se référer à la partie suivante) pour la<br />

mobilisation de tout le village. Il est également chargé de gérer les entraides en cas de<br />

maladie ou de décès dans un ménage de son lignage. Cela consiste à fixer les tarifs des<br />

cotisations, à les centraliser et à veiller à ce que tout le lignage participe.<br />

On ne peut prétendre être l’aîné d’un lignage (avec tous les droits que ce titre<br />

induit) au sein d’un village si l’on n’y a pas vécu toute sa vie. Un des principaux rôles de<br />

l’aîné est la conservation de la mémoire du lignage dans son évolution dans le village afin<br />

d’être en mesure de résoudre les conflits éventuels. Ceci est très important dans la gestion<br />

du foncier. De plus, il faut être ou avoir été marié pour exercer les droits d’aînesse.<br />

1.2.2.2 Le doyen du village<br />

Le doyen du village est le plus vieil homme du village, sans considération lignagère.<br />

Ce poste n’est donc pas toujours occupé par le lignage « fort » du village, le lignage<br />

fondateur. Son rôle est assez limité quand il s’agit d’un doyen membre d’un lignage<br />

étranger. Le doyen dispose évidemment des droits d’aînesse de son lignage. Tout comme<br />

les aînés de lignage, il se doit d’avoir résidé toute sa vie dans le village.<br />

110


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Les fonctions inhérentes strictement au doyen du village s’étendent sur plusieurs<br />

niveaux. Tout d’abord, le doyen a la responsabilité des cotisations d’entraide dans le cas de<br />

crises graves rencontrées par un ménage quand le recours au lignage n’a pas été suffisant.<br />

Il s’agit principalement de pourvoir au transport et aux soins de malades graves. Un<br />

deuxième niveau touche les cérémonies. Le doyen doit systématiquement donner son aval,<br />

pour toute célébration, en tablant sur la disponibilité des villageois à la date de<br />

l’événement. Il sera alors souvent de son ressort de mobiliser la population villageoise pour<br />

les baptêmes, décès, mariages… en collaboration avec l’aîné du lignage concerné. Enfin, un<br />

dernier cadre est inhérent à tous les contacts avec le ou les génies du village. Le doyen est<br />

chargé des sacrifices et de la mobilisation de tout le village à la participation financière<br />

pour ce sacrifice.<br />

1.2.2.3 L’importance de la mémoire<br />

Les droits d’aînesse se basent sur la connaissance du passé. Le pouvoir de l’aînesse<br />

est basé sur le fait qu’ils sont les plus vieux témoins de l’histoire du village et donc la<br />

mémoire de tous les accords passés entre les lignages. Tout accord passé entre deux<br />

parties s’établit devant un maximum de témoins afin de marquer la mémoire. Cela explique<br />

l’utilisation, très fréquente, d’intermédiaires dans toutes les relations « officielles » entre<br />

les individus ou les lignages. Ainsi, dans le cas de cession de terres, un groupe de témoins<br />

choisis par les deux partis se déplacera sur le site afin de visualiser les limites.<br />

Ainsi, il n’est pas rare d’observer l’émergence de conflits peu après le décès du<br />

dernier membre d’une génération. Il n’y a alors plus de témoins directs et toute la<br />

résolution se base sur la transmission de la mémoire. Si les grandes lignes des accords<br />

passés entre les lignages restent intactes, il est certain que des revendications sur des<br />

petits bouts de terrain ou sur des parties de jardin font « souffrir » la mémoire collective.<br />

Afin de souligner la prépondérance de la mémoire dans les relations sociales de la<br />

Guinée Maritime, il est intéressant d’étudier le rôle des femmes. Comme nous l’avons vu,<br />

les femmes ne peuvent occuper la fonction d’aîné. Toutefois, il peut arriver qu’une femme<br />

soit plus vieille que l’aîné d’un lignage ou du doyen du village. Ces femmes ne prennent pas<br />

de décision mais sont consultées pour rappeler les clauses d’un contrat, principalement<br />

concernant le foncier, pouvant être source de conflit. Leur version des actes passés pèse<br />

lourdement sur le verdict prononcé par un aîné masculin.<br />

1.3 DES FORMES RECENTES DE POUVOIR LIEES A LA TRADITION<br />

1.3.1 Des modifications essentielles dues à l’introduction de l’islam<br />

1.3.1.1 Le pouvoir religieux<br />

Il existe un Conseil de mosquée à l’échelle des secteurs et des districts. Au niveau<br />

du secteur, ils sont constitués par les différents imams et le muezzin résidant au village et<br />

éventuellement d’autres érudits coraniques. En effet, plusieurs imams habitent dans un<br />

même village. La fonction de premier imam est généralement l’attribut d’un lignage dont le<br />

patriarche était reconnu pour sa connaissance du Coran. Nommés à vie, les imams sont<br />

désignés lors du décès de leur prédécesseur. Les femmes sont consultées officieusement.<br />

Elles sont considérées comme ayant connaissance des « coulisses » du village. Elles sont<br />

interrogées sur l’éventuel passif extraconjugal de l’imam potentiel afin de s’assurer de ses<br />

bonnes mœurs.<br />

111


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Le Conseil de mosquée à l’échelle du secteur est notamment chargé de veiller à<br />

l’entretien de la mosquée, à sa construction s’il n’y en a pas encore ou à sa rénovation si<br />

l’actuelle est trop vétuste, de la doter de matériel (bougies, lampes à pétrole, nattes pour<br />

la prière…) et d’assurer les denrées pour les fêtes religieuses (principalement la veillé<br />

précédant la rupture du ramadan).<br />

Au niveau de la Sous-préfecture, c’est la ligue islamique qui gère les affaires<br />

religieuses. Ses membres sont recrutés dans tous les districts par la ligue islamique<br />

préfectorale dont elle dépend. Le président est élu par ses pairs. Le rôle de la ligue<br />

islamique consiste à référencer toutes les mosquées du vendredi et à distribuer le matériel<br />

(principalement du pétrole et des bougies) envoyé par la ligue islamique préfectorale. Ce<br />

matériel vient principalement de dons faits par des notables des villes afin que le<br />

« village » prie pour eux.<br />

1.3.1.2 Un glissement du pouvoir<br />

Le phénomène de l’islamisation de la zone est récent. Le recours à la surnature n’a<br />

pas disparu mais s’est fortement amoindri. Le principal recours aux génies était, et est<br />

toujours en plus faible proportion, assumé par les aînés. Ces derniers assurent la médiation<br />

entre les membres de leur lignage et le génie. Ils en tiraient un grand pouvoir qui leur<br />

assurait, nous l’avons souligné, le respect des villageois et de nombreux avantages. Si les<br />

aînés sont toujours en haute estime dans leur lignage, ils ont été amenés à céder une<br />

partie de leurs pouvoirs à de nouveaux prétendants.<br />

L’imam représente la Sagesse et la vertu. Il jouit ainsi d’un grand respect. Il est<br />

donc souvent consulté pour toutes les décisions du village ne touchant pas le foncier. Son<br />

avis est pris en compte, et il est fréquemment investi de responsabilités dans la gestion de<br />

fonds, voire dans les activités, où il peut être chargé de garder les revenus en vue de les<br />

redistribuer équitablement.<br />

1.3.2 Le Conseil des Sages<br />

1.3.2.1 Au niveau du district<br />

Le Conseil des Sages du district est une institution reconnue par l’Etat (par<br />

l’ordonnance 093/PRG/85 du 17 avril 1985). Le Conseil des Sages est donc un pouvoir<br />

traditionnel institutionnalisé. Toutefois, il n’y est pas fait référence dans la Loi<br />

Fondamentale. L’ordonnance stipule que les membres du Conseil des Sages sont désignés<br />

par la population pour une durée indéterminée. Elle établit également que « leurs<br />

attributions sont celles exercées habituellement par les anciens du village », ce qui montre<br />

une véritable reconnaissance du pouvoir traditionnel. Quatre tâches lui sont dévolues par la<br />

même ordonnance : l’organisation des fêtes et des cérémonies religieuses, la résolution<br />

des conflits au sein des familles et entre les familles, la répartition des terres de la<br />

communauté et la préservation des traditions locales auprès de la jeunesse.<br />

Ce Conseil est généralement formé par des aînés de lignage, des imams et très<br />

souvent par des membres des lignages fondateurs. Son importance et son efficacité<br />

dépendent de ce dernier point. Un Conseil des Sages ne comptant aucun membre du<br />

lignage fondateur du secteur n’a que très peu de poids et est rarement sollicité. Le<br />

respect des orientations prises par ce Conseil ne peut être effectif que si ses membres<br />

ont réellement un poids dans le district par leur appartenance – ou non – au lignage<br />

fondateur.<br />

112


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Le Conseil des Sages est un organe le plus souvent, très actif. La majorité des sites<br />

étudiés possède un Conseil des Sages fort, écouté, et, donc, efficace.<br />

1.3.2.2 Au niveau du village/secteur<br />

A l’échelle du village (ou du secteur, souvent composé d’un village et<br />

éventuellement de quelques hameaux), il existe également un Comité des Sages. Celui-ci<br />

n’est pas institutionnalisé. Il regroupe, en général, les aînés de lignage, le doyen du village<br />

et le Sage qui est membre du Comité des Sages du district. Il est un premier palier dans la<br />

résolution des conflits qui n’ont pu être réglés entre les aînés des lignages des parties<br />

opposées et, surtout, il se réunit pour résoudre tous les conflits fonciers non résolus au<br />

niveau des lignages. Lors de ces réunions sur des litiges concernant le foncier, si tous<br />

doivent débattre du problème posé, c’est généralement l’aîné du lignage fondateur (ou un<br />

de ses cadets directs) qui est amené à décider des suites.<br />

1.3.3 Le poids des traditions sur les formes modernes de pouvoir<br />

Seulement trois fonctionnaires: le sous-préfet, le sous-préfet adjoint et le secrétaire<br />

communautaire ne sont généralement pas originaires de la Sous-préfecture : tous les<br />

autres sont des natifs de la zone où ils ont été nommés ou élus. Il n’est donc pas permis de<br />

croire que tous ces individus sont dissociés du pouvoir traditionnel. Penser que le pouvoir<br />

traditionnel s’est éteint sous l’action de la Première République relève de la naïveté.<br />

Ainsi, tous ces élus locaux sont sous l’autorité de leurs aînés et ne prennent que très<br />

rarement seuls les décisions. Les décisions administratives au niveau local sont prises<br />

conjointement avec les représentants des pouvoirs traditionnels.<br />

Les différents organes s’appuient les uns sur les autres. Le Conseil des Sages peut<br />

compter sur la coopération du bureau de district et réciproquement ; la Sous-préfecture<br />

peut soutenir le bureau de district dans ses choix ou demander à ce dernier d’enquêter à<br />

l’intérieur du district, ce qui se fera avec l’appui du Conseil des Sages. Les différents pôles<br />

forment donc un enchevêtrement complexe, relativement efficace dans la gestion locale<br />

malgré le peu de moyens dont dispose la Sous-Préfecture.<br />

113


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

2 LES STRATEGIES DES POUVOIRS<br />

Nous allons maintenant tenter de construire une typologie permettant de<br />

catégoriser ces villages. Le but est de proposer un outil qui offre une idée générale de la<br />

structure des pouvoirs et de l’organisation spatiale d’un village et de son territoire à l’aide<br />

de quelques renseignements. Cela permet ainsi d’effectuer un diagnostic rapide de la<br />

situation sociale et de l’état des clivages éventuels sans avoir recours aux outils classiques<br />

d’étude de l’organisation sociale. Afin d’être reproductible sur tous les villages, la typologie<br />

se veut généralisante et globalisante. Nous en décrirons donc les grands traits, tout en<br />

spécifiant, lorsque cela est nécessaire, les éventuelles particularités rencontrées.<br />

Dans la comparaison diachronique des structures des pouvoirs et de leurs stratégies<br />

pour tous les villages étudiés, il est apparu une évolution commune. Les villages plus<br />

anciens sont passés par une phase de crise où des conflits divisaient les lignages<br />

décisionnaires (principalement le lignage fondateur). Certains villages traversaient cette<br />

phase lors de notre passage. D’autres encore, les plus récents, ne connaissent pas cet état<br />

conflictuel au sein du lignage fondateur. Partant du constat que l’organisation des pouvoirs<br />

évolue de façon similaire dans ses grands traits, nous avons alors catégorisé les villages<br />

autour de leur passage ou non par la phase de dissension au sein du lignage fondateur. En<br />

comparant tous les villages englobés dans chacune des trois phases, la similarité de<br />

nombreuses caractéristiques des stratégies des pôles décisionnaires nous a permis de<br />

valider la typologie.<br />

La division du lignage fondateur est ainsi véritablement la clé de la typologie<br />

proposée. Il s’agit en fait d’un conflit entre les lignées. Le découpage, établi ici, de<br />

l’évolution type d’un village repose donc sur l’accroissement du lignage fondateur. Il aboutit<br />

systématiquement à la constitution de lignées. Leur croissance respective conduit<br />

inévitablement sur un conflit ouvert pour l’accaparement du pouvoir. Nous nous appuyons<br />

sur le lignage fondateur car les enjeux du pouvoir sont effectivement les plus grands au<br />

sein de ce lignage. Tout conflit interne à ce lignage est donc ressenti dans toute la<br />

communauté villageoise.<br />

D’autres paramètres peuvent être retenus pour définir les types. Ils ont été mis en<br />

relief après avoir constitué la typologie. Nous les relèverons tout au long de la présentation<br />

de la typologie mais il faut bien avoir présent à l’esprit que c’est la combinaison de ces<br />

différentes caractéristiques qui permet de catégoriser un village avec certitude dans un des<br />

types proposés.<br />

2.1 LES DIFFERENTS STADES D’EVOLUTION DES VILLAGES<br />

2.1.1 La découverte du site et la diversification des lignages (type 1)<br />

Tout village a son fondateur à qui est prêtée une série de pouvoirs surnaturels<br />

particuliers. C’est par ce lien à la surnature qu’il a été en mesure de pénétrer dans la<br />

brousse sans crainte et de découvrir de nouvelles terres (souvent par hasard, lors de<br />

pérégrinations ou de recherche de gibier, nombre de fondateurs ayant été des chasseurs)<br />

ou qu’il a été envoyé pour annexer des territoires. En effet, il peut être allé à la recherche<br />

d’un nouveau site d’installation pour lui et sa famille pour cause de fuite, de guerre, de<br />

conflits avec son village d’origine… ou s’être installé aux frontières d’un territoire<br />

appartenant à son lignage afin de servir de défense ou, plus simplement, d’occuper<br />

l’espace afin d’éviter une revendication étrangère. Il va ainsi invoquer les génies en place<br />

et jauger l’entente possible ou, s’il s’est déplacé avec ses génies, les laisser se charger eux-<br />

114


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

mêmes de pactiser avec ceux déjà sur place. Il se peut qu’aucun accord ne soit trouvé et le<br />

fondateur devra alors renoncer à s’installer.<br />

Ce personnage est très important. C’est lui qui a pactisé avec les génies et assume<br />

la responsabilité du respect des accords conclus. Il est seul en mesure de décider ce qui est<br />

autorisé ou non. Tout individu voulant s’installer sur son territoire devra s’adresser à lui. La<br />

stratégie de tout fondateur est l’accroissement de son village pour assurer une certaine<br />

sécurité mais aussi l’occupation des espaces exploitables afin de légitimer leur<br />

appartenance. Il doit donc établir un certain équilibre entre sa volonté d’asseoir son<br />

autorité sur les lieux et la nécessité d’accorder une marge de manœuvre suffisante aux<br />

nouveaux arrivants pour veiller à leur stabilité au sein du néo-village.<br />

Rappelons ici que chaque nouveau lignage étranger sera un « dépendant » du<br />

lignage du fondateur (a). On dira des membres du lignage de l’étranger (b) que ce sont<br />

« les étrangers » du premier lignage (a). Un autre lignage (c) qui se serait établi par<br />

l’intermédiaire du lignage (b) sera dit « étranger » du lignage (b). Aucune installation ne<br />

peut se faire sans l’accord du lignage fondateur. Le lignage (b) devra alors fournir des<br />

espaces de cultures sur le domaine cédé par le lignage (a), toujours avec l’accord de ce<br />

dernier. Plusieurs lignages entrent donc dans la composition du village avec une série de<br />

dépendances convergeant vers le lignage fondateur.<br />

Les habitations qui composent le village sont alors le plus souvent regroupées par<br />

lignage. Le territoire villageois est encore peu approprié et rares sont les parcelles<br />

détenues par des individus. Soit le territoire est en libre appropriation et l’aîné du lignage<br />

fondateur veille, chaque année, à ce que tous les villageois aient un espace à cultiver. Soit,<br />

le territoire villageois peut déjà être découpé en domaines lignagers et chaque aîné de<br />

lignage est chargé, tous les ans, de distribuer des terres à tous les membres de son<br />

lignage.<br />

Dans ce type de village, l’accession au pouvoir administratif n’est pas une<br />

préoccupation primordiale pour le lignage fondateur. L’objectif de ce dernier est<br />

véritablement de promouvoir l’expansion démographique du village, gage de pérennité et<br />

de sécurité. Ainsi, tout est mis en œuvre pour fixer les lignages étrangers. Nous l’avons dit,<br />

en ce qui concerne le foncier, le lignage fondateur doit à la fois maintenir son autorité et<br />

proposer des concessions attractives aux étrangers en vue d’assurer leur installation<br />

définitive. La stratégie est la même pour la répartition des pôles de pouvoir administratifs.<br />

Dans des villages récents, on observe, le plus souvent, des postes, comme chef secteur,<br />

membre du bureau du district ou membre du Comité des Sages, occupés par des membres<br />

de lignages étrangers. Le lignage fondateur, après quelques générations, accapare<br />

progressivement les différents postes. L’attribution de la fonction de premier imam à un<br />

lignage étranger s’inscrit clairement dans cette stratégie. Contrairement aux autres pôles<br />

de pouvoir, cette fonction reste le plus souvent dans le même lignage et ne sera donc pas<br />

récupérée par le lignage fondateur.<br />

2.1.2 L’accroissement des lignées du lignage fondateur (type 2)<br />

Une fois l’accroissement démographique du village entamé, un phénomène se<br />

produit : l’émergence des lignées. Le lignage devient une unité trop imprécise pour définir<br />

le grand nombre d’individus qu’il regroupe et se distingue alors, au sein d’un même<br />

lignage, l’émergence de lignées. Celles-ci peuvent être définies de différentes manières.<br />

Soit il s’agit de descendants d’une même épouse du patriarche, soit, plus précisément, il<br />

s’agit de descendants d’un même fils du patriarche.<br />

115


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Si l’émergence des lignées dépend du nombre d’individus qu’elles regroupent, les<br />

lignages les plus sujets à ce type de division (dans le sens de détermination) sont donc les<br />

plus anciens des villages, c’est-à-dire les lignages fondateurs. De plus, c’est véritablement<br />

au sein de ces lignages que les enjeux du pouvoir sont les plus forts. Si, comme nous<br />

l’avons constaté, les codes inter-lignagers sont clairement établis, les relations entre les<br />

lignées, quant à elles demeurent plus floues. Emergent alors de nombreuses dissensions<br />

divisant le lignage. Les lignées sont d’autant plus faciles à déterminer. En plus d’un<br />

qualificatif nominal (voir annexes) distinguant les différentes lignées, ces dissensions vont<br />

provoquer un éclatement géographique du village : des concessions différentes vont se<br />

créer pour un même lignage jusqu’à un éloignement important entre les habitations des<br />

différentes lignées dans le même village. On peut ainsi observer des concessions de lignées<br />

différentes d’un même lignage séparées par des concessions de lignages différents. Le<br />

pouvoir inhérent au lignage fondateur est alors revendiqué par chacune des lignées, chacun<br />

des aînés de lignée étant convaincu d’être le descendant légitime du patriarche. Des<br />

rancœurs se font jour et aboutissent, le plus souvent, à des conflits ouverts. Ces rivalités<br />

évoluent jusqu’à l’éclatement du village et la migration de certaines lignées en dehors du<br />

village pour fonder un hameau.<br />

Chacune des lignées a ses étrangers qui ne sont plus considérés comme des<br />

étrangers de lignage mais réellement de lignées. On remonte alors jusqu’à celui qui a<br />

accueilli ces étrangers ; ses descendants, membres de sa lignée, sont les tuteurs des<br />

descendants de l’étranger. La répartition de l’habitat fidèle au découpage entre les lignées<br />

s’applique également à leurs étrangers. Chaque lignage étranger résident ainsi à proximité<br />

de sa lignée tutrice. Cette scission a donc un impact sur tout le village. Il semble toutefois<br />

que les étrangers prennent rarement parti, mais ils subissent tous les débordements du<br />

conflit qui peuvent rejaillir sur les activités comme sur le foncier, dans des degrés plus ou<br />

moins importants suivant les villages. On peut souvent observer dans ce type de village<br />

des regroupements de domaines appartenant à chaque lignée.<br />

Dans les villages de type 2, on assiste à une véritable course au pouvoir ; chaque<br />

lignée essaie d’occuper un maximum de postes administratifs, du Comité des Sages au<br />

bureau de district en passant par la tête du secteur. Tous les moyens sont bons pour<br />

accumuler les postes au sein de la lignée. Les étrangers y accèdent rarement, exception<br />

faite de la fonction de premier imam qui peut être l’apanage d’un lignage étranger. Chaque<br />

lignée s’arrangera pour occuper tout de même le Conseil de mosquée en convoitant les<br />

fonctions de deuxième ou troisième imam. La collaboration entre les différents organes<br />

administratifs est donc moins évidente.<br />

2.1.3 L’expansion et l’éclatement du village (type 3)<br />

Les dissensions entre les lignées finissent le plus souvent par provoquer des<br />

déplacements de lignées soit aux extrémités du village, soit à l’extérieur du village pour<br />

fonder de nouveaux hameaux qui deviendront des villages de type 1 ou s’intégrer comme<br />

étranger dans des villages proches déjà existants. Au sein du village de type 3, le paysage<br />

du bâti devient plus confus. Les quartiers proprement délimités, avec leurs lignages ou<br />

lignées et leurs étrangers, ont explosé. Ils se sont transformés au gré des différents<br />

déplacements, souvent expliqués par un manque de place au premier abord. Nous nous<br />

sommes aperçus, en remontant dans l’histoire des lignages ou des quartiers, qu’un conflit a<br />

provoqué le départ du segment de lignage venu s’installer dans un nouveau quartier. Il y a<br />

reconstruit son identité en établissant de nouvelles alliances, sans pour autant couper les<br />

liens de dépendance à l’aîné qui a pu rester dans le quartier d’origine. Après plusieurs<br />

générations, il n’est pas rare que ce segment de lignage se soit complètement désolidarisé<br />

de son lignage d’origine au point d’adopter un autre qualificatif nominal, voire un autre<br />

116


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

nom de lignage. Il se considère alors comme un lignage à part entière souvent sous la<br />

tutelle du lignage qui lui a permis anciennement de s’installer dans son nouveau quartier.<br />

De même, la répartition foncière a subi de profondes modifications. De nombreuses<br />

parcelles en droit d’usage consolidé (des parcelles destinées aux cultures vivrières et les<br />

casiers) ont été l’objet d’échanges ou de transmissions par héritage ou par don. Ces<br />

modifications ont réduit la cohérence des domaines lignagers là où ils existaient. Tout<br />

comme la répartition de l’habitat, il est beaucoup plus difficile de délimiter des entités<br />

correspondant à des regroupements sociaux. Le paysage foncier est véritablement éclaté.<br />

De plus, les premiers lignages étrangers, arrivés au début de la formation du village, ont<br />

vu leurs droits fonciers évoluer sensiblement : ils ont souvent un domaine foncier sur<br />

lequel leur droit peut s’apparenter à un droit éminent.<br />

La logique de la répartition des pôles de pouvoir semble également beaucoup plus<br />

floue dans les villages de ce type. Des lignages, autres que le lignage fondateur, se sont<br />

imposés dans les sphères décisionnaires. Il s’agit généralement des premiers étrangers,<br />

établis dans le village depuis fort longtemps, et qui ont donc eu le temps de pénétrer les<br />

pôles dirigeants du village. Cela ne signifie aucunement une importante diminution du<br />

pouvoir du lignage fondateur qui reste déterminant, mais un partage partiel du pouvoir<br />

entre les plus anciens lignages du village. Les postes administratifs ne sont pas occupés<br />

directement par des membres des lignages forts (lignage fondateur ou étrangers des<br />

premières vagues d’immigration au sein du village) : on place le plus souvent des<br />

étrangers de « deuxième ordre » que l’on manipule dans l’ombre. Certains pôles comme le<br />

bureau de district peuvent être pénétrés par quelques membres de lignages forts mais ces<br />

derniers occupent rarement les postes de président ou président adjoint : ils sont surtout là<br />

pour contrôler le bon déroulement des prises de décision. Ceci évite aux aînés des lignages<br />

prépondérants d’avoir à passer du temps dans la représentation et la réception des<br />

autorités exogènes au village, qui peuvent être coûteuses en nourriture, tout en gardant le<br />

contrôle décisionnaire. Ces « observateurs » issus des lignages forts sont le plus souvent<br />

des jeunes et très rarement des aînés : ils ont peu de poids à l’intérieur de leur lignage<br />

d’origine. Ils restent véritablement sous l’autorité de leurs aînés qui renforcent ainsi leur<br />

emprise sur le bureau. Cette emprise ne s’arrête pas là. En effet, dans les villages de type<br />

3, le Comité des Sages est souvent constitué par des aînés des lignages forts. Comme nous<br />

l’avons vu dans la première partie, il existe de nombreux points de collaboration entre le<br />

bureau de district et le Conseil des Sages. Dans un tel cas de figure, l’inféodation du<br />

premier envers le second est d’autant plus forte.<br />

Nous pouvons également ajouter que le Conseil de mosquée a perdu beaucoup<br />

d’influence dans les villages de ce type. Il n’est plus présent lors des décisions concernant<br />

la communauté villageoise ou n’est là que pour la figuration. Ceci peut s’expliquer par<br />

l’émergence de nombreux lignages sur le devant des sphères de pouvoir ou par le fait<br />

qu’étant l’apanage d’un lignage, il n’est plus nécessaire de les faire participer afin de<br />

s’assurer de leur stabilité au sein du village, celle-ci étant déjà acquise. Cependant, il est<br />

certain que si les imams sont issus de lignages « forts » ou présents dans d’autres pôles<br />

de pouvoir, le Conseil de mosquée sera alors écouté.<br />

2.2 ILLUSTRATION DE LA TYPOLOGIE<br />

Afin de comprendre les déterminants de la typologie proposée et les répercussions<br />

des types sur la gestion de l’espace, nous allons ici développer un exemple précis pour<br />

chaque type.<br />

117


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

2.2.1 Kaolon, un village jeune<br />

2.2.1.1 Répartition de l’espace villageois<br />

Bakary Camara est le fondateur de Kaolon : le lignage fondateur de Kaolon est donc<br />

le lignage Camara. Les Sampou sont des étrangers des Camara. Les Kalissa ont été reçu<br />

par les Sampou et sont donc sous leur tutelle. Le premier arrivant des Kalissa, Youssouf a<br />

été reçu par son oncle Thierno Sampou.<br />

Le village de Kaolon est divisé en deux parties. Ceci permet la constitution de<br />

nombreuses plantations autour des habitations (orangers, kolatiers et citronniers<br />

principalement). Il n’est pas rare que les villages de type 1 se constituent autour de deux<br />

pôles non contigus. Le plus souvent, ces deux pôles finissent par se rejoindre pour former<br />

un village avec un bâti continu.<br />

Figure 2 : Répartition de l’habitat par lignage à Kaolon<br />

Nous observons sur la figure 6 que les habitations sont regroupées par lignage. Les<br />

Kalissa, étrangers des Sampou, se sont installés proche de leurs tuteurs.<br />

118


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Carte 2 : Répartition du territoire de Kaolon<br />

La plus grande partie du territoire de Kaolon est non appropriée. Tout le village peut<br />

cultiver sur ces espaces de coteau. Tous les lignages ont des individus disposant de<br />

plantations appropriées en droit d’usage consolidé (ces espaces leurs appartiennent<br />

définitivement et leurs enfants pourront en hériter). Les Sampou, installés en premier à<br />

Kaolon, disposent des plus grands espaces de plantations. Les parcelles définies comme<br />

appropriées en vue de plantation correspondent à des espaces cultivés en riz, fonio,<br />

arachide ou niébé lors de notre passage mais qui seront aménagés en plantation (la culture<br />

vivrière est toujours pratiquée avant la mise en plantation). L’autorisation a été demandée<br />

au lignage fondateur. Les plantations non contiguës au village sont principalement<br />

constituées d’anacardiers.<br />

2.2.1.2 Les structures de pouvoir<br />

Nous avons constaté que les attributs du lignage fondateur sont l’apanage des<br />

Camara. Ainsi, les Camara sont restés chef du village de la fin des années cinquante<br />

jusqu’en 1999. Toutefois, actuellement, le lignage fondateur ne semble plus voir d’intérêt<br />

particulier dans la chefferie à ce premier stade d’évolution. Il est donc plus pertinent de le<br />

léguer aux lignages étrangers afin d’assurer la pérennité de leur installation (notamment<br />

les Kalissa, fraîchement arrivés). Depuis 1999, le chef secteur est Mamadouba Sampou. De<br />

119


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

même, le rôle de conseiller attitré au district est détenu par un étranger. Il s’agit<br />

d’Abdoullaye Kalissa. Ce dernier est également membre du Conseil des Sages du district ;<br />

cela illustre bien nos propos : le lignage fondateur est en retrait au niveau administratif et<br />

chefferie.<br />

Il n’existe pas véritablement de Conseil de mosquée à Kaolon car la mosquée est<br />

encore trop petite. Toutefois, un imam a été désigné. Il a été successivement Mané (un<br />

lignage qui n’a pas de descendance actuellement à Kaolon), Sampou et Kalissa. L’imam a<br />

toujours été membre d’un lignage étranger. Nous n’observons pourtant pas encore dans ce<br />

village de lignage assigné au rôle de premier imam.<br />

2.2.2 Madiya, des lignées fondatrices importantes : la rupture<br />

2.2.2.1 Historique et lignages<br />

Si les Camara Dassi sont les premiers arrivants de Madiya, ce sont les Koumbassa<br />

qui sont aujourd’hui considérés comme les fondateurs. En effet, les Camara Dassi sont<br />

arrivés les premiers mais ont remis les attributs du fondateur aux Koumabassa afin de<br />

s’assurer leur protection, ces derniers étant des guerriers. Toutefois, les Camara Dassi ont<br />

gardé leur droit éminent sur leur domaine foncier. Il est à noter que le lignage fondateur,<br />

les Koumbassa, est actuellement divisé en trois lignées : les Koumbassa Wondé, les<br />

Koumbassa Kouyé et les Koumbassa Simini.<br />

Les Soumah Sirafougué, sont les étrangers des Camara Dassi qui les ont reçus,<br />

mais nous verrons que l’évolution du statut des Camara Dassi ne leur a pas été profitable.<br />

Les Soumah Kolissouro sont des étrangers des Koumbassa Wondé. Ils sont arrivés<br />

récemment à Madiya. Il existe également un lignage étranger Diallo appartenant au groupe<br />

ethnique des Mikhiforè. Ce sont les étrangers des Koumabassa Simini. Les Camara<br />

Konkofiya sont les étrangers des Koumbassa Kouyé.<br />

Avec l’accroissement démographique de trois lignées des Koumbassa, d’anciennes<br />

histoires anciennes histoires attisent les rivalités et les rancœurs entre les lignées. Si<br />

l’objectif n’est pas de rentrer dans ces considérations, toutes ces histoires sont réellement<br />

symptomatiques des rancœurs qui se font jour entre des lignées du lignage fondateur d’un<br />

village de type 2 dans la lutte pour le pouvoir. Le village de Madiya est ainsi actuellement<br />

scindé en quatre groupes : les Camara Dassi et leurs étrangers; les Koumbassa Simini et<br />

les Diallo ; les Koumbassa Wondé et les Soumah Kolissouro ; les Koumbassa Kouyé et les<br />

Camara Konkofiya.<br />

2.2.2.2 La répartition de l’habitat et du territoire<br />

Ces clivages se retrouvent dans la répartition des habitations au sein du village. Ils<br />

se sont même matérialisés par l’apparition de quatre quartiers abritant chacun un des<br />

groupes définis plus haut. On peut ainsi observer sur la figure suivante que les Camara, ne<br />

prenant parti ouvertement pour aucune des lignées rivales, semblent servir de tampon<br />

entre les trois autres quartiers avec chacun une lignée et ses étrangers. Ils sont au centre<br />

du village, chacune des lignées occupant une extrémité du village.<br />

120


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Figure 3 : Répartition de l'habitat par lignage à Madiya<br />

On comprend mieux cette scission sur la reprise du plan du village sur la figure<br />

suivante, avec le découpage par quartier.<br />

TALABE<br />

-Koumbassa Kouyé<br />

-Camara Konkofiya<br />

BANDEHINDE<br />

-Camara Dassi<br />

-Soumah Sirafougué<br />

BONFI PORT<br />

-Koumbassa Simini<br />

- Diallo<br />

BONFI<br />

-Koumbassa Wondé<br />

-Soumah Kolissouro<br />

Figure 4 : Représentation des différents quartiers de Madiya<br />

et du découpage entre les lignages et les lignées et leurs étrangers<br />

La carte suivante présente la répartition des terres dédiées aux cultures de coteau.<br />

Si nous reviendrons dessus par la suite, nous pouvons préciser que le droit d’usage<br />

consolidé correspond à un droit d’usage proche du droit foncier moderne et que le droit<br />

d’usage imprescriptible représente le droit de chacun de jouir, chaque année, d’une terre<br />

disponible pour cultiver et d’une superficie suffisante pour assurer les besoins de sa famille.<br />

Ce dernier type de droit implique le devoir de chaque aîné de veiller à ce que les membres<br />

de son lignage ou de sa lignée aient une parcelle pour pratiquer les cultures de coteaux.<br />

Ainsi, les domaines dédiées aux occupations par droit d’usage imprescriptible (les deux<br />

121


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

dernières légendes) peuvent être considérés comme des réserves foncières qui permettent<br />

au lignage de faire face aux évolutions démographiques des ménages le constituant. Nous<br />

verrons dans la troisième partie que ce point est capital dans la compréhension du foncier<br />

en Guinée Maritime.<br />

Carte 3 : Répartition des espaces destinés à la culture de coteau à Madiya<br />

Comme on peut le remarquer sur la carte, la division du territoire en quatre<br />

domaines, qui épouse le découpage entre les lignages Camara et Koumbassa, d’une part,<br />

et, d’autre part, entre les lignées des Koumbassa dans le village, est véritablement<br />

122


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

pertinente pour comprendre la répartition territoriale à Madiya. Sur ces quatre grands<br />

domaines, chaque aîné à un droit éminent (DE). Ce phénomène est véritablement<br />

singulier : ce n’est pas un seul aîné de tout le lignage fondateur qui a un droit éminent sur<br />

l’ensemble du terroir villageois mais bien plusieurs aînés de différentes lignées, voire de<br />

différents lignages. Ce dernier partage inter-lignager est véritablement spécifique à Madiya<br />

car il y a eu transmission du titre de premier arrivant. De plus, le découpage du terroir est<br />

le prolongement des différents quartiers du village. Les Koumbassa Kouyé ont leur domaine<br />

au sud-ouest, les Koumbassa Wondé au sud-est, les Koumbassa Simini au nord-est et les<br />

Camara Dassi au nord-ouest.<br />

Les espaces les plus proches du village sont appropriés en droit d’usage consolidé.<br />

Ils relèvent ainsi de l’individu. Ces parcelles sont les plus prisées, car les plus pratiques, il<br />

n’est donc pas étonnant qu’elles soient appropriées individuellement. Elles sont<br />

majoritairement détenues par les lignages tuteurs comme nous pouvons l’observer sur la<br />

carte.<br />

2.2.2.3 La répartition des pouvoirs<br />

Comme nous l’avons constaté, le lignage des Koumbassa a reçu les attributs de la<br />

chefferie des Camara pour que soit assurée leur installation définitive dans le village, gage<br />

de sécurité. Si ce schéma est classique, nous sommes toutefois confrontés, ici, à une<br />

passation particulière car ce n’est pas seulement la chefferie mais aussi tous les attributs<br />

du lignage fondateur qui ont été transmis aux Koumbassa, suite à leurs exploits guerriers.<br />

Ce lignage est, depuis lors, à la tête de la chefferie du village. De plus, on s’aperçoit<br />

aujourd’hui qu’à part les Soumah Sirafougué, tous les autres étrangers ont été reçus par<br />

les Koumbassa, ce qui a renforcé leur pouvoir car tous ces lignages sont sous leur tutelle.<br />

Toutefois, leur positionnement n’est pas le même dans l’ordre établi des pouvoirs, en<br />

fonction de leur ordre ou des conditions de leur arrivée.<br />

Ainsi, le bureau de district est constitué de membres de toutes les lignées<br />

Koumbassa. Seul un siège a été donné à un autre lignage. En effet, les lignées Koumbassa<br />

se battent pour le pouvoir. De même, le Conseil des Sages a été brigué par une lignée<br />

Koumbassa, qui a réussi à s’accaparer le rôle de président.<br />

Le doyen du village est Fodé Abou Koumbassa. Il est donc également aîné du<br />

lignage des Koumbassa, toutes lignées confondues et appartient à la lignée des Kouyé. Il<br />

souffre de surdité et n’est pas en mesure d’assumer le rôle de doyen. Si ce handicap n’est<br />

pas grave en soi, puisque les attributs du pouvoir inhérents au doyen du village sont<br />

limités, il n’est pas question pour sa lignée de reconnaître son incapacité. En effet, il<br />

pourrait concéder le rôle de doyen au Camara Dassi dont un membre vient après Fodé<br />

Abou Koumbassa au niveau de l’âge. Seulement ce serait renoncer de ce fait à l’aînesse du<br />

lignage : le deuxième aîné (celui qui vient après Fodé Abou au niveau de l’âge) est El Hadj<br />

Momodou Koumbassa, de la lignée des Wondé. On comprend alors que les Koumbassa<br />

Kouyé veulent garder les attributs de l’aînesse du lignage à tout prix dans leur lignée,<br />

quitte à ce qu’il n’y ait pas véritablement de doyen du village.<br />

Les Camara Dassi ont la responsabilité du rôle de premier imam qu’il se transmette<br />

dans le lignage depuis plusieurs générations. Les deuxième et troisième imams sont<br />

toutefois des Koumbassa. Toutes ces répartitions illustrent à merveille le schéma décrit<br />

précédemment : le lignage fort après celui des fondateurs (dans le sens de statut) occupe<br />

la fonction de premier imam. En effet, nous avons pu voir dans le découpage du village et<br />

du terroir villageois, que les Camara Dassi, bien qu’ils aient cédé les attributs de fondateur,<br />

ne se trouvent pas pour autant dans une situation précaire au village et dans l’ordre établi.<br />

123


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

2.2.3 Bigori : l’éclatement de l’espace villageois<br />

2.2.3.1 Historique et lignages<br />

Nous ne rentrerons pas ici dans le détail de l’histoire de la formation du village de<br />

Bigori et des arrivées successives des lignages, ce qui pourrait être l’objet d’un rapport à<br />

part entière. Nous n’en brosserons ici que les grandes lignes pour comprendre les<br />

caractéristiques d’un village de type 3.<br />

Deux lignages semblent être les fondateurs : les Bangoura Motchöck et les Soumah<br />

Dklap. Un autre lignage peut être également mis au premier plan avec les fondateurs, il<br />

s’agit des Bangoura Amantchla. Ils sont arrivés à la même période mais n’occupaient pas<br />

les mêmes espaces. Une deuxième vague d’installation a vu l’arrivée des Soumah Manko,<br />

des Camara Dkavé, des Camara Tchklé et les Bangoura Mossoul. Une troisième vague, les<br />

lignages Camara Domyontch, les Camara Amanta, les Soumah Katöm et les Soumah<br />

Kbartöm. Les autres lignages sont arrivés par la suite ou sont issus de segments des<br />

lignages cités ayant migré dans d’autres quartiers, à la suite de conflits, pour former des<br />

lignages autonomes.<br />

Un autre phénomène doit être consigné ici : il s’agit des rapport à la surnature qui<br />

ont pu placer des lignages en avant bien qu’ils aient pu arriver tardivement. Ainsi, des<br />

lignages issus de la deuxième vague d’installation ont pu prendre de l’importance grâce à<br />

leur forte capacité reconnue de recours à la surnature et se placer, petit à petit, en tête de<br />

la sphère décisionnaire.<br />

Le village de Bigori est passé par une phase de type 2 : de nombreux conflits ont<br />

divisé des lignages et sont encore latents aujourd’hui. Cela a pu provoquer, nous venons<br />

de le préciser, la formation de nouveaux lignages ne reconnaissant plus de liens de<br />

dépendance avec le lignage d’origine. Ils ont le plus souvent été reçus par un lignage fort,<br />

implanté dans un autre quartier, qui les a placés sous sa protection. De plus, certains ont<br />

pu quitter les limites du village et fonder des hameaux à proximité. Tous les villages<br />

constituant le district de Bigori ont ainsi été fondés par des segments de lignage issus du<br />

secteur central. Bien que certains de ces segments ne résident plus dans ces hameaux et<br />

que ce sont des étrangers Soussou, sénégalais ou autre, qui les occupent, ils sont<br />

véritablement le fruit de l’éclatement de l’unité villageoise.<br />

Ainsi, dans les districts composés d’au moins un village de type 3, il est souvent très<br />

difficile de poser les limites des secteurs qui paraissent le plus souvent arbitraires. Dans le<br />

district de Bigori, regroupant trois secteurs, Bigori Centre, Taboli et Mamblawane, les<br />

limites de ces secteurs peuvent donc englober des parties de quartier du village de Bigori<br />

avec des hameaux et des villages en périphérie du village central. Ces difficultés<br />

d’établissement de limites administratives entre les secteurs sont véritablement<br />

symptomatiques des districts comprenant au moins un village de type 3 (qui est forcément<br />

le secteur central).<br />

124


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

2.2.3.2 La répartition de l’habitat et du territoire<br />

Figure 5 : Répartition de l'habitat par lignage à Bigori<br />

Si la figure 6 illustre des limites assez claires, aujourd’hui, figurés sur la figure 5, les<br />

lignages ont éclatés en plusieurs quartiers au gré des conflits. Ces déplacements peuvent<br />

également déborder du village et engendrer la création de hameaux qui deviendront<br />

ensuite des villages. Ainsi, sur la figure 5, on peut distinguer, au sud-est, Kissombo. De<br />

même, à l’extrême Sud, avec de nombreuses habitations Soussou, nous repérons Yolossi.<br />

Il est donc difficile de voir une légitimité dans le découpage des secteurs : la figure 5,<br />

même si elle semble représenter un seul et même village, regroupe des parties des trois<br />

secteurs du district.<br />

125


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

TABÖL<br />

-Bangoura<br />

Bassali<br />

-Bangoura<br />

Katop<br />

-Bangoura<br />

Sawonya<br />

-Bangoura<br />

Mossöl<br />

-Camara Dkvé<br />

-Bangoura Dkvé<br />

-Camara Dmnyontch<br />

-Soumah Katöm<br />

SOMNE<br />

MORTCHÖK<br />

MAMBRE<br />

-Camara Kmbantchi<br />

-Bangoura Motchok<br />

-Soumah Kbartöm<br />

TCHANKALA<br />

MÖTIA<br />

-Camara Tchklè<br />

-Camara<br />

Tchntcherta<br />

-Camara<br />

Amanta<br />

SOUNTA<br />

-Soumah<br />

Dklap<br />

-Soumah<br />

Manko<br />

PADEYA<br />

KPNTA<br />

-Bangoura Amantchla<br />

Figure 6 : Représentation des plus anciens quartiers de Bigori et des lignages y trouvant leurs origines<br />

Il existe à Bigori des regroupements de quartiers (Padeya, Tchankala et Somne). Ils<br />

sont effectifs dans les activités et dans la médiation avec la surnature. Pour les activités, il<br />

s’agit par exemple de regroupements de jeunes envoyés par leurs aînés pour les travaux<br />

agricoles afin d’aider d’éventuels gendres qui résident dans d’autres villages. Pour la<br />

surnature, la répartition des sièges dans les forêts sacrées s’appuie sur ces regroupements.<br />

126


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Carte 4 : Répartition des espaces rizicoles à Bigori<br />

Les domaines rizicoles proches du village sont figurés sur la carte. Ils correspondent<br />

aux répartitions originelles du territoire. Si actuellement ces limites sont encore connues<br />

par la population villageoise, ils n’ont plus aucune légitimité. En effet, l’agrandissement<br />

d’un domaine (a) nous permet de visualiser l’origine lignagère des détenteurs de groupes<br />

de casiers au sein d’un domaine considéré comme appartenant aux Bangoura Sawonya.<br />

Onze lignages différents sont représentés. Les héritages, les dots, les dons, les échanges…<br />

de casiers ne permettent plus le regroupement de ceux-ci en domaine. De même, une<br />

quelconque inégalité de droits fonciers entre les lignages sur chaque domaine ne peut être<br />

mis en avant : les casiers, comme nous le développerons par la suite, sont appropriés sous<br />

une forme de droit foncier proche du droit moderne. Chaque détenteur de casiers l’est au<br />

même titre que ses voisins.<br />

Le territoire villageois est totalement éclaté. Il n’est plus possible de réaliser des<br />

regroupements de parcelles en domaines. Cela illustre réellement notre propos : tous les<br />

lignages sont partout. Il n’y a plus de continuité dans les détentions dans un village de type<br />

3.<br />

127


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

2.2.3.3 Les structures de pouvoir<br />

Les principaux acteurs de l’espace décisionnaire sont les anciens des<br />

lignages Bangoura Motchöck, Camara Tchklé, Bangoura Mossol et Soumah Dklap. Nous<br />

pouvons également ajouter les Bangoura Amantchla. Les quatre premiers lignages ne sont<br />

pas à la tête des pôles de pouvoirs institutionnalisés mais ils en tirent les ficelles dans<br />

l’ombre. Aucune nomination à un poste important, tout comme les destitutions, ne se fait<br />

sans leur accord, même si elles peuvent officiellement être prononcées par les organes<br />

administratifs, comme la Sous-Préfecture.<br />

La constitution du bureau de district illustre cette assertion. Les présidents et viceprésidents,<br />

ainsi que tous les personnages clés, ne sont pas des lignages forts. On retrouve<br />

à des rôles secondaires (secrétaire ou chef secteur adjoint), des membres des lignages<br />

cités dans le premier paragraphe. Ces membres des lignages « forts » ne font pas partie<br />

des cercles des Anciens dans leurs lignages respectifs. Ils peuvent être considérés comme<br />

les yeux de leurs aînés. On voit ainsi un bureau qui, au premier abord, est en dehors du<br />

contrôle des lignages présentés comme décisionnaires. Dans les faits, il en est tout<br />

autrement : rien ne se décide sans le consentement des lignages forts cités ci-dessus. Il<br />

est indiscutable que la tête du bureau de district a également été mise en place par ces<br />

derniers.<br />

Historiquement, la chefferie du village a été détenue par le lignage (même si cela<br />

n’a pas été continu) des Camara Domyontch (un lignage tardivement arrivé). Ils ont été<br />

ainsi les interlocuteurs privilégiés avec les colons, tout comme ils ont été à la tête des<br />

différents pôles administratifs depuis la décolonisation. Toutefois, cette fonction du lignage<br />

paraissant de prime abord prépondérante, n’est que de second ordre. En effet, n’étant pas<br />

invités à faire partie de la sphère décisionnaire, ils n’ont véritablement qu’un rôle de<br />

représentation et ne peuvent se désolidariser des lignages « forts » qui leur dictent leur<br />

façon d’agir.<br />

Le Comité des Sages est constitué de membres des lignages que nous avons<br />

présentés comme prépondérants. Les Sages font non seulement partie des lignages<br />

importants pour la communauté villageoise, mais, en outre, la majorité d’entre eux occupe<br />

une position de premier ordre au sein de leur lignage. Le Comité des Sages est donc<br />

clairement sous le contrôle direct des lignages forts de Bigori. Ceci permet également,<br />

selon les modalités décrites dans la première partie, une emprise à un autre niveau sur le<br />

bureau de district.<br />

Le Conseil de mosquée du district est représenté par des étrangers du secteur de<br />

Mamblawane. Tous habitent dans des hameaux en dehors du village de Bigori. Tous sont<br />

originaires de lignages d’installation récente. On réalise ainsi le peu d’importance donnée à<br />

cette entité. Le Conseil de mosquée est donc rarement présent lors des assises villageoises<br />

et, s’il est présent, il ne prend pas la parole, ni ne participe aux décisions. Nous pouvons<br />

également évoquer l’existence d’un Conseil paroissial à Bigori, où la moitié de la population<br />

est catholique. Ce Conseil n’intervient que dans les décisions inhérentes aux affaires<br />

religieuses, plutôt d’ordre organisationnel et sa composition ne nous apporte pas grand<br />

chose pour la compréhension des pouvoirs à Bigori.<br />

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Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

2.3 PRECISIONS SUR LA TYPOLOGIE<br />

2.3.1 Des types 1 particuliers<br />

Nous pouvons préciser la typologie. En effet, on peut distinguer un sous-type 1. Il<br />

s’agit des villages fondés par un segment de lignage quittant son village de type 2, le plus<br />

souvent à cause de conflits au sein de la famille, et s’installant à proximité du village<br />

d’origine. Ces villages se retrouvent dans des districts avec un village de type 3. Ces<br />

villages ont été fondés par un segment de lignage issu du village proche et en sont donc<br />

très dépendants. Les fondateurs peuvent ne plus être présents dans le village (c’est le cas<br />

de beaucoup de villages de ce type dans le district de Bigori, où les fondateurs sont<br />

retournés dans le village mère après une ou deux générations, les conflits s’étant<br />

estompés) mais ses étrangers restent sous la tutelle du lignage du fondateur resté au<br />

village d’origine du fondateur, en l’occurrence des villages de type 3. Ceci a de nombreuses<br />

implications sur leur représentation au sein du district et leurs relations avec les autres<br />

villages.<br />

Le chef du village est le plus souvent issu du lignage fondateur, lorsque ce dernier<br />

est encore présent dans le village, ou du lignage des premiers étrangers. Ces derniers<br />

entretiennent les liens avec la surnature et, également, avec le secteur et le district.<br />

Toutefois, ils sont rarement représentés au niveau du district. On a véritablement<br />

l’impression qu’ils sont mis en retrait et ne semblent pas être sollicités dans toute la vie<br />

décisionnaire administrative. Cette mise à l’écart provient du secteur central qui les<br />

considère sous leur tutelle. Au niveau du foncier, les fondateurs ne disposent pas du droit<br />

éminent sur le terroir villageois, celui-ci étant resté dans les mains du lignage dans le<br />

village mère. Les habitants des villages de ce type 1 particulier sont donc très limités dans<br />

leurs choix agraires car les décideurs sur leur espace foncier sont exogènes au village.<br />

Cette dépendance se traduit le plus souvent par de la rancœur qui, sans déboucher<br />

sur des conflits ouverts, alimente une volonté d’indépendance de ces villages. Il n’est pas<br />

rare d’entendre parler de tentative de sécession de la part de ces villages qui souhaitent<br />

être rattaché à un autre district. Ces villages sont effectivement spoliés lors des décisions<br />

qui concernent tout le district mais ne les intègre pas. Par exemple, à Bigori, les paiements<br />

d’amende par les éleveurs transhumants peuls à cause des dégâts occasionnés par leurs<br />

bétails aux cultures du district n’on jamais été redistribués jusqu’aux villages périphériques<br />

de Bigori.<br />

Ces villages d’un type 1 particulier ne doivent pas être confondus avec ceux du type<br />

1 décrit précédemment qui sont fondés par des segments de lignage d’un village proche<br />

pour occuper l’espace. L’installation de ces derniers n’est pas le fruit d’une fuite pour cause<br />

de conflit dans leur village mais a été véritablement impulsée par les anciens du village<br />

d’origine. Les relations entretenues entre le village mère et le néo-village sont différentes :<br />

le droit éminent sur les nouveaux espaces occupés appartient au fondateur. Il n’existe pas<br />

les phénomènes de dépendance que nous venons de décrire pour les types 1 particuliers.<br />

2.3.2 Implications de la typologie<br />

La catégorisation des villages au sein de la typologie proposée peut être un outil<br />

pertinent pour les opérateurs du développement en Guinée Maritime. En effet, il est certain<br />

qu’elle a de nombreuses applications, aussi bien en ce qui concerne la répartition de<br />

l’espace villageois que sur la constitution des sphères décisionnaires ou les niveaux de<br />

richesse des habitants.<br />

129


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Il peut être ainsi intéressant pour les opérateurs du développement de pouvoir<br />

définir quels sont les interlocuteurs les plus pertinents dans la construction de politiques de<br />

développement. Au-delà de cette reconnaissance des véritables détenteurs d’un pouvoir<br />

décisionnaire, il est pertinent de connaître l’« état d’esprit » dans lequel se trouve le<br />

village. En effet, de gros aménagements nécessitant une certaine organisation des<br />

villageois (par exemple la gestion de l’eau dans des aménagements rizicoles) semble<br />

difficilement réalisable dans des villages de type 2 ou 1 particulier.<br />

130


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

3 LES ROLES DES POUVOIRS<br />

3.1 POUVOIR ET ACTIVITES<br />

3.1.1 Le poids des connaissances<br />

Nous allons essayer ici de nous pencher sur le pouvoir dont usent ceux qui ont des<br />

connaissances reconnues comme utiles à la communauté.<br />

3.1.1.1 Les connaissances techniques, clé d’intégration<br />

Les Ballante tirent leur pouvoir de leurs connaissances des techniques rizicoles. Ils<br />

sont reconnus comme les plus grands aménageurs de casier. Ainsi, tout est fait pour les<br />

retenir. Les Ballante ont donc réussi à mettre en avant leur savoir-faire. Ils savent en tirer<br />

profit et ont su, en très peu de temps (leur migration est récente), s’intégrer dans la zone<br />

malgré des pratiques sociales très contestées par les autochtones. Ils puisent ainsi un<br />

pouvoir important de leurs connaissances techniques qui leur ont permis de s’octroyer de<br />

nombreux avantages et des espaces pour assurer la subsistance de leurs familles. De plus,<br />

cette main d’œuvre qualifiée est hautement mise en valeur car, comme nous l’avons vu,<br />

les coûts de mobilisation d’un groupe de travail Ballante sont très élevés. Ceci leur assure<br />

ainsi, en plus de facilités d’intégration, des revenus importants.<br />

3.1.1.2 Les connaissances surnaturelles, sources de revenus et de biens<br />

La majorité des médiateurs avec la surnature donnent des consultations et sont plus<br />

ou moins sollicités selon leur réputation. Les gens qui ont recours à ces praticiens sont<br />

nombreux ; ils peuvent venir de tout le district, de la Sous-préfecture, de la Préfecture, de<br />

la capitale et même de l’étranger. L’affluence de ces patients apporte un grand prestige au<br />

médiateur mais également à tout son lignage.<br />

Le recours à la surnature, dans le cadre de consultations, peut donc être considéré<br />

comme une activité complémentaire à part entière. Ainsi, si pour certains ménages la<br />

saliculture, la production d’huile rouge ou tout autre activité complémentaire pratiquée par<br />

les femmes assurent des revenus permettant l’emploi de main d’œuvre ou l’acquisition de<br />

matériaux de construction, les ménages dont une femme est praticienne s’appuient sur<br />

leurs revenus pour le même type d’usage.<br />

3.1.1.3 L’érudition coranique, pourvoyeuse de main d’œuvre<br />

Les Karamoko sont des enseignants coraniques Ils vivent généralement avec leurs<br />

élèves, placés chez eux en adoption. S’ils prennent en charge totalement les élèves<br />

coraniques, ces derniers sont dévoués à toutes les tâches du ménage tuteur. Ils collectent<br />

le bois mort, puisent l’eau, prennent soin de la maison mais surtout cultivent les champs<br />

du ménage du Karamoko. Cela représente un apport d’actifs considérable. Leur nombre<br />

dépend de la renommée de l’enseignant coranique. De grands érudits peuvent ainsi avoir<br />

une quinzaine d’élèves, représentant autant d’actifs.<br />

131


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

3.1.2 Les groupes de travail : un enjeu du pouvoir<br />

3.1.2.1 Les différents types de groupes de travail rencontrés dans la zone<br />

d’étude<br />

Il existe de nombreuses modalités de regroupement de la population en vue de<br />

réalisations de travaux agricoles en commun. Elles peuvent être regroupées en deux<br />

types : les groupes anciens et les groupes plus récents.<br />

Les groupes anciens sont caractérisés par une pratique ne pouvant être située dans<br />

le temps. Ils sont formés par les populations selon des critères de regroupement qui<br />

dépendent des liens de parenté (lignages ou regroupement de lignages), des liens créés<br />

par la co-résidence au sein des villages ou des quartiers, de la proximité des espaces de<br />

cultures, du sexe et de l’âge. Ces groupes adoptent un calendrier très rigoureux car ils<br />

dépendent de tâches précises qui justifient leur regroupement. Ils ne sont généralement<br />

pas rétribués car tous les membres sont bénéficiaires de cette force de travail : les groupes<br />

de ce type travaillent par roulement sur les parcelles de tous les membres. Celui recevant<br />

le groupe sur ses terres doit néanmoins préparer de la nourriture (deux à trois plats de riz)<br />

accompagnée de colas et de cigarettes pour tout le groupe. Ces groupes de travail<br />

respectent la hiérarchie établie dans les relations sociales villageoises. Ainsi, ils sont le plus<br />

souvent dirigés par le plus âgé ou par un individu choisi par les aînés. Ils sont prioritaires<br />

pour leurs membres sur les groupes de formation plus récente. L’absence ou le retard d’un<br />

membre est sanctionné par une amende ou un refus de travailler chez lui, voire une<br />

interdiction de participer aux réunions chez les femmes par exemple.<br />

Pour illustrer ce type de groupe, nous pouvons citer le mènguèssangni chez les Baga<br />

ou le klodisré. Il concerne tous les hommes d’un lignage qui vont bêcher chez chacun<br />

d’entre eux à tour de rôle. Ils sont généralement programmés le lundi et le jeudi. Un<br />

dernier exemple : le fokhédé kilé réunissant, chez les Nalu, des individus suivant leur<br />

regroupement par quartier ou leur appartenance lignagère pour l’exécution de travaux<br />

agricoles chez chacun des membres.<br />

Les groupes plus récents correspondent à une évolution des regroupements<br />

d’individus autour des activités agricoles vers un but lucratif. Leur recours nécessite ainsi,<br />

en plus de la nourriture le jour des travaux, le payement d’un prix défini à l’avance et n’est<br />

donc pas accessible à tout le monde. Ils sont constitués le plus souvent sur des critères<br />

générationnels, d’affinité et de genre. Ils ne se contentent pas d’associer leurs membres<br />

autour des activités agricoles mais sortent de ce contexte pour s’intéresser à l’organisation<br />

d’évènements (par exemple la danse lors de mariages) et assurer un système d’entraide<br />

entre les membres (par exemple par la constitution d’une tontine). Ces groupes se<br />

réunissent ainsi principalement grâce à des sollicitations extérieures.<br />

Les séré, groupes féminins, présents dans toute la zone d’étude, en est une bonne<br />

illustration. Ils sont formés spontanément par des femmes liées par affinité. Cette modalité<br />

de regroupement se retrouve également à la ville. Il s’agit principalement d’individus<br />

menant communément des activités lucratives et gérant une caisse d’entraide qui sert à<br />

l’achat de biens mais aussi au soutien de l’un des membres lors de moments difficiles<br />

(décès dans le ménage, maladie. Les akiré chez les Baga réunissent des femmes venant<br />

d’un même quartier (quartier où elles résidaient avant leur mariage). Elles travaillent le<br />

plus souvent au repiquage du riz et peuvent demander d’être payées par un intérêt sur la<br />

récolte.<br />

132


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

3.1.2.2 Les coépouses et les groupes de travail<br />

Un ménage composé d’une seule épouse ne sera que très difficilement intégré dans<br />

la rotation des groupes féminins. En effet, l’unique épouse est assujettie à de nombreuses<br />

tâches ménagères (comme la préparation du riz pour toute la famille) auxquelles il lui est<br />

difficile de se soustraire. Une grande partie de son temps journalier est ainsi occupé. Son<br />

implication dans des groupes de travail ne peut être que très limitée. Un ménage avec<br />

plusieurs épouses peut libérer plus facilement du temps pour ses actifs féminins. Ces<br />

femmes seront ainsi en mesure de mobiliser plusieurs fois de la main d’œuvre. Si deux<br />

femmes font parties d’un même groupe, ce dernier se mobilisera à deux reprises pour<br />

travailler sur les parcelles de leur ménage. Elles pourront ainsi bénéficier de cette main<br />

d’œuvre pour deux parcelles distinctes.<br />

De plus, si les épouses sont originaires du même village que leur époux, ce dernier<br />

jouit encore d’une autre source de main d’œuvre. En effet, les frères de la femme peuvent<br />

venir en aide sur les parcelles de leur beau-frère (le mari de leur sœur). Cette aide n’est<br />

pas à sens unique : le gendre travaille également sur les parcelles de son beau-père (le<br />

père de sa femme).<br />

3.2 LES POUVOIRS ET LE FONCIER<br />

Nombre d’opérateurs et de bailleurs s’interrogent sur les moyens susceptibles de<br />

favoriser le passage d’un droit foncier traditionnel à un droit foncier moderne. Ces<br />

politiques tentent le plus souvent de clarifier le foncier et de sécuriser les détenteurs de<br />

droits de manière à les inciter à élaborer des stratégies productives sur la longue durée.<br />

L’argument est simple : un renforcement de la sécurité foncière favorise la projection dans<br />

le long terme et stimule les aménagements productifs. Le Code Foncier guinéen, établi en<br />

1992 4 , semble avoir opté pour une négation de l’existence des droits fonciers locaux, en<br />

considérant que l’Etat est la seule source de légitimité foncière 5 (pour être propriétaire, il<br />

faut posséder un titre foncier délivré par l’administration compétente). Il n’y est fait nulle<br />

part allusion aux droits fonciers coutumiers. Aujourd’hui, l’impact de ce Code Foncier est<br />

très limité dans le monde rural. Cependant le droit foncier local en Guinée Maritime (qui<br />

n'est certainement pas un cas isolé) évolue naturellement vers un droit foncier proche du<br />

droit moderne. Les politiques pourraient s'appuyer sur ce phénomène afin de répondre à<br />

cette volonté d'établir un droit foncier moderne. La considération des droits en place<br />

permettrait une réelle effectivité de ce processus de conversion. Il semble ainsi important<br />

d’apporter des éléments de réflexion sur les voies de jonction entre cette volonté étatique<br />

et cette évolution spontanée du droit foncier au niveau local. L'objectif de cette réflexion<br />

est de proposer des clés d’approche qui ne heurtent pas les contextes locaux et s'inscrivent<br />

dans les objectifs du gouvernement.<br />

3.2.1 L’individu, une clé d’entrée difficile<br />

Comme le développe le rapport d’étape de mai 2005 de l’<strong>OGM</strong>, nous pouvons<br />

distinguer trois grands types de lien entre le paysan et sa terre : le droit éminent, le droit<br />

d’usage et le droit de propriété. Ce dernier est déjà un type de droit moderne et reste très<br />

4<br />

Journal officiel de mai 1992, Ordonnance n° 92/019 du 30 mars 1992 portant sur le code domanial et<br />

foncier, Conakry, 1992<br />

5 H.M.G. OUEDRAOGO, Commentaires critiques du code foncier guinéen<br />

133


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

peu présent (voire quasi inexistant) dans la zone d’étude. Pour ces raisons, nous allons<br />

axer notre réflexion sur les deux premiers types de droit.<br />

Dans la première, nous avons vu les droits fonciers inhérents aux lignages. Sans<br />

entrer dans les détails, nous pouvons en rappeler les grandes lignes. Le droit éminent<br />

désigne un contrat établi entre le premier arrivant (et sa descendance) et les « génies » en<br />

place qui l’autorisent à exploiter les espaces concernés sous certaines conditions : le<br />

premier arrivant (et sa descendance) sera seul à les connaître et, donc, seul en mesure de<br />

les faire respecter. Il est donc clair que le lignage du premier arrivant, et plus précisément<br />

son aîné, est incontournable pour toute décision concernant ces terres (nous avons déjà<br />

développé ce point).<br />

Tout arrivant ultérieur devra impérativement demander une autorisation<br />

d’exploitation de ces espaces. Il lui sera ainsi attribué, ou non, un droit d’usage par le<br />

premier arrivant. Il existe de nombreux types de droit d’usage qui assurent une pérennité<br />

plus ou moins longue à l’exploitation d’un espace. Il est à la charge du fondateur (premier<br />

arrivant) de déterminer les clauses du contrat qui devront ensuite être assumées par ses<br />

descendants si le droit d’usage s’étend à plus d’une vie. Il incombe donc au lignage du<br />

premier arrivant de veiller, parfois sur plusieurs générations, au respect des termes du<br />

contrat. Dans un tel contexte, il est évident que toute action menée sur ces espaces doit<br />

recevoir l’aval des représentants du lignage fondateur (les aînés, le plus souvent). Il est<br />

important de comprendre que le droit éminent est le propre d’un lignage alors que le droit<br />

d’usage peut se référer à un lignage ou à un individu.<br />

Les droits d’usage peuvent être transmis successivement par des<br />

lignages étrangers à de nouveaux lignages arrivants. Par exemple, un premier arrivant<br />

accorde un droit d’usage à un second arrivant. Ce dernier peut également accorder un droit<br />

d’usage à un troisième arrivant sur tout ou une partie du territoire qu’il s’était vu accordé.<br />

De plus, parmi les droits d’usage, il existe des variantes qui dépendent, notamment, de la<br />

«force de liaison » entre le détenteur et la terre. Le premier type, ou droit d’usage<br />

précaire, est à durée déterminée, le plus souvent brève. Le deuxième, dit « consolidé », est<br />

un droit d’usage qui s’est transmis sur plusieurs générations et qui ne peut plus être remis<br />

en question. Il concerne des lignages pour des domaines qui seront gérés de façon<br />

communautaire.<br />

Si nous avons déjà évoqué les droits relatifs au lignage, nous allons ici<br />

principalement nous intéresser à ceux qui sont le propre de l’individu. Ainsi, si certains<br />

types de droit sont le propre du lignage ou de l’individu (comprendre ici ménage), d’autres<br />

sont communs. Par exemple, le droit éminent est exclusivement lignager : bien qu’il soit<br />

exercé par l’aîné, ce dernier agit au nom du lignage. A l’opposé, certains droits d’usage<br />

étudiés pour les lignages se retrouvent chez l’individu. Ainsi, le droit d’usage précaire et le<br />

droit d’usage consolidé sont également des formes de détention de l’individu. Les modalités<br />

sont les mêmes que pour le lignage. Un droit d’usage en particulier mérite d’être mis en<br />

avant : le droit d’usage imprescriptible. Il s’agit du droit de chaque membre de lignage de<br />

jouir d’un espace, chaque année, pour y pratiquer la culture. Les terres ainsi accordées ne<br />

le sont que pour une ou deux saisons culturales. Il n’est pas assuré de revenir y cultiver un<br />

jour. Ce droit permet à tous les villageois d’obtenir un espace à cultiver. Enfin, un dernier<br />

droit est le propre de l’individu : le droit de propriété. Il fait l’objet d’un contrat écrit validé<br />

au niveau de l’administration compétente. Comme nous l’avons précisé, ce type de contrat<br />

est très rare dans la zone d’étude. Au niveau des implications, il peut être comparé au droit<br />

d’usage consolidé : les enfants du propriétaire en hériteront et personne ne pourra<br />

contester les pratiques du détenteur, ni son titre.<br />

134


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

On est donc en présence d’une succession de « couches » de foncier accroissant la<br />

difficulté de détermination du décideur sur un espace déterminé. En effet, par exemple, un<br />

espace détenu en usage précaire par un lignage fraîchement arrivé dans un village où il<br />

s'est placé sous la tutelle d’étrangers. Trois lignages peuvent revendiquer un lien à ce<br />

domaine : le lignage fondateur détient un droit éminent, le lignage d’étrangers un droit<br />

d’usage consolidé (sinon il n’aurait pu autoriser la venue d’un nouveau lignage) et les<br />

nouveaux venus un droit d’usage précaire. A la question généraliste « êtes-vous détenteur<br />

de la parcelle », les aînés de ces trois lignages répondront « oui ».<br />

Quel que soit le droit d’usage, toute modification majeure de l’espace ou du contrat<br />

se fera après consultation du détenteur du droit éminent, c’est-à-dire le lignage fondateur.<br />

De plus, la cession d’un espace à de nouveaux arrivants par un membre d’un lignage<br />

d’« étrangers » (correspondant à la création d’une troisième couche) nécessitera l’accord<br />

du lignage fondateur. Ainsi, toute politique foncière qui en ferait fi ne pourrait prétendre à<br />

une quelconque pérennité. Le détenteur d’un droit d’usage consolidé (le plus à même de<br />

décider des modes d’exploitation d’un espace) n’est pas forcément l’exploitant. Ce dernier<br />

n’est pas systématiquement décideur sur son espace, le détenteur d’un droit éminent est<br />

toujours plus aisé à déterminer. Cependant, il ne semble pas que l’entrée dans le foncier<br />

puisse se faire par l’individu, puisque peu d’entre eux ont un pouvoir décisionnaire exclusif<br />

sur une terre. De plus, les droits fonciers concernant le lignage et l’individu se superposent.<br />

Reprenons le cas fictif évoqué plus haut. Dans le lignage récemment installé, un individu<br />

réclame une parcelle qu’il obtient par application du droit d’usage imprescriptible. Il aura<br />

donc un lien à une parcelle, sur laquelle se superposent les droits des lignages. Son aîné<br />

peut ainsi également se réclamer comme propriétaire de l’espace, tout comme l’aîné du<br />

lignage tuteur et l’aîné du lignage fondateur. La superposition des droits fonciers ne permet<br />

donc pas d’entrevoir une possible conversion du droit traditionnel en droit moderne en<br />

s’attachant à répertorier les espaces détenus par chaque individu.<br />

3.2.2 Le type d’espace comme clé d’entrée<br />

Un des moyens d’appropriation les plus classiques, dans la zone d’étude, est la<br />

défriche. Si c’est effectivement en défrichant que les premiers arrivants vont pouvoir<br />

contracter un accord d’exploitation avec les génies en place ou si les arrivants suivants,<br />

recevant un droit d’usage de leurs prédécesseurs, vont matérialiser leur droit, cette<br />

appropriation par défriche ne peut conduire aux mêmes droits selon les types d’espace et<br />

l’échelle concernés.<br />

Sur les espaces de coteau, chaque lignage dispose d’un domaine qui peut lui être<br />

attribué de longue date ou annuellement par le lignage tuteur. Dans ce domaine, chaque<br />

individu se voit attribuer une parcelle qu’il va devoir défricher. Ce faisant, il devient<br />

décideur sur la parcelle pour l’année de culture et jouit de droits assez vastes (par<br />

exemple, la récolte des régimes des palmiers à huile situés sur la parcelle). Toutefois, la<br />

prochaine mise en culture, après la jachère, ne sera pas forcément effectuée par le même<br />

exploitant. Ce dernier peut revenir sur une même parcelle, mais tous peuvent prétendre y<br />

cultiver : les membres du lignage, dans le cas de domaines lignagers (quand le lignage<br />

dispose depuis longtemps d’un espace sous droit d’usage consolidé), ou tout le village,<br />

dans le cas de domaines cédés annuellement. Si dans certains modes de gestion foncière<br />

de la zone, le nouvel exploitant doit demander l'accord du dernier exploitant, aucune règle<br />

ne semble légitimer un retour régulier du même exploitant sur une même parcelle en<br />

culture de coteau.<br />

Cela est vrai pour les espaces de coteau mais ne l’est pas pour les espaces avec de<br />

faibles peuplements de palétuviers et les tannes herbeuses cultivées en riz de mangrove.<br />

135


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

En effet, la défriche effectuée sur ces espaces, une fois obtenu l’accord du lignage<br />

détenteur (fondateur ou tuteur suivant la couche de foncier dans laquelle on se trouve), va<br />

permettre au défricheur de disposer de ces terres comme bon lui semble. Ce type de droit<br />

est récent et certainement la conséquence d’une raréfaction des espaces de mangrove<br />

disponibles. Il permet à l’exploitant de jouir d’une certaine sécurité foncière et donc<br />

d’investir (aussi bien en force de travail qu’en argent s’il a recours à de la main d’œuvre<br />

spécialisée, comme les Ballante) dans les aménagements nécessaires à la culture du riz de<br />

mangrove. La parcelle lui appartient alors et il pourra en faire hériter ses enfants, la<br />

céder… : il bénéficie d’un droit d’usage consolidé, qui est ici le propre d’un individu (ou<br />

ménage). Personne ne pourra prétendre récupérer cette terre, pas même un membre du<br />

lignage qui lui a cédé l’espace : ces espaces portent fréquemment le nom du premier<br />

défricheur.<br />

Enfin, les bas-fonds sont le plus souvent détenus par le lignage fondateur qui y<br />

cultivera ou accordera des droits d’usage à d’autres lignages. Les individus y travaillant<br />

doivent faire partie du lignage titulaire du droit d’usage consolidé ou d’un droit d’usage<br />

précaire qui peut n’être valable que quelques années. Dans ce cas, la défriche n’est<br />

aucunement gage de sécurité foncière mais elle permet d’espérer, suivant les contrats, de<br />

demeurer sur l’espace en question un nombre important d’années, voire une vie. Pour ce<br />

type d’espace, des revendications peuvent vite apparaître pour une personne ayant joui<br />

d’un droit précaire et défrichant l’année suivante. En effet, le droit d’usage précaire est une<br />

forme de protection pour celui qui l’accorde : la parcelle est cultivée (la mise en valeur<br />

asseyant une appropriation) mais il s’assure une possible récupération à n’importe quel<br />

moment. Les bas-fonds sont donc le plus souvent liés à leurs cultivateurs par des types de<br />

droits qui sont peu sécurisants.<br />

A chaque type d’espace correspond donc un niveau de sécurité foncière. L’évolution<br />

du droit d’usage coutumier a toutefois engendré l’existence d’autres modes d’appropriation<br />

pour les espaces de coteau qui ne nous permettent pas de valider cette clé d’entrée dans le<br />

système foncier en place : la plantation et la proximité des casiers rizicoles.<br />

La plantation permet à un individu (ou un ménage) d’obtenir un droit d’usage<br />

consolidé sur une parcelle quelconque; en clair, de se l’approprier définitivement. Ce type<br />

d’appropriation rentre dans l’évolution spontanée du droit coutumier évoquée plus haut.<br />

Cette transformation récente du droit foncier au profit de l’individu favorise la constitution<br />

de plantations plus rentables que le potentiel arboricole du terroir villageois. La plantation<br />

s’effectuant sur les coteaux, s’intéresser à des types d’espace pour constituer des<br />

catégories de foncier sécurisé en vue de la construction d’une politique foncière, quelle<br />

qu’elle soit, risque de catégoriser des parcelles présentant une faible sécurité foncière avec<br />

des parcelles à forte sécurité foncière.<br />

La plantation peut donc être un outil pour consolider un contrat d’usage auprès du<br />

lignage qui a cédé la parcelle. Ainsi, ce dernier est très attentif à toute nouvelle plantation.<br />

Cette vigilance concerne également des espaces déjà couverts par un droit d’usage<br />

consolidé. Nous avons pu voir à Dobali, lors de l’évocation de la plantation d’arbres, le<br />

lignage fondateur s’inquiéter d’une distribution de plants jugée abusive. Seul ce lignage<br />

peut affecter les plants pour la plantation. Le message était clair : ils voulaient éviter<br />

l’appropriation définitive, par la plantation, d’espaces sous contrats peu sécurisants pour<br />

l’exploitant, sous le couvert d’agents extérieurs. Le lignage fondateur aurait ainsi perdu<br />

tout contrôle sur ces espaces.<br />

Un détenteur de parcelles de mangrove peut revendiquer des terres de coteau<br />

contiguës sous un contrat de droit d’usage consolidé, pour y implanter ses pépinières<br />

136


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

destinées à la culture du riz de mangrove. La constitution de pépinières sous-tend donc un<br />

droit d’usage consolidé, c’est à dire une forte sécurité foncière pour l’exploitant qui profite<br />

également de ces parcelles pour planter, par exemple, des bananiers. Sur un même type<br />

d’espace, les coteaux, nous observons ainsi un nouveau cas d’appropriation consolidée.<br />

Carte 5 : Représentation des différents niveaux de sécurité foncière<br />

et des différents types d'appropriation individuelle à Kankouf<br />

Cette carte illustre notre propos et montre bien qu’il existe, sur un même type<br />

d’espace - les coteaux (sur les territoires exondés) - différents niveaux de lien foncier entre<br />

l’exploitant et la terre exploitée. Les parcelles de coteau sans droit d’usage consolidé (en<br />

vert sur la carte) ne sont pas appropriées par un lignage en particulier mais pourraient<br />

l’être si existaient des domaines lignagers à Kankouf. Elles ne peuvent surtout pas être<br />

appropriées par un individu. Les exploitants bénéficient de droits d’usage imprescriptibles<br />

sur ces terres. Tout le monde dans le village peut y cultiver une année, sans être sûr d’y<br />

pratiquer la prochaine mise en culture (le nombre d’années entre les deux cultures varie en<br />

fonction du temps de mise en jachère). Les plantations (en rouge) et les pépinières<br />

rizicoles (en rose), situées également sur les coteaux, sont détenues sous un droit d’usage<br />

consolidé. S’intéresser aux types espaces pour construire une typologie des niveaux de<br />

sécurité foncière peut donc prêter à confusion. Il n’est pas envisageable de s’appuyer sur<br />

ce facteur pour assurer une conversion du droit foncier traditionnel en droit moderne.<br />

3.2.3 Les activités, une clé d’entrée pertinente<br />

Il semble ainsi que la meilleure clé d’entrée, pour s’intéresser à la sécurité foncière,<br />

soit l’activité. On peut alors catégoriser les espaces selon le type d’exploitation pratiquée.<br />

Les cultures vivrières de coteau (arachide, riz de coteau, sorgho, maïs…) sont le plus<br />

137


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

souvent pratiquées sur des espaces à faible sécurité foncière avec peu de chance de retour<br />

du même exploitant sur la même parcelle. Le maraîchage peut présenter une meilleure<br />

sécurité foncière (car les contrats excèdent le plus souvent l’année) sans, pour autant,<br />

garantir à l’exploitant la possibilité d’y cultiver à vie et encore moins de le transmettre à<br />

ses enfants. L’arboriculture et la riziculture de mangrove présentent une sécurité foncière<br />

très forte, avec une transmission par héritage.<br />

Il apparaît alors possible d'observer l’évolution du droit foncier en place vers un<br />

droit moderne en s’intéressant à chaque activité. Les plus propices à un changement sont<br />

clairement l’arboriculture et la riziculture inondée. Il est aisé de repérer les arboriculteurs<br />

et leurs espaces de plantation; de même pour ceux qui pratiquent la riziculture inondée. De<br />

plus, les droits liant les adeptes de ces activités à leurs espaces sont déjà très proches du<br />

droit foncier moderne. La ressemblance réside dans l’importance du pouvoir décisionnaire<br />

du titulaire du droit mais elle est nuancée par la possible intervention du lignage dans les<br />

choix culturaux et le droit de préemption de ce dernier dans l’éventuelle aliénation de la<br />

parcelle. Dans ces types d’activités, le pas juridique permettant la conversion de ces droits<br />

traditionnels en droit moderne ne devrait cependant pas être difficile. Cette conversion<br />

accompagnerait un processus spontané d’évolution des droits fonciers coutumiers, quant à<br />

la gestion individuelle de certains espaces. Elle concerne, quel que soit le village, un<br />

nombre important de parcelles.<br />

Nous pouvons alors nous interroger sur la légitimité de transformer les autres types<br />

de droits fonciers en place. En effet, le droit imprescriptible se définit en fait par l’obligation<br />

du village (et donc de ses représentants, les aînés de lignage pour le foncier) de fournir un<br />

espace à cultiver pour chaque ménage. Ce type de droit permet de laisser des espaces en<br />

« libre circulation » (et d’éviter l’immobilisation de tous les espaces) pour pouvoir s’adapter<br />

à l’évolution démographique des ménages. Ce système malléable et évolutif pour une<br />

grande partie des parcelles est donc une réponse directe aux évolutions des besoins<br />

spécifiques à chaque ménage. Chaque ménage se voit remettre un espace proportionnel à<br />

ses besoins. L’accent est mis sur les besoins du ménage et non sur sa capacité à exploiter<br />

la parcelle attribuée (le nombre d’individus à nourrir n’étant pas forcément égal au nombre<br />

d’actifs). La collectivité a ainsi donné au ménage les moyens de subsister et il incombe au<br />

chef de ménage de réunir la main d’œuvre nécessaire à l’exploitation de la parcelle<br />

attribuée. Le système est donc adapté à la problématique espace limité/évolution<br />

démographique des ménages (et donc des besoins). En effet, certains lignages peuvent<br />

disparaître d’un village (avec par exemple une génération composée principalement de<br />

femmes), une lignée peut migrer suite à des conflits, certains ménages peuvent envoyer<br />

leurs enfants en ville… Ce système foncier en place permet de dire qu’il n’existe pas de<br />

paysans sans terre dans cette région. Toute politique cherchant à figer le foncier de ces<br />

espaces non appropriés individuellement se heurtera ainsi à de nombreux problèmes. La<br />

transformation de tous les types de droit foncier traditionnel en droit foncier moderne<br />

risque de rompre cette gestion de l’espace cohérente avec les réalités des sociétés<br />

littorales. Des conflits risqueraient d’émerger, des paysans pourraient ne pas avoir de<br />

terres à exploiter, les rotations pourraient ne plus être respectées…<br />

S’attacher aux activités semble donc le plus pertinent pour classer les différents<br />

niveaux de sécurité foncière. Les politiques de développement peuvent s’adapter au<br />

fonctionnement foncier propre à chaque activité. Par exemple, pour le riz de coteau, des<br />

appuis en intrants semblent plus cohérents que des aménagements de terrain. A l’inverse,<br />

le riz de mangrove peut bénéficier d’aménagements. Pour ce qui est du Code foncier, il<br />

peut ainsi s’appuyer sur les bases foncières existantes, en modernisant facilement les<br />

catégories assurant déjà une certaine pérennité des pratiques de l’exploitant sur sa terre.<br />

Le foncier en place, tel qu’il est construit au niveau local, est solide : il n’y a de flou sur<br />

138


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

aucun espace. Il est également respecté : les règles, même complexes, ne sont jamais<br />

remises en question, s’il existe des litiges, ils interviennent à d’autres niveaux. Il est<br />

adapté aux réalités et surtout autogéré. Les chefferies traditionnelles sont les autorités les<br />

plus proches, géographiquement et culturellement, des exploitants. L’explication ne<br />

s’arrête pas là, ces chefferies traditionnelles sont également décisionnaires à de nombreux<br />

autres niveaux. Aller à l’encontre de ces chefferies au niveau du foncier, c’est se<br />

marginaliser sur tous ces autres pans. Ainsi donc, toute la validité du Code foncier, dont<br />

des réformes sont prévues prochainement, réside dans la conciliation entre volontés<br />

étatiques et droits coutumiers.<br />

3.3 POUVOIR ET DEVELOPPEMENT<br />

3.3.1 Les limites de certains pôles de pouvoirs<br />

3.3.1.1 Les détenteurs du pouvoir surnaturel : des « intouchables »<br />

Dans un contexte de croyance d’une dépendance de l’homme à l’égard des génies, il<br />

n’est pas question de les froisser. Or, très peu de personnes étant en mesure de<br />

communiquer directement avec ces forces invisibles, il s’agit de ne pas se mettre à dos<br />

ceux qui assurent la communication entre les hommes et les génies. Ces représentants des<br />

hommes sont ainsi libres d’agir parfois dans un sens qui serait condamné par la<br />

communauté s’ils avaient été quelqu’un d’autre. Cette dimension doit être prise en compte<br />

dans la formulation et la mise en œuvre d’un projet.<br />

3.3.1.2 Les aînés contournés<br />

Nous avons parlé des différents types de droit d’aînesse concernant les unités<br />

sociales villageoises : ménage, lignée, lignage et village. Suivant l’échelle concernée,<br />

l’autorité est alors exercée par un Comité constitué par les Anciens, les plus âgés du<br />

village, ou par l’aîné suivant (le deuxième plus âgé) dans le cas d’un aîné contourné au<br />

niveau du lignage ou de la lignée,<br />

A l’échelle du village, le doyen est souvent contourné. Au sein des lignages ou des<br />

lignées, l’aîné peut être contourné mais ce phénomène est tout de même beaucoup plus<br />

rare Il s’agit le plus souvent d’un manque de considération des membres du lignage sur les<br />

capacités de l’aîné (contrairement au doyen, il sont généralement en très bonne condition<br />

physique). Le relais est pris par son cadet direct. Très peu dans le lignage le savent<br />

véritablement : même l’aîné ne s’en rend pas compte. Le « remplaçant » craint<br />

effectivement pour sa vie car l’affront serait énorme.<br />

3.3.2 Les pouvoirs : une base fondamentale de la construction d’une politique de<br />

développement<br />

3.3.2.1 L’implication des pouvoirs dans le développement participatif<br />

Les rapports de force s’expriment à de nombreux niveaux. Ils sont prépondérants<br />

dans l’accès au foncier (aussi bien pour l’agriculture que pour la saliculture), l’accès à la<br />

main d’œuvre, l’accès aux revenus, l’accès aux ressources… A partir de ce constat nous<br />

pensons qu’il n’est pas envisageable de concevoir une politique de développement sans<br />

impliquer les forces dominantes de ces communautés villageoises.<br />

Les méthodes participatives des groupes stratégiques vulnérables sont, le plus<br />

souvent, ciblées. Suivant les contextes, il s’agira des femmes, des paysans sans terres, des<br />

139


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

allochtones… Il est certain que ces catégories de population n’ont que très peu de pouvoir<br />

décisionnaire. Pour les communautés concernées, ce mode de fonctionnement est perçu<br />

comme une volonté de rompre avec les rapports de force en place. Les dominants<br />

s’évertueront alors à contrecarrer les objectifs du projet. De leur côté, les dominés ne<br />

risqueront pas d’aller à l’encontre du consensus social qui serait synonyme d’une mise à<br />

l’écart et, donc, d’une augmentation de la vulnérabilité dans un contexte très<br />

communautarisé. Il est ainsi risqué d’établir la pérennité d’une quelconque action en ne<br />

s’appuyant que sur ces groupes de la population.<br />

L’implication réelle des populations ne peut se concrétiser sans l’appui et l’insertion<br />

des détenteurs du pouvoir dans les projets. Ce sont véritablement eux qui ont les moyens<br />

de pérenniser toute action. L’objectif doit être de véritablement laisser la communauté<br />

villageoise s’organiser face aux intervenants et choisir les interlocuteurs. Le plus souvent,<br />

on assiste à l’inverse avec la définition des populations cibles que nous avons évoquée plus<br />

haut. Le travail ne s’arrête pas là. Plus que s’assurer l’assentiment des pouvoirs en charge<br />

de la décision, il faut laisser les rapports de force s’exprimer. On est souvent tenter<br />

d’inviter des individus ou des groupes stratégiques à exposer, face au reste de la<br />

communauté, des idées émises dans l’intimité. Ce genre d’intervention peut également<br />

être perçue comme une volonté de l’acteur de développement d’intervenir dans les<br />

rapports de force. L’appropriation du projet par la population ne pourra se réaliser que si<br />

les sphères dominantes ont le sentiment de ne pas avoir été spoliées.<br />

Une fois cette ligne de conduite respectée, les résultats sont surprenants. Dans le<br />

cadre de l’<strong>OGM</strong>, la construction des propositions de développement concertée avec les<br />

populations a permis d’obtenir des discours limpides. Il est certain qu’au premier abord, un<br />

intervenant extérieur ne peut espérer comprendre les dessous des pouvoirs en place. En<br />

n’intervenant pas dans les rapports de force et en exprimant clairement cette volonté en<br />

n’excluant aucun groupe d’individus et en laissant les villageois constituer eux-mêmes des<br />

groupes de concertation, les discussions, après plusieurs séances de travail, ne sont plus<br />

formatées. Nous avons ainsi pu entendre des membres de lignages fondateurs exprimer<br />

clairement leurs craintes sur l’introduction de plants dans un district. Une distribution<br />

anarchique de ceux-ci aurait été synonyme de transformation de statuts fonciers pour les<br />

parcelles des étrangers où ils auraient été plantés. On évite ainsi un écueil classique des<br />

plantations d’arbres. La volonté affichée de ne pas intervenir dans les rapports de force est<br />

donc rassurante pour les villageois et permet d’établir un discours moins formaté et plus<br />

proche des réalités villageoises. Ce mode de construction « participatif » accroît<br />

considérablement les chances de pérennité des réalisations.<br />

3.3.2.2 Les stratégies des pouvoirs, une clé de réalisation de diagnostics<br />

rapides<br />

La connaissance des stratégies des pouvoirs au niveau local peut être un atout<br />

considérable pour les agents de développement. Il est certain qu’être avisé des conflits<br />

inhérents à l’accès au pouvoir peut permettre d’éviter certains ratés. Par exemple,<br />

s’adresser, à l’arrivée, exclusivement à une lignée du lignage fondateur, et être ainsi<br />

manipulé par celle-ci à son profit, peut provoquer le désintérêt de la majorité du village<br />

(ceux qui sont affiliés à d’autres lignées). Les stratégies des pouvoirs ayant également un<br />

impact sur l’organisation territoriale, la connaissance du type du village peut aider à<br />

l’agencement des propositions. Certaines modalités de regroupement seront incompatibles<br />

avec le contexte social de certains types de village. Avoir une vision globale de ce contexte<br />

peut apporter un gain de temps non négligeable dans la compréhension des logiques<br />

relationnelles entre les différents lignages. Autant de renseignements précieux pour la<br />

construction d’un développement local. Nous allons donc proposer un outil, découpé en<br />

140


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

trois phases, pour catégoriser les villages et cerner la position des ménages, dans l’ordre<br />

établi, déterminant, des rapports de dépendance.<br />

Tout d’abord l’historique du village, réalisable très rapidement par des enquêteurs<br />

au fait des structures sociales en place en Guinée Maritime, est un pilier pour catégoriser<br />

les individus mais également cibler les fondateurs. L’objectif est de comptabiliser les<br />

lignages et de connaître leur tuteur par une série d’entretiens auprès des aînés de chaque<br />

lignage. Si un dénombrement est au programme, on doit renseigner pour chaque ménage,<br />

le qualificatif nominal (voir annexe). Ceci permettra par la suite de réaliser des traitements<br />

statistiques en se basant sur le facteur discriminant de l’appartenance lignagère.<br />

La première phase sert de base. Elle cerne tous les lignages constituant le village et<br />

éclaire sur leur répartition au sein du village. A partir de là, il est nécessaire de déterminer<br />

les lignages occupant les différents pôles de pouvoir. Pour cela, on s’adresse directement à<br />

chaque entité institutionnelle, religieuse ou coutumière, en réalisant des listes avec le nom<br />

et le qualificatif nominal de chaque individu. De même, il est important de relever, lors des<br />

entretiens auprès de chaque lignage sur l’historique du village, le nom des aînés et de leurs<br />

cadets directs. Vont alors se dessiner des stratégies différentes pour chaque lignage et<br />

surtout une stratégie particulière pour le lignage fondateur.<br />

Dans une ultime phase, il s’agit de réaliser un schéma de la disposition de l’habitat<br />

dans le village. Sur ce schéma, doivent figurer toutes les concessions avec le nom et le<br />

qualificatif nominal de leur lignage. Il est également intéressant de représenter, dans ses<br />

grands traits, la répartition du territoire villageois, tout en interrogeant son guide sur les<br />

modalités des droits fonciers en vigueur dans le village. La connaissance de la position de<br />

chaque lignage et les liens qu’ils entretiennent entre eux rend ainsi plus limpide le discours<br />

d’un villageois sur un point aussi complexe que le foncier. La lecture du plan du village et<br />

des relevés de terroir facilitent la classification du village et peut permettre également un<br />

retour sur les données déjà récoltées, en analysant la disposition des lignages sur les<br />

espaces agricoles et en interprétant quels sont ceux occupant une position de force.<br />

Les deux premières phases peuvent être accomplies grâce à quatre à six<br />

hommes.jours, suivant la taille du village. La troisième phase peut nécessiter six à huit<br />

hommes.jours. Le mieux est d’avoir une équipe de trois enquêteurs réunissant jeunes et<br />

plus âgés. Il est aussi intéressant d’avoir deux enquêteurs sensibilisés aux outils classiques<br />

de la sociologie (entretiens ouverts) et un enquêteur géographe sachant réaliser un croquis<br />

du plan du village et des relevés GPS. Les deux premiers jours, tout le monde travaille au<br />

village. Tous les lignages doivent être repérés, ainsi qu’une ébauche de l’historique des<br />

arrivées et le plan du village. Les troisièmes et quatrièmes jours, pendant qu’un enquêteur<br />

reste au village pour y finir les entretiens, les deux autres sillonnent le territoire villageois<br />

pour décrypter sa répartition et les modalités du droit foncier positif. Le dénombrement n’a<br />

pas été inclus dans cette estimation du temps de travail. Un village peut ainsi être parcouru<br />

en quatre jours auxquels il faut rajouter une journée de sécurité. Comme le préconise E.<br />

Fauroux dans sa méthode APLUS, il est très important qu’il y ait, chaque soir, une<br />

concertation en ce qui concerne une première analyse des données recueillies. Cela permet<br />

de réajuster les entretiens du lendemain en fonction des carences et des pistes mises en<br />

exergue et répartir les tâches au sein de l’équipe.<br />

141


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

CONCLUSION<br />

Le but de cette étude n’était pas de se contenter de décrire les rapports de forces en<br />

place dans les communautés villageoise mais de comprendre à quels niveaux ils<br />

s’expriment et quels sont leurs impacts. Si un anthropologue sera déçu par le manque de<br />

précision dans l’analyse des rapports sociaux, ce n’était pas l’objet de ce travail.<br />

L’organisation des stratégies paysannes dépend principalement de deux facteurs : le<br />

potentiel agro-écologique du milieu composant le territoire villageois et les opportunités<br />

dont dispose le ménage (disponibilités de la main d’œuvre, du capital, des moyens de<br />

productions…). L’accès aux espaces de production étant géré par les pouvoirs coutumiers,<br />

le premier facteur est indissociable des rapports de force. De même, les opportunités dont<br />

dispose le ménage sont dépendantes de la position du lignage dans le village et du ménage<br />

dans son lignage. Chaque ménage doit composer avec des opportunités (aussi bien en ce<br />

qui concerne l’accès aux espaces de production que les moyens matériels et<br />

infrastructurels) qui dépendent, pour la plupart, de sa position dans les rapports de force<br />

établis dans le village. La compréhension des stratégies des pouvoirs est donc une clé de<br />

compréhension des stratégies agraires (au sens large) des ménages.<br />

Les réseaux sociaux sont omniprésents dans les différentes sources de revenus. Les<br />

relations sociales déterminent de nombreux niveaux : les regroupements de la main<br />

d’œuvre, les regroupements des espaces de production, les regroupements autour de<br />

tontines… Dans une société aussi communautarisée que la Guinée Maritime, seule l’étude<br />

de ce maillage social et des rapports de force induits permet de cerner les phénomènes de<br />

dominants/dominés. L’étude des pouvoirs apporte ainsi des facteurs discriminants à même<br />

d’établir des regroupements homogènes en terme des niveaux de richesse (ou de<br />

pauvreté), c’est-à-dire, de réaliser des typologies cohérentes sur les inégalités. De plus,<br />

l’étude des stratégies des pouvoirs à l’échelle des villages peut permettre de mettre en<br />

avant des inégalités entre les villages. Le contexte social dans ces villages semble<br />

déterminer le potentiel d’accès aux revenus de chaque ménage.<br />

Dans un contexte rural, l’accès aux ressources naturelles est l’enjeu principal du<br />

pouvoir. La gestion des ressources se construit ainsi autour de deux objectifs : assurer la<br />

reproductibilité du système mais aussi un avantage certain aux détenteurs du pouvoir.<br />

L’analyse des stratégies de ces derniers éclaire sur les logiques de cette gestion endogène.<br />

Les limites d’accès aux ressources, les réglementations ne peuvent être véritablement<br />

comprises si on néglige les moyens mis en œuvre par ceux qui les contrôlent pour en tirer<br />

un avantage. De plus, toutes les modalités d’interdit, de contrôle et de limitation sont<br />

placées sous la vigilance des autorités coutumières.<br />

L’étude directe de ces modalités de gestion ne peut donner que des résultats<br />

limités. Non que les enquêtés veulent taire la vérité, mais plutôt que nombre d’interdits ne<br />

sont pas posés explicitement. Ils semblent évidents pour toute la communauté villageoise<br />

car ils sont inscrits dans les stratégies des ménages, des lignages, du village. C’est donc<br />

l’étude de toutes ces stratégies qui permettent de mettre en exergue, petit à petit, les<br />

différentes modalités de gestion. En effet, la notion de gestion des ressources est propre à<br />

nos sociétés et n’est pas forcément entendue de la même façon par les sociétés étudiées.<br />

L’outil étude des pouvoirs peut donc être un apport dans la compréhension de ces<br />

modalités.<br />

142


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

SYSTEMES DE PRODUCTION AGRICOLE<br />

ET MULTI-ACTIVITE<br />

143


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

La plupart des enquêtes en milieu rural privilégient la description et l’analyse des<br />

systèmes de production. Il convient de savoir comment une société rurale mobilise sa force<br />

de travail, quelles sont ses pratiques productives, comment s’organisent les unités de<br />

production. L’enquête « systèmes ruraux » a pour but essentiel de décrire ces<br />

fonctionnements.<br />

Le système de production de Guinée maritime a été décrit comme celui d’une multiactivité<br />

opportuniste (Rossi, 2000) où la complémentarité des activités est activement<br />

recherchée car elle permet l’adaptation et l’ajustement permanent à un contexte<br />

écologique, social et économique mouvant. Riziculture inondée, cultures sèches sur<br />

versants, pêche, saliculture et bien entendu, toutes les activités artisanales, développées<br />

sur place ou dans le cadre d’une migration temporaire, constituent autant d’opportunités.<br />

L’enquête « systèmes ruraux » a pour but de décrire ces divers systèmes multi-actifs, d’en<br />

dégager le fonctionnement dans le temps et d’essayer de comprendre les prises de<br />

décisions à l’intérieur de l’exploitation.<br />

Envisager les systèmes de production dans le cadre de la multi-activité, c’est<br />

reconnaître que les divers éléments du système, par exemple le système de production<br />

agricole, ne constituent qu’une des composantes des stratégies rurales au sens large. En<br />

Guinée maritime, la plupart des ménages ajoutent à l’agriculture un certain nombre<br />

d’autres activités comme la pêche, la saliculture, l’extraction de l’huile de palme, pour ne<br />

citer que les plus répandues. La recherche de nombreuses sources de revenus (aussi bien<br />

financiers que de produits) constitue une réponse directe à un contexte où le risque est pris<br />

en charge par la population et non par l’Etat. La combinaison de toutes les activités d’un<br />

ménage est adaptée à sa disponibilité en temps de travail, en main d’œuvre, en espaces de<br />

production, en moyens d’investissement, en connaissances techniques… avec pour but<br />

ultime de réduire le plus possible les risques.<br />

Nous entendons ici par « ménage », l’unité qui regroupe en son sein un chef, sa ou<br />

ses épouses, leurs enfants et les personnes qu’elles soient jeunes ou âgées relevant de la<br />

responsabilité du chef. Il s’agit donc de la famille nucléaire. Ainsi, dans chaque district, un<br />

dénombrement a permis de constituer la base de sondage des ménages, un ménage se<br />

définissant en fonction de quatre critères : unité de lieu d’habitation, partage des sources<br />

de revenus, reconnaissance de l’autorité d’un chef et unité de cuisine (partage du même<br />

repas). Plusieurs ménages peuvent relever de la même concession, ce qui signifie que ces<br />

ménages reconnaissent l’autorité d’un ancien qui a en charge les décisions d’ordre foncier<br />

entre autres.<br />

Cette unité s’est révélé la plus pertinente pour la compréhension des systèmes<br />

multi-actifs de la côte guinéenne car elle représente une unité de production indivisible (les<br />

récoltes ne sont pas partagées à une échelle plus petite), elle intervient dans la répartition<br />

des terres lignagère, elle gère un même budget…<br />

Ce sera donc au travers des ménages que nous développerons chacune des<br />

activités. Nous proposons ainsi de s’intéresser, avant d’entamer la description des<br />

stratégies des ménages pour chaque activité principale, aux caractères démographiques de<br />

cette unité. Nous décrypterons ensuite chaque pôle d’activité, en commençant par les<br />

activités agricoles et en poursuivant sur les activités principales rencontrées dans la zone :<br />

la pêche, la saliculture, le fumage du poisson, la transformation de l’huile de palme,<br />

l’élevage…<br />

144


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

1. METHODOLOGIE<br />

L’échantillon a été constitué par tirage aléatoire dans la base de dénombrement. Au<br />

total, sur l’ensemble de la zone, nous avons enquêté 426 ménages, 315 dans les CRD de<br />

Mankountan, Kanfarandé et Tougnifily et 111 dans la préfecture de Boffa.<br />

Les enquêtes du volet Systèmes ruraux ont été construites en cinq modules, ce<br />

découpage ayant pour but de correspondre aux grandes étapes du calendrier multi-actif<br />

annuel des ménages retenus. La première enquête, qui porte sur les systèmes de<br />

production agricole, a eu lieu entre juillet et novembre 2003, en pleine saison culturale. La<br />

seconde enquête, qui associe les modules pêche et fumage, a eu lieu en mars 2004, lors de<br />

la reprise de ces activités après les récoltes. La troisième porte sur la saliculture et a été<br />

effectuée en avril 2004, pendant les différentes campagnes de sel des zones d’étude. La<br />

quatrième enquête s’intéresse à l’ensemble des autres activités menées par les différents<br />

membres du ménage, en dehors des activités déjà citées. Cette enquête a eu lieu en mai et<br />

juin 2004. Dans le cas spécifique des districts de la zone de Boffa, le dénombrement et les<br />

quatre enquêtes ont été réalisés entre novembre et décembre 2004.<br />

Les résultats permettent donc de suivre une année entière. Notons que le propre de<br />

l’exploitation multi active étant de s’adapter aux contraintes, les arbitrages réalisés entre<br />

les différents sous-projets de l’exploitation l’ont été dans l’environnement particulier à cette<br />

année-là. L’évolution des combinaisons dans le temps nécessitera un suivi particulier.<br />

Les enquêtes ont permis de dégager un grand nombre de variables ayant trait à la<br />

composition de la cellule familiale et à la nature des différents sous-projets. Tous ont été<br />

traités par les analyses multi variées. Les avantages de ces techniques pour étudier des<br />

situations complexes sont importants. Elles permettent de traiter simultanément un très<br />

grand nombre de variables et de structurer l’information qu’elles donnent. Dans la mesure<br />

où les données des enquêtes sur les exploitations multi actives tentent de décrire une<br />

situation particulièrement complexe, ces traitements permettent d’organiser et de simplifier<br />

la représentation de cette complexité, mais aussi de constituer une typologie.<br />

On a donc suivi dans la plupart des modules (démographie familiale, système de<br />

production agricole, pêche, activités « complémentaires », la même démarche. On a décrit<br />

les différentes variables introduites dans l’analyse, puis procédé à une analyse<br />

(généralement une AFC, puisque de nombreuses variables étaient qualitatives) et exécuté<br />

une typologie à partir de l’AFC. Le chapitre <strong>final</strong> regroupe l’information tirée des analyses<br />

précédentes sur la cellule familiale en suivant toujours la même démarche.<br />

2. CARACTERES DEMOGRAPHIQUES DES MENAGES<br />

Dans la mesure où, d’une part, le travail reste essentiellement manuel et, d’autre<br />

part, le recours à la main d’œuvre extérieure est inégal selon les exploitations, la<br />

démographie des ménages est un élément fondamental de l’analyse. Elle commande les<br />

caractères de la consommation et la disponibilité de la force de travail.<br />

L’age du chef de ménage est une des clés qui permet de décrire l’accumulation<br />

démographique dans la cellule familiale : mariage, naissance des enfants, entrée<br />

éventuelle en polygamie, autonomisation des enfants par rapport à la cellule paternelle<br />

rythment les étapes de ce cycle de vie. Or, en Guinée maritime, à cause de la juxtaposition<br />

de groupes ethniques, de religions, d’organisations sociales variées, de milieux de vie<br />

différents, les modèles de cycle de vie se révèlent assez différents les uns des autres.<br />

145


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

On en distingue deux grands types dont l’évolution a été segmentée afin de définir<br />

des groupes caractéristiques.<br />

Dans un premier cycle de vie, les enfants se séparent rapidement de la concession<br />

paternelle. Les ménages jeunes et de petite taille sont nombreux. Pour ce groupe ainsi<br />

défini l’effectif moyen est de 4,6 personnes, dont 2,5 actifs mais 3,1 unités de<br />

consommation. La naissance des enfants, éventuellement la polygamie vers quarante ans,<br />

les feront passer à un groupe de taille supérieure. D’âge compris entre 30 et 50 ans, les<br />

chefs de ménages ont une famille de 8 personnes qui lui donnent une force de travail de 4<br />

unités. Peu d’absents, puisque les enfants sont encore jeunes. C’est justement le départ<br />

des enfants qui conduit ces ménages vers un type de ménage de taille réduite où le chef de<br />

famille est plus âgé. Ce cycle de vie est la règle chez les landouma de Kambilam, mais il<br />

existe à des degrés divers dans tous les districts de la zone étudiée, particulièrement chez<br />

les soussou de Boffa.<br />

Dans le second cycle de vie, les garçons, ou au moins certains d’entre eux, restent<br />

dans la cellule familiale plus tardivement, parfois même après leur mariage. Les familles<br />

sont donc plus nombreuses et complexes, puisqu’elles peuvent englober plusieurs familles<br />

nucléaires, chacune restant sous l’autorité d’un chef de ménage plutôt âgé. La moyenne<br />

d’âge des chefs de ménage est de 60 ans, la taille est de 13 personnes et ce sont<br />

généralement des ménages polygames. L’accumulation peut être accélérée ou ralentie par<br />

la pratique des enfants confiés, importante dans la zone d’étude. La force de travail est<br />

déjà importante, atteignant 6,4 unités en moyenne. Ces structures sont particulièrement<br />

nombreuses chez les baga de Bigori et de Dobali et chez les nalou de Kanfarandé.<br />

Quel que soit le type de cycle de vie, l’idéal reste partout le très gros ménage,<br />

manifestation du succès de la capitalisation démographique. Leur taille est considérable :<br />

24 personnes en moyenne, 3 épouses et un nombre important de commensaux. Ce type<br />

existe dans tous les districts dans des proportions diverses. Les chrétiens de Bigori auront<br />

beaucoup de mal à l’atteindre ; par contre il est fréquent chez les diakanké de Kankayani,<br />

et, à un moindre degré, chez les baga et les nalou musulmans.<br />

Enfin, reste un groupe de petits ménages de diverses origines (10% de<br />

l’échantillon). Certains sont constitués par des jeunes couples, d’autres par des ménages<br />

très âgés, enfin aussi par des ménages où les chefs sont des femmes. L’effectif des<br />

ménages est varié, mais généralement faible (4,6 personnes en moyenne) ; nombreux<br />

sont les absents. Ainsi, du fait des départs et de l’âge des membres de la famille, la force<br />

de travail est faible : dans les 3/4 de ces ménages, elle se réduit à une seule personne et<br />

la moyenne est de 1,5. C’est un type assez caractéristique de Dobali et encore plus des<br />

districts de Boffa insulaire, où vit une population de pécheurs souvent très mobiles.<br />

Quant à la question de la taille du ménage et de leur vulnérabilité, il ne faut pas trop<br />

hâtivement conclure à la vulnérabilité de tel ou tel groupe. A première vue, les ménages<br />

les moins nombreux semblent les plus fragiles à cause d’une faible force de travail. Cette<br />

faiblesse influe d’une part sur la capacité à travailler la terre, mais aussi sur les possibilités<br />

de s’investir dans diverses activités pour équilibrer les risques et saisir les opportunités.<br />

Cependant, ce serait oublier qu’une grande partie des tâches agricoles les plus lourdes est<br />

prise en charge par les collectifs de travail.<br />

146


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

3. LES ACTIVITES AGRICOLES<br />

Carte 6 : Les types démographiques des ménages<br />

Comme chez tous les « gens du riz » qui peuplent les littoraux et les forêts de cette<br />

partie de l’Afrique occidentale, le riz joue dans la région à la fois un rôle nutritionnel, un<br />

rôle économique mais aussi un rôle social. Nutritionnel, parce qu’il est la base de<br />

l’alimentation ; économique, parce qu’il entre dans les circuits d’échange ou de troc ;<br />

social, puisque le prestige est associé à la culture du riz. Il faut ajouter que la rizière est le<br />

fondement de l’occupation et de l’aménagement des mangroves.<br />

On a souvent décrit la mise en valeur de ces régions comme une riziculture<br />

« caténaire », où les agriculteurs, installés à la limite de la zone inondable et de la zone<br />

exondée, utilisaient les ressources des deux milieux. Effectivement, il existe une riziculture<br />

de mangrove et une agriculture pluviale où le riz entre dans les rotations culturales mais<br />

ici, il n’existe d’exemples d’une telle complémentarité, au niveau de l’exploitation agricole,<br />

que de façon minoritaire.<br />

3.1 SYSTEMES DE ZONE EXONDEE ET RIZICULTURE INONDEE<br />

Sur les zones exondées, la technique fondamentale est l’essartage. De grands<br />

champs collectifs sont désignés chaque année et divisé en parcelles familiales dont la<br />

superficie est généralement adaptée aux besoins familiaux. Les gros travaux de défriche et<br />

147


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

de brûlis sont collectifs. On y sèmera le riz, l’arachide et, en moins grande quantité, le<br />

fonio.<br />

Sur les zones de mangrove, les conditions de drainage déterminent les types de<br />

rizières et les formes de la riziculture. D’une façon générale, les paysans ont colonisé la<br />

mangrove en construisant des digues de protection, puis des casiers bordés par des<br />

diguettes et des canaux permettant la circulation de l’eau. Cette riziculture suppose une<br />

relative maîtrise de l’eau. Pendant la saison sèche, les rizières sont exondées ce qui<br />

entraîne des remontées salines. Les premières pluies corrigent l’excès de sel pendant que<br />

les paysans préparent leurs pépinières et labourent les rizières. Rude tâche qui nécessite le<br />

recours aux groupes de travail. Le riz est repiqué au mois d’août et la récolte s’échelonne<br />

de décembre à février, suivant la date du repiquage et les variétés. La riziculture flottante,<br />

ou bagamalé, existe encore : le riz semé à la volée aux premières pluies en mai est récolté<br />

en novembre. Minoritaire, il est peu productif, mais il nécessite peu de travail et rompt la<br />

soudure.<br />

Si, dans la plupart des zones étudiées, les problèmes de gestion de l’eau ne<br />

dépendent que de la qualité, quelquefois médiocre, de l‘aménagement des rizières, les<br />

difficultés sont grandes dans le district de Bigori où l’envasement du Rio Kapachez ne<br />

permet plus l’évacuation convenable de la lame d’inondation, rendant inutilisable une partie<br />

du terroir villageois.<br />

3.2 UNE MINORITE DE GRANDES EXPLOITATIONS AGRICOLES<br />

Dans un contexte où, d’une façon générale, la taille des exploitations est conforme à<br />

celle des ménages, il existe, dans tous les districts, une minorité de grandes exploitations<br />

agricoles.<br />

Sur les territoires exondés, elles sont assez bien représentées dans les districts du<br />

nord, comme à Kankayani où elles comptent pour ¼ des exploitations. Aux mains des plus<br />

gros ménages, qui emploient de surcroît des groupes de travail et des journaliers, elles<br />

assurent leur base vivrière par leurs parcelles de riz. Elles se sont lancées dans la culture<br />

de l’arachide, pour la vente, ce qui leur assure des revenus substantiels de l’ordre de<br />

400 000 GNF.<br />

En mangrove, on trouve également une bonne proportion de grandes exploitations<br />

dédiées au riz, qui sont également aux mains des ménages de forte taille. Elles sont liées à<br />

l’usage des groupes de travail, kilé et lanyi, mais toutes ne sont pas, et de loin, vendeuses<br />

de riz : moins de 10 % sur l’ensemble des districts, proportion qui monte à 30 % à Bigori.<br />

Même dans ce cas, la vente de riz n’est pas pour autant synonyme d’autosuffisance. En<br />

effet, l’habitude est de vendre après la récolte, même si cela doit se traduire par une<br />

soudure qui est générale et, pour certains, sévère.<br />

Le rôle des collectifs de travail est donc fondamental dans le fonctionnement des<br />

exploitations et permet aux ménages les plus importants de cultiver au-delà de leurs<br />

besoins. L’accès au travail collectif traduit cependant des inégalités économiques et<br />

sociales. Une partie des agriculteurs se trouve à l’écart des flux de travail, soit qu’ils n’en<br />

ont pas besoin, soit qu’ils n’y ont pas accès. Cela représente entre ¼ et ½ de la population.<br />

Par contre, il existe de très gros consommateurs de travail collectif, en riziculture inondée<br />

(10 % dépassent 100 H/j) ou en culture sur brûlis (10 % pour plus de 80 H/j).<br />

Au total, les ventes de produits agricoles, si elles sont assez générales, se traduisent<br />

par des flux assez ténus. Bigori et Brika, accessoirement Dobali, ressortent en ce qui<br />

148


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

concerne le riz de mangrove ; Madya pour le riz de coteau. Les ventes sont plus<br />

importantes pour l’arachide, spéculation en pleine croissance sur le modèle casamançais et<br />

où se signalent les districts du nord, Kambilam, Dobali, Kankayani et plus au sud, Madya.<br />

4. LA PECHE<br />

Carte 7 : Les systèmes de productions agricoles<br />

La pêche est, en Guinée maritime, une activité dont la complexité est liée<br />

à l’exploitation de différents milieux (mer, estuaire, chenaux de marée, plaine<br />

périodiquement inondée), aux techniques différentes (pêches masculines et féminines) et<br />

aux différentes configurations que cette activité peut prendre au sein d’une famille. Plus de<br />

la moitié des ménages de l’échantillon la pratique peu ou prou.<br />

On peut opposer une pêche pratiquée par des artisans qui en ont fait leur activité<br />

principale (40 % des pêcheurs, soit 20 % de l’échantillon) et une pêche pratiquée comme<br />

activité complémentaire et souvent saisonnière (60 %, soit 30 % de l’échantillon).<br />

4.1 L’EXTENSION DU DOMAINE DE LA GRANDE PECHE ARTISANALE<br />

La grande pêche artisanale, qu’elle entraîne ou non la migration des pêcheurs, reste<br />

encore très localisée. Elle est caractéristique de Dobiret et Marara ; elle se renforce à<br />

Kanfarandé et pénètre progressivement à l’amont des estuaires comme à Dominya.<br />

149


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Le partage entre la pêche avec migration ou non dépend en partie des conditions<br />

de localisation : les pêcheurs de Dominya y sont contraints s’ils veulent pêcher en mer.<br />

Toutes deux sont des pêches d’homme : le chef de ménage et éventuellement ses garçons<br />

s’ils ont l’âge d’aller en mer. Les embarcations diverses, qui vont de la pirogue monoxyle à<br />

des embarcations plus importantes capables de porter plusieurs pêcheurs, et les filets ou<br />

lignes demandent des investissements importants. Les revenus sont à l’avenant : plus de<br />

10 M GNF en moyenne, bien que le partage soit net entre les patrons qui touchent plus 20<br />

M et les ouvriers dont les revenus tournent autour d’ 1 M GNF. Les femmes peuvent<br />

éventuellement pêcher, avec des techniques qui leur sont propres, sur les rives des<br />

chenaux.<br />

La pêche sans campement est dominante à Marara, où elle caractérise 60 % des<br />

pêcheurs, à Kanfarandé (50 %) et Dobiret (40 %) ; elle existe également à Dobali où elle<br />

est moins importante. Les campements s’avèrent nécessaires pour les pêcheurs de l’amont<br />

des estuaires, mais aussi pour une minorité de gens de la côte. Cela se traduit par<br />

l’absence qui excède souvent une durée de trois mois. La grande pêche migrante est<br />

caractéristique de Dominya et de Dobiret où elle rassemble entre 1/3 et la moitié des<br />

pêcheurs, mais on la retrouve à un moindre degré à Thia et à Marara, plus à l’aval dans<br />

l’estuaire de la Fatala, ainsi qu’à Brika, Kanfarandé ou Dobali.<br />

L’évolution d’ensemble suggère l’extension de la grande pêche à partir des ports du<br />

sud, en prenant appui sur des débarcadères disposant de plages commodes et de quelques<br />

facilités d’accès.<br />

4.2 LE REGAIN D’INTERET POUR LA PECHE, COMME ACTIVITE COMPLEMENTAIRE<br />

La pêche semble avoir occupé une place mineure dans les sociétés traditionnelles.<br />

Elle était caractérisée par un faible investissement en temps comme en capital technique et<br />

une absence d’organisation commerciale pour une activité qui était considérée seulement<br />

comme un appoint nutritionnel. Il semble même que certaines ethnies comme les baga et<br />

les nalou l’aient progressivement abandonnée au cours du XXème s. alors qu’ils se<br />

tournaient plus fortement vers l’agriculture.<br />

On peut distinguer :<br />

- La pêche saisonnière en mer ou en estuaire qui concerne 27 % de<br />

l’échantillon des pêcheurs. Elle se pratique sur la pirogue monoxyle et au filet,<br />

comme les précédentes, ou simplement à l’épervier. Ce type de pêche est fortement<br />

dépendant des conditions climatiques ou de la saison culturale, ce qui élimine au<br />

moins la saison des pluies. Les revenus sont nettement moins importants que les<br />

autres types ; la moyenne de ce groupe se place à 1,1 MGNF par an. Les familles de<br />

ces pêcheurs appartiennent souvent au groupe des grands ménages. Ce type de<br />

pêche est caractéristique de Brika, où résident 15 pêcheurs sur les 62 du groupe,<br />

mais aussi de Kambilam, où les pêcheurs sont beaucoup plus rares. Ils sont<br />

minoritaires à Kanfarandé et Dobali.<br />

- La pêche familiale de plaine qui concerne 17 % des pêcheurs de l’échantillon.<br />

Le chef de ménage et la ou les épouses pêchent ainsi que les enfants, chacun<br />

suivant leurs techniques, sur leurs propres lieux de pêche, lorsque la plaine est<br />

inondée ou à la décrue. La somme des jours de pêche est de ce fait très importante,<br />

120 j en moyenne, pour une saison qui est relativement courte. Les hommes<br />

utilisent la pirogue et le filet, les femmes plutôt la nasse, dans toute une panoplie<br />

d’outils et de techniques. Cette pêche familiale de plaine est pratiquée surtout par<br />

150


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

les ménages où la force de travail est abondante. Elle est typique des baga et<br />

surtout des soussou de Bigori mais existe également à Thia ou à Brika. C’est à la<br />

fois une pêche d’autoconsommation et de vente. Les revenus annuels sont placés<br />

entre 500 000 GNF et 2 MGNF avec une moyenne à 1,3 MGNF, mais une grande<br />

partie est destinée au fumage du poisson qui la valorise.<br />

- La petite pêche d’autoconsommation pratiquée par 15 % de l’échantillon.<br />

C’est la petite pêche des femmes, essentiellement d’autoconsommation. Elle se<br />

pratique dans les chenaux, surtout au tété yélé. Elle est pratiquée de façon<br />

occasionnelle, généralement moins de 50 j par an. Ces femmes viennent<br />

principalement des très grands ménages. L’essentiel de la pêche est destiné à la<br />

consommation familiale. Les ventes sont assez rares. Cette pêche est<br />

caractéristique de Kankayani, mais on retrouve ce type dans tous les districts où la<br />

pêche est active : à Dobali, Brika ou à Kanfarandé.<br />

Depuis la libéralisation économique, ces pêches ont connu une croissance régulière.<br />

Bien qu’elles soient des activités saisonnières, la pêche saisonnière en mer ou la pêche de<br />

plaine du pays baga procurent des revenus confortables pour un temps de travail<br />

relativement bref.<br />

Carte 8 : Les différents types de pêche<br />

151


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

5. LES AUTRES ACTIVITES<br />

Les activités autres que l’agriculture et la pêche constituent un ensemble complexe<br />

et difficile à appréhender. L’agriculture et la pêche sont, dans la zone d’étude, des activités<br />

que l’on peut qualifier de principales. Reste une multitude d’activités qui sont menées<br />

individuellement par les différents membres du ménage, d’une façon régulière, mais aussi<br />

sur des périodes courtes, quelquefois de façon épisodique, lorsque le besoin s’en fait sentir.<br />

Elles font partie des savoir-faire du ménage et constituent des ressources utilisables.<br />

La complexité de l’étude est amplifiée par le fait que l’importance relative de ces<br />

activités varie au cours du temps au gré des opportunités de gain, des disponibilités de<br />

main d’œuvre, du succès ou des échecs des autres activités. Cela est particulièrement net<br />

dans le cas de la saliculture où un certain nombre de ménages décidera ou non de la<br />

pratiquer selon les années. Cela est également vrai pour toutes les autres activités, hormis,<br />

sans doute, l’agriculture et la pêche dans le cas des grands pêcheurs.<br />

5.1 L’IMPORTANCE DES ACTIVITES COMPLEMENTAIRES<br />

Si on classe les familles suivant l’activité de leur membre, rares sont les ménages<br />

qui ne déclarent pas d’activité complémentaire (38 sur 426). D’une façon générale, s’il<br />

semble exister une bonne corrélation entre le nombre d’activités dans la famille et les<br />

revenus générés, elle est un peu artificielle. Quelques ménages cumulent des revenus qui<br />

semblent considérables, mais ils restent rares. 57 sur 315 déclarent plus d’1 M GNF de<br />

revenu et seulement une dizaine plus de 4MGNF, mais proviennent de familles très<br />

nombreuses et qui totalisent jusqu’à 15 activités. Pour le reste de la population, il semble<br />

qu’il y ait accumulation de petites activités.<br />

Sur les 425 ménages de l’échantillon, tous les membres de la famille ne pratiquent<br />

pas systématiquement une autre activité que l’agriculture. Dans 124 ménages, soit 30%, le<br />

chef de famille n’exerce pas d’autre activité. En ce qui concerne la (ou les) épouses, c’est le<br />

cas de 170 ménages, soit 40 %. Peu d’enfants exercent une activité, quant aux autres<br />

membres de la famille, la proportion descend à 85 %. Par contre, lorsqu’ils en exercent, les<br />

individus peuvent en exercer plusieurs. Par exemple, on recense 677 cas d’activité pour<br />

302 chefs de famille exerçant une activité complémentaire, soit un peu plus de deux par<br />

personne. Ce ratio monte à 2,5 pour les enfants et à plus de 3 pour les femmes et les<br />

autres membres de la famille exerçant une activité complémentaire.<br />

Parmi les secteurs d’activité, les hommes sont très présents dans l’artisanat non<br />

alimentaire (travail du bois, forge, vannerie), l’exploitation du milieu naturel (chasse,<br />

cueillette, bûcheronnage) et comme karamoko (enseignant coranique). Les épouses<br />

travaillent dans le petit élevage, l’artisanat non alimentaire (comme la fabrication du<br />

savon) et surtout l’artisanat alimentaire : dans 215 ménages, elles extraient de l’huile,<br />

dans 208 elles pratiquent le fumage du poisson, dans 97 la saliculture, pour un échantillon<br />

de 426 ménages. Les enfants sont actifs dans le salariat agricole et, lorsque ce sont des<br />

filles, dans les mêmes activités que leur mère.<br />

5.2 DES ASSOCIATIONS D’ACTIVITE AU SEIN DES MENAGES<br />

Mais cette description reste incomplète, dans la mesure où la multi activité rentre<br />

dans une stratégie familiale et qu’il faut prendre en compte les multiples activités du<br />

ménage comme un ensemble et définir un complexe familial d’activités complémentaires<br />

(c'est-à-dire hors production agricole et pêche).<br />

152


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

L’analyse montre que ces complexes sont très dépendants des localisations, tant les<br />

milieux ont encore une forte influence sur les activités complémentaires.<br />

Les districts maritimes sont très fortement marqués par les activités associées à la<br />

pêche ; à Dobiret, Dominya, Marara, Thia, Bigori, plus de 50 % des ménages appartiennent<br />

aux types où le fumage et la saliculture dominent.<br />

Dobali, Kankayani et même Bigori se signalent par une activité liée à l’élevage<br />

notable. A Dobali, le complexe d’activités marqué par l’élevage dépasse 25 % des ménages<br />

et il est fort possible qu’à Kankayani elle soit sous-estimée. Les Diakanké partagent avec<br />

les peuls une nette discrétion à propos de leur cheptel, surtout bovin.<br />

Un complexe liant l’artisanat et l’exploitation du milieu naturel est particulièrement<br />

développé dans les districts du nord : Dobali, Kankayani, Madya, Kanfarandé. L’exploitation<br />

du bois et la forge sont bien représentés. Par contre, ce type d’activité disparaît dans les<br />

districts pêcheurs de l’estuaire de la Fatala, écrasé par les autres types liés à la pêche et à<br />

l’exploitation du milieu littoral.<br />

La dispersion des revenus est importante : ces complexes d’activité sont avant tout<br />

des regroupements fonctionnels. Par exemple, le type marqué par l’artisanat non<br />

alimentaire se signale par sa plus grande dispersion ; 10 % gagnent moins de 60 000 GNF,<br />

à l’opposé, 10 % ont un revenu supérieur à 4 500 000 GNF. Cette dispersion est en partie<br />

liée au caractère plus ou moins lucratif de l’activité, mais surtout au temps qui y est<br />

consacré.<br />

5.3 LES QUATRE ACITIVITES COMPLEMENTAIRES LES PLUS RENCONTREES<br />

5.3.1 La saliculture<br />

Le sel est une activité de rente importante sur la Basse Côte. Historiquement, c’est<br />

une activité menée par l’ethnie Soussou au sud de Conakry, dans les régions de Forécariah<br />

et de Coyah. Cette activité s’est répandue lentement vers le nord du pays, adoptée par<br />

d’autres ethnies comme les Baga.<br />

La saliculture se pratique en bordure des bras de mer. Dans notre zone d’étude, ce<br />

sont généralement les femmes qui ont en charge cette activité ; cela n’exclut pas pour<br />

autant que les hommes puissent être saliculteurs.<br />

La commercialisation se fait souvent, dans notre zone d’étude, par le biais de<br />

l’intervention des « Youlé » ou grands commerçants, généralement d’origine peule. Ces<br />

derniers fournissent en amont de la production, le matériel nécessaire pour la mise en<br />

œuvre d’une campagne de sel. En contrepartie, les salicultrices s’engagent à rembourser<br />

en sacs de sel le matériel fourni et peuvent difficilement refuser de vendre également à ces<br />

mêmes commerçants le reste de la production à bas pris, fixé dès le début de la campagne.<br />

Peu sont celles qui peuvent mettre en œuvre d’autres formes de commercialisation, le<br />

réseau des grands commerçants étant très puissant et l’évacuation des sacs posant de gros<br />

problèmes logistiques.<br />

Le sel peut également avoir une autre vocation que celle de la consommation. En<br />

effet, dans la préfecture de Boffa, il est aussi produit pour le salage du poisson. Le salage<br />

permet de conserver longtemps le produit de la pêche et de le stocker en vue d’une<br />

commercialisation ultérieure, généralement hors des frontières du pays. Ce sont des<br />

hommes qui produisent ce type de sel. Bien évidemment, il ne passe pas leur journée<br />

153


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

derrière un fourneau, mais utilise les bâches solaires qui ont été introduites dans la zone<br />

par divers projets de développement.<br />

Plusieurs types de pratiques de la saliculture ont été décelés. On peu ainsi<br />

distinguer :<br />

- Des petites productrices. Leur but est essentiellement de fabriquer le sel de<br />

la famille et de vendre le surplus. Elles sont souvent des salicultrices migrantes et<br />

s’installent donc sur campement, hors de leur village d’origine. Elles représentent<br />

33 % de l’échantillon. Ce sont surtout des résidentes de Kambilam, qui se trouve<br />

loin des lieux de fabrication du sel et, accessoirement, de Dobali, sur la côte. Une ou<br />

deux femmes par ménage se déplacent sur campement. Elles proviennent de<br />

ménages de taille moyenne ou petite (les jeunes ménages). Pour ces petits<br />

ménages, cela correspond à l’immobilisation de la moitié de la force de travail. Ces<br />

femmes commencent à arriver en mars, en fin de saison sèche, et resteront pour<br />

une campagne de 1 à 3 mois. Pas de dépenses pour les coupeurs de bois, elles font<br />

tout elles-mêmes en minimisant l’investissement.<br />

La production de l’année précédente est très variable. Le mode est à 5-10<br />

sacs, la médiane à 12 sacs, mais certaines en font beaucoup plus : 16 en font de 20<br />

à 30 sacs. Si on vend, on vend plutôt mal, de 8 à 10 000 GNF le sac, ce qui fait un<br />

revenu moyen de l’ordre de 200 000 GNF.<br />

- Des professionnelles (13% de l’échantillon). Leur production est massive :<br />

plus de 30 sac (et jusqu’à 50) dont elles tirent un revenu important : près de la<br />

moitié déclarent plus de 800 000 GNF. Elles viennent de Brika, de Dobiret et de<br />

Dominya, accessoirement de Kanfarandé. Ce sont donc surtout des soussou ou des<br />

diakanké. Leur famille est généralement petite et jeune, mais on en trouve de<br />

ménages plus importants. La force de travail n’est pas énorme (ISFT = 4,5).<br />

Comme elles viennent à 3 ou 4 par ménage, on peut estimer qu’il s’agit de toutes<br />

les femmes d’un ménage.<br />

La majorité se déplace soit sur campement, soit près d’un autre village. Elles<br />

démarrent la saison en février et travaillent deux ou trois mois, au cours de longues<br />

journées de travail (plus de 12 h et jusqu’à 18 h). Ce qui explique la quantité<br />

considérable de sel produite par ce groupe, c’est le nombre de femmes par ménage,<br />

le fait qu’elles emploient des ouvriers pour le bois et la longueur des journées de<br />

travail. Elles peuvent travailler en association avec un commerçant (youlè) qui<br />

fournit le matériel et organise la vente ou seules. Mais, de façon générale, elles<br />

vendent bien leur sel (moyenne à 12 000 GNF le sac). Le revenu moyen pour ce<br />

groupe est supérieur à 600 000 GNF.<br />

- Des salicultrices locales (33 % de l’effectif). Elles sont de Kanfarandé, où<br />

Kanof est vraiment caractéristique, ou bien de Dobali. Les types de familles sont<br />

assez variés mais, de façon générale, la force de travail est importante, 6 à 7<br />

personnes, si bien que les ménages peuvent libérer leurs femmes : elles viennent à<br />

2 ou 3 faire du sel.<br />

Elles pratiquent la saliculture aux abords du village, sans forcément<br />

abandonner leurs autres activités ; c’est pourquoi le temps journalier qu’elles<br />

consacrent au sel est plus court que pour les autres types. Elles démarrent leur<br />

saison en janvier et 80 % travaillent pendant 4 ou 5 mois, c'est-à-dire plus<br />

longtemps que les autres.<br />

154


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

La production est variable. Le mode est à 10-15 sacs, bien vendu à 12 000<br />

GNF. Elles en retireront un peu moins de 200 000 GNF en moyenne mais, pour 1/3<br />

d’entre elles, entre 200 et 500 000 GNF.<br />

- Un dernier groupe assez hétérogène. C’est le seul qui compte quelques<br />

hommes. Le nombre d’occasionnels qui n’ont pas fait de sel l’année précédente est<br />

aussi très important. Ce groupe est composé surtout de baga de Dobali et de<br />

Soussou de Marara et de Thia. Les types démographiques sont assez variés, mais la<br />

majorité provient de ménages petits, souvent dirigés par des femmes.<br />

Bien sûr beaucoup de ménages ne pratiquent pas la saliculture. Aucun à Madya,<br />

trop à l’intérieur des terres, ni à Kankayani et Bigori, pour des raisons moins évidentes,<br />

une minorité à Kambilam où les campements sont lointains. Il n’y à qu’à Kanfarandé que la<br />

saliculture est le fait de la majorité des ménages.<br />

Les revenus tirés de l’activité varient suivant les lieux. C’est dans le district de Boffa<br />

qu’ils sont les plus élevés, bien qu’ils ne concernent qu’un nombre réduit de personnes.<br />

L’activité y est intense et intégrée dans une filière commerciale rentable. A l’opposé, à<br />

Kambilam, les salicultrices, travaillant en partie pour la couverture des besoins familiaux et<br />

valorisant mal leur surplus, n’en tirent que de faibles revenus.<br />

Carte 9 : Les différents types de saliculture<br />

155


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

5.3.2 Le fumage du poisson<br />

210 ménages pratiquent le fumage du poisson. Il s’agit donc d’une activité très<br />

répandue qui concerne la moitié des ménages de l’échantillon.<br />

Le fumage du poisson permet la conservation prolongée du produit de la pêche.<br />

Dans notre zone d’étude, le poisson est utilisé dans les sauces qui accompagnent le riz<br />

quotidien et incontournable.<br />

Ce sont les femmes qui ont en charge cette activité. Elles fument le poisson dans la<br />

concession, en général dans un lieu proche de la cuisine. Le poisson est soit fourni par leur<br />

mari, soit par d’autres pêcheurs avec lesquels elles sont en accord. Si elles n’ont pas de<br />

statut privilégié, elles se rendent alors au débarcadère afin d’acheter du poisson. En effet,<br />

le fumage confère au poisson une valeur ajoutée substantielle à la revente et rares sont les<br />

femmes qui se contentent du produit de la pêche de leur mari sauf si ceux-ci sont de<br />

grands pêcheurs. Cette activité est menée de jour comme de nuit. Dès que le poisson<br />

arrive au port, on le fume.<br />

Là encore, plusieurs types de pratique se distinguent :<br />

- Les professionnelles, soit 10% de l’échantillon. Ce type est assez étroitement<br />

localisé à l’embouchure de la Fatala. Elles sont nombreuses à Dobiret, Dominya,<br />

Marara et donc très nettement soussou mais on en trouve quelques-unes à Bigori.<br />

C’est dans ce groupe qu’on trouve les femmes chef de ménage et également les<br />

rares hommes qui travaillent dans le fumage. Un peu comme si l’intensité de<br />

l’activité gommait les convenances sociales. Leur famille est souvent réduite mais si<br />

les femmes travaillent au fumage, elles sont souvent aidées par d’autres membres<br />

de la famille, si bien que le nombre de personnes qui s’investit dans cette activité<br />

est en moyenne de 1,6 personne pour un indice de force de travail de moins de 4.<br />

Les personnes qui s’y consacrent travaillent en moyenne 205 j par an. Il s’agit donc<br />

d’une véritable spécialisation du ménage.<br />

La majorité vend en dehors du village (60 %) ; au marché, à la ville voisine<br />

ou encore à Conakry pour près de 55 % des fumeuses de poisson. Les acheteurs<br />

sont bien sûr les autres ménages lorsqu’on vend au village. Cependant, pour 40 %,<br />

on vend aux Youlè et pour 10 % aux banabana. Le revenu moyen de l’activité est<br />

élevé : près de 2M GNF.<br />

- Le type suivant est proche du précédent et plus nombreux : il représente<br />

presque 45 % des ménages qui fument du poisson. Ce sont aussi très souvent des<br />

ménages soussou : le type est caractéristique de Thia, mais aussi de Bigori.<br />

Ce qui diffère du type précédent est l’intensité de l’activité. Bien que ce type<br />

soit constitué de plus gros ménages, où la moyenne de l’indice de force de travail<br />

dépasse 5 personnes, seule l’épouse ou une épouse travaille au fumage du poisson.<br />

Même si elle y consacre beaucoup de temps (226 H/j en moyenne), les revenus<br />

sont moins importants de moitié. Plus des 2/3 achètent du poisson à fumer, ce qui<br />

réduit d’autant le revenu. On vend plus fréquemment que dans le type précédent au<br />

village, à d’autres ménages. Les volumes sont moins importants que pour le type<br />

précédent. Les revenus restent encore convenables : un peu plus d’ 1 million de<br />

GNF.<br />

156


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

- Ce type est également un des plus nombreux : 33 % des ménages concernés<br />

par l’activité. Ici le fumage est une activité relativement secondaire. Elle est une des<br />

occupations de gros ménages à forte disponibilité de main d’œuvre (ISFT = 5). Bien<br />

que plusieurs personnes du ménage puissent travailler au fumage (généralement<br />

une épouse et un autre membre de la famille), le nombre de jours qui y sont<br />

consacrés est moitié moindre par rapport aux catégories précédentes (112 H/j). Il<br />

s’agit d’un type caractéristique des districts du Nord : Kanfarandé et Dobali, chez les<br />

nalou . Les femmes achètent moins de poisson des autres pêcheurs (48 %) et<br />

vendent moins que les autres types à l’extérieur du village : les marchés sont plus<br />

rares et les youlé viennent moins. Les revenus sont bien moindres que dans les<br />

catégories précédentes : un peu moins de 300 000 GNF, ce qui place tout de même<br />

le fumage au-dessus de la saliculture.<br />

- Le dernier type est peu nombreux : 13% de l’échantillon. Ici le fumage est<br />

une activité marginale, comme d’ailleurs la pêche. On trouve ce type surtout chez<br />

les landouma de Kambilam, les diakanké de Kankayani et les baga de Dobali.<br />

Comme dans le type précédent, le fumage est une activité des familles nombreuses<br />

qui disposent d’une main d’œuvre abondante, mais le nombre de jours qui y est<br />

consacré est faible : un peu moins de 100 H/j pour le type D, 90 H/j pour le type C.<br />

Alors que l’autoconsommation domine, la vente permet de dégager quelques<br />

revenus qui restent médiocres, voire nuls.<br />

5.3.3 L’extraction d’huile<br />

A l’instar du poisson fumé, l’huile rouge est un élément de base de l’alimentation<br />

des ménages de la zone d’étude. Elle entre dans la composition de la sauce qui, avec le<br />

poisson, quelques légumes (piments et tomates pour l’essentiel) accompagne le plat de riz.<br />

C’est une huile très riche qu’on utilise en quantité dans le riz et qui compense souvent la<br />

maigre ration de poisson utilisé pour un plat. Elle s’utilise, entre autres, dans une<br />

préparation que l’on retrouve souvent dans la zone : la sauce « Gbonté », très prisée des<br />

gens de la Basse Côte.<br />

Avec 4 régimes de palme, on obtient environ deux litres d’huile qui, stockée en<br />

bouteille plastique d’1,5 l ou en bidon de 10 et 20 l, se conservera pendant 1 an. L’huile<br />

ainsi produite sera soit consommée, soit vendue sur les marchés ou auprès des Banabana<br />

(petits commerçants colporteurs) et des autres femmes dans les villages. Il existe un plus<br />

grand réseau de commercialisation de l’huile rouge dirigée par de grands Youlé, mais les<br />

quantités produites par les ménages de notre zone d’étude ne suffisent pas à<br />

approvisionner cette filière, dont les ventes se comptabilisent en fût de 200 litres.<br />

Elle reste dans nos 11 sites une activité artisanale, certes fondamentale, peu<br />

consommatrice en bois de chauffe sinon équivalente à la consommation de bois des<br />

cuisines, mais au regard de l’itinéraire technique et de la charge qui incombe déjà aux<br />

femmes, difficilement extensible.<br />

Plusieurs types de pratique se distinguent :<br />

- Les spécialistes. Elles sont peu nombreuses : à peine 4 % des productrices. Il<br />

s’agit d’une véritable spécialité dans la mesure où les femmes y travaillent plus d’un<br />

mois dans l’année (en moyenne 43 jours) et que les revenus moyens qu’elles tirent<br />

de cette activité dépassent les 400 000 GNF. Les raisons de cette spécialisation sont<br />

assez floues : il ne s’agit pas de l’abondance de la force de travail car elles sont<br />

157


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

généralement issues de ménages de taille moyenne. Pourtant ces femmes sont<br />

souvent aidées par d’autres membres de la famille. Ce type, bien que très<br />

minoritaire, est caractéristique de Dobali et de Kanfarandé ; il est présent aussi à<br />

Brika et dans l’estuaire de la Fatala.<br />

- Une des activités des grands ménages : 44 % des fabricantes d’huile.<br />

L’importance de l’huile dans le temps de travail est assez variée, mais la moyenne<br />

est à 12 jours par an, ce qui est assez modeste. Elles font partie de grands ménages<br />

qui pratiquent de nombreuses autres activités complémentaires. On conçoit qu’une<br />

des femmes d’un ménage s’y consacre quelques jours par mois au moins pendant la<br />

bonne saison. Les revenus sont limités : 140 000 GNF en moyenne, avec tout de<br />

même d’assez gros écarts. L’extraction de l’huile est ici bien associée à la production<br />

de savon. C’est d’ailleurs ce type qui en tire les meilleurs revenus (70 000 GNF en<br />

moyenne). Ce type est très fréquent à Madya et à Brika ; un peu moins nombreux à<br />

Dobali.<br />

- Une activité occasionnelle, orientée d’abord sur l’auto consommation. Moins<br />

de 7 jours de travail par an, des revenus presque anecdotiques qui correspondent à<br />

la vente de surplus (50 000 GNF en moyenne), auxquels il faut ajouter les 40 000<br />

GNF du savon. Comme pour le type précédent, l’activité est le fait de ménages de<br />

grande taille ; la différence tient au temps de travail et à l’orientation de la<br />

production plutôt dirigée vers les besoins domestiques. Cette activité est le fait de la<br />

moitié des fabricantes d’huile. On trouve ce type là où les palmeraies sont peu<br />

étendues : à Bigori ou à Kanfarandé, mais également dans les districts où le type<br />

précédent est bien représenté, à Madya et Dobali.<br />

5.3.4 L’élevage<br />

28 personnes déclarent avoir du gros bétail, c'est-à-dire moins de 5 % de la<br />

population. Les moutons sont à peine plus répandus. Les porcins ne sont élevés que par les<br />

animistes et quelques chrétiens, généralement des balantes mais éventuellement des baga.<br />

Etant donné le discrédit de cet élevage dans une population à majorité musulmane, il s’agit<br />

de peu de ménages (2 %). Le plus commun du petit bétail est la chèvre, mais elle n’est<br />

présente (ou déclarée) que dans ¼ des ménages. La volaille est donc le petit élevage le<br />

plus répandu : 253 ménages ont au moins quelques poules, soit 57 % des ménages.<br />

Au total, si 158 personnes sur 443, soit un tiers de la population, n’est pas<br />

intéressée par l’élevage, cela ne veut pas dire que les autres le soient beaucoup. La taille<br />

des troupeaux de petit bétail et à plus forte raison des bovins est très faible. A peine 6 %<br />

des ménages ont au moins 5 vaches ; quant au petit bétail, les troupeaux de plus de 20<br />

têtes, qui montreraient une certaine spécialisation, ne concernent qu’un très faible minorité<br />

des éleveurs. La volaille est à l’avenant : seulement 2 % des ménages possèdent plus de<br />

50 poules.<br />

Ce manque de spécialisation va de pair avec la dilution des responsabilités entre<br />

membres du ménage par rapport à l’élevage. Si le chef de ménage tient fermement à ses<br />

vaches (bien que chez les peuls les femmes possèdent également quelques têtes), le petit<br />

élevage est aussi une affaire de femmes ; les enfants peuvent également gagner un peu<br />

d’argent personnel en élevant quelques bêtes. Un gardien ne sera employé que lorsque<br />

l’élevage a acquis une certaine taille. Pour le reste la dilution des responsabilités marque la<br />

faiblesse des enjeux financiers.<br />

158


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Sans développer ici les résultats de l’AFC tentée sur les données de l’élevage,<br />

notons qu’il existe trois groupes assez caractéristiques.<br />

- Un premier correspond aux 3 % de la population pour lesquels l’élevage<br />

représente une véritable orientation économique ; ces ménages obtiennent des<br />

revenus moyens de 500 000 GNF. 1 % dépasse le million. Il s’agit soit d’éleveurs de<br />

bœufs, généralement des peuls, qui associent à l’élevage bovin celui des ovins qui<br />

accompagnent leur troupeau, ainsi que quelques chèvres ; soit d’éleveurs soussou,<br />

baga ou même balante qui pratiquent un élevage dans leur concession où ils se sont<br />

tournés vers l’élevage du petit bétail, avec des troupeaux qui peuvent atteindre une<br />

vingtaine de moutons, de chèvres, de porcs et auxquels ils peuvent associer la<br />

volaille. Certains propriétaires ont dépassé 1 million de GNF sur leur vente d’ovins<br />

seuls ou 500 000 sur les ventes de porcs, de chèvres ou de poulets en 2004. Des<br />

trois groupes, ce sont les seuls dont la gestion du troupeau permettrait d’obtenir<br />

des revenus à peu près réguliers de cette activité. Ce type est présent dans à peu<br />

près tous les districts, mais sur des effectifs très faibles.<br />

- Le deuxième correspond plutôt à un groupe où l’élevage est un appoint pour<br />

l’autoconsommation ou la vente. Leurs petits troupeaux de chèvres, de moutons,<br />

quelques vaches permettent des ventes occasionnelles. Les revenus sont assez<br />

divers. Dans le groupe, un éleveur a vendu trois vaches, ce qui lui a assuré un<br />

revenu largement supérieur au million de GNF ; mais la moyenne, pour ce type, est<br />

de 230 000 GNF et la moitié ne dépasse pas 100 000 pour 2004. Cela donne<br />

l’impression d’un petit cheptel qu’on capitalise et dont on vend des unités selon les<br />

besoins. Ce type est assez fréquent à Dobali, Madya, Brika et Thia où il correspond<br />

à la moitié des ménages.<br />

- Le dernier type regroupe un quart des ménages et un tiers de ceux qui<br />

pratiquent l’élevage. Il s’agit surtout d’un élevage de basse-cour pratiqué par les<br />

femmes ou les enfants. 5 à 10 poulets, une chèvre ou deux. L’usage est<br />

essentiellement l’autoconsommation. Les revenus sont minimes : 40 000 GNF en<br />

moyenne pour 2004. Il est présent dans tous les districts, mais plus important<br />

qu’ailleurs à Kambilam et à Kanfarandé.<br />

Pour toutes les activités complémentaires que nous venons de développer, on<br />

s’aperçoit qu’il existe une faible minorité de producteurs qui se sont spécialisés dans des<br />

activités autres que l’agriculture ou la pêche et qui en tirent des revenus conséquents, une<br />

majorité de petits producteurs tournés vers l’autoconsommation et, entre les deux, un<br />

groupe de producteurs moyennement investis dans une activité pour rentabiliser une force<br />

de travail abondante dans des ménages nombreux. Ceci est assez révélateur des<br />

différentes pratiques des activités complémentaires en général dans la zone d’étude.<br />

La conséquence est qu’une activité quelconque a presque toujours un intérêt limité,<br />

sauf dans quelques districts. Cette situation se répercute sur la commercialisation. Elle<br />

dépend des colporteurs (banabana) dans la plupart des cas. Elle ne peut intéresser les gros<br />

commerçants que dans des zones très limitées où l’activité se densifie et prend de<br />

l’importance. Il y a là un net effet de seuil.<br />

159


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

6. TYPES DE MULTI ACTIVITE<br />

Le cheminement de cette étude sur les systèmes de production multi-actifs de<br />

Guinée maritime nous a conduits à envisager la cellule familiale et ses disponibilités en<br />

force de travail, puis les différents sous-projets du système d’activité : exploitation<br />

agricole, pêche, autres activités. Comme dans tout système, les différents éléments qui le<br />

composent réagissent les un par rapport aux autres. C’est l’arbitrage entre ces différents<br />

sous-projets qui détermine l’allocation des ressources familiales en termes de temps de<br />

travail ou de capital financier, technique ou foncier. C’est aussi le succès ou l’échec de l’un<br />

qui retentit sur l’ensemble. En assemblant les différentes composantes du système, on<br />

peut mettre en évidence les liaisons statistiques basées sur l’intensité des liens qui les<br />

unissent. Elles permettent de distinguer cinq grands profils de multi-activité<br />

6.1 LE CERCLE DE LA GRANDE PECHE<br />

13 % de l’échantillon.<br />

Il est caractérisé par l’activité des chefs de ménage : de grands pêcheurs migrants<br />

(44 %) ou pas (20 %). Une partie de ces chefs de ménage ne pratique pas la pêche, mais<br />

ils y sont fortement reliés : eux-mêmes ou leurs épouses pratiquent le fumage ou un<br />

artisanat lié à la pêche.<br />

Les ménages de ce type sont souvent petits. L’agriculture est minimale : ils se<br />

limitent à un casier ou deux en riziculture inondée. Par contre, les activités<br />

complémentaires rapportent beaucoup. Bien qu’un quart des ménages n’en pratiquent pas<br />

(ils pêchent), ceux qui le font exercent dans la saliculture et le fumage ou sont fortement<br />

spécialisés dans le fumage. Dans ces conditions, 20 % des ménages gagnent plus de 2 M<br />

GNF et 10 % plus de 5 millions.<br />

Toutefois, c’est la pêche qui est la ressource essentielle : on a affaire ici à de très<br />

gros pêcheurs : 50 % des ménages déclarent 5 millions et encore 40 % 10 et plus.<br />

Le cercle de la grande pêche englobe 71 % des ménages de Dobiret, 58 % de ceux<br />

de Dominya, 47 % de Marara. Ce sont donc des Soussou, auxquels s’ajoutent quelques<br />

balantes et baga de Bigori ou Dobali.<br />

6.2 L’EQUILIBRE DES ACTIVITES<br />

22 % de l’échantillon<br />

L’agriculture est la base du système ; presque tous les ménages pratiquent la pêche<br />

(souvent de façon saisonnière) et les ménages sont aussi investis dans des activités<br />

complémentaires assez variées.<br />

Les types de pêche varient selon les lieux. A Bigori où ce système multi-actifs est<br />

très répandu, il s’agit essentiellement de la pêche de plaine inondée ; à Brika, où ce type<br />

est aussi bien représenté, il s’agit plutôt d’une pêche saisonnière en mer ou dans les<br />

chenaux ; à Kanfarandé, on trouve plutôt des grands pêcheurs. Quel que soit le type de<br />

pêche, les revenus sont consistants : les ¾ des ménages se trouvent au-dessus de<br />

500 000 GNF, 7 % au-dessus de 5M de GNF. Moins que dans le type précédent, mais avec<br />

de nombreuses activités en plus.<br />

160


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Les autres activités sont d’abord le fumage du poisson par les femmes (40 %) mais<br />

ici, les activités vraiment caractéristiques sont liées à l’élevage (18 %). Les revenus de ces<br />

activités sont importants : les 2/3 des ménages déclarent des revenus au-dessus d’1 M de<br />

GNF et ¼ au-dessus de 2 millions.<br />

Enfin, les activités agricoles sont dominées par la riziculture ; ici, on trouve des<br />

exploitations moyennes ou grandes (dont certaines commercialisent leur surplus).<br />

Cependant, seulement 5% des ménages déclarent des revenus supérieurs à 500 000 GNF.<br />

82 % des ménages de Bigori appartiennent à ce type, 33 % de ceux de Brika et de<br />

Kanfarandé, 26 % de ceux de Marara ; ce sont des soussou, des balantes et surtout des<br />

baga.<br />

6.3 CRISE ET DEPENDANCE<br />

24 % de l’échantillon<br />

Ce type, il faut le dire, est moins net que les précédents. On a du mal à savoir, en<br />

l’état de l’analyse, s’il s’agit de ménages en voie de marginalisation à la suite d’un déclin<br />

des activités agricoles ou d’une transition vers d’autres activités dépendantes de la<br />

disponibilité de ressources extérieures.<br />

Le fait est que les activités complémentaires restent dans la moyenne de<br />

l’échantillon global : elles sont dominées par le fumage du poisson et la fabrication d’huile<br />

pour les femmes, l’artisanat (avec sa dominante dans la coupe du bois et le travail du bois)<br />

pour les hommes.<br />

La pêche rapporte également des revenus. Par contre, la base agricole est étroite.<br />

Elle est dominée par la petite exploitation exondée ou la micro exploitation en riz inondé.<br />

Ces exploitations totalisent moins de 100 000 GNF de ventes de produits agricoles.<br />

Au total, les revenus sont assez faibles pour une base alimentaire réduite.<br />

Généralement, ces ménages sont de faible taille et relativement jeunes. Ce type est<br />

caractéristique de Thia (50 % des ménages) et, à un moindre titre, de Kanfarandé (1/3),<br />

Dobali ou Marara.<br />

6.4 LA MARQUE DE L’ENCLAVEMENT<br />

23 % des ménages.<br />

Il est particulièrement répandu dans les districts continentaux où ce type concerne<br />

67 % des ménages de Madya et 58% de ceux de Kambilam, mais on le trouve aussi en<br />

position littorale, à Brika, Dobali et même Kanfarandé.<br />

La pêche est plus rare qu’ailleurs ; elle ne concerne que 25 % des ménages et<br />

rapporte moins (un mode à 200-500 000 GNF pour 12 % des ménages). Les activités<br />

complémentaires sont peut-être plus communes qu’ailleurs mais reposent aussi plus<br />

lourdement sur les femmes : fumage du poisson, extraction de l’huile, fabrication du<br />

savon. Les hommes sont quelquefois ouvriers agricoles ou travaillent dans l’exploitation du<br />

milieu « naturel » (notamment dans la coupe du bois). Les revenus que ces ménages en<br />

tirent sont assez faibles.<br />

161


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Les 4/5 des ménages sont sur de petites et moyennes exploitations de coteaux,<br />

vendant un peu d’arachide et de riz. Les autres sur des exploitations encore plus petites,<br />

toujours sur versant et en autoconsommation.<br />

Une meilleure base agricole compense la réduction de la part de la pêche, mais<br />

comme le type précédent, celui-ci ne semble pas engendrer la prospérité.<br />

6.5 L’ARACHIDE ET LE TRAVAIL DES FEMMES<br />

18 % de l’échantillon.<br />

C’est le système des gros et très gros ménages qui constituent la moitié de<br />

l’échantillon de Kankayani, ¼ de celui de Madya, de Kambilam ou de Dobali.<br />

Une des bases est le système arachidier qui s’est développé sur les terres de<br />

l’intérieur. Ici on a affaire à de grandes exploitations, les chefs de ménage sont capables de<br />

mobiliser de la main d’œuvre pour la défriche et la récolte. Les ventes sont à l’avenant : 20<br />

% des revenus dépassent 500 000 GNF et certains atteignent 2 millions.<br />

La pêche est généralement peu importante : 40 % ne la pratiquent pas et souvent<br />

elle reste une activité strictement féminine. Les revenus issus de cette activité sont donc<br />

très faibles.<br />

Par contre, les activités complémentaires sont très développées. La moitié des<br />

ménages sont engagés dans des activités artisanales ou d’exploitation du milieu naturel.<br />

Surtout, là encore, l’argent vient du travail des femmes avec l’extraction de l’huile. Si<br />

l’essentiel de ces activités reste ici aussi de l’ordre de 200 à 500 000 GNF, 5 % des<br />

ménages en retirent plus de 5 millions.<br />

162


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

CONCLUSION<br />

Carte 10 : Les systèmes multi-actifs<br />

Au total, dans la zone on peut distinguer deux systèmes multi-actifs en expansion,<br />

un en équilibre et deux qui montrent des difficultés.<br />

Le plus dynamique est certainement celui de la grande pêche. Il génère des revenus<br />

importants et a des effets d’entraînement non négligeables, créant de la demande et de<br />

l’emploi dans les secteurs du fumage et de la saliculture. En outre, il dynamise des réseaux<br />

commerciaux qui dépassent largement le cadre local et, dans certains cas, débordent assez<br />

largement le territoire national. Ouvert à l’innovation, il intègre rapidement les techniques<br />

étrangères et a généré une capitalisation locale qui se traduit par l’apparition de petits<br />

armateurs-entrepreneurs en pêcherie.<br />

Il présente cependant des désavantages. Tout d’abord, il pèse sur la ressource en<br />

bois, nécessaire au fumage et à la saliculture. Dans la plupart des cas, le bois est prélevé<br />

dans la mangrove, qui est, depuis les plages océanes et les entrées d’estuaire, le milieu le<br />

plus accessible. Ensuite, il ponctionne la ressource halieutique qui est, d’après les<br />

halieutes, en équilibre précaire. On ne doit cependant pas exagérer les effets prédateurs de<br />

la pêche artisanale. En fait, les menaces les plus lourdes sont exercées par la pêche<br />

industrielle avec laquelle il entre en concurrence.<br />

163


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Ce type s’étend assez rapidement du sud de la zone d’étude vers le nord, de<br />

débarcadères en débarcadères, et pénètre également vers l’amont des estuaires, plus<br />

difficilement à mesure que les trajets nautiques augmentent, obligeant les pêcheurs de<br />

l’intérieur à constituer des campements.<br />

Un peu moins dynamique est le système de l’arachide et du palmier à huile, qui est<br />

la réplique continentale du système précédent. Il génère des revenus moins importants,<br />

liés au prix assez médiocre de l’arachide et au caractère assez extensif de sa culture. La<br />

faible productivité de la production d’huile est aussi en cause. Il reste que dans les<br />

conditions de faible densité des régions continentales de la zone, il est générateur de<br />

revenus convenables.<br />

Ceci étant, il présente de sérieux désavantages. En premier lieu, l’arachide est une<br />

culture de défriche et dans des conditions extensives, les brûlis s’étendent. Un<br />

accroissement de la production d’huile semble subordonné à la plantation de palmiers. On<br />

peut d’ailleurs observer qu’elles se sont multipliées ces dernières années. Ceci, à terme,<br />

peut poser des problèmes fonciers sérieux. La plantation implique dans la plupart des cas<br />

un changement du statut foncier des terres, celles-ci passant d’un contrôle communautaire<br />

ou lignager à un régime de possession individuelle. Le système fonctionne dans des<br />

conditions où les densités de population sont faibles et tant que la faim de terres ne se fait<br />

généralement pas sentir, mais des conflits fonciers sont à craindre sous des densités plus<br />

importantes. Enfin, l’extraction de l’huile de palme repose sur le travail des femmes. Une<br />

augmentation de la production induit l’augmentation de leur charge de travail.<br />

Malgré tout, l’expansion de ce système dépasse les frontières guinéennes : c’est<br />

celui qui règne en Guinée Bissau et en Casamance, en situation continentale.<br />

Le système baga semble en équilibre. Non pas à cause de la santé de la riziculture,<br />

pilier du système. En fait, à Bigori elle est même en difficulté à cause de la péjoration des<br />

conditions hydrauliques. Toutefois, pendant qu’on contemplait les difficultés de la<br />

riziculture, on s’est rarement aperçu des mutations de ce système. Il semble qu’aujourd’hui<br />

la multiplication des activités complémentaires et, pour certains, le regain de la pêche ait<br />

accompagné la monétarisation des campagnes. Beaucoup, cependant, peut être fait pour<br />

améliorer la gestion de l’eau.<br />

Restent enfin deux systèmes en difficulté relative. C’est l’agriculture en crise de la<br />

région de Thia, mais dont les manifestations sont présentes dans tous les sites étudiés, qui<br />

pose le plus de questions. Base agricole médiocre, accès à la pêche limité et faible<br />

développement des activités complémentaires posent le problème de la reproduction de ce<br />

système. Faut-il penser que ces ménages sont aidés par leurs parents ou leurs voisins, et<br />

que des liens de solidarité les maintiennent ainsi ? Peut-on imaginer des systèmes en<br />

transition qui s’appuieraient davantage sur les activités complémentaires ? Ces ménages<br />

sont-ils les laissés pour compte des systèmes précédents ?<br />

Les problèmes de l’enclavement semblent apporter quelques réponses. De petits<br />

ménages, qui produisent peu de surplus commercialisables, n’intéressent guère les circuits<br />

commerciaux au-delà des banabana locaux. Les difficultés de circulation font le reste. En<br />

outre, le milieu est peu propice au développement d’activités complémentaires. Ici, bien<br />

sûr les progrès des infrastructures pourraient accélérer l’évolution, sans qu’on puisse en<br />

prédire le sens. Au total, les mutations économiques connues par la Guinée maritime au<br />

cours de ces dernières décennies ont nettement accentué les différenciations spatiales et<br />

sociales.<br />

164


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

LA PAUVRETE ET LES INEGALITES<br />

165


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

L’Observatoire de la Guinée Maritime a engagé une exploration originale des<br />

relations dialectiques entre les situations de pauvreté et les modes de gestion des<br />

ressources. Le volet pauvreté de l’<strong>OGM</strong> a pour objectif de produire et de suivre les<br />

indicateurs relatifs à la pauvreté, à la vulnérabilité et aux inégalités dans les zones<br />

concernées par la mise en place de l'observatoire. Cette démarche est réalisée en relation<br />

avec les autres volets de l’<strong>OGM</strong> (systèmes ruraux d’activités, biodiversité et innovation)<br />

afin de prendre en compte l’interaction entre, d’une part, les modes de<br />

gestion/reproduction de la biodiversité et le maintien du niveau de vie des populations et,<br />

d’autre part, entre la dynamique des pratiques ou des modes d’organisation en place et<br />

l’évolution des situations de pauvreté.<br />

Une telle démarche s'intègre dans l'objectif national de réduction de la pauvreté, tel<br />

que le présente le Document Stratégique de Réduction de la Pauvreté (DSRP). Les<br />

recherches menées dans ce volet sont complémentaires aux travaux des institutions<br />

nationales sur les conditions de vie des ménages, les objectifs et les échelles d’analyse<br />

étant différents.<br />

1. APPROCHE CONCEPTUELLE ET METHODOLOGIQUE DU SYSTEME<br />

D’INFORMATION DU VOLET PAUVRETE<br />

1.1 CADRE CONCEPTUEL DE L’APPROCHE PAR LES CAPABILITES: UNE APPROCHE<br />

OPERATIONNELLE<br />

Les méthodes d’analyse de la pauvreté se sont diversifiées depuis quelques années,<br />

répondant en cela à une tentative de mieux appréhender les différentes facettes d’un<br />

phénomène complexe. Les approches quantitatives ne sont plus limitées à la seule analyse<br />

monétaire et le cadre conceptuel des capabilités développé à partir des travaux d’A. Sen<br />

permet de nouveaux approfondissements méthodologiques qui favorisent la compréhension<br />

des aspects multidimensionnels du bien-être (dans le sens large du well-being) et des<br />

situations de pauvreté qui sont associées à des manques ou à des lacunes dans différents<br />

domaines (santé, éducation, alimentation, revenus, droits politiques, reconnaissance<br />

sociale etc.).<br />

La relation entre les droits ou les ressources dont disposent les individus et l’usage<br />

qu’ils en font correspond pour Sen à la conversion des libertés formelles en libertés réelles<br />

(Guérin, 2003). La description des caractéristiques des biens d’un individu est donc<br />

souvent insuffisante pour évaluer le niveau de bien-être, car il faut savoir aussi ce que<br />

l’individu parvient à faire et être (beings and doings) avec les biens et les caractéristiques<br />

dont il dispose, ce que Sen désigne par « fonctionnements ». La capabilité « d’une<br />

personne définit les différentes combinaisons de fonctionnements qu’il lui est possible de<br />

mettre en œuvre. Il s’agit d’une forme de liberté (..), la liberté de mener des modes de vie<br />

divers » (Sen, 2001).<br />

Pour chacune des dimensions du développement humain, un individu ou un groupe<br />

va être confronté à deux problèmes : en premier lieu, l’accès à un certain nombre de biens,<br />

de services, d’informations ou la participation aux décisions ne sont pas les mêmes pour<br />

tous. Certains groupes peuvent être privés de droits ou de possibilités d’accès à la terre, au<br />

crédit ou à certains services comme l’éducation ou la santé, soit par le fait d’une<br />

discrimination (selon le genre ou selon l’ethnie par exemple) ou du fait des inégalités<br />

spatiales et économiques (comme l’absence d’école ou de dispensaire dans leur région). On<br />

parle alors de pauvreté d’accessibilité.<br />

166


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

En second lieu, chaque individu a un « stock d’actifs » particulier, qui est lié à ses<br />

caractéristiques personnelles, à son éducation, à son état de santé, au capital physique et<br />

financier qu’il possède, aux relations sociales qu’il entretient etc. On appelle ces « actifs »<br />

les potentialités. La pauvreté des potentialités exprime donc un déficit d’accumulation dans<br />

les domaines de la santé, de l’éducation, des biens matériels ou des relations sociales.<br />

Cependant, les potentialités ne peuvent être valorisées que si l’individu a<br />

l’opportunité sociale de le faire : Les capabilités dépendent donc de l’accessibilité et des<br />

potentialités. L’ensemble des « capabilités » correspond alors aux fonctionnements<br />

accomplis et à ceux non-accomplis, mais que l’individu pourrait choisir s’il le voulait ou s’il<br />

le devait, suite à un choc extérieur altérant ses autres fonctionnements.<br />

1.2 LE DISPOSITIF DU VOLET PAUVRETE : UN OUTIL COMPLET ET DYNAMIQUE<br />

Les outils mis en place dans le cadre du volet pauvreté de l’<strong>OGM</strong> permettent de faire<br />

une approche des différentes facettes de la pauvreté, aussi bien qualitative que<br />

quantitative.<br />

Les outils et enquêtes « classiques » sont souvent insuffisants pour saisir les<br />

évolutions et retracer les modifications dans les formes de pauvreté, dans les différentes<br />

dimensions, ainsi que les entrées ou les sorties apparaissant pour chaque forme de<br />

pauvreté. Cela suppose d’avoir recours à un instrument d’investigation, comme les<br />

observatoires, qui s’ancre dans la durée et qui permet de combiner différentes formes<br />

d’approches, tantôt quantitatives, tantôt qualitatives. Cette démarche permet de mieux<br />

cibler certains groupes sociaux plus vulnérables que d’autres, d’appréhender l’ensemble<br />

des caractéristiques de leur situation, de mettre en valeur les facteurs explicatifs de cette<br />

situation et des évolutions possibles.<br />

Bien que l’approche par les capabilités se heurte à de nombreux problèmes de<br />

mesure encore non résolus, il est cependant possible de mesurer un certain nombre de<br />

fonctionnements accomplis (être nourri correctement, être instruit…). Au-delà de ces<br />

mesures classiques, passerelles incontournables avec les enquêtes menées au niveau<br />

national, le volet pauvreté s’est attaché à identifier les indicateurs locaux et autochtones de<br />

pauvreté ou de richesse, c’est à dire les signes à partir duquel la population locale perçoit<br />

une personne ou un groupe comme étant pauvre ou riche. Ce type d’indicateur permet de<br />

mieux approcher la notion de bien-être multidimensionnel (well-being) qui est au centre de<br />

l’approche par les capabilités.<br />

Le dispositif s’articule autour de plusieurs enquêtes, de plusieurs échelles<br />

d’observation et de plusieurs objectifs complémentaires.<br />

Il comprend tout d'abord des enquêtes de structure, outils de construction du<br />

dispositif, parmi lesquelles les enquêtes sur la perception de la pauvreté qui ont permis<br />

l’émergence des conceptions autochtones des thématiques abordées par le volet (pauvreté,<br />

richesse, exclusion, etc.) et les enquêtes communautaires, qui permettent de collecter<br />

l’information sur l’état et la qualité de l’offre de services, ainsi que sur les problèmes<br />

d’accessibilité.<br />

Egalement, l’établissement d’un tableau de bord pour le suivi de la pauvreté<br />

nécessite le relevé périodique d’un certain nombre d’informations sous la forme d’enquêtes<br />

régulières. Cet aspect du dispositif s'articule principalement autour des enquêtes<br />

ménages, qui permettent d’analyser les conditions de vie, l’activité et les revenus ainsi que<br />

la perception qu’ont les ménages de leur situation.<br />

167


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

L’exploitation de l’enquête ménage a ainsi permis de valider ou d’invalider la<br />

pertinence de ces indicateurs et d’en retenir un certain nombre pour l’élaboration du<br />

tableau de bord sur le suivi de la pauvreté. Cependant, ces indicateurs autochtones ne<br />

recouvrant pas totalement les objectifs prioritaires de la lutte contre la pauvreté 6 , il est<br />

aussi nécessaire de prendre en compte dans le tableau de bord des indicateurs plus<br />

« classiques ».<br />

Enquête<br />

Fiche de<br />

connaissance<br />

géographique<br />

Enquête<br />

concession<br />

ménage<br />

Enquête<br />

activités/outils<br />

Enquête<br />

perception de la<br />

pauvreté<br />

Enquête<br />

communautaire<br />

Suivi des prix à<br />

la consommation<br />

Enquête ménage<br />

Echelle<br />

d’observation<br />

Village<br />

Enquête -<br />

individus<br />

Enquête -<br />

individus<br />

Village<br />

Marchés<br />

Enquête ménages<br />

(845)<br />

Principal domaine<br />

ENQUETE DE STRUCTURE<br />

Aperçu synthétique et<br />

pluridisciplinaire<br />

l’environnement.<br />

de<br />

Définitions locales du ménage<br />

et de la concession et de leur<br />

organisation interne<br />

Liste des activités et des outils.<br />

Représentations de la<br />

pauvreté, de la richesse, du<br />

bien-être et de l’exclusion<br />

Carte des infrastructures<br />

Etat et accessibilité des<br />

principaux services (santé,<br />

scolarisation, communication)<br />

DISPOSITIF DE SUIVI DE LA PAUVRETE<br />

Suivi de l’évolution locale des<br />

prix et des variations<br />

saisonnières<br />

Conditions de vie (santé,<br />

scolarisation, habitat)<br />

Activités et revenus<br />

Indicateurs autochtones de la<br />

pauvreté<br />

Perception de la pauvreté<br />

Apport pour l’analyse<br />

accessibilité/potentialités<br />

- Problèmes d’accessibilité sur les<br />

infrastructures<br />

- Potentialités du territoire et modes<br />

de mise en valeur<br />

- Apport méthodologique pour la<br />

construction de l’enquête ménage<br />

- Indications sur les responsabilités<br />

en fonction du statut (opportunités<br />

sociales)<br />

Perceptions locales des lacunes<br />

individuelles ou collectives<br />

responsables de la pauvreté<br />

Tableau 1 : Les enquêtes du volet pauvreté (Source : <strong>OGM</strong>, 2004)<br />

Accessibilité physique des<br />

infrastructures ; état de<br />

fonctionnement des services et des<br />

voies de communication<br />

- Permet de calculer le pouvoir<br />

d’achat effectif des ménages<br />

- Impact de l’enclavement sur le prix<br />

des produits<br />

- Typologie des ménages en fonction<br />

de leurs potentialités.<br />

- Indicateur de vulnérabilité<br />

- Analyse de l’articulation entre<br />

structures d’activités, revenus,<br />

composition du ménage etc.<br />

6 Objectifs tels qu’ils ont été définis dans le cadre des objectifs du Millénaire (ODM), des rapports sur le<br />

développement humain du PNUD et du document stratégique de réduction de la pauvreté de Guinée.<br />

168


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

2. LES CONCEPTIONS LOCALES DE LA PAUVRETE : UN OUTIL INDISPENSABLE<br />

2.1 UTILITE DE LA METHODE ET DISPOSITIF MIS EN ŒUVRE<br />

Les enquêtes sur la pauvreté, comme les enquêtes ménages mesurant le revenu et<br />

les différents indicateurs du bien-être, sont construites à partir d’un cadre de référence et<br />

d’une représentation de la pauvreté qui appartiennent à leurs concepteurs, issus la plupart<br />

du temps d’une autre culture. Cette vision s’avère souvent décalée par rapport aux<br />

conceptions locales de la pauvreté et de la richesse qui sont induites par la culture,<br />

l’histoire, les rapports sociaux ou la religion des populations concernées. La construction<br />

d’indicateurs autochtones de la pauvreté doit permettre de mieux prendre en compte le<br />

cadre de référence et les priorités des populations en matière de bien-être.<br />

Les analyses sur la conception de la pauvreté par les populations ont été faites à<br />

deux niveaux : celui d’enquêtes spécifiques (entretiens traités au moyen de l’analyse<br />

textuelle) et celui des enquêtes ménages (questions fermées).<br />

Traitées par l’analyse textuelle, les analyses de discours fournissent des éléments<br />

pour la compréhension de la perception locale de la pauvreté : elles permettent de dégager<br />

la vision autochtone de la pauvreté (vision du groupe), d’affiner les grilles de lecture de la<br />

pauvreté. Ainsi, il ne s’agit pas, au cours de ces entretiens, d’avoir un avis sur leur<br />

situation personnelle de pauvreté ou de richesse, mais d’avoir leur avis sur ce qu’est pour<br />

eux, la richesse, la pauvreté, le bien-être ou l’exclusion. Certains marqueurs relevés (âge,<br />

sexe, ethnie, village d’origine, etc.) permettent de savoir « qui parle » et donc de classer<br />

les représentations selon ces caractéristiques.<br />

L’introduction dans les enquêtes ménages de questions sur la perception que les<br />

enquêtés ont de leur situation, de la qualité de certains services ou de l’environnement<br />

sociopolitique, ont pour objectif la construction d’un indicateur de bien-être subjectif<br />

(Ravaillon, 2001 ; Gondard-Delcroix, 2003). Grâce à ce module, il est alors possible<br />

d’évaluer la satisfaction des ménages concernant leur niveau de vie et leurs conditions de<br />

vie et d’évaluer l’impact du développement dans le cadre d’un suivi-évaluation.<br />

2.2 UNE CONCEPTION ELARGIE DU BIEN-ETRE<br />

L’analyse des discours permet de retrouver très explicitement cinq dimensions du<br />

bien-être telles qu’elles ont été définies à partir des analyses sur la perception de la<br />

pauvreté dans différents pays. Les représentations sont très marquées par le contexte du<br />

milieu rural avec une grande variété dans les activités (riziculture, pêche, saliculture etc.),<br />

zones parfois très enclavées, services publics peu nombreux, mosaïque ethnique. Ces cinq<br />

dimensions sont : le bien-être matériel qui correspond à la possession d’actifs et la<br />

satisfaction de l’alimentation ; la santé qui est un préalable au bien-être ; la sécurité,<br />

notamment dans les activités agricoles ; la liberté de choix et d’action, principalement dans<br />

les activités ; et le bien-être social, lié à une harmonie individuelle et sociale. Ces cinq<br />

catégories du bien-être sont pertinentes, mais ne prennent toutefois pas en compte<br />

l’ensemble des discours.<br />

Une partie importante de ceux-ci est marquée par la vision spirituelle du bien-être<br />

et donc aussi du mal-être qu’est la pauvreté. La vision que l’on qualifie ici de spirituelle se<br />

retrouve dans de nombreuses sociétés, quelle que soit la religion. Ce discours, assez banal,<br />

offre l’avantage de ne pas remettre en cause l’ordre social et les inégalités de répartition.<br />

Etre riche se manifeste aussi par le pouvoir donner, ce qui est un moyen d’élargir sa base<br />

sociale et d’entretenir de bonnes relations avec l’au-delà.<br />

169


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

2.3 LA PAUVRETE COMME UN ENSEMBLE DE PRIVATIONS<br />

La pauvreté est bien cernée en termes de privations et de manques. Une<br />

caractéristique majeure réside dans le fait que la pauvreté est un phénomène visible et<br />

donc éminemment social.<br />

En premier lieu les discours font ressortir la menace permanente de la disette, que<br />

les privations alimentaires soient épisodiques ou chroniques. Rares sont ceux qui en sont à<br />

l’abri, que ce soit sur les quantités ou la nature des produits consommés. La santé est une<br />

autre dimension prioritaire pour les ménages. La maladie prive l’individu de sa capacité de<br />

travail et menace son activité, mais aussi sa place dans le tissu social, car il ne peut plus<br />

faire face aux obligations collectives. Alimentation et santé se recoupent dans les discours,<br />

puisque les labours ayant lieu pendant la soudure, il faut travailler avec la faim. En tant<br />

que marqueur visible, l’habillement revêt aussi une grande importance dans la vie sociale.<br />

Etre pauvre signifie donc aussi ne pas pouvoir répondre aux obligations sociales et<br />

collectives, donc risquer de se marginaliser du groupe, ce qui aboutit à l’exclusion.<br />

% des ménages<br />

Brika<br />

Bigori<br />

Madia<br />

Kanof-<br />

Kank-<br />

Tesken<br />

Les signes de la pauvreté<br />

Maison n’est pas belle 38,5 34,7 38,0 36,4 49,3 37,0 35,8 40,6 38,1<br />

Pas assez d'argent 37,5 31,6 38,0 31,8 28,2 39,0 35,8 32,7 37,1<br />

N'arrive pas à se nourrir<br />

correctement<br />

13,5 23,5 14,0 21,6 9,9 12,0 17,3 11,9 18,6<br />

Ne peut pas se soigner 4,2 4,1 3,0 5,7 2,8 5,0 3,7 3,0 1,0<br />

Pas d'habits corrects pour<br />

les cérémonies<br />

Capacité réduite (ne peut<br />

3,1 2,0 4,0 2,3 2,8 2,0 3,7 1,0 1,0<br />

mener ses projets, ne peut<br />

se déplacer)<br />

1,0 2,0 3,0 1,1 2,8 4,0 3,7 11,9 3,1<br />

Autre manifestation ou signe<br />

de pauvreté<br />

2,2 2,1 0 1,1 4,2 1 0 0,9 1,1<br />

Les manifestations de la pauvreté<br />

C'est le destin 37,9 34,7 50,0 54,0 59,2 51,5 51,3 51,5 54,6<br />

Pas de capital pour démarrer<br />

une activité<br />

9,5 24,5 9,0 10,3 12,7 8,1 1,3 11,9 10,3<br />

Pas de bonnes terres ou pas<br />

assez de terres<br />

4,2 11,2 6,0 1,1 0,0 3,0 6,3 3,0 3,1<br />

Manque de main d'œuvre<br />

pour travailler la terre<br />

3,2 2,0 1,0 1,1 4,2 2,0 1,3 0 0<br />

N’est pas commerçant 8,4 1,0 6,0 1,1 1,4 1,0 6,3 4,0 3,1<br />

Famille/parents<br />

pauvres<br />

étaient<br />

21,1 11,2 13,0 14,9 9,9 17,2 12,5 11,9 15,5<br />

Trop de charges 5,3 3,1 4,0 6,9 3,0 1,3 5,9 6,2<br />

Vit à<br />

brousse<br />

la campagne/en<br />

1,1 1,0 2,0 2,3 4,2 1,0 8,8 2,0 1,0<br />

N’est pas un battant 4,2 5,1 4,0 3,4 2,0 2,5 8,9 4,1<br />

Handicap ou maladie grave 2,1 3,1 3,0 3,4 7,0 5,1 2,5 1,0<br />

Autre origine/pas de réponse 3 3,1 2 1,1 1,4 6,1 6,2 1 1<br />

Tableau 2 : Signes et manifestations de la pauvreté (source : <strong>OGM</strong> 2004)<br />

La pauvreté est aussi clairement perçue comme un manque d’actifs. D’abord, les<br />

moyens de travail sont rudimentaires (équipement, outillage) et la force de travail parfois<br />

fragile mobilités, alliances, maladies). Ensuite, la faible transmission d’actifs (biens<br />

matériels, foncier) au sein de la famille entre les générations constitue l’une des principales<br />

bases de la pauvreté ; on retrouve ici le schéma classique de la pauvreté chronique.<br />

Kankayani<br />

Dobali<br />

Kam-<br />

bilam<br />

Boffa<br />

insul.<br />

Boffa<br />

cont.<br />

170


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Parce que la survie nécessite parfois de marcher sur sa propre dignité, être pauvre<br />

c’est aussi connaître l’humiliation et la marginalisation de ne pas remplir ses obligations<br />

sociales, comme ne pas pouvoir nourrir sa famille. Dans un contexte communautaire<br />

omniprésent (concession, lignage, village) les rivalités et les jalousies concernant les<br />

différences de positions sociales accentuent les processus de marginalisation.<br />

Au <strong>final</strong>, une personne pauvre n’a plus de reconnaissance sociale et peut alors vivre<br />

l’exclusion.<br />

2.4 LA PERCEPTION DES MENAGES SUR LEUR NIVEAU DE VIE ET LEUR BIEN-ETRE : UN OUTIL<br />

D’APPRECIATION DU DEVELOPPEMENT<br />

La quasi totalité des ménages se classe dans le groupe des pauvres ou<br />

moyennement pauvres (à opposer avec riches ou moyennement riche). L’opinion des<br />

ménages sur la progression de leur niveau de vie est assez mitigée et surtout variable<br />

selon les sites. Il n’y a qu’à Madia, Kankayani et Boffa insulaire que plus de la moitié des<br />

ménages ont une vision positive de l’évolution récente de leur niveau de vie. Sur les autres<br />

sites, les opinions se répartissent plutôt autour de 45 % sur une vision positive et 55 %<br />

une vision négative, à l’exception de Brika, où seulement un quart des ménages estime<br />

que sa situation s’améliore.<br />

Le classement donné par les ménages sur les principales manifestations de leur<br />

pauvreté met l’accent sur des signes facilement visibles, à travers l’habitat en tout premier<br />

lieu, à travers le manque d’argent ensuite, qui peut aussi se manifester par le fait de ne<br />

pas arriver à se nourrir ou se soigner correctement, illustrant la pauvreté des conditions de<br />

vie. Cette faiblesse des revenus a des conséquences sociales, illustrées par la difficulté à<br />

participer aux cérémonies faute de vêtements décents, ce qui provoque la marginalisation<br />

du ménage.<br />

Une autre manifestation concerne les capacités : « être pauvre », c’est ne pas<br />

pouvoir choisir ses activités, ne pas pouvoir mener ses projets à bien ou encore ne pas être<br />

mobile, ce qui est aussi une entrave importante dans ce milieu où la pluriactivité entraîne<br />

une forte mobilité saisonnière.<br />

La question de l’origine de la pauvreté divise la population en deux moitiés presque<br />

égales, avec une vision très différente. Pour près de la moitié des enquêtés, il est possible<br />

de qualifier cette vision de spirituelle ou religieuse : on est pauvre parce que « c’est le<br />

destin ». L’autre groupe développe des raisons plus diversifiées, que l’on peut regrouper en<br />

plusieurs catégories : manque d’actifs (terre, main d’œuvre), transmission<br />

intergénérationnelle de la pauvreté, caractéristiques personnelles.<br />

La construction d’un indicateur de bien-être autochtone s’appuie sur le degré de<br />

satisfaction que ressent le ménage dans différents domaines. On voit notamment que les<br />

indicateurs d’appréciation des conditions de vie (habitat, alimentation, santé et<br />

habillement) sont plutôt négatifs. Par contre, les opinions par rapport à la sécurité, les<br />

relations familiales et sociales au sein de la communauté, qui sont autant de signes de<br />

cohésion sociales, sont plutôt positives.<br />

2.5 QUI PARLE ?<br />

Les différentes conceptions de la richesse, de la pauvreté ou du bien-être émergent<br />

selon les caractéristiques de la personne enquêtée (âge, sexe, ethnie etc.). Alors que les<br />

171


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

aspects matériels sont plutôt mis en avant par les moins de 40 ans, les personnes plus<br />

âgées insistent sur l’importance de la cohésion sociale.<br />

Il est difficile pour l’instant, de distinguer ce qui relève d’une part, d’une évolution<br />

des représentations dans le cycle de vie et d’autre part, des transformations économiques<br />

et sociales que la Guinée a connu depuis la fin du régime de Sékou Touré.<br />

172


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

3. LES CONDITIONS DE VIE DES MENAGES : D’IMPORTANTES INEGALITES<br />

La pauvreté des conditions de vie, encore appelée « pauvreté humaine » ou<br />

« pauvreté d’existence» se manifeste par l’impossibilité de satisfaire aux besoins<br />

essentiels. Il s’agit d’une pauvreté qui traduit une situation de manque dans les domaines<br />

relatifs à l’alimentation (déséquilibre nutritionnel), à la santé (non accès aux soins<br />

primaires), à l’éducation (non-scolarisation), au logement, etc. En un certain sens, il s’agit<br />

d’une vision plus qualitative de la pauvreté.<br />

Ces différentes dimensions sont analysées à partir des données recueillies au niveau<br />

des enquêtes ménages, parfois au niveau individuel (formation et scolarisation par<br />

exemple), et sont complétées par les enquêtes communautaires, qui permettent<br />

d’appréhender les problèmes d’accessibilité.<br />

3.1 UNE POPULATION CARACTERISEE PAR SA JEUNESSE ET SON HETEROGENEITE<br />

Avec près de 60% de la population âgée de moins de 21 ans, la population de<br />

Guinée Maritime est très jeune. La pyramide des âges a une forme classique pour un pays<br />

en développement, avec une base très large et un fort rétrécissement dans les classes<br />

d’âge plus élevées, lié à une espérance de vie assez faible. Dans ce contexte, de nombreux<br />

inactifs sont dépendants des actifs sur lesquels repose parfois une lourde charge.<br />

Bien qu’il y ait des ethnies dominantes dans la Guinée Maritime Nord (soussou,<br />

baga, landouma et nalou), toutes co-existent, chaque groupe gardant néanmoins une<br />

empreinte forte sur une localité et donc un territoire. Par exemple, le site de Bigori est le<br />

centre du groupe ethnoculturel baga, le bagataye.<br />

Cette mosaïque représente une donnée fondamentale pour la compréhension des<br />

stratégies socio-économiques des ménages, souvent liées à leurs caractéristiques<br />

ethnoculturelles. Ces dernières s’expriment notamment dans l’accès aux ressources<br />

foncières, le choix des activités et les réseaux sociaux.<br />

Localement, on observe deux niveaux d’organisation distincts: la concession, qui<br />

correspond à l'unité géographique de vie, et le ménage, l'unité socio-économique de base.<br />

Les concessions rassemblent plusieurs ménages dans un lieu de vie et bien que ces entités<br />

apparaissent imbriquées sur plusieurs pôles (pouvoir du chef, lieu de vie, certains budget<br />

et travaux agricoles), leurs attributions varient. On peut noter qu'il existe une supra entité<br />

sociale, le lignage, plus largement abordée par le volet foncier du programme.<br />

Bien que la taille des ménages varie selon les sites, le chef de ménage regroupe un<br />

nombre important d’individus (6,4 en moyenne) autour de lui. Dans les sociétés étudiées,<br />

l’un des attributs de la richesse étant de rassembler une famille nombreuse autour de soi,<br />

la taille du ménage peut être reliée à diverses stratégies socio-économiques : réserve de<br />

main d’œuvre agricole, assurance économique pour les « vieux » ou encore emprise du<br />

lignage dans le territoire villageois.<br />

Plus de la moitié des chefs de ménages sont polygames. La monogamie correspond<br />

à une étape du cycle de vie, plus les chefs de ménages sont âgés, plus la proportion<br />

d’hommes ayant 2 ou 3 épouses est élevée. Le nombre de femmes chefs de ménage est<br />

aussi assez faible dans la mesure où leur situation de chef de ménage est souvent<br />

transitoire (après un veuvage ou une séparation).<br />

173


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Nombre de personnes<br />

par ménage (médiane)<br />

Part des ménages dirigés<br />

par une femme (%)<br />

Brika<br />

Bigori<br />

Madia<br />

Kanof-<br />

Kank-<br />

Tesken<br />

Age moyen des chefs de<br />

ménages (années)<br />

Part de la population<br />

47,2 55 48 50,7 50,2 52,8 44,8 47 53,1 49,9<br />

ayant moins de 21 ans<br />

(%)<br />

Nombre d’unités de<br />

63,2 54,5 61,8 50,8 60,8 59,5 61,2 43,0 59,6 57,2<br />

consommation par<br />

ménage (moyenne)<br />

5,7 4,8 4,5 4,0 5,1 4,8 4,3 3,2 4,8 4,6<br />

Taux de dépendance par<br />

ménage (moyenne)<br />

1,7 1,6 1,3 0,8 1,1 1,2 1,2 0,6 1,8 1,3<br />

Tableau 3 : Principales caractéristiques des ménages (Source : <strong>OGM</strong>, 2004)<br />

3.2 DES NIVEAUX DE FORMATION BAS MAIS UNE SCOLARISATION QUI S'AMELIORE<br />

La scolarisation a des conséquences directes sur le niveau de formation acquis et<br />

donc sur le capital humain éducation que peuvent valoriser par la suite les individus.<br />

L’éducation de base et la formation professionnelle sont considérées comme des outils<br />

essentiels du renforcement du capital humain des individus. Dans ce domaine, la durabilité<br />

sociale suppose que la génération suivante bénéficie d’un meilleur, ou au moins d’un même<br />

niveau de formation que les ascendants et qu’elle ait les opportunités d’emploi pour réaliser<br />

le capital accumulé.<br />

Actuellement le niveau de formation de la population adulte est extrêmement bas.<br />

Et bien que cette dimension de la pauvreté n'apparaisse pas dans les perceptions locales, il<br />

existe une corrélation entre le niveau d'alphabétisation des adultes et la pauvreté de leur<br />

ménage: 72% des ménages en dessous de la ligne de pauvreté ont un chef analphabète,<br />

contre 28% pour les chefs lettrés (Bertin, 2007). Dans le détail, un important écart de<br />

niveau de formation entre hommes et femmes est mis à jour par le taux d’achèvement du<br />

primaire: 11,3% pour les hommes et de 2,6% pour les femmes. A cette forte inégalité<br />

entre les genres s’ajoute une non moins importante inégalité entre les sites : 36% des<br />

hommes de Boffa continental ont effectué un cycle complet d’études primaires contre un<br />

peu plus de 2% pour ceux de Madia.<br />

Par contre, les chiffres actuels de scolarisation des enfants dans le primaire<br />

permettent d’apprécier l'amélioration en cours. Le taux brut de scolarisation dans le<br />

primaire est aujourd'hui de 63% pour les garçons et de 53% pour les filles. Les inégalités<br />

de genre dans la fréquentation de l’école primaire sont considérablement réduites, mais les<br />

inégalités entre sites demeurent. La proportion d’enfants fréquentant l’école à Kankayani et<br />

à Boffa-insulaire est très faible, contrairement à Boffa-continental ou Bigori. L'éducation<br />

dans le secondaire, bien plus faible au demeurant, accentue les inégalités entre les sites.<br />

Kankayani<br />

Dobali<br />

Kambilam<br />

Boffa<br />

insulaire<br />

Boffa<br />

continental<br />

7 6 8 7 7 6 6 4 7 6,4<br />

2,0 7,0 5,0 5,6 5,6 4,0 1,2 5,9 10,8 5,2<br />

Principale ethnie Soussou Baga Soussou Nalu Diakanké Baga Landouma Soussou Soussou<br />

(% de la population) 86 75 71 67 71 77 91 53 89 75,6<br />

Ensemble<br />

174


140<br />

120<br />

100<br />

Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

80<br />

60<br />

40<br />

20<br />

0<br />

Brika<br />

Bigori<br />

Madia<br />

Kan-Kank-Tes.<br />

Kankayani<br />

Dobali<br />

Kambilam<br />

Boffa ins.<br />

Boffa cont.<br />

Graphique 1 : Taux brut de scolarisation dans le primaire par sexe (source : <strong>OGM</strong>, 2004)<br />

garcon<br />

Les profondes inégalités spatiales s’expliquent en grande partie par la disponibilité<br />

de l’offre scolaire à proximité des lieux de résidence. Dans un contexte où le déplacement<br />

pédestre est le plus répandu, les distances entre les lieux de résidence et l’école primaire<br />

sont déterminantes pour la scolarisation des enfants. Au-delà de 5 km entre le lieu de<br />

résidence et l’école primaire, la probabilité de scolarisation diminue fortement. Ainsi des<br />

sites comme Bigori ou Boffa continental, situés à proximité d'infrastructures du primaire et<br />

du secondaire, sont plus avantagés dans l'accès à la scolarisation de leurs enfants.<br />

D'autres critères, tels la charge d'étudiants par enseignant ou encore le nombre<br />

d'élèves par classe permettent d'apprécier la qualité de l'offre d'enseignement.<br />

L'amélioration globale de l'offre est supplée par le développement d'écoles<br />

communautaires, à l'initiative de communautés villageoises défavorisées en matière<br />

d'enseignement, et d'écoles privées.<br />

Ces améliorations ne doivent pourtant pas occulter que l'enseignement public est<br />

fortement concurrencé par l'enseignement coranique, dont les méthodes et les objectifs<br />

diffèrent, ce dernier prenant parfois même le dessus comme à Kankayani.<br />

Brika<br />

Bigori<br />

Madia<br />

Kanof-<br />

Kank-<br />

Tesken<br />

Kankayani<br />

Dobali<br />

Tableau 4 : offre et encadrement scolaire dans la primaire<br />

Kambilam<br />

fille<br />

Boffa<br />

insulaire<br />

Boffa<br />

continental<br />

Nombre d’écoles primaires 3 2 1 1 0 2 2 0 5<br />

Distance moyenne (km)<br />

entre le domicile et l’école<br />

1,2 0,2 3,3 3,5 4,3 2.5 2,4 19,3 2,1<br />

Nombre d’élèves par<br />

enseignant<br />

43 54 104 35 - 27 61 - 29<br />

Nombre d’élèves par classe 46 43 35 35 - 27 37 - 29<br />

175


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

3.3 PRATIQUES ET ACCES AUX SOINS: ENTRE LE « TRADITIONNEL » ET LE MODERNE<br />

Les perceptions locales de la pauvreté montrent que la maladie est vue comme un<br />

risque majeur pour les ménages : faute de prise en charge adéquate (médicale, mais aussi<br />

financière et sociale), elle peut précipiter un ménage dans la pauvreté et l’exclusion.<br />

Les pratiques de santé des ménages associent la médecine moderne et le recours<br />

aux différentes formes de médecine traditionnelle (guérisseurs, karamoko, etc.). Une<br />

même maladie est souvent traitée par les deux formes de médecine. Les représentations<br />

locales de la maladie mettent en évidence son origine surnaturelle, face à laquelle la<br />

médecine moderne est inefficace, et justifient ces pratiques composites. Ainsi, même si la<br />

proportion de ménages s’adressant à la médecine traditionnelle est plus importante dans<br />

les zones enclavées, faute de d'infrastructures de santé modernes, elle n’est pas pour<br />

autant négligeable dans les sites disposant de centres de santé, comme à Madia. A l’échelle<br />

des sites on voit que « l'offre » de la médecine traditionnelle est nettement supérieure à<br />

celle de la médecine moderne. En cas d’urgence, les distances moyennes d’évacuation vers<br />

un centre de santé peuvent atteindre 40 km environ, avec des modes de transport<br />

combinés (maritimes et terrestres).<br />

Brika<br />

Bigori<br />

Madia<br />

Kanof-<br />

Kank-<br />

Tesken<br />

Nb personnel<br />

soignant/1000 hab<br />

1,3 0,7 1,8 0 0 0,5 0 0 1<br />

Nb guérisseur/1000 hab 16 6 19 20 14 21 23 7 25<br />

Tableau 5 : Santé et accès au soins (Source : <strong>OGM</strong>, 2004)<br />

Kankayani<br />

Dobali<br />

Kambilam<br />

Boffa<br />

insulaire<br />

Boffa<br />

continental<br />

Ayant consulté lors de la<br />

dernière maladie<br />

83,3 79,8 66,1 72,5 64,5 72,6 74,1 81,6 83,4<br />

Raison de non accès aux consultations ou traitements médicaux (% des ménages)<br />

Pas d'argent 51,9 51,1 16,4 29,9 34,3 23,1 26,6 14,9 27,3<br />

Automédication par les<br />

plantes<br />

29,6 31,9 52,5 48,1 44,3 38,8 54,7 72,3 56,8<br />

Pas de structure<br />

médicale<br />

4,3 21,3 11,7 18,6 33,1 10,9 12,8 9,1 3,7<br />

Lieu d’achat des médicaments<br />

Centre de santé 78,3 77,0 75,8 87,7 84,6 34,6 90,3 86,6 81,4<br />

Pharmacie 6,5 6,9 7,7 3,1 12,8 4,2 2,1 14,4<br />

Marché ou vendeur<br />

ambulant<br />

15,2 16,1 15,4 9,9 12,3 52,6 5,6 9,3 3,1<br />

Décès dans le ménage au cours de l’année passée<br />

% ménages ayant eu au<br />

moins un décès<br />

32,3 20,0 20,0 28,1 25,0 16,8 18,5 13,9 23,5<br />

Accès aux soins à l’échelle locale<br />

Distance moyenne (km)<br />

au centre de santé<br />

4,1 6,8 3,9 5,4 10,6 38,6 27,5 19,4 7,6<br />

Evacuation/mode de<br />

transport<br />

Terrestre<br />

Terrestre<br />

Terrestre<br />

Maritime<br />

Terrestre<br />

Terrestre<br />

Maritime<br />

Terrestre<br />

Maritime<br />

terrestre<br />

176


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

La proportion de ménages ayant eu un décès en leur sein durant les 12 derniers<br />

mois est très importante. Les personnes décédées sont surtout des jeunes enfants, de<br />

moins d’un an d’après les déclarations. Cet indicateur de morbidité témoigne des carences<br />

du système de santé en place (offre, qualité). Malgré tout, la vaccination des enfants,<br />

supervisée par des programmes nationaux, est une pratique maintenant très répandue, y<br />

compris dans les zones très enclavées.<br />

Un indicateur autochtone retenu pour la santé est la durée d’arrêt des travaux<br />

difficiles 7 pour les femmes après l’accouchement D’après les premières observations<br />

empiriques, la durée de cette suspension semble être un indicateur de « bien-être » perçu<br />

par les populations, plus particulièrement après la naissance. Malgré des variantes<br />

importantes selon les sites, ce régime particulier varie plutôt autour de 2 mois après la<br />

naissance, et est plus long si le ménage peut se le permettre.<br />

Même si le niveau sanitaire général reste faible (taux de morbidité élevé, accès<br />

difficile aux services), compte tenu des conditions actuelles de l'encadrement, le<br />

fonctionnement « être en bonne santé » atteint des niveaux relativement respectables<br />

dans le bien-être non monétaire des ménages (d'après Bertin, 2007).<br />

3.4 MOBILITE ET ACCES AUX SERVICES : UNE DURE NECESSITE FACE A L'ENCLAVEMENT<br />

L’analyse des capabilités met l’accent sur la liberté de choix : la capabilité d’un<br />

individu est d’autant plus large que ses fonctionnements possibles sont nombreux. Cette<br />

notion est clairement exprimée dans les conceptions locales du bien-être à travers la<br />

liberté d’action, la possibilité d’aller et venir et de mener à bien ses projets de mobilité.<br />

Conformément aux obstacles matériels évoqués par les populations, nous pouvons<br />

constater que cette liberté de choix souffre d'un manque d’infrastructures pour circuler<br />

mais aussi d'un manque de moyens des ménages (équipement de transport, capacité de<br />

financement des transports).<br />

L’accès des ménages aux différents services (santé, marchés, services publics<br />

décentralisés, etc.) dépend étroitement de la qualité des liaisons (route, piste) et de la<br />

fréquence des passages de transports collectifs (taxi-brousse, pirogue à moteur). L’état des<br />

routes et des pistes, mais aussi la demande locale en transport conditionne l’établissement<br />

de liaisons plus ou moins fréquentes, par taxi-brousse ou pirogue (motorisée ou non) selon<br />

les cas. Lorsqu'il s'avère nécessaire d'utiliser des moyens de déplacements combinés<br />

(terrestres+maritimes), les déplacements deviennent encore plus problématiques. En<br />

saison des pluies, les dessertes des zones insulaires par voies maritimes sont assurées<br />

avec plus de régularité que les liaisons des zones continentales par voies terrestres,<br />

certains villages étant très difficilement accessibles pendant plusieurs mois. Ainsi,<br />

l’isolement géographique des zones insulaires n’empêche pas la continuité des liaisons dans<br />

le temps, à l’inverse des zones continentales qui souffrent de discontinuités durant<br />

l’hivernage.<br />

De même, l’autonomie dans les moyens de déplacement, au moins sur des courtes<br />

distances, est un indicateur autochtone de bien-être. Dans un contexte hétérogène de sites<br />

7 Ce n’est pas réellement un repos, mais certaines tâches particulièrement éprouvantes sont évitées: coupe<br />

de bois pour la saliculture, extraction d’huile au mortier, transport, désherbage.<br />

177


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

continentaux et/ou insulaires, on retiendra le vélo 8 et la pirogue qui sont les moyens de<br />

transport les plus accessibles. Ces deux indicateurs sont donc à combiner et à pondérer en<br />

fonction des sites. L'indicateur synthétique de déplacement montre que le niveau<br />

d'équipement des ménages en matière de transport est très faible, notamment pour les<br />

zones continentales (Madia, Kambilam) ; par contre celui-ci est plus important pour les<br />

zones insulaires enclavées (Boffa insulaire, Dobali). Pouvoir se déplacer et accéder aux<br />

services sont une nécessité pour pouvoir briser l'isolement géographique.<br />

Les liaisons régulières<br />

Nombre de liaisons<br />

régulières<br />

Nombre de liaisons<br />

maritimes<br />

Nombre de liaisons<br />

régulières maintenues en<br />

saison des pluies<br />

Fréquence de passage<br />

Brika<br />

Bigori<br />

Madia<br />

Kanof-<br />

Kank-<br />

Tesken<br />

Kankayani<br />

Dobali<br />

Kambilam<br />

Boffa<br />

insulaire<br />

Boffa<br />

continental<br />

5 3 3 5 0 5 0 2 3 (1)<br />

0 0 0 5 0 5 0 2 2<br />

5 0 1 5 0 4 0 2 3<br />

quotidienne<br />

hebdomadaire<br />

hebdomadaire<br />

Les moyens de déplacement des ménages (2)<br />

Mensuelle<br />

Hebdomadaire<br />

quotidienne<br />

Indice moyen 0,35 0,41 0,20 0,35 0,26 0,34 0,22 0,43 0,27<br />

Indice médian 0,25 0,50 0,25 0,50 0,25 0,25 0,25 0,50 0,25<br />

Ecart-type 0,30 0,32 0,14 0,28 0,21 0,31 0,22 0,37 0,29<br />

(1) La proximité de la route nationale offre en permanence des opportunités de transport.<br />

(2) L’indice synthétique de déplacement est un indicateur de score : vélo ou pirogue (0,25pt),<br />

pirogue (0,5pt), vélo et pirogue (0,75pt), moto ou voiture ou bateau à moteur (1pt).<br />

Tableau 6 : Déplacements<br />

3.5 DES MENAGES FAIBLEMENT EQUIPES<br />

Un thème central dans l’analyse des conditions de vie est articulé autour du lieu de<br />

vie : la qualité de l’habitat, aspect omniprésent dans les perceptions locales de la pauvreté,<br />

et l'accès à l’eau potable, directement relié à la santé. Ainsi un certain nombre<br />

d’indicateurs de confort relatifs à l’équipement de l’habitat illustrent bien le niveau de vie<br />

du ménage. Comme nous l'avons abordé précédemment pour les moyens de déplacement,<br />

la possession de certains actifs permet aussi d’augmenter les capacités des ménages.<br />

L’autonomie dans les moyens de déplacement est donc un indicateur important du<br />

niveau de vie des ménages: pouvoir entrer et sortir du village est un souhait très<br />

8 Si beaucoup de personnes aspirent à acquérir un mode de transport motorisé (moteur de bateau à moteur,<br />

moto véhicules motorisés, leur présence est trop rare pour être un indicateur pertinent.<br />

-<br />

hebdomadaire<br />

-<br />

Hebdomadaire<br />

quotidienne<br />

quotidienne<br />

178


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

largement exprimé dans les sites d'étude. Les moyens de déplacement sont parfois des<br />

outils de travail pour les ménages : par exemple la pirogue est aussi un moyen de<br />

production pour les pêcheurs et revêt donc à ce titre une importance particulière.<br />

En Guinée Maritime, l’habitat rudimentaire « standard » a des murs en banco, un sol<br />

en terre battue, et un toit de chaume. La majorité des ménages aspirent à améliorer leur<br />

habitat, ce qui est souvent avancé comme une condition du bien-être matériel. Dès que le<br />

ménage en a les moyens sa première amélioration porte sur le toit; la chaume est alors<br />

remplacée par des tôles. L’indicateur synthétique de la qualité de l’habitat permet d'élargir<br />

ce seul aspect en combinant la nature du toit, celle des murs et celle du sol. L’habitat le<br />

plus simple (score le plus faible) concerne plus de la moitié des ménages. Les différences<br />

entre les sites apparaissent très clairement : Bigori est le site où l’habitat a est le plus<br />

amélioré et Madia celui où il est le plus rudimentaire. Cet indicateur est souvent corrélé au<br />

niveau de richesse monétaire et à la place de la dimension « logement » dans le bien-être<br />

non monétaire.<br />

L’équipement du logement fournit aussi d’autres informations sur la qualité de<br />

l’habitat. Concernant l'équipement en sanitaires, il s’agit le plus fréquemment d’enclos plus<br />

ou moins couverts à l’extérieur de la maison combinés à des latrines non couvertes.<br />

Concernant ces dernières, certaines zones insulaires (Boffa), situées sur des zones<br />

sableuses et aux modes d'habitat rudimentaires (campements), n'en possèdent pas du<br />

tout. Cette homogénéité se retrouve au niveau de l'équipement des maisons, qui se limite<br />

souvent au strict minimum: matelas, lit, chaises et souvent une radio (60%). Aux<br />

extrêmes, 35% des ménages n'ont même pas un matelas et 20% ne peuvent s'asseoir que<br />

par terre. La possession d’un salon, marque de richesse, n’est possible que pour 10 à 20%<br />

des ménages selon les sites.<br />

Boffa continental<br />

Boffa insulaire<br />

Kambilam<br />

Dobali<br />

Kankayani<br />

Kanof-Kankouf-Tesken<br />

Madia<br />

Bigori<br />

Brika<br />

0% 20% 40% 60% 80% 100%<br />

Habitat le plus simple 1 élèment amélioré 2 élément améliorés 3 éléments améliorés<br />

Graphique 2 : Indicateur synthétique de qualité de l’habitat<br />

L’approvisionnement en eau de qualité sanitaire correcte reste un problème majeur<br />

avec de graves conséquences sur la santé, en particulier celle des jeunes enfants ou des<br />

personnes fragiles. L’eau peut être considérée comme potable (sauf problèmes particuliers)<br />

179


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

quand elle provient d’un forage, d’un puits amélioré ou d’une source aménagée. L’eau<br />

provenant de la rivière, du lac, du fleuve ou du marigot, peut poser de sérieux problèmes<br />

sanitaires, comme éventuellement celle provenant de puits non aménagés.<br />

Les sources d’approvisionnement en eau des ménages reflètent une inégalité dans<br />

la qualité de l’approvisionnement. Plus de la moitié des ménages de 4 sites sur 9 ont une<br />

source d’eau de qualité (Boffa continental, Kambilam, Madia et Brika). A l’opposé, les<br />

ménages de Dobali, Kanof-Kankouf-Tesken et Bigori sont alimentés par une eau qui peut<br />

facilement être contaminée (puits ordinaire). Bien souvent, l'accès à une source d'eau<br />

potable est conditionnée par le milieu biophysique, les zones sableuses ou proches de la<br />

mer ne pouvant accueillir des ouvrages pérennes (sols meubles, remontées salines).<br />

La grande majorité des zones pouvant accueillir un forage en sont équipées, même<br />

s'il faut souvent payer l'eau pour entretenir l'ouvrage (entre 50 et 200 GNF/jour), comme<br />

c'est la cas pour la moitié des ménages de Brika et de Boffa continental et pour un quart de<br />

ceux de Madia et Boffa insulaire. Le manque d'entretient est souvent à l'origine de<br />

dysfonctionnements graves: pénuries d'eau en saison sèche, pompe en panne, etc.<br />

% de ménages<br />

80<br />

70<br />

60<br />

50<br />

40<br />

30<br />

20<br />

10<br />

0<br />

Brika<br />

Bigori<br />

Madia<br />

Kanof-Kankouf-Tesken<br />

Kankayani<br />

Dobali<br />

Kambilam<br />

Boffa ins<br />

Boffa cont<br />

25,0<br />

20,0<br />

15,0<br />

10,0<br />

5,0<br />

0,0<br />

ménages ayant accès à l'eau potable distance au forage<br />

Graphique 3 : L’accès à l’eau potable<br />

3.6 DES PERTURBATIONS DE L'ALIMENTATION EN PERIODE DE SOUDURE<br />

L’alimentation durant la soudure est un bon indicateur du niveau de vie des<br />

ménages. Cette période difficile correspond à la fin des stocks d’aliments de base<br />

provenant de la production familiale et dure jusqu’à la récolte suivante. La soudure<br />

concorde également avec la saison des pluies, lorsque les travaux agricoles sont intensifs.<br />

En Guinée maritime, la quantité des précipitations durant l’hivernage perturbe gravement<br />

la circulation et rend difficile voir impossible l’approvisionnement des marchés.<br />

distance (km)<br />

180


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

La grande majorité des ménages appréhendent cette période. Elle est synonyme<br />

pour eux de fortes restrictions alimentaires, non seulement en qualité (alimentation<br />

beaucoup moins diversifiée), mais aussi en quantité. Le nombre de repas diminue et il est<br />

courant que les actifs ne mangent qu’une fois par jour en pleine période de travaux<br />

physiques éprouvants. Les enfants sont aussi touchés par cette diminution de la<br />

consommation alimentaire : ils sont souvent les premiers à voir leur régime alimentaire<br />

modifié, car quand le riz devient rare, on le réserve aux adultes.<br />

Les indicateurs autochtones retenus sont le nombre de jours sans riz qu’ont connu<br />

les ménages durant la soudure et les changements dans l’alimentation des enfants. Plus de<br />

9 ménages sur 10 font habituellement 3 repas par jour en dehors de la période de soudure.<br />

Le riz domine massivement ces trois repas, alterné parfois avec du manioc, du fonio ou de<br />

la patate douce : le site où l’aliment de base est le plus diversifié est Brika où<br />

« seulement » 86 % des ménages consomment du riz à chaque repas.<br />

Durant la soudure, quand les stocks de riz s’amenuisent fortement, un certain<br />

nombre de ménages préfèrent garder le riz pour les adultes, qui travaillent aux champs et<br />

donner un autre aliment aux enfants. La proportion de ménages qui différencie les repas<br />

entre adultes et enfants varie entre 20 et 40% selon les sites. C’est à Brika, Bigori et Madia<br />

qu’elle est la plus élevée. Cette modification ne concerne le plus souvent qu’un repas par<br />

jour, celui du matin ou du midi, mais beaucoup plus rarement celui du soir. Les enfants<br />

mangent alors surtout du manioc.<br />

A contrario, la part des ménages diminuant le nombre de repas en période de<br />

soudure varie entre 60 et 80 % selon les sites, à l’exception de Kankayani, où cette<br />

restriction ne concerne qu’un ménage sur deux. Dans les deux tiers des cas c’est le repas<br />

de midi qui est supprimé.<br />

Le riz disparaît rarement totalement des menus quotidiens et les ménages essaient<br />

d’en garder pour en manger au moins une fois par jour. Ils sont assez peu nombreux à<br />

subir des périodes de pénurie totale, et celle-ci excèdent rarement une semaine. Pour<br />

contourner la soudure, beaucoup de ménages s'endettent pour acquérir du riz<br />

Boffa continental<br />

Boffa insulaire<br />

Kambilam<br />

Dobali<br />

Kankayani<br />

Kanof-Kankouf-Tesken<br />

Madia<br />

Bigori<br />

Brika<br />

17<br />

18<br />

22<br />

26<br />

27<br />

28<br />

40<br />

42<br />

47<br />

0 20 40 60 80 100<br />

Diminution du nombre de repas modification de l'alimentation<br />

50<br />

56<br />

60<br />

73<br />

73<br />

81<br />

82<br />

83<br />

86<br />

181


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Graphique 4 : Les changements dans l’alimentation<br />

L'évocation de la période de soudure et de ces stratégies interroge sur la capacité<br />

des ménages à maintenir leur alimentation tout au long de l'année. De toute évidence, les<br />

difficultés alimentaires de la soudure sont liées au manque de riz. Plusieurs raisons sont<br />

évoquées par les ménages concernés.<br />

En premier lieu ils avancent l’insuffisance de leur propre production : certains<br />

vendent une part de la récolte pour rembourser des dettes ou acquérir des liquidités ; dans<br />

une moindre mesure d'autres évoquent les dons effectués à la famille (souvent des parents<br />

vivant en ville), comme à Bigori, site réputé pour être le « grenier à riz des bagas ». Enfin,<br />

faute de moyens de conservation appropriés, beaucoup de ménages subissent des dégâts<br />

sur leurs stocks (petits rongeurs, pourriture, etc.).<br />

Une majorité des ménages accuse cependant un manque de ressources monétaires<br />

pour se procurer du riz. De ce fait, l'impact de la soudure est corrélé aux ressources<br />

monétaires dont dispose le ménage. Pour les ménages qui le peuvent, notamment ceux<br />

appartenants à des groupes ethnoculturels à diaspora (les diakankés de Kankayani par<br />

exemple), l'appui du réseau social garanti leur alimentation. Pour les autres, le recours à<br />

l'endettement devient une nécessité et accroit sensiblement leur vulnérabilité, voire,<br />

parfois, leur dépendance si celui-ci est reconduit plusieurs années consécutives.<br />

Enfin, environ un quart des ménages des zones insulaires, plus enclavées,<br />

connaissent des difficultés pour acheter du riz, les marchés ruraux accusant souvent une<br />

pénurie d'approvisionnement durant la saison des pluies : la demande est alors forte et les<br />

communications plus difficiles.<br />

3.7 CEREMONIES ET VIE SOCIALE : ENTREVOIR LA COMPLEXITE<br />

Les enquêtes qualitatives, notamment celles sur la perception de la pauvreté, ont<br />

montré l’importance pour les ménages d’être capable de participer à la vie sociale du<br />

village ou de leur lignage et de faire face aux obligations que leur impose leur statut dans<br />

la société. Au cours des enquêtes ménages, certains déterminants ont pu être identifiés:<br />

les fonctions exercées par les individus au sein des différents groupes sociaux, (lignages,<br />

communautés villageoises, communautés religieuses) ou au sein des institutions<br />

(associations et collectivités décentralisées), les dons perçus ou effectués par les ménages.<br />

D'autres comme l'accès aux ressources, notamment foncières, ou les rapports de pouvoirs<br />

entre lignages nécessitent des méthodes spécifiques 9 et localisées.<br />

Mesurer le capital social d’un individu ou d’un ménage est donc loin d’être aisé.<br />

Cependant, il est possible d’en apprécier certaines manifestations ostentatoires, comme par<br />

exemple les cérémonies que le ménage organise ou auquel il participe.<br />

9 En effet, la récolte d'information par enquêtes ne permet pas toujours d'appréhender des situations<br />

sociales complexes et variées comme nous pouvons les connaître en Guinée Maritime. Cerner le statut social<br />

nécessite des méthodes d'investigation proches de l'anthropologie, comme cela a été développé dans le volet<br />

innovation de l'<strong>OGM</strong>. A travers des outils spécifiques comme la caractérisation des lignages et l'histoire du<br />

peuplement, il est alors possible de cerner les enjeux de pouvoirs qui s'expriment notamment dans le domaine<br />

foncier.<br />

182


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Brika<br />

Bigori<br />

Madia<br />

Kanof-<br />

Kank-<br />

Tesken<br />

Durant l’année passée, entre un quart et un tiers des ménages selon les sites, ont<br />

organisé une ou plusieurs cérémonies. Un grande partie de ces fêtes sont concentrées sur<br />

un individu de la famille : son arrivée (baptême) son départ pour l’autre monde (rite<br />

funéraire), son statut par l’intermédiaire de ce qui est considéré comme une sorte de rite<br />

de passage (excision ou circoncision) ou sur la création d’un nouveau ménage (mariage).<br />

Tous les ménages ont, à un moment ou à un autre, à organiser des cérémonies qui<br />

s'inscrivent dans le cycle de la vie. C'est de préférence au cours des autres fêtes,<br />

nombreuses, variées (fêtes religieuses, de fin de récolte, de fin de veuvage etc.) et surtout<br />

caractérisées par leur non obligation, que s'affichent les inégalités sociales. Une difficulté<br />

majeure réside dans le fait que l'organisation des cérémonies ne s'effectue pas<br />

nécessairement au niveau du ménage mais aussi à celui de la concession ou du lignage.<br />

Tableau 7 : Cérémonies organisées par le ménage (source : <strong>OGM</strong>, 2004)<br />

Le statut social « visible » peut ainsi s’apprécier par la façon d’organiser la<br />

cérémonie, les moyens que le ménage peut y consacrer et le nombre de personnes<br />

invitées. Les invités ont aussi des obligations envers l’hôte et le plus souvent font un don<br />

en argent. On peut ainsi faire un bilan coût–recette de la cérémonie. Ces informations sur<br />

les cérémonies sont intéressantes à intégrer dans une analyse non monétaire du bien-être,<br />

car elles permettent d’avoir une indication sur le statut social du ménage en lien avec son<br />

niveau de vie.<br />

Kankayani<br />

Dobali<br />

Kambilam<br />

Boffa<br />

insulaire<br />

Boffa<br />

continental<br />

Ménages ayant<br />

organisé une<br />

cérémonie 42,4 32,0 39,0 31,5 30,6 24,8 35,8 25,7 39,6<br />

Ménages invités à une<br />

cérémonie 60,6 63,0 56,0 62,9 58,3 55,4 55,6 43,6 60,8<br />

Type de cérémonie organisée<br />

Baptême 19,0 25,0 28,2 3,6 36,4 24,0 20,7 15,4 12,5<br />

Circoncision/excision 21,4 6,3 20,5 7,1 4,5 8,0 20,7 11,5 2,5<br />

Mariage 35,7 18,8 12,8 28,6 27,3 20,0 27,6 15,4 27,5<br />

Rîtes funéraires 9,5 25,0 20,5 35,7 18,2 16,0 20,7 26,9 22,5<br />

Autres (1) 14,3 25,0 17,9 25,0 13,6 32,0 10,3 30,8 35,0<br />

(1)Autres cérémonies : fin de récolte, fin de veuvage, fin d’année scolaire, inauguration d’un<br />

nouvel habitat ou fêtes religieuses etc.<br />

183


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

4. L’IMPORTANCE DES SYSTEMES D’ACTIVITES DANS LE BIEN-ETRE DES<br />

MENAGES<br />

A l’instar de nombreuses campagnes des pays en développement, le milieu rural de<br />

la Guinée Maritime se caractérise par la combinaison de différentes activités (agricoles et<br />

extra-agricoles), principalement productives. Dans un contexte où le travail salarié reste<br />

largement minoritaire, ces activités sont mises en œuvre au sein d’un même ménage10. La<br />

multiactivité des ménages est donc réalisée en fonction des capacités (investissement,<br />

main d'œuvre) et des opportunités qui s'offrent aux ménages (ressources du milieu,<br />

demande du marché). De ce fait les bénéfices retirés sont variables au sein d'un même site<br />

ou d'un même type d'activité et mettent en évidence de nombreuses inégalités.<br />

4.1 UN SYSTEME BASE SUR LA COMBINAISON OPPORTUNISTE DE NOMBREUSES ACTIVITES<br />

Près de la moitié des ménages ont au moins un actif qui déclare exercer une activité<br />

secondaire, en plus de son activité principale11. Certains actifs peuvent exercer jusqu'à<br />

quatre activités et les combinent en fonction de leur saisonnalité et de leur<br />

complémentarité. Pour s'y retrouver, des critères permettent de caractériser et de<br />

hiérarchiser les activités au sein d'un ménage: les bénéfices obtenus, qui peuvent être<br />

quantitatifs (autoconsommation, gains financiers, etc.) ou qualitatifs (pérennisation de<br />

réseaux sociaux, occupation du domaine, etc.) et l'investissement (en temps, en main<br />

d'œuvre, en argent, en innovation, etc.). Les combinaisons d'activités des individus<br />

permettent ainsi de cerner les stratégies à l'échelle du ménage qui s'échelonnent de la<br />

satisfaction des besoins alimentaires à l'enrichissement.<br />

L’activité principale déclarée des individus de 15 ans et plus est essentiellement<br />

l’agriculture. Pour les femmes, cette activité agricole est toujours associée aux travaux<br />

domestiques (collecte de l’eau, du bois, cuisine etc.). Afin de dépasser le constat banal de<br />

l'importance des activités agricoles en milieu rural africain, celles-ci méritent d'être<br />

différenciées. Ainsi, parallèlement à l'incontournable agriculture vivrière basée sur le riz, se<br />

développent des activités agricoles à vocation commerciale (arachide), dont certaines<br />

tendent à modifier progressivement les modes de gestion de la ressource, notamment<br />

foncière (plantations « modernes », maraîchage).<br />

Cette diversification des formes d'agricultures accompagne, au delà des nécessités<br />

d'autoconsommation, la pénétration de l'économie de marché dans les campagnes de la<br />

Basse-Côte et se traduit par la consolidation et la structuration de filières agricoles et<br />

commerciales.<br />

D'autres filières économiques apparaissent cependant mieux structurées que<br />

l'agriculture. Elles sont organisées autour d'activités rémunératrices qui, souvent,<br />

constituent une part importante du revenu monétaire du ménage, bien qu'elles<br />

apparaissent peu comme activités principales. Pour les zones insulaires et littorales, la<br />

pêche (Boffa Insulaire et Bigori) et la saliculture (Kanof-Tesken-Kankouf, Dobali) sont deux<br />

filières importantes. Pour les zones continentales la principale filière est celle de l'extraction<br />

10 L’analyse de la multiactivité étant approfondie par un autre volet de l’<strong>OGM</strong>, nous nous attacherons dans<br />

ce chapitre à une description rapide de certaines d’entre elles et à la valorisation monétaire qui peut en être réalisée<br />

à partir du suivi des prix sur les marchés locaux.<br />

11 Au vu d’autres résultats d’enquête de l’<strong>OGM</strong>, cette proportion est probablement sous-estimée.<br />

184


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

d'huile de palme (Madia, Brika). Autour de ces filières s'organisent des activités connexes<br />

liés à la transformation des productions de base (fumage du poisson, saponification) ou à<br />

la commercialisation. Un frein majeur au développement de ces activités de filière reste<br />

cependant l'enclavement économique (difficultés d'acheminement, incapacité<br />

d'investissement). Les déplacements des grossistes urbains sur les sites de production<br />

permettent de contourner cette contrainte mais placent les producteurs en situation de<br />

dépendance (prix, périodes de vente, quantité vendue).<br />

Deux de ces activités, la saliculture et l'extraction d'huile de palme sont<br />

majoritairement conduites par les femmes, avec des combinaisons variables entre activités<br />

et une main d’œuvre plus ou moins importante mobilisée au sein du ménage, en fonction<br />

de ses objectifs. Il en découle une grande variété des revenus issus de ces activités: par<br />

exemple le revenu médian annuel de la saliculture varie entre 80 000 FG (Kambilam) et<br />

205 000 FG (Boffa continental). Dans un contexte général de différenciation budgétaire<br />

entre les individus d'un même ménage ces activités donnent aux femmes un pouvoir<br />

économique et des revenus propres, supports de leur émancipation croissante.<br />

Enfin, se distingue un panel d'activités nécessaires au maintien du tissu rural,<br />

principalement l'approvisionnement en divers produits, notamment manufacturés, et l'offre<br />

de services pour la réalisation de ses activités: petit commerce, artisanat, coupe de bois,<br />

etc. Nous retrouvons également plusieurs activités rurales, non directement liées à la<br />

production agricole, qui fournissent quelques revenus complémentaires au ménage ou qui<br />

complètent l’alimentation quotidienne, comme la cueillette.<br />

185


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Tableau 8 : Activités des individus de 15 ans et plus<br />

Brika<br />

Bigori<br />

Madia<br />

Kanof-<br />

Kank-<br />

Tesken<br />

Activité principale<br />

Activité agricole et<br />

domestique (1)<br />

Autres activités :<br />

74,1 71,1 86,8 87,1 88,2 88,7 91,6 53,8 59,8<br />

élevage, coupeur de<br />

régimes de palme etc.<br />

0,5 0,9 0,3 0,0 0,3 0,3 0,0 0,0 0,5<br />

Pêche 0,7 0,2 0,3 0,3 30,7 0,5<br />

Artisanat (2) 3,9 1,6 1,5 1,3 3,3 0,3 0,8 7,0 3,4<br />

Activité salariée (3) 0,9 0,4 0,0 0,3 0,0 0,0 0,8 0,0 1,4<br />

Commerçant 1,4 0,9 0,0 0,6 0,3 0,3 1,1 5,1 5,2<br />

Ecolier/étudiant 9,2 16,4 3,5 1,3 0,7 0,5 2,3 0,3 21,0<br />

Sans activité 9,5 8,4 7,9 9,1 7,2 9,7 3,4 3,0 8,2<br />

Actifs exerçant une ou plusieurs autres activités<br />

% actifs (hors étudiant<br />

ou inactifs)<br />

Activités secondaires<br />

49,7 41,1 58,5 42,7 47,7 46,5 55,4 49,2 48,7<br />

Pêche 12,5 35,9 0,7 31,0 1,4 15,8 2,4 27,6 17,0<br />

Commerce de détail 24,5 28,2 32,2 21,9 21,0 25,0 28,8 19,0 31,4<br />

Artisanat (2) 26,0 12,9 30,1 7,5 40,6 6,6 25,6 6,9 9,2<br />

Activité de coupe (4)<br />

Activités féminines<br />

10,4 7,1 14,0 9,6 8,7 18,4 12,0 1,1 9,8<br />

Saliculture et huile 17,2 3,0 1,0 31,5 - 16,8 2,5 6,9 3,9<br />

Saliculture 9,1 - - 30,3 - 14,9 12,3 19,8 2,0<br />

Huile 27,3 50,0 38,0 2,2 29,2 15,8 17,3 9,9 19,6<br />

(1) Activité agricole et domestique prend en compte les activités des femmes qui<br />

partagent leur temps enter les travaux agricoles et les activités domestiques (collecte<br />

de l’eau, du bois, cuisine etc.).<br />

(2) Artisanat : artisanat alimentaire (y compris fumage de poisson et boulanger),<br />

artisanat de service (griot, guérisseur, photographe, animateur de dancing),<br />

forgeron, maçon, tailleur etc. Regroupe 27 activités recensées.<br />

(3) Activité salariée : instituteurs, agent de la sous-préfecture, chauffeur etc.<br />

é Source : <strong>OGM</strong>, 2004 é<br />

4.2 LA MAIN D’ŒUVRE EN AGRICULTURE: UNE COMPOSANTE ESSENTIELLE DANS LA<br />

REPARTITION DE LA FORCE DE TRAVAIL<br />

Dans un système multiactif rural orienté majoritairement vers la suffisance<br />

alimentaire, la disponibilité de la main d’œuvre est une contrainte essentielle à la conduite<br />

des différentes activités. Dans ce contexte, l'activité agricole, qui n’est pas mécanisée, est<br />

fortement consommatrice de main d'œuvre. L'organisation de la force de travail agricole<br />

apparaît donc comme un facteur déterminant dans l'orientation des systèmes d'activités<br />

des ménages. Au moyen de la force de travail agricole nous pouvons ainsi connaître le<br />

Kankayani<br />

Dobali<br />

Kambilam<br />

Boffa<br />

insulaire<br />

Boffa<br />

continental<br />

186


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

« nombre de bras » 12 disponibles au niveau de chaque ménage, pondéré en fonction de<br />

l’âge et de la participation déclarée aux travaux agricoles et à la pêche.<br />

Les ménages ayant une force de travail relativement abondante sont<br />

particulièrement nombreux à Brika et Dobali. Pour ces sites, nous pouvons observer que<br />

les combinaisons d'activités y sont élaborées et qu'ils témoignent de l'importance d'une<br />

main d'œuvre importante pour la mise en œuvre des systèmes d'activité. D'une manière<br />

générale, à l’exception de Boffa insulaire, les ménages ayant moins de 2 unités de force de<br />

travail disponible sont très minoritaires (autour de 15%) et sont en général de jeunes<br />

ménages ou des inactifs âgés.<br />

Pour certains travaux, le recours ponctuel au travail salarié permet de lever le<br />

goulot d’étranglement de la disponibilité de la main d’œuvre. La majorité des ménages<br />

emploie, sous différentes formes (kilé 13 , journaliers, etc.), de la main d’œuvre pour une ou<br />

plusieurs opérations culturales. Par exemple, un quart des ménages ont plus de 30<br />

hommes/jours en kilé sur l’année avec une dépense supérieure à 58 000 FG. Cette<br />

capacité de mobilisation de la main d’œuvre extérieure est un facteur important dans<br />

l’organisation et la gestion des activités agricoles.<br />

L'organisation de la main d'œuvre au niveau des ménages est souvent complétée<br />

par d'autres formes d'organisation au niveau de la concession, du lignage, des classes<br />

d'âges, et aussi de la communauté villageoise, la plus répandue étant le lanyi.<br />

12 Un enfant de moins de 7 ans n’est pas comptabilisé, même si il effectue quelques travaux de<br />

surveillances des champs fort utiles pour éloigner les oiseaux, un enfant de 7 à 15 ans est compté pour 0,5, un<br />

adulte homme ou femme de 15 à 55 ans compte pour 1, un adulte de plus de 56 à 75 ans compte pour 0,7.<br />

13<br />

Le kilé est la mobilisation d’un groupe de travailleurs (souvent des personnes socialement liées) sur une<br />

ou plusieurs journées.<br />

187


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Brika<br />

Bigori<br />

Madia<br />

Kanof-<br />

Kank-<br />

Tesken<br />

4.3 LE PRIX DE L’ENCLAVEMENT : VARIATIONS DES PRIX ET DES MESURES SUR LES MARCHES<br />

Les transformations économiques qu’a connues le pays depuis deux décennies ont<br />

conduit à une accélération de la monétarisation de l’économie dans les régions les plus<br />

reculées. L’analyse des variations des prix permet d’une part de mesurer l’impact sur le<br />

pouvoir d’achat des consommateurs ruraux et d’autre part de mieux connaître les<br />

conditions de l’offre de produits, dans la mesure où une grande partie d’entre eux est<br />

produite localement comme l’arachide ou l’huile de palme. D’autres produits comme le riz<br />

local sont plutôt destinés à la consommation familiale. Cependant, quand le riz produit par<br />

le ménage vient à manquer, il est nécessaire d’en acheter sur le marché. C’est pourquoi le<br />

suivi des prix sur les marchés locaux est indispensable pour faire une estimation monétaire<br />

du revenu des ménages, que ce soit pour les productions vendues ou la valorisation de<br />

l’autoconsommation.<br />

Le suivi des prix sur les marchés locaux permet de faire ressortir quelques grandes<br />

tendances. La première est la hausse des prix à la consommation (comme sur l’ensemble<br />

du territoire guinéen) pour la quasi-totalité des produits, mis à part le savon local et le<br />

poisson fumé. En ce qui concerne les produits importés, cette hausse des prix est d’autant<br />

plus sensible que le marché est distant des centres d’approvisionnement régionaux et<br />

nationaux.<br />

La deuxième tendance observée concerne l’approvisionnement aléatoire des<br />

marchés locaux secondaires durant le premier semestre 2003, ainsi qu’une instabilité des<br />

prix, plus marquée pour certains produits (gasoil, sucre). Cette situation a été en partie<br />

provoquée par une nouvelle réglementation sur le jour de marché, qui ne pouvait se tenir<br />

que le dimanche ; cette décision, qui a été maintenue quelques mois, était destinée à<br />

limiter la spéculation. Ce « regroupement » a perturbé les petits marchés locaux, qui se<br />

retrouvaient en concurrence le même jour avec des marchés plus importants. C’est le cas<br />

de Mankountan, concurrencé par le marché de Kolia-Sanamato, ou de Kibanco,<br />

concurrencé par celui de Madina-Koukouba.<br />

Kankayani<br />

Dobali<br />

Kambilam<br />

Boffa<br />

insulaire<br />

Boffa<br />

continental<br />

Force de travail agricole<br />

du ménage<br />

4,0 3,5 3,3 3,4 4,2 3,7 3,3 2,6 3,2<br />

Emploi de main d’œuvre extérieure au ménage<br />

Part des ménages<br />

employant de la main<br />

d’œuvre salariée pour les<br />

travaux agricoles<br />

44,4 67,0 71,0 52,8 66,7 61,4 67,9 45,5 61,8<br />

Dépense moyenne par<br />

ménage employeur.<br />

Organisation de kilé<br />

Part des ménages ayant<br />

52 51 50 32 43 37 38 50 39<br />

organisé un ou plusieurs<br />

kilé (1)<br />

30,3 52,0 51,0 38,2 45,8 47,5 56,8 30,7 43,1<br />

Nombre d’hommes jours<br />

recrutés en kilé<br />

22 21 29 24 21 26 19 11 17<br />

Dépense moyenne par<br />

ménage (milliers de GNF)<br />

55 56 55 38 46 41 32 44 41<br />

(1) parmi les ménages employant de la main d’œuvre salariée<br />

Tableau 9: Emploi de main d’œuvre extérieure au ménage (source : <strong>OGM</strong>, 2004)<br />

188


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Par ailleurs, l’association de la période de soudure alimentaire et de la saison des<br />

pluies (de juillet à septembre) est un facteur aggravant. Durant la période de l’hivernage,<br />

la pluie ralentit les activités et rend les transports plus difficiles, donc plus coûteux alors<br />

que la demande de produits alimentaires de base augmente avec la soudure. La<br />

juxtaposition de ces deux périodes est à l’origine d’une croissance sensible et parfois<br />

brutale des prix, voire même d’une raréfaction de certains produits sur les marchés locaux,<br />

à l’image du riz local à Kibanco. Sur ces marchés locaux, on peut alors constater que pour<br />

un même produit, sa mesure de poids peut avoir une valeur inférieure durant ces périodes<br />

d'approvisionnement difficile.<br />

Les principales productions concernées par ces perturbations sont les produits<br />

locaux (huile de palme, riz, arachide), que les producteurs ont vendus durant l’intersaison<br />

culturale à des commerçants urbains, qui stockent et remettent sur le marché avec une<br />

très forte marge durant la saison de soudure (spéculation).<br />

Prix (GNF) / kg<br />

2 400<br />

2 200<br />

2 000<br />

1 800<br />

1 600<br />

1 400<br />

1 200<br />

1 000<br />

800<br />

600<br />

400<br />

200<br />

janv-04<br />

févr-04<br />

mars-04<br />

avr-04<br />

mai-04<br />

juin-04<br />

juil-04<br />

Graphique 5 : Evolution des prix du riz importé en 2004 (source : <strong>OGM</strong>, 2004)<br />

août-04<br />

sept-04<br />

oct-04<br />

nov-04<br />

déc-04<br />

Conakry<br />

Marchés régionaux<br />

Kibanco<br />

Tougnifily<br />

Mankountan<br />

4.4 LES APPROCHES MONETAIRES DU REVENU: UNE FAIBLESSE GENERALE ET DES INEGALITES<br />

QUI SE DESSINNENT<br />

L’estimation du revenu des ménages en milieu rural est une opération<br />

particulièrement complexe. Ce revenu, présenté en équivalent monétaire, comprend en fait<br />

deux composantes, l’une monétaire et l’autre non-monétaire. La première inclut le résultat<br />

des ventes de produits, le revenu salarié, le revenu des autres activités, le produit des<br />

locations, les dons en argent. La seconde inclut l’autoconsommation, les stocks, le produit<br />

reçu du métayage et les dons reçus valorisés au prix du marché.<br />

189


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Le revenu est calculé par unité de consommation en prenant l’échelle d’équivalence<br />

d’Oxford 14 ce qui permet d’avoir une pondération en fonction de la taille de la famille, mais<br />

aussi de sa composition.<br />

La dispersion des revenus est très importante, aussi bien à l’intérieur d’un même<br />

site qu’entre les sites. Le revenu médian (50% des ménages) sur l’ensemble des sites est<br />

de 403 300 FG par unité de consommation mais dépasse les 600 000 FG par unité de<br />

consommation/an sur deux sites, Kanof-Kankouf-Tesken et Boffa insulaire. D'une manière<br />

générale, les courbes de répartition montrent une forte prédominance des faibles revenus<br />

monétaires (inférieurs à 400 000 GNF) sur l'ensemble des sites d'étude.<br />

A partir du revenu médian d’ensemble, on a calculé un seuil de pauvreté relative<br />

pour l’ensemble des sites. Le seuil de pauvreté relative est estimé ici à la moitié du revenu<br />

médian soit 201 500 FG par unité de consommation. La part des ménages en dessous de<br />

ce seuil varie fortement selon les sites, la proportion la plus élevée étant à Boffa<br />

continental (54% en dessous du seuil) et la plus faible à Dobali (17%). Sur l’ensemble des<br />

sites, le revenu d’un ménage pauvre est 8 fois inférieur à celui d’un ménage non pauvre, ce<br />

qui révèle d’importantes inégalités.<br />

% ménages<br />

45,0<br />

40,0<br />

35,0<br />

30,0<br />

25,0<br />

20,0<br />

15,0<br />

10,0<br />

5,0<br />

0,0<br />

inf inf à à 100 100<br />

101 101 -300 -300<br />

Li d<br />

301- 301- 500 500<br />

501-700 501-700<br />

701-900 701-900<br />

901-1100 901-1100<br />

1101-1300 1101-1300<br />

classe de revenus<br />

Graphique 6 : La répartition des revenus (source : <strong>OGM</strong>, 2004)<br />

L’indice de Gini, qui permet de mesurer ces inégalités dans les revenus, est le plus<br />

bas à Kambilam (0,37) et le plus élevé à Boffa continental (0,66), avec une moyenne pour<br />

l’ensemble des sites qui est de 0,56. De même, la répartition par quintile illustre bien ces<br />

inégalités puisque les écarts entre les revenus moyens du quintile le plus riche (2170000<br />

GNF) sont de 24 fois supérieurs au revenu moyen du quintile le plus pauvre (89500 GNF).<br />

14 L’échelle d’équivalence d’Oxford est la plus utilisée. Les coefficients sont de 1 pour le premier adulte,<br />

0,7 pour les autres adultes du ménage, 0,5 pour les enfants de moins de 15 ans.<br />

1301-1500 1301-1500<br />

1501-1700 1501-1700<br />

1701-1900 1701-1900<br />

1901-2500 1901-2500<br />

>2500 >2500<br />

Brika<br />

Bigori<br />

Madia<br />

Kanof-Kankouf-Tesken<br />

Kankayani<br />

Dobali<br />

Kambilam<br />

Boffa insulaire<br />

Boffa continental<br />

190


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Dans le quintile inférieur, 9% des ménages ont un revenu inférieur au revenu moyen, ce<br />

qui les place dans une situation extrêmement difficile concernant leurs ressources<br />

monétaires (d’après Bertin, 2007).<br />

Dans le détail, on constate que les sites continentaux ont, dans l’ensemble, des<br />

revenus inférieurs aux sites proches du littoral : 29% des ménages continentaux se situent<br />

sous la ligne de pauvreté contre 14% des ménages insulaires. Il semble alors exister une<br />

relation inverse entre l’isolement géographique des sites insulaires et leur enclavement<br />

économique, puisque qu’ils apparaissent comme les moins pauvres (d’après Bertin, 2007).<br />

Ces sites insulaires pratiquent en masse des activités rémunératrices (pêche et saliculture)<br />

et gardent tout au long de l’année une continuité dans leurs relations économiques. De ce<br />

fait, bien que les techniques de production et les rendements y soient très variés et bien<br />

que les moyens de communication y restent pénibles, ils montrent le lien direct qui existe<br />

entre le système d'activité du ménage, son enclavement économique et ses ressources<br />

monétaires.<br />

A l’intérieur des sites les inégalités de revenus varient sensiblement, parfois<br />

beaucoup. Madia est le site le moins inégalitaire puisque le revenu moyen des ménages<br />

pauvres est seulement 4 fois inférieur à celui des ménages non pauvres. Ce ratio prend des<br />

proportions importantes à Kanof-Tesken-Kankouf et Boffa Continental (10) et il devient<br />

considérable à Boffa Insulaire (22) (d’après Bertin, 2007).<br />

Nous avons vu que parmi les caractéristiques déterminantes ressortent les types de<br />

systèmes d’activités et la continuité des relations économiques avec « l’extérieur »,<br />

dimensions liées à l’accessibilité, que ce soient les ressources du milieu ou les opportunités<br />

du marché. A celles-ci nous pouvons également ajouter des caractéristiques<br />

démographiques du ménage : les ménages qui sont jeunes (moins de 34 ans), polygames,<br />

dont les membres sont instruits ou actifs, ayant un migrant « à l’extérieur » (souvent en<br />

ville) ont plus d’atouts que les autres (d’après Bertin, 2007). Nous retrouvons ici les<br />

déterminants liés aux capacités de l’approche de Sen, auxquels il faudrait ajouter les<br />

caractéristiques sociales (statut social, réseaux sociaux, etc.).<br />

Au <strong>final</strong>, nous constatons qu’il existe deux facteurs déterminants dans la génération<br />

de ressources monétaires au niveau des ménages: leur situation géographique, puisque<br />

des sites ayant des configurations géographiques voisines (milieu, ressources, accès au<br />

marché, communications, etc.) ont des niveaux de pauvreté proches, et leurs<br />

caractéristiques démographiques et sociales qui vont leur permettre de d’optimiser leurs<br />

stratégies économiques.<br />

4.5 L’INDICATEUR NON-MONETAIRE DE BIEN-ETRE : LA FAIBLESSE DES FONCTIONNEMENTS<br />

ACCOMPLIS<br />

Pour compléter l’approche en termes de revenus, l’évaluation du bien-être non<br />

monétaire est nécessaire. Pour ce faire, on utilise des indicateurs non monétaires de bienêtre,<br />

estimé à partir d’un certain nombre de fonctionnements accomplis (au sens de Sen),<br />

sélectionnés en fonction des critères locaux: la sécurité alimentaire, l’accès à la santé, etc.<br />

La description des privations selon les différentes dimensions met en évidence un<br />

accomplissement des fonctionnements très bas sur l’ensemble des sites. Dans le détail on<br />

remarque des variations, relativement faibles, entre les différentes dimensions du bienêtre.<br />

Parmi les fonctionnements les mieux accomplis ressortent ainsi la santé (soins,<br />

hygiène) et le travail (sécurité du travail, groupes d’entraide, équipement). Les<br />

fonctionnements les moins accomplis sont l’éducation et le bien-être social. La description<br />

191


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

de ces fonctionnements reflète bien les conceptions locales. Leur faiblesse est une<br />

constante. La maladie et la pénibilité du travail sont des signes de pauvreté et il apparaît<br />

légitime que les ménages se préoccupent plus particulièrement de ces dimensions. Par<br />

contre le peu d’intérêt affiché des populations locales pour l’éducation, associé au manque<br />

d’offre scolaire et à la concurrence des écoles coraniques, expliquent que ce<br />

fonctionnement soit peu accompli. Pour le bien-être social, nous sommes en présence d’un<br />

fonctionnement complexe et variable, dépendant du statut social du ménage et de son<br />

chef.<br />

Des corrélations entre les dimensions du bien-être ressortent certains liens<br />

significatifs : les liens entre la sécurité alimentaire et la sécurité du travail ou l’équipement,<br />

ceux du bien-être social à l’entraide ainsi qu’aux actifs que possède le ménage. Ces<br />

corrélations mettent en évidence le rôle des systèmes d’activité dans le bien-être des<br />

ménages, à travers les capacités productives (force de travail, équipement) et les fruits de<br />

la réalisation des activités (alimentation, augmentation des actifs).<br />

Les différences entre zones insulaires et continentales sont ici moins marquées,<br />

même s’il semble que la pauvreté non monétaire soit plus importante dans les zones<br />

insulaires. On peut noter que les dimensions liées au travail et à la reconnaissance sociale<br />

sont mieux accomplies en zones insulaires, de même que l’éducation et les déplacements<br />

qui sont deux fonctionnements pourtant limités par les difficultés d’accès liées à l’isolement<br />

géographique. De leur côté, les zones continentales apparaissent plus sécurisantes<br />

(alimentation, financier, santé, logement).<br />

Comme pour le revenu, les caractéristiques des ménages jouent un rôle<br />

discriminant dans l’accomplissement des fonctionnements. On retrouve des similitudes<br />

avec le bien-être monétaire, comme la pratique d’activités rémunératrices (saliculture,<br />

pêche, commerce, etc.) ou encore la « jeunesse » du ménage, qui facilitent<br />

l’accomplissement des fonctionnements. Par contre, certains de ces attributs sont<br />

contraires : ainsi les familles monoparentales et peu nombreuses (moins de 5 membres)<br />

ont des fonctionnements mieux accomplis. Une famille nombreuse représente donc une<br />

force de travail mais aussi une charge pour le budget du ménage lorsqu’il s’agit d’habiller,<br />

de soigner ou de nourrir ses membres.<br />

Alors qu’il existe de faibles différences entre les groupes ethnoculturels, nous<br />

pouvons voir qu’il existe entre les sites des contrastes dans l’accomplissement des<br />

fonctionnements. Alors qu’il est le plus pauvre monétairement, le site de Boffa continental<br />

est celui où le bien être non-monétaire est le plus fort ; à l’opposé nous constatons que les<br />

ménages de Brika accomplissent deux fois moins leurs fonctionnements. Ces deux sites ont<br />

pourtant tous deux des facilités d’accès (marché, santé, éducation, déplacements, etc.) et<br />

les ménages de Brika développement des systèmes d’activités plus performants que Boffa<br />

continental, donc à priori de plus fortes potentialités. Dans ce cas les facteurs déterminants<br />

se situent plutôt sur le plan social (réseau social, actifs fonciers, soutien financier), mais la<br />

mise en relation des deux approches montre que les liens entre le bien-être monétaire et<br />

non-monétaire ne sont pas évidents.<br />

192


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Brika<br />

Fonctionnements<br />

Logement 0,20 0,32 0,25 0,29 0,29 0,28 0,34 0,30 0,28 0,28<br />

Equipement 0,25 0,36 0,28 0,25 0,28 0,29 0,30 0,39 0,35 0,31<br />

Soins et maladies 0,36 0,40 0,35 0,37 0,35 0,39 0,41 0,36 0,37 0,38<br />

Hygiène 0,28 0,32 0,25 0,25 0,27 0,32 0,35 0,41 0,34 0,31<br />

Education 0,17 0,21 0,13 0,09 0,08 0,13 0,12 0,17 0,23 0,15<br />

Sécurité alimentaire 0,19 0,26 0,29 0,27 0,32 0,23 0,29 0,44 0,31 0,29<br />

Sécurité financière 0,19 0,24 0,23 0,27 0,25 0,23 0,28 0,31 0,26 0,25<br />

Sécurité travail 0,23 0,25 0,34 0,37 0,37 0,34 0,39 0,52 0,25 0,34<br />

Actifs et outillage 0,26 0,32 0,18 0,20 0,24 0,21 0,26 0,34 0,25 0,25<br />

Groupe d'entraide 0,27 0,31 0,36 0,29 0,35 0,31 0,31 0,29 0,29 0,31<br />

Déplacement 0,26 0,28 0,24 0,25 0,32 0,29 0,28 0,33 0,22 0,27<br />

Bien-être social 0,20 0,26 0,18 0,17 0,16 0,23 0,20 0,24 0,21 0,21<br />

Total 0,20 0,29 0,24 0,23 0,26 0,26 0,30 0,38 0,28<br />

Traitements : A. Bertin. L’indice est compris entre 0 (privation totale) et 1 (absence totale de privation)<br />

Graphique 7 : les dimensions du bien-être non-monétaire (Source : <strong>OGM</strong>, 2004)<br />

L’indicateur non-monétaire reflète-t-il aussi bien les inégalités que le revenu? Si on<br />

place les distributions des deux courbes sur un même graphique, on voit que la<br />

comparaison de la courbe d’inégalité de l’indice de bien-être non monétaire domine la<br />

courbe de l’indice calculé à partir des revenus. Cela signifie qu’il y plus d’inégalité de<br />

répartition pour l’indice monétaire (calculé à partir des revenus) que pour l’indice non<br />

monétaire (calculé à partir d’un certain nombre d’actifs). Ceci correspond à la forme de<br />

distribution la plus courante observée dans d’autres études. On voit aussi à travers cette<br />

comparaison, les limites d’un indicateur de bien-être non monétaire, qui tend à gommer les<br />

inégalités.<br />

Boffa insu.<br />

Kambilan<br />

Bigori<br />

Boffa conti.<br />

Dobali<br />

Madia<br />

Brika<br />

1,0<br />

0,8<br />

0,6<br />

0,4<br />

0,2<br />

0,0<br />

Kanof-<br />

Kank-<br />

Tesken<br />

Kankayani<br />

Bigori<br />

Kankayani<br />

Madia<br />

Kanof-Kank-Tesken<br />

Revenu Non monétaire<br />

Graphique 8 : Indicateur d’inégalité monétaire et non-monétaire (indice de Gini)<br />

Dobali<br />

Kambilam<br />

Boffa<br />

insulaire<br />

Boffa conti-<br />

-nental<br />

ensemble<br />

193


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

CONCLUSION<br />

Le bien-être ne se réduit pas aux seuls aspects matériels, mais se traduit par<br />

l’autonomie et la liberté dont disposent les personnes. Cette autonomie requiert cependant<br />

deux conditions fondamentales (donc deux fonctionnements accomplis dans l’analyse des<br />

capabilités) : être en bonne santé et bien nourri. L’analyse des conditions de vie montre<br />

que les privations dans ces domaines sont importantes : les ménages souffrent<br />

régulièrement de restrictions alimentaires en période de soudure et la maladie est une<br />

menace permanente, qui se traduit notamment par une mortalité élevée des jeunes<br />

enfants. L’accès à des structures de santé de qualité reste très inégal et souvent<br />

insuffisante.<br />

Au contraire, le fonctionnement « être instruit » présente une dynamique positive,<br />

bien qu’inégale entre les sites. Dans certaines zones, la fréquentation de l’école primaire<br />

par les garçons et surtout par les filles est en nette hausse par rapport aux générations<br />

précédentes. Ces résultats positifs sont en partie à mettre au compte de l’augmentation de<br />

l’offre scolaire au niveau du primaire.<br />

Les indicateurs de bien-être non monétaires et de revenus reflètent de fortes<br />

inégalités entre les sites et entre les ménages. Les ménages des sites littoraux semblent<br />

bénéficier de plus de potentialités pour dégager des revenus que ceux des sites<br />

continentaux, ces derniers accomplissant pourtant mieux leurs fonctionnements.<br />

Cependant, l’enclavement économique et l’accessibilité aux services représentent<br />

toujours des contraintes très importantes et le terme de « pauvreté d’accessibilité » est<br />

particulièrement adapté au contexte de la Guinée Maritime.<br />

194


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

ANNEXE 1 : CARACTERISTIQUES DES DIFFERENTES ENQUETES<br />

Enquête<br />

Fiches de<br />

connaissance<br />

géographique<br />

Enquête<br />

concession<br />

ménage.<br />

Enquêtes outils et<br />

activités<br />

Enquête<br />

perception de la<br />

pauvreté<br />

Enquête<br />

communautaire<br />

Suivi des prix à la<br />

consommation<br />

Enquête ménage<br />

Echelle<br />

d’observation/<br />

Nature de l’enquête<br />

Village,<br />

Entretiens avec des<br />

personnes ressources /<br />

analyse de documents<br />

Enquêtes à question<br />

ouvertes et fermées.<br />

74 personnes pour<br />

concession ménage<br />

Enquête auprès<br />

d’individus d’âge, de<br />

sexe et d’ethnie<br />

différents<br />

Corpus d’entretiens sur<br />

2 enquêtes, 112+187<br />

personnes<br />

Village/district/sous<br />

préfecture<br />

4 sous préfecture, 77<br />

villages<br />

Relevés de prix d’un<br />

certain nombre de<br />

produits de base sur 5<br />

marchés<br />

Enquête auprès de 845<br />

ménages, ce qui<br />

représente 7127<br />

individus<br />

Fréquence Principal domaine<br />

Données<br />

structurelles.<br />

Actualisation annuelle<br />

de certains thèmes<br />

Enquête de structure<br />

Enquête de structure.<br />

Entretiens<br />

enregistrés et<br />

analyse textuelle<br />

Enquête de structure<br />

à réactualiser<br />

Hebdomadaire sur les<br />

principaux marchés<br />

de la zone<br />

Annuelle avec un<br />

questionnaire allégé<br />

à partir du deuxième<br />

passage<br />

ENQUETE DE STRUCTURE<br />

Aperçu synthétique et<br />

pluridisciplinaire de<br />

l’environnement.<br />

Définitions locales du ménage et de<br />

la concession et de leur<br />

organisation interne<br />

Liste des activités et des outils.<br />

Représentations de la pauvreté, de<br />

la richesse, du bien-être et de<br />

l’exclusion<br />

Carte des infrastructures<br />

Etat et accessibilité des principaux<br />

services (santé, scolarisation,<br />

communication)<br />

DISPOSITIF DE SUIVI DE LA PAUVRETE<br />

Suivi de l’évolution locale des prix<br />

et des variations saisonnières<br />

Conditions de vie (santé,<br />

scolarisation, habitat)<br />

Activités et revenus<br />

Indicateurs autochtones de la<br />

pauvreté<br />

Perception de la pauvreté<br />

Apport pour l’analyse<br />

accessibilité/potentialités<br />

- Problèmes d’accessibilité sur les<br />

infrastructures<br />

- Potentialités du territoire et modes de mise<br />

en valeur<br />

- Apport méthodologique pour la construction<br />

de l’enquête ménage<br />

- Indications sur les responsabilités en<br />

fonction du statut (opportunités sociales)<br />

Perceptions locales des lacunes individuelles<br />

ou collectives responsables de la pauvreté<br />

Accessibilité physique des infrastructures ;<br />

état de fonctionnement des services et des<br />

voies de communication<br />

- Permet de calculer le pouvoir d’achat<br />

effectif des ménages<br />

- Impact de l’enclavement sur le prix des<br />

produits<br />

- Typologie des ménages en fonction de leurs<br />

potentialités.<br />

- Indicateur de vulnérabilité<br />

- Analyse de l’articulation entre structures<br />

d’activités, revenus, composition du ménage<br />

etc.<br />

195


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

ANNEXE 2 : LISTE DES INDICATEURS AUTOCHTONES IDENTIFIES SUR LES SITES D’INTERVENTION<br />

Type d’indicateur Intitulé<br />

Variable du questionnaire concernée<br />

(n°question)<br />

Echelle<br />

d’observation<br />

Indicateur<br />

richesse (social)<br />

Existence et nature des fonctions exercées<br />

Nombre et nature des fonctions par le<br />

par le chef de ménage dans le cadre du<br />

de chef de ménage dans différents<br />

lignage, du quartier, du secteur, du village,<br />

cadres : familiaux, sociaux,<br />

du district, de la jeunesse, etc. (Cm9-6,<br />

administratifs, culturels, etc.<br />

Cm9-7)<br />

Exercice de certaines activités par les<br />

individuelle<br />

membres du ménage :<br />

- nature de l'activité principale pour le<br />

- Réalité économique : gardien de<br />

membre du ménage (Ac1-1)<br />

Indicateur de troupeaux, fagoteur, charbonnier,<br />

- nature de l'activité principale pour le<br />

pauvreté (social / cueilleur de fruits sauvages, puisatier,<br />

membre du ménage (Ac2-2)<br />

économique) journalier agricole<br />

individuelle<br />

- Perception sociale négative :<br />

cordonnier, forgeron, vendeur de<br />

boissons (alcoolisées), griot<br />

- recours ou non à la consultation pour le<br />

Indicateur de Membre du ménage n’ayant pas membre du ménage (Sa2)<br />

pauvreté<br />

consulté de médecin pour cause de - Raisons de la non consultation pour la individuelle<br />

(économique) manque d’argent<br />

dernière maladie contractée par le membre<br />

du ménage (Sa8-2)<br />

Indicateur<br />

richesse<br />

(économique)<br />

de<br />

type de sol, de mur et de toit dans le<br />

Qualité de l’habitat du ménage (selon<br />

principal logement du ménage (Ha6, Ha7,<br />

les matériaux)<br />

Ha8)<br />

ménage<br />

- quantité de vélos possédés par le<br />

Indicateur de Ménage possesseur de moyens de ménage (Ic1-1), ménages possédant des<br />

richesse<br />

locomotions : vélo (puis moto, motos ou voitures.<br />

ménage<br />

(économique) voiture, bateau à moteur)<br />

- Utilisation de bateau à moteur par le<br />

Indicateur<br />

richesse<br />

(économique)<br />

ménage (Mp1)<br />

- Existence de parcelles de plantation<br />

de<br />

Le ménage propriétaire et exploitant cultivées par le ménage en 2003 (F1-1)<br />

de parcelles de plantation<br />

- nombre de parcelles de plantation<br />

possédées par le ménage (F1-3)<br />

ménage<br />

Module (sous-module)<br />

Concession-Ménage<br />

(Composition du ménage)<br />

- Concession-Ménage<br />

(activité)<br />

- Femmes (autres<br />

activités de production<br />

féminines)<br />

Concession-Ménage<br />

(santé)<br />

Concession-Ménage<br />

(habitat)<br />

- Concession-Ménage<br />

(indicateurs de confort)<br />

- Système de production<br />

(moyens de production)<br />

Système de production<br />

(foncier)<br />

196


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Type d’indicateur Intitulé<br />

Indicateur de<br />

richesse<br />

(économique)<br />

Indicateur de<br />

richesse<br />

(social)<br />

Indicateur de<br />

richesse<br />

(sociale/économique)<br />

Indicateur de<br />

richesse<br />

(sociale)<br />

Indicateur de<br />

pauvreté<br />

(économique)<br />

Indicateur de<br />

pauvreté<br />

(économique)<br />

Indicateur de<br />

richesse<br />

(économique/social)<br />

Nombre de kilés organisés par le<br />

ménage<br />

Nombre total de cérémonies<br />

auxquelles le ménage a été impliqué<br />

Nombre total d’animaux (ovins et<br />

caprins) offerts par le ménage pour<br />

des sacrifices<br />

Nombre total de dons reçus et de<br />

dons effectués par le ménage<br />

Nombre total de dons reçus et utilisés<br />

pour nourrir le ménage<br />

Nombre de jours sans riz pour le ménage durant<br />

la dernière période de soudure<br />

Quantité de vêtements achetés par le<br />

ménage<br />

Variable du questionnaire concernée<br />

(n°question)<br />

- type d'opérations culturales concernées<br />

par l'emploi de main d'œuvre salariée par le<br />

ménage l'année passée (Mo3-1)<br />

- type de main d'œuvre salariée employée<br />

par le ménage l'année passée pour (type<br />

d'opération culturale) (Mo3-2)<br />

- Nature et nombre des cérémonies<br />

(familiales ou amicales) organisées par le<br />

ménage l'année passée (C1-2)<br />

- nature et nombre des cérémonies<br />

religieuses auxquelles le ménage a participé<br />

l'année passée (C1-7)<br />

- nature des cérémonies auxquelles le<br />

ménage a été invité l'année passée (C1-2)<br />

Pour l'année passée, type et nombre<br />

d'animaux donnés par le ménage pour des<br />

sacrifices, à l'occasion d'une cérémonie.<br />

(C3)<br />

- Nombre de dons reçus l'année passée<br />

par le ménage (Ms1-2)<br />

- Nombre de dons effectués l'année<br />

passée par le ménage (Ms2-2)<br />

- Nombre de dons reçus l'année passée<br />

par le ménage (Ms1-2)<br />

- Deux principales utilisations des dons<br />

effectués au ménage l'année passée (Ms2-2)<br />

Nombre de jours sans riz pour le ménage<br />

durant la dernière période de soudure (Al4-<br />

1)<br />

Consommation/achat de vêtements par le<br />

ménage l'année passée (Cna1-1)<br />

Echelle<br />

d’observation<br />

ménage<br />

ménage<br />

ménage<br />

ménage<br />

ménage<br />

ménage<br />

ménage<br />

Module (sous-module)<br />

Système de production<br />

(main d’oeuvre)<br />

Environnement social et<br />

institutionnel<br />

(cérémonies)<br />

Environnement social et<br />

institutionnel<br />

(cérémonies)<br />

Environnement social et<br />

institutionnel<br />

(mécanismes de solidarité)<br />

Environnement social et<br />

institutionnel<br />

(mécanismes de solidarité)<br />

Consommation<br />

(alimentation)<br />

Consommation<br />

(consommation non<br />

alimentaire)<br />

197


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Type d’indicateur Intitulé<br />

Indicateur de<br />

richesse<br />

(économique)<br />

Indicateur de<br />

richesse<br />

(économique)<br />

Indicateur de<br />

richesse<br />

(économique)<br />

Fréquence de renouvellement des<br />

chaussures des adultes du ménage<br />

Fréquence de port de chaussures pour<br />

les jeunes enfants du ménage<br />

Fréquence de consommation de<br />

viande et de poisson (konkoué) par le<br />

ménage<br />

Variable du questionnaire concernée<br />

(n°question)<br />

Fréquence de renouvellement des<br />

chaussures des adultes du ménage (Cna2-1)<br />

Fréquence de port de chaussure pour les<br />

jeunes enfants (Cna2-2)<br />

Consommation et fréquence de<br />

consommation de viande et de poisson<br />

(konkoué) par le ménage l'année passée<br />

(Ca1, Ca2-1, Ca2-2, Ca2-3)<br />

Echelle<br />

d’observation<br />

ménage<br />

ménage<br />

ménage<br />

Module (sous-module)<br />

Consommation<br />

(consommation non<br />

alimentaire)<br />

Consommation<br />

(consommation non<br />

alimentaire)<br />

Femmes<br />

(consommation<br />

alimentaire)<br />

198


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

ANNEXE 3 : COMPARAISONS ENTRE LE CADRE D’ANALYSE ET LES PERCEPTIONS DE LA PAUVRETE RESSORTANT DES<br />

DISCOURS<br />

Dimensions du bienêtre<br />

et formes de<br />

pauvreté<br />

Liées à des difficultés<br />

d’accessibilité<br />

(manques et absence de<br />

satisfaction)<br />

…économiques<br />

Monétaire Conditions de vie<br />

Manque d’accès à l’emploi<br />

Absence de revenu<br />

Déficit de Absence de capital<br />

potentialités<br />

physique (équipement,<br />

(absence d’opportunités errains, biens durables)<br />

d’accumulation)<br />

Absence de capital<br />

inancier (épargne, crédit)<br />

Manque d’accès à la santé,<br />

à une alimentation équilibrée,<br />

à l'éducation, au logement,<br />

etc.<br />

Insuffisance de capital<br />

humain (peu d’éducation,<br />

mauvaise santé)<br />

LES DIMENSIONS DU CADRE D’ANALYSE 15<br />

Dimensions…<br />

…sociale …culturelle … politique<br />

Exclusion sociale<br />

Rupture du lien social<br />

Problèmes d’inégalités de<br />

genre<br />

Non reconnaissance<br />

dentitaire<br />

Déracinement<br />

Insuffisance de capital Insuffisance de<br />

social (manque de cohésion « capital culturel »<br />

sociale, relations de faible Absence de fond<br />

niveau)<br />

culturel commun<br />

Les DIMENSIONS PERÇUES A TRAVERS L’ANALYSE DES DISCOURS SUR L’OBSERVATOIRE DE LA GUINEE MARITIME<br />

Revenu faible, peu d’outils<br />

de production (pénibilité du<br />

ravail avec la houe)<br />

Pas d’accès à la terre et à<br />

Thèmes soulevés lors<br />

des entretiens des terres de bonne qualité<br />

Pas de capital pour<br />

démarrer une activité, un<br />

petit commerce<br />

Risque d’endettement en<br />

soudure<br />

15 D’après Dubois, Mahieu, Poussard 2001<br />

Alimentation insuffisante,<br />

voire faim en période de<br />

soudure<br />

Habitat sommaire<br />

Pas de possibilité de<br />

s’habiller correctement<br />

Problèmes de santé qui<br />

peuvent précipiter<br />

apidement un individu dans<br />

a pauvreté<br />

Difficulté à participer aux<br />

cérémonies à cause du<br />

manque d’argent provoque<br />

a marginalisation<br />

L’exclusion qualifiée<br />

souvent « volontaire »<br />

c’est à dire que l’ « exclu »<br />

est celui qui ne s’est pas<br />

conformé aux normes de la<br />

société)<br />

Individualisme (très<br />

mal perçu), non<br />

adhésion aux règles du<br />

village (travaux<br />

collectifs etc.)<br />

Absence de<br />

démocratie, de<br />

participation aux<br />

décisions<br />

…Ethique/droits<br />

de la personne<br />

Corruption<br />

Violence<br />

Problèmes liés aux<br />

droits de la personne<br />

Absence ou<br />

Insuffisance de<br />

nsuffisance de<br />

normes ou de valeurs<br />

« pouvoir », de moyens<br />

partagées : « capital<br />

d’expression,<br />

d'éthique »<br />

d’informations.<br />

La personne pauvre<br />

ne participe pas aux<br />

éunions, aux décisions<br />

au niveau de la<br />

communauté villageoise<br />

199


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Aspects qui ne sont<br />

pas évoqués (mais<br />

correspondant à des<br />

problèmes observables)<br />

Pb d’accès centre de santé,<br />

enclavement<br />

Rien sur l’éducation, malgré<br />

les problèmes d’école<br />

Les inégalités de genre ne<br />

sont pas évoquées<br />

Pas d’évocation sur<br />

d’autres échelles de<br />

décision (région ou<br />

pays)<br />

Dimension peu<br />

évoquée, on ne<br />

parle pas non plus<br />

de l’excision<br />

200


Observatoire de la Guinée maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

ANNEXE 4 : CARACTERISTIQUES DES GROUPES PRODUCTEURS DES DISCOURS<br />

Richesse Bien-être Pauvreté Exclusion<br />

Signes de la richesse matérielle<br />

C’est plutôt une conception des plus<br />

jeunes (moins de 40 ans) qu’on retrouve<br />

parmi plusieurs ethnie : landouma,<br />

ballantes, diakankés, soussou.<br />

Autonomie : santé et couverture<br />

alimentaire<br />

C’est la conception des hommes d’âge<br />

mûr (40-60 ans), sosso, mikhiforé,<br />

souvent polygames mais vu leur âge et le<br />

milieu rural, c’est généralement le cas.<br />

Richesse comme don de Dieu<br />

Ce sont les conceptions des vieux<br />

(>60ans) des femmes, de membres des<br />

ethnies baga et nalu et des cultivateurs en<br />

général.<br />

Santé, quiétude et harmonie sociale<br />

Les âges sont très variables ; des gens de<br />

20 ans comme ceux de 40 et même de 80<br />

ans peuvent tenir ce discours. Du point de<br />

vue ethnique, il est plutôt baga ou nalu,<br />

mais on le retrouve bien chez diakhanké, ou<br />

les peuls. Dans la mesure où il s’agit tout de<br />

même de solides banalités, on ne peut pas<br />

s’étonner qu’elles soient partagées par des<br />

gens très divers.<br />

Donner et rassembler<br />

Ceci est visiblement le bien-être soussou,<br />

accessoirement nalu ou balante. C’est plutôt<br />

une vision de riche (à l’échelle du village) et<br />

d’administrateur communal. L’âge semble<br />

indifférent, il concerne à la fois des vieux et<br />

des jeunes. Discours minoritaire mais assez<br />

typique.<br />

Le bonheur paysan<br />

Ces conceptions sont surtout développées<br />

par les landouma de Kambilam, les<br />

habitants d’Amsinya. D’un statut mineur :<br />

aspect pauvre, célibataires, femmes ; ils<br />

sont plutôt jeunes (20-40 ans).<br />

Comment reconnaître un pauvre : les<br />

signes extérieurs, faim et habillement<br />

Discours baga, nalu et ballantes, mais les<br />

lieux peuvent être assez variés (Kankayani)<br />

plutôt aisé : commerçant, pêcheur.<br />

La pauvreté comme absence de réussite<br />

malgré le travail<br />

C’est le discours de Diakhanké, des gens<br />

d’Amsinya, près du marché de Tougnifily<br />

(probablement prennent-ils la houe quand<br />

ils ne peuvent pas faire autrement). C’est<br />

aussi un discours de femmes, de personnes<br />

relativement jeunes 20-40 ans, ainsi que de<br />

vieux.<br />

La pauvreté c’est le destin<br />

C’est un discours assez général, mal<br />

caractérisé, on le trouve d’ailleurs près du<br />

centre du cercle des corrélations. On le<br />

trouve chez les baga et les ballantes, mais<br />

avec des chi2 assez faibles. Des vieux, mais<br />

aussi quelques jeunes.<br />

La pauvreté comme manque<br />

Surtout des landouma de Kambilam<br />

Le comportement de l’individu<br />

provoque l’exclusion<br />

Un discours assez général. Diakanké et<br />

landouma, mais aussi tenu a Amsinya.<br />

Plutôt des jeunes (60 ans). Plutôt pauvres.<br />

Exclusion et maladie : des liens<br />

ambigüs<br />

Significativement des peuls,<br />

accessoirement des soussou. Des gens<br />

de 40 ans, plutôt pauvres.<br />

L’exclusion de l’individualiste<br />

Discours baga, landouma et soussou ;<br />

mais pas vraiment significatif. Beaucoup<br />

plus net dans certaines localités (où peut<br />

se poser un problème de désaffection du<br />

travail collectif). Tous âges moins de 20,<br />

30-40, vieux.<br />

Les soucis entraînent l’exclusion<br />

Discours très répandu. Il est très<br />

fortement nalu, kanof, Kankouf,<br />

Tesken ; Du coup, il est lié aux<br />

pêcheurs. Riches, polygames à 2<br />

femmes<br />

201


Observatoire de la Guinée Maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

PROPOSITIONS D’ACTION D’AMELIORATION<br />

DE LA GESTION DES RESSOURCES<br />

202


Observatoire de la Guinée Maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

1. PRINCIPES GENERAUX<br />

Comme nous l’exposons dans la présentation des objectifs du projet, tenter de<br />

satisfaire au double objectif de réduction de la pauvreté et de durabilité des ressources<br />

suppose de ne pas séparer dans la conception des projets et dans leur exécution les<br />

questions de durabilité des ressources de celles du développement économique des<br />

populations concernées. Cela suppose également d’impliquer complètement les<br />

populations dans le processus d’identification des problèmes, de construction et<br />

d’exécution des actions, puis de leur évaluation. Les communautés doivent se sentir<br />

totalement parties prenantes et responsables des orientations et des décisions prises.<br />

Les évolutions actuelles tentent donc de concilier durabilité écologique et<br />

durabilité sociale, ce qui comporte le développement économique, en responsabilisant les<br />

communautés, premières intéressées à la gestion durables de leurs ressources. Même s’il<br />

est purement utilitariste et ne s’exerce que sous la contrainte de la chute de la rentabilité<br />

du travail investi, le souci de durabilité n’est pas du tout absent des stratégies des<br />

paysans. Ils dépendent trop étroitement des ressources « naturelles » pour que la<br />

dégradation d’une ressource ou son non renouvellement ne soit pas l’une de leurs<br />

inquiétudes.<br />

Dans la pratique, cela revient à concevoir des actions de développement local qui,<br />

en réduisant la pauvreté et la vulnérabilité de la population, se traduisent d’une manière<br />

ou d’une autre par une moindre pression sur les facettes écologique de l’agrosystème<br />

dont le diagnostic indique qu’il est, ou pourrait être dans un avenir prévisible, exploité<br />

au-delà de sa capacité de reproduction. Aussi n’avons-nous pas séparé les différents<br />

types de demandes formulées par les communautés, même si certaines ne relèvent pas<br />

directement, au premier abord, de la gestion des ressources.<br />

Ces actions de développement sont donc destinées à permettre de prévenir,<br />

stabiliser ou réduire l’exploitation des facettes écologiques les plus fragiles de leurs<br />

terroirs, grâce à une diminution de la pauvreté et de la vulnérabilité économique des<br />

populations et une réduction du risque et de l’incertitude.<br />

Pour atteindre cet objectif, deux axes d’action peuvent être dégagés, tous deux<br />

se fondent sur des comportements et des stratégies existantes chez les populations et<br />

visent à les aider, à les améliorer ou à les accélérer. Il s’agit, globalement, à travers des<br />

petits projets ciblés co-construits avec les collectivités, de tenter de lever quelques uns<br />

des verrous qui bloquent, dans divers domaines, l’intensification du système rural.<br />

D’une part, les transferts d’activités en cas de difficultés rencontrées sur une des<br />

facettes écologiques existent déjà, comme nous l’exposons au début de ce rapport en<br />

présentation de la Guinée maritime. Une stratégie efficace de mise en œuvre d’une<br />

politique de gestion améliorée des ressources pourrait donc être de s’appuyer sur ces<br />

logiques existantes en favorisant et appuyant certains transferts d’activités permettant<br />

d’intensifier des activités de production ne présentant aucun ou peu inconvénients pour<br />

la biodiversité.<br />

D’autre part, une autre stratégie visant à diminuer la vulnérabilité au risque et à<br />

alléger l’exploitation des facettes écologiques les plus sensibles est l’appui à la<br />

diversification de la pluriactivité.<br />

Cependant, dans l’élaboration de ces différentes actions, il convient de prendre en<br />

compte les ressorts essentiels qui guident les comportements paysans.<br />

Comme nous l’avons décrit en présentation et comme le montrent les rapports sur<br />

la pauvreté et sur les systèmes ruraux, l’activité des ménages en Guinée Maritime<br />

203


Observatoire de la Guinée Maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

repose, à coté de l’autoconsommation, sur de nombreuses sources de revenus<br />

monétaires. Les possibilités sont directement liées au terroir et aux potentialités<br />

différenciées des ménages (l’accessibilité de la filière, la disponibilité des moyens<br />

techniques de production, de la main d’œuvre, de capital, le niveau d’instruction…).<br />

Mais, si les possibilités offertes aux paysans suivent également les opportunités<br />

du moment, cette pluriactivité est de type opportuniste. Dans un tel système le paysan<br />

doit en permanence réaliser des choix afin de diminuer les risques. Ceux-ci peuvent être<br />

de tout ordre : risque de disette, risque de marginalisation sociale, risque de dégradation<br />

des sites d’exploitation…<br />

La réponse à cette contrainte consiste à diversifier au maximum les sources de<br />

revenus. Ainsi, des niches commerciales développées par la ville, la proximité de voies de<br />

communication, la présence d’un marché dynamique proche, la capacité à mobiliser de la<br />

main d’œuvre ou du capital (sans passer par les usuriers qui peuvent être un frein à la<br />

liberté de décision des ménages quant à leur stratégie), l’accès aux connaissances et aux<br />

moyens techniques sont autant de potentialités avec lesquelles les ménages doivent<br />

composer. Les stratégies d’aversion au risque sont, à raison, l’un des ressorts<br />

fondamentaux de ces sociétés paysannes très faiblement sécurisées par des systèmes<br />

publics ou privés de protection.<br />

Cet aspect est incontournable dans la perspective d’élaboration de propositions de<br />

développement : toute restriction portant sur l’un des pôles d’activité doit être<br />

compensée ou compensable afin de ne pas avoir comme effet non recherché le sentiment<br />

d’une prise de risque supplémentaire. C’est le report jugé excessif de temps de travail<br />

sur une seule activité, par ailleurs peu rémunératrice, qui a été l’une des causes de<br />

l’échec des projets d’intensification de la riziculture, le PDRI-GM par exemple.<br />

L’autre ressort important est l’évaluation que fait le paysan de la rentabilité du<br />

temps de travail investi dans une activité. Celle-ci doit être jugée « rentable », ce terme<br />

n’incluant pas obligatoirement que les aspects purement monétaires. Il est nécessaire<br />

également de prendre en compte la pénibilité de ces activités et de prévoir des moyens<br />

de la diminuer lorsqu’elle est un frein exprimé à leur expansion.<br />

Si les propositions d’actions qui ont émergé sont peu demandeuses en ressources<br />

naturelles, certaines nécessitent tout de même des ponctions dans le milieu (par<br />

exemple, la transformation des régimes de palme en huile qui nécessite une alimentation<br />

des foyers en bois). Il est donc parfois nécessaire de prévoir des actions<br />

d’accompagnement comme la constitution d’espaces boisés ou de zones de défens. Ces<br />

actions classiques de préservation des ressources naturelles sont de la sorte inscrites<br />

dans des stratégies globales de subsistance des populations qui ont ainsi intérêts à leur<br />

réussite.<br />

S’insérer dans les dynamiques locales, les accompagner en les faisant évoluer est<br />

sans aucun doute la meilleure façon de garantir le succès d’une action. Ce mode<br />

opératoire n’est pas toujours suffisant. Parfois, il est utile de proposer de l’innovation.<br />

Dans ce domaine aussi, quelques idées-forces sont à prendre en considération.<br />

Les systèmes « traditionnels » de gestion sont pas statiques, figés, incapables<br />

d’intégrer l’innovation, et de s’adapter à des conditions changeantes. L’adaptation<br />

permanente et le changement font partie de la vie de ces paysans. Sans cette souplesse,<br />

la reproduction du groupe depuis des temps immémoriaux en position de vulnérabilité<br />

face à l’aléa n’aurait pas été possible.<br />

Mais, compte tenu du contexte technique et économique, la précarité des<br />

conditions de vie impose, avant tout, une grande prudence face à l’incertain. Les<br />

204


Observatoire de la Guinée Maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

stratégies de limitation du risque sont une nécessité vitale, face aux aléas naturels<br />

comme face à l’innovation qui n’a pas fait ses preuves, ni techniquement, ni socialement.<br />

Ce que nous appelons par commodité « tradition » s’exprime certes à travers des<br />

permanences, mais elle n’est pas synonyme d’immobilisme et de simple routine, elle<br />

s’adapte en permanence et incorpore constamment de nouveaux acquis.<br />

Si les aspects que nous venons d’évoquer sont fondamentaux pour la construction<br />

de projets qui ont quelques chances d’aboutir, l’adhésion réelle des populations, tout<br />

comme la pérennité des actions doit prendre en compte la réalité des pouvoirs locaux.<br />

Seule leur adhésion, implicite ou explicite, ou, à défaut, leur non opposition peut garantir<br />

la réalisation effective d’un projet et, au-delà, sa prise en charge réelle par une<br />

communauté.<br />

En intervenant dans les structures sociales et, plus encore, en ne prenant pas en<br />

compte les pouvoirs en place, on ne laisse aucune chance à ces réalisations de perdurer<br />

et encore moins d’être intégrée aux logiques locales. Ce « désintérêt » souligné par les<br />

experts n’est autre qu’une réaction de survie. Il n’est pas envisageable, pour un individu<br />

ou un groupe non dominant, d’aller à l’encontre de l’ordre établi et de risquer ainsi de se<br />

marginaliser, voire de se faire exclure par les pouvoirs en place et donc d’être écarté de<br />

la société dans laquelle il vit. Dans un contexte marqué par une très faible autonomie<br />

économique individuelle face aux aléas, l’avenir est incertain et la survie peut, un jour,<br />

dépendre de la solidarité du groupe, risquer l’ostracisme est prendre un risque<br />

inconsidéré.<br />

Si le projet dérange les pouvoirs et l’ordre social en place, il sera neutralisé ou<br />

contourné. Et les vrais dirigeants des « groupes cibles » ont parfaitement compris, et<br />

depuis longtemps, comment faire échouer un projet tout en récupérant quelques<br />

avantages.<br />

Nombreuses sont maintenant les études qui montrent combien les institutions<br />

communautaires que les projets mettent en place pour gérer leurs buts ne sont le plus<br />

souvent qu’un reflet déformé et/ou partiel, et parfois partial, de la matrice de relations et<br />

de pouvoirs à travers laquelle les ressources sont utilisées, gérées, disputées, négociées.<br />

Face à ces séries de difficultés, de contradictions, face à la réelle difficulté de<br />

comprendre, à l’intérieur du temps court imposé à la préparation d’un projet, dans toute<br />

leur complexité, les rapports à l’intérieur du groupe, son fonctionnement, ses logiques<br />

multiples ou contradictoires, nous avons considéré qu’il est plus opératoire de ne pas<br />

intervenir dans le fonctionnement social, de l’intégrer comme un élément du<br />

fonctionnement du projet. Cela revient à admettre dans son déroulement une part de<br />

«logique floue » et une co-réévaluation permanente de la pertinence de l’intervention.<br />

Cet empirisme peut-être une méthode opératoire pour concilier réalités locales et<br />

efficacité de l’intervention extérieure.<br />

2. METHODOLOGIE<br />

Afin de ne pas susciter l’opposition des réseaux de pouvoir existant sur les sites<br />

concernés et pour optimiser les chances de pérennité des projets, les groupes de travail,<br />

sollicités pour l’élaboration des propositions, sont entièrement formés à l’initiative des<br />

collectivités. En clair, l’équipe ne se charge pas de choisir les personnes invitées, même<br />

si elle vérifie qui est présent ou représenté afin de décoder les discours et les<br />

propositions d’actions. Elle se contente d’annoncer à tous la tenue des réunions et l’objet<br />

précis de celles-ci.<br />

Pour chaque site, les séances de travail, en nombre nécessaire pour arriver au<br />

consensus, variable suivant les sites, se sont donc déroulées avec un souci permanent<br />

205


Observatoire de la Guinée Maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

de laisser la collectivité entièrement libre du périmètre dans la relation d’échange. Il n’est<br />

aucunement question d’imposer une « représentativité » du village en âge, en genre ou<br />

en catégories socioprofessionnelles. Il s’agit de ne manipuler en aucun cas les rapports<br />

sociaux existants et encore moins de chercher à biaiser des rapports de force établis. Il a<br />

été simplement demandé d’inviter, autant que possible, un nombre maximum de<br />

personnes avoisinant les douze. Toutefois, nous le verrons, ce chiffre n’est qu’un ordre<br />

de grandeur. Si le chiffre moyen de participants a été d’une quinzaine, certains groupes<br />

ont parfois dépassé les trente.<br />

De fait, les groupes ainsi constitués sont restés pratiquement identiques tout au<br />

long de la construction des propositions, c'est-à-dire sur une période de l’ordre de trois<br />

mois. Parfois, sur un sujet spécifique, des personnes supplémentaires, hommes ou<br />

femme sont venus assister ou s’exprimer, généralement lorsque le sujet débattu touchait<br />

à un sujet relevant spécifiquement d’une catégorie. Il en est allé ainsi avec les femmes<br />

sur la question de la saliculture ou de l’aménagement des bas-fonds. A plusieurs reprises,<br />

les membres habituels du groupe de travail ont fait intervenir, sur des questions<br />

particulières, un spécialiste reconnu par la collectivité pour ses compétences ou ses<br />

pratiques novatrices.<br />

Finalement, nous avons constaté que les groupes ont été constitués d’un noyau de<br />

base formé, en fait, par les autorités les plus reconnues, de participants ponctuels plus<br />

ou moins assidus suivant les sujets traités et d’experts intervenant sur des points précis.<br />

Les autorités ne sont pas obligatoirement présentes mais elles sont toujours<br />

représentées et il apparu rapidement que certains participants ne s’exprimaient pas en<br />

leur nom mais étaient mandatés.<br />

Parfois, il s’est avéré nécessaire de se déplacer sur les sites d’éventuels projets.<br />

Un autre type de groupe a alors été mis en place : les « groupes mobiles ». Dans ces cas<br />

de figure, une délégation du groupe de base est formée par ses membres<br />

La démarche suivie a d’abord été soigneusement expliquée : il s’agit pour nous,<br />

afin de vous aider vraiment, d’identifier les problèmes que vous connaissez et, aussi,<br />

ceux que nous percevons, pour cela il est (i) nécessaire que nous vous connaissions, que<br />

nous connaissions votre système d’activités et votre milieu. Nous allons donc faire des<br />

enquêtes et vivre parmi vous quelques temps. (ii) Ensuite nous validerons, ensemble, les<br />

connaissances que nous avons acquises sur vous et votre milieu et vous nous aiderez à<br />

corriger nos erreurs et à préciser les choses car vous connaissez cela beaucoup mieux<br />

que nous. (iii) À partir de là, nous serons à même de vous donner notre diagnostic, établi<br />

à partir des mises au point que nous aurons faites ensemble et de nos connaissances<br />

scientifiques et techniques. Nous en discuterons et une fois un consensus établi, nous<br />

envisagerons, ensemble, (iv) les solutions que nous jugerons, d’un commun accord,<br />

efficaces et réalisables avec notre aide financière et technique mais avec vos moyens et<br />

votre participation. La tonalité de ce discours a surpris et il a fallu du temps pour que la<br />

parole se libère et qu’ils constatent que nous faisions, effectivement, ce que nous<br />

annoncions. Le fait de résider dans les villages a été un élément important dans la<br />

crédibilisation de notre démarche : nous nous intéressions vraiment à eux.<br />

- Combler les zones d’ombre dans la connaissance des sites d’étude, phase (ii).<br />

Chaque lancement des séances de travail sur un site est précédé d’une réunion de tous<br />

les membres de l’<strong>OGM</strong> autour d’une thématique. Celle-ci est choisie en fonction de sa<br />

pertinence sur un site (par exemple la plantation d’arbres fruitiers, la riziculture, la<br />

saliculture…). Lors de ces réunions pluridisciplinaires, les connaissances de chaque volet<br />

sur la thématique retenue sont mises à plat. Le but de ces réunions n’est pas d’exposer<br />

un condensé exhaustif des connaissances de l’<strong>OGM</strong> mais d’ouvrir des pistes de réflexion<br />

sur le thème désigné, tout en soulignant des zones d’ombre éventuelles sur les<br />

206


Observatoire de la Guinée Maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

connaissances de l’Observatoire. Les points obscurs sont listés en vue de les éclaircir lors<br />

des premières séances de travail avec les populations.<br />

- Hiérarchiser les problèmes, phase (iii). Les séances de discussions s’orientent<br />

ensuite vers un listing argumenté des problèmes rencontrés par les populations. Les<br />

problèmes évoqués sont développés, discutés afin de comprendre leurs causes. Ils sont<br />

ensuite hiérarchisés d’abord en fonction de l’importance perçue par les populations de<br />

l’activité touchée et, ensuite, de l’importance de l’incidence du problème sur l’activité. Le<br />

but de cette phase est d’obtenir un consensus sur la hiérarchie des problèmes et leurs<br />

causes.<br />

- Faire émerger des solutions simples, phase (iv). Comme dans la phase<br />

précédente, les débats, doivent permettre de faire émerger des solutions, d’en discuter,<br />

toujours dans le cadre d’un échange, la valeur et la faisabilité des solutions jusqu’à<br />

arriver à des propositions jugées cohérentes et acceptables par tous les membres du<br />

groupe et par nous-mêmes.<br />

Ces réunions ont été complétées par des discussions individuelles dans les<br />

villages sur les historiques et les compositions des différentes structures formelles et<br />

informelles cités lors des réunions, le statut et les acteurs concernés par les espaces ou<br />

les actions évoqués, les modalités des associations de travail, leur historique, les causes<br />

de leurs échecs ou de leurs réussites… Ceci toujours dans le but de renforcer la capacité<br />

de l’équipe à juger les propositions traitées dans les groupes de travail et,<br />

éventuellement, à les faire évoluer.<br />

Le résultat de ce travail d’élaboration de plans micro-locaux de développement a<br />

été exposé dans le rapport de mai 2005 et ne seront pas repris ici, nous nous<br />

contenterons de reprendre les propositions d’actions à caractère général dans lesquelles<br />

elles s’insèrent.<br />

3. PROPOSITIONS D’ACTIONS A CARACTERE GENERAL<br />

Les idées de propositions que nous présentons ci-après résultent de la synthèse<br />

des constats que nous avons pu faire, principalement dans le domaine de la biodiversité,<br />

des systèmes de gestion de l’espace et des activités. Elles n’ont pas été directement<br />

formulées par les populations et doivent donc être considérées comme des innovations,<br />

même si elles prolongent ou améliorent des modes de gestion ou des techniques<br />

existantes.<br />

Ces actions à caractère régional demandent des moyens financiers et techniques<br />

nettement plus importants que les micro-projets locaux. Ils peuvent être systématisés<br />

sur tous les sites d’intervention qui les nécessitent en accompagnement d’autres<br />

interventions. Ils reposent cependant sur les mêmes principes de base que les microprojets:<br />

(i) intensifier le système dans le cadre du renforcement de dynamiques<br />

endogènes et/ou introduire des innovations techniquement et socialement facilement<br />

appropriables par les communautés et (ii) reporter les activités sur les facettes les plus à<br />

mêmes de supporter une mise en valeur durable de façon à (iii) alléger ou à stabiliser<br />

l’exploitation des plus sensibles.<br />

Nous partons du constat que dans le domaine de la biodiversité, il n’existe pas,<br />

actuellement, sauf ponctuellement, dans des cas précis et localisés liés à des<br />

prélèvements à but commercial, de situation de crise. Mais qu’il existe un certain nombre<br />

de problèmes pouvant conduire, assez rapidement, à une crise de renouvellement de<br />

certaines ressources, non seulement écologiquement importantes pour leur rôle dans le<br />

maintient de la diversité végétale et de l’abondance animale et halieutique, mais aussi<br />

indispensables à la vie des populations. Il s’agit essentiellement des peuplements de<br />

207


Observatoire de la Guinée Maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Rhizophora pour le bois d’œuvre et de bois de feu, de ceux d’Avicennia principalement<br />

pour le bois de feu, des ligneux en savane sur sols squelettiques ou sableux, pour le<br />

charbon de bois et le bois de feu.<br />

En l’état de nos travaux, ce ne sont que des pistes dont nous allons poursuivre<br />

l’exploration afin de construire et de préciser les modalités d’actions.<br />

3.1 L’AGROFORESTERIE.<br />

L’agroforesterie, dont les avantages écologiques sont maintenant bien connus<br />

16 , n’est pas ignorée par les paysans de Guinée maritime, bien au contraire,<br />

comme le montrent les exemples des vergers et des forêts villageoises. En s’appuyant<br />

sur la demande de reboisement que formulent pratiquement tous les villages, il serait<br />

possible de développer, non pas des reboisements monospécifiques –et donc<br />

monofonctionnels- mais des agroforêts multifonctionnelles à base de plusieurs espèces.<br />

Le but est de fournir à la fois une source de bois d’œuvre, de bois de feu et de charbon<br />

de bois commercialisable a proximité des villages sur des terres à gestion<br />

communautaire. Cette action peut se combiner avec l’aménagement des bas-fonds.<br />

Les systèmes agroforestiers existants peuvent être améliorés sur des terres à<br />

statut strictement familial, en parcelles permanentes, avec plantations d’arbres à multiusages<br />

non seulement de bois mais aussi de fruits ou de produits médicinaux. Cela<br />

pourrait être doublé d’actions visant à améliorer en variétés et en qualité les productions<br />

fruitières des vergers villageois existants.<br />

Des travaux plus précis sur les variétés utilisables et les conditions techniques et<br />

sociales de mise en place sont nécessaires, mais cette technique de mise en valeur de<br />

l’espace est très certainement un axe d’action à développer prioritairement dans le cadre<br />

d’une gestion améliorée des ressources naturelles.<br />

3.2 GESTION DES ZONES DE SAVANES.<br />

Face à la très rapide progression de l’exploitation commerciale des ressources<br />

ligneuses en zone de savane, très au-dessus des capacités de régénération,<br />

l’établissement de plans de gestion des zones les plus menacées semble nécessaire.<br />

Comme nous l’avons fait pour les CRD du projet, ces zones doivent être identifiées à<br />

l’échelle de toute la région, cartographiées, et faire l’objet d’un plan de gestion négocié<br />

avec toutes les parties prenantes sur le modèle de la « Médiation environnementale » 17 .<br />

Celui-ci établira une zonation et une rotation des secteurs de prélèvement en fonction du<br />

type de prélèvement autorisé et la mise en défens des secteurs les plus dégradés avec<br />

protection contre les feux pour une période de l’ordre de 5 à 10 ans.<br />

Une seconde mesure concerne le reboisement non monospécifique des secteurs à<br />

très faible potentiel en termes de biodiversité et d’usages avec des espèces de<br />

16 Sur cette question, voir : HLADIK, A. (1996) - Perspectives de développement par l’Agroforesterie.<br />

In Bien manger et bien vivre. Anthropologie Alimentaire et Développement en Afrique Intertropicale: du<br />

Biologique au Social, (Paris : L’Harmattan-ORSTOM). HLADIK, A. (2000) - Agroforestry. Volume 3. Causes<br />

and consequences of global environmental change, pp 172-178 Douglas I. (ed.) in Encyclopedia of Global<br />

Environmental Change Munn T. (ed. in chief. John Wiley & Sons Ltd, Chichester.<br />

17 Voir la conclusion de l’ « Atlas infographique de la Guinée Maritime »<br />

208


Observatoire de la Guinée Maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

remplacement ayant un potentiel de régénération et d’utilisations plus important.<br />

Particulièrement pour le bois d’œuvre, avec comme objectif de proposer des produits de<br />

substitution au bois de Rhizophora. Sur ce point des travaux complémentaires doivent<br />

être conduits pour délimiter les zones et déterminer les caractéristiques des plantations<br />

(notamment le choix des espèces) en concertation avec les communautés concernées.<br />

3.3 GESTION DES BOISEMENTS DE PALETUVIERS.<br />

La problématique est comparable à celle des savanes. Les deux questions sont<br />

interdépendantes et ne peuvent être séparées. L’exploitation commerciale du bois en<br />

mangrove est en rapide progression. Il existe, toutefois, deux différences notables. D’une<br />

part les fortes pressions sont spatialement très ponctuelles et s’exercent aux dépens de<br />

certains peuplements seulement : essentiellement les Rhizophora adultes et de grande<br />

taille pour les perches et cette forme d’exploitation gaspille un volume important de bois<br />

qui pourrait être valorisé comme bois de feu qui est la seconde utilisation préférentielle<br />

du Rhizophora. Pour ce type de peuplements, il est certain que l’exploitation actuelle se<br />

situe au-dessus des capacités de renouvellement de la ressource. D’autre part,<br />

contrairement à ce qui se passe en savane, la régénération des peuplements peut être<br />

très rapide si les conditions hydro-sédimentaires sont favorables. Malheureusement ces<br />

évolutions sont largement imprévisibles 18 et il est donc difficile de faire des projections à<br />

long terme.<br />

Dans ce cas, ce qui est surtout à craindre, c’est l’épuisement de la ressource en<br />

bois d’œuvre, les peuplements anciens disparaissant rapidement, remplacés par des<br />

peuplements plus jeunes qui ne sont pas utilisables à cette fin. Au-delà de conséquences<br />

techniques et économiques sur toute la Guinée maritime, cela aurait certainement pour<br />

effet de reporter la pression sur les boisements continentaux ailleurs en Guinée. Il<br />

convient donc de traiter cette question en lien avec celle des reboisements en savane.<br />

Dans les zones les plus exploitées, l’établissement de plans de gestion et une<br />

zonation avec mise en défens sur le modèle de ceux des savanes est nécessaire. Ces<br />

plans de gestion et de zonation devraient concerner l’ensemble de la Guinée maritime.<br />

Enfin, pour agir sur la consommation, un certain nombre d’actions<br />

d’accompagnement peuvent être menées. Outre la diffusion du sel sur bâche, qui doit<br />

être une action prioritaire à renforcer et à développer, ainsi que les techniques a de<br />

fumage à l’aide de fumoirs améliorés, l’innovation devrait porter sur la fabrication de<br />

l’huile de palme. Par ailleurs, la technique des fourneaux améliorés devrait être diffusée<br />

dans les villages se plaignant du manque de bois de feu et, surtout, doit impérativement<br />

faire l’objet d’une très large campagne de diffusion dans les principales villes.<br />

3.4 DANS LE CADRE DE LA DECENTRALISATION, APPUI AU CONTROLE TERRITORIAL LOCAL.<br />

Nous avons à plusieurs reprises parlé de la question du contrôle territorial par les<br />

populations locales et de celle de l’accès surveillé aux ressources qui, face aux<br />

possibilités de gains rapides, a tendance à s’effacer sur les terres ouvertes aux<br />

prélèvements par l’ensemble de la communauté.<br />

18 Voir présentation : « Le littoral et ses dynamiques » et « Atlan infographique de Guinée maritime ».<br />

209


Observatoire de la Guinée Maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Tirées par la croissance de la monétarisation et des activités, les possibilités de<br />

gains en numéraire se multiplient. En mangrove et dans certaines savanes, elles<br />

peuvent conduire à la délégitimation des règles communes qui réglementent<br />

l’appropriation et la gestion des ressources ligneuses. C’est à dire au passage d’une<br />

situation d’accès surveillé visant prioritairement à la reproduction sociale et<br />

écosystémique, à une forme d’accès libre qui autorise des comportements de prédation.<br />

Nous avons également souligné l’incohérence qui résulte de la superposition des<br />

droits d’usage traditionnels et des autorisations administratives de coupe qui<br />

dépossèdent les communautés de la possibilité de contrôler l’exploitation. On pourrait<br />

ajouter que l’efficacité des gardes forestiers est, en général, très réduite. A supposer que<br />

tous aient une grande conscience professionnelle, la surface considérable que chacun<br />

d’entre eux doit surveiller, l’absence de moyens de déplacement et d’équipements<br />

modernes réduit considérablement leur efficacité potentielle.<br />

Déjà, dans les conclusions de l’ « Atlas des mangroves », nous attirions l’attention<br />

sur l’intérêt qu’il y aurait à appuyer et à renforcer les instances traditionnelles locales de<br />

régulation, seules réellement à même d’être parfaitement informées et d’exercer une<br />

fonction de régulation efficace sur les ressources. L’exemple de l’île de Kanof que nous<br />

analysons dans le chapitre sur la biodiversité montre que cette fonction de régulation<br />

peut être très efficace. Ce soutien devrait donc avoir comme objectif institutionnel de<br />

renforcer, compenser ou pallier l’affaiblissement des règles traditionnelles d’accès aux<br />

ressources des zones de mangrove et de savanes non cultivées.<br />

Par ailleurs, les services administratifs ne devraient pas avoir l’autorisation de<br />

délivrer des permis de coupe sans l’accord formel des pouvoirs locaux traditionnels.<br />

Cette suggestion, si elle était avalisée par le gouvernement, devra être abordée et<br />

actée lors des négociations de « Médiation environnementale » accompagnant<br />

l’établissement des plans de gestion et de zonation.<br />

3.5 AMELIORATION DES RENDEMENTS DES CULTURES SUR BRULIS<br />

Comme nous l’avons montré, l’agriculture sur brûlis est actuellement en équilibre<br />

avec l’écosystème et ne pose pas de problème particulier en termes de reproduction de<br />

la biodiversité. Mais cela est exact avec les temps moyens de jachère actuels : entre 5 et<br />

12 ans et dans un cadre où il n’existe pas encore, sauf, très ponctuellement, de<br />

problèmes de disponibilité en terres. Si, dans certaines zones, comme à Boffa, la<br />

tendance actuelle est à la déprise agricole, ce cas semble exceptionnel et la tendance<br />

générale est à la densification de l’occupation des sols.<br />

Dans ce contexte, le maintient des temps de jachère joue un rôle déterminant<br />

dans la stabilité dynamique de l’équilibre actuel. Aussi il serait utile de prévoir des<br />

actions de prévention dans les zones, préalablement identifiées, où la pression<br />

démographique sur le foncier induit une tendance perceptible à la réduction.<br />

Pour cela, trois axes principaux, correspondant aux demandes récurrentes des<br />

paysans, pourraient être développés : la lutte contre les ravageurs, par exemple la<br />

formation aux techniques de piégeage et la fourniture de petit matériel ; l’accès à des<br />

variétés améliorées ; l’introduction de légumineuses volubiles, fournisseur d’azote, dans<br />

les jachères.<br />

Cette dernière action mérite une attention toute particulière car, relativement<br />

simple à mettre en œuvre, elle semble la plus à même d’obtenir des résultats rapides,<br />

des travaux récents montrent que les résultats obtenus avec Pueraria phaseoloides sont<br />

excellents. Pour les sols gravillonnaires des essais pourraient être tentés avec<br />

210


Observatoire de la Guinée Maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Chromolaena odorata, déjà connue en Guinée et largement répandue en Côte – d’Ivoire<br />

et qui présente, en outre, l’avantage d’être très efficace dans un pare-feu, sont<br />

excellents 19 .<br />

Cependant, toutes ces actions doivent être menées de façon systémique, c’est à<br />

dire en lien avec les autres opérations au sein d’un même terroir villageois. En effet, les<br />

approches uniquement sectorielles conduisent à négliger la complexité des transferts<br />

financiers qui permettent de décloisonner les activités ou les contraintes inhérentes à<br />

l’organisation des filières de commercialisation.<br />

Ensuite, l’intensification d’une production déterminée ne doit pas être l’objectif<br />

unique de ces actions. Les projets uniquement orientés vers ce but nécessitent un<br />

surcroît d’investissement en argent ou en temps de travail que les paysans ne sont pas<br />

en mesure de fournir ou hésitent à fournir dans des conditions dont ils savent, par<br />

expérience, qu’elles représentent un pari risqué. Car ce qui est demandé au paysan à<br />

travers l’engagement d’intensifier, c’est, à force de travail constante, de désinvestir en<br />

travail dans une multi-activité qui rapporte l’essentiel des revenus monétaires, pour<br />

investir plus de temps sur une seule production. Dans un contexte marqué par une très<br />

faible plasticité économique vis à vis de l’aléa, cela constitue pour lui une augmentation<br />

de la prise de risque et une diminution du revenu monétaire.<br />

19 Voir : Youta Happi, 1998, Arbres contre graminées : la lente invasion de la savane par la forêt au<br />

Centre-Cameroun, thèse de doctorat, Université de Paris IV,<br />

- De Foresta, H., 1995. Systèmes de culture, adventices envahissantes et fertilité du milieu : le cas de<br />

Chromolaena odorata. Dans : Fertilité du Milieu et Stratégies Paysannes sous les Tropiques Humides, Cirad<br />

Ministère Coopération (Eds.), 236-244.<br />

- Autfray P., 2003. Effets de litières sur l’offre en azote d’origine organique dans des systèmes de<br />

culture à couvertures végétales. Thèse de doctorat, Ecole Nationale Supérieure d’Agronomie de Montpellier –<br />

CIRAD.<br />

211


Observatoire de la Guinée Maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

CONCLUSIONS GENERALES<br />

212


Observatoire de la Guinée Maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

LES OBJECTIFS DE L’OBSERVATOIRE DE GUINEE MARITIME ETAIENT :<br />

- de créer des outils méthodologiques et pratiques pour permettre aux<br />

bailleurs et aux opérateurs d’améliorer la durabilité écologique, économique et<br />

sociale de leurs actions de développement rural dans cette région.<br />

- de proposer des actions de développement durable pour les sites<br />

concernés.<br />

POUR CELA, LES TRAVAUX DE L’<strong>OGM</strong> ONT CONSISTE A :<br />

- établir un diagnostic de l’état des biocénoses en liens avec les pratiques de<br />

gestion des populations rurales, d’estimer la durabilité de ce système et à<br />

proposer une série d’indicateurs permettant d’évaluer et de suivre l’évolution de la<br />

biodiversité,<br />

- identifier et établir un état des lieux des systèmes d’activités pratiqués par<br />

les populations,<br />

- définir, en complément des deux thématiques ci-dessus, les catégories du<br />

foncier et leur fonctionnement, et à proposer un outil de diagnostic rapide<br />

permettant de les identifier,<br />

- faire un état des lieux de la situation économique et sociale de ces<br />

populations en liens avec les systèmes d’activités et à proposer une série<br />

d’indicateurs adaptés permettant de caractériser et de suivre l’évolution des<br />

situations de pauvreté et de vulnérabilité,<br />

- proposer, des actions d’amélioration de la gestion renouvelable des<br />

ressources co-construites, réalisées et évaluées avec les communautés rurales<br />

concernées.<br />

1. LA GUINEE MARITIME : UNE RAPIDE MUTATION<br />

La mise en perspective de l’ensemble de nos travaux fait apparaître les principales<br />

dynamiques qui affectent la Guinée Maritime. Trois tendances lourdes se dégagent :<br />

- la polarisation de l’espace régional dans la bande côtière,<br />

- la persistance de situations de grande pauvreté et vulnérabilité,<br />

- la monétarisation rapide des activités dans les campagnes et,<br />

corrélativement, la marchandisation croissante des ressources naturelles.<br />

Ces dynamiques conjuguées provoquent une évolution, encore assez lente, des<br />

systèmes fonciers et, surtout, constituent un risque potentiel non négligeable pour le<br />

renouvellement des ressources, aujourd’hui globalement correctement assuré par les<br />

systèmes de gestion des populations locales.<br />

1.1 UNE REGION FORTEMENT POLARISEE<br />

Le littoral guinéen apparaît comme une zone d’attraction à deux niveaux. La<br />

concentration de la population y est visible à l’échelle régionale, mais aussi nationale.<br />

Dans un cas comme dans l’autre, elle se traduit par un double mouvement vers les villes<br />

et vers les campagnes les plus côtières. Les cartes des densités réelles, c'est-à-dire<br />

rapportée à la surface utile, montrent l’accumulation de population dans les districts les<br />

plus littoraux.<br />

213


Observatoire de la Guinée Maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

A l’échelle nationale, la polarisation s’exprime avant tout par la croissance du tissu<br />

urbain. Conakry, mais aussi Kamsar attirent des populations de l’ensemble du pays. En<br />

effet, elles proposent, outre des opportunités économiques, une forte concentration<br />

d’infrastructures et de services aujourd’hui jugés indispensables. L’attraction urbaine est<br />

également sensible dans certains centres secondaires de croissance récente (Dubréka,<br />

Forecariah, à un moindre degré Boké, plus récemment Kolaboui, Tougnifily et Tanéné)<br />

qui profitent du dynamisme commercial suscité par la monétarisation du marché de<br />

certaines productions (poisson, sel, bois).<br />

A l’échelle régionale, la richesse écologique des campagnes du littoral permet une<br />

grande diversité d’activités. Ce potentiel, joint à l’existence d’un réseau urbain et de<br />

transport relativement dense, crée des opportunités économiques qui poussent de plus<br />

en plus de ruraux de l’intérieur de la Guinée Maritime à migrer vers la côte.<br />

Ainsi, le développement de la filière pêche joue un rôle moteur important. Elle est<br />

actuellement en pleine expansion. En effet, l’accès à la ressource n’est limité par aucune<br />

territorialisation des eaux côtières, et les techniques de pêche artisanales sont<br />

consommatrices de main-d’œuvre. Elles s’accompagnent souvent de modalités de<br />

rétribution en nature (poisson frais) qui, quand les conditions de conservation par le froid<br />

ne sont pas remplies, obligent à développer simultanément une activité artisanale<br />

(fumage, salage, séchage) et commerciale. On ne peut que constater que ces activités de<br />

transformation à forte valeur ajoutée sont, en même temps, fortement consommatrices<br />

de bois.<br />

Cette polarisation sous l’influence d’une filière commerciale très dynamique<br />

rendue possible par les opportunités écologiques, s’exprime aussi, bien que de manière<br />

moins nette que pour la pêche, pour la saliculture, la foresterie, et pour les activités<br />

agricoles monétarisées. La croissance des besoins urbains en bois de chauffe et en<br />

charbon de bois, a donné lieu à la professionnalisation de bûcherons et de charbonniers<br />

et à l’organisation de cette filière. La saliculture en mangrove est, depuis longtemps, une<br />

activité suscitant des migrations saisonnières de femmes provenant des zones<br />

continentales de toute la région et, là encore, la filière du sel, très structurée, couvre<br />

toute la Guinée et s’étend au-delà des frontières.<br />

Les différents facteurs de la polarisation régionale et, en partie, nationale sur la<br />

bande littorale, suscitent, de facto, une intensification de l’exploitation des ressources du<br />

système écologique. De fait, toutes les filières dynamiques et fortement rémunératrices<br />

de Guinée Maritime sont fondées sur l’exploitation de ressources dépendant du<br />

fonctionnement du système écologique du littoral.<br />

Il est capital de prendre en compte ce phénomène car il induit une pression<br />

nouvelle et rapidement croissante sur les diverses ressources. Les profits ainsi dégagés<br />

par les différents acteurs exercent un fort pouvoir d’attraction qui amplifie le phénomène<br />

migratoire. Les enquêtes ont montré, par exemple, que tirée par la demande et une<br />

filière bien organisée, la production croissante de sel pouvait entraîner, en mangrove,<br />

l’installation de saliculteurs allochtones qui, sachant qu’ils ne reviendront pas l’année<br />

suivante, n’hésitent pas à couper à blanc des peuplements entiers d’Avicennia. Dans<br />

certains cas c’est la réserve de bois de chauffe de tout un village qui, en quelques<br />

semaines, est détruite.<br />

Cette intensification s’accompagne parfois d’innovations techniques permettant de<br />

mieux exploiter la ressource (cas de la pêche ou, partiellement, du sel), mais, dans la<br />

plupart des cas, l’innovation majeure est sociale et économique et correspond à la<br />

structuration des filières, à leur monétarisation et, parfois, à leur professionnalisation. Il<br />

y a donc, dans le domaine de l’innovation, de l’appropriation et de la généralisation de<br />

214


Observatoire de la Guinée Maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

techniques améliorées, un vaste champ d’action qu’il semble nécessaire de structurer et<br />

de mettre en œuvre dans le cadre d’une politique de développement durable.<br />

1.2 DES REGLES FONCIERES COMPLEXES EN EVOLUTION LENTE<br />

Les paysages ruraux portent la marque des règles foncières traditionnelles qui en<br />

régissent la mise en valeur. Ces règles qui déterminent l’accès à la terre et aux<br />

ressources qu’elle porte, revêtent, par ailleurs, une importance capitale pour toute<br />

opération de développement rural ainsi que pour la gestion des ressources.<br />

Particulièrement complexes, elles font l’objet d’un large développement dans ce rapport.<br />

Retenons que ces principes aboutissent à une structure foncière complexe, très<br />

emboîtée, faite de l’entrecroisement de dépendances multiples. Contrairement à ce que<br />

l’on est parfois tenté de penser, ce système garantit, à travers la superposition des<br />

multiples droits, le caractère collectif du contrôle foncier et de la formalisation des<br />

transactions :<br />

- un accès de tous à la terre, il n’y a pas en Guinée maritime, de paysans<br />

sans terre,<br />

- une grande sécurité dans la tenure,<br />

- un minimum de respect des règles collectives de gestion des ressources.<br />

Il faut se garder de confondre propriété collective et absence de contrôle de<br />

l’espace et de la ressource, c’est à dire accès libre. La règle est l’accès surveillé. La terre<br />

et certaines des ressources qu’elle porte peuvent être collectivement appropriées, leur<br />

accès n’en est pas moins contrôlé et réglementé, et ce d’autant plus étroitement que la<br />

pression sur les ressources est forte.<br />

Si l’attribution d’un droit d’usage ou le prêt de terre à titre gratuit ou symbolique<br />

est fréquent, dans l ‘ensemble des zones rurales les transactions de type commercial sur<br />

les terres sont encore relativement rares. Elles sont limitées à la location et<br />

s’accompagnent systématiquement d’un contrat rédigé en français ou en arabe et signé<br />

en présence de témoins (généralement des notables locaux : doyens de familles ou<br />

imams). Elles restent réservées au développement d’activités à fort investissement<br />

financier (en général des plantations de palmiers à huile).<br />

Si elle peut être prêtée ou exceptionnellement louée, la terre en zone rurale ne<br />

peut être vendue. Elle est considérée comme bien collectif inaliénable. Une vente de<br />

terre, lorsqu’elle a lieu sans accord de la collectivité sera, de toutes façons,<br />

automatiquement contestée. La politique de délivrance de titres fonciers et de<br />

privatisation des terres qui connaît un certain développement ne peut que se heurter à<br />

cette réalité.<br />

1.3 UNE GRANDE PAUVRETE, UNE FORTE VULNERABILITE<br />

Les habitants de Guinée Maritime connaissent des conditions de vie difficile. Les<br />

fonctionnements vitaux, au sein où l’entend Sen, ne sont pas assurés correctement, à<br />

savoir être bien nourri, être en bonne santé, être instruit.<br />

Les restrictions alimentaires sont courantes en période de soudure, qui est aussi la<br />

période des travaux agricoles. Les situations extrêmes, où le ménage est plusieurs jours<br />

sans riz, ne sont pas fréquentes, mais la majorité des ménages diminue le nombre de<br />

repas à deux voire un par jour pendant une période qui peut durer plusieurs semaines.<br />

L’approvisionnement des marchés est aléatoire, en raison des difficultés de circulation en<br />

saison des pluies et les prix des produits de base sont très élevés.<br />

215


Observatoire de la Guinée Maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

L’accès à l’eau potable et aux services de santé est très inégal selon les sites,<br />

ceux de Dobali, Brika et Bigori étant particulièrement défavorisé par rapport aux autres.<br />

Les conditions sanitaires et l’accès à la santé sont donc loin d’être assuré correctement et<br />

une des conséquences est le taux élevé de décès des enfants en bas-âge. L’autre<br />

conséquence est que la maladie prolongée ou l’accident peut avoir, dans ces situations<br />

de très grande vulnérabilité économique, des conséquences graves, entraînant les<br />

ménages dans une spirale où se conjuguent paupérisation accentuée, impossibilité<br />

d’entretenir le lien social avec le groupe et, <strong>final</strong>ement, un risque de marginalisation qui<br />

va accroître, encore, la vulnérabilité.<br />

Les indicateurs de bien-être non monétaires et de revenus reflètent de fortes<br />

inégalités entre les sites et entre les ménages. Les ménages des sites littoraux<br />

bénéficient de plus de potentialités pour dégager des revenus monétaires que ceux des<br />

sites continentaux. Certains ménages de Boffa insulaire, tout en ayant des conditions de<br />

vie très difficile, dégagent de la pêche des revenus très importants. Il en est de même<br />

pour les ménages de Kanof-Kankouf-Tesken.<br />

Le revenu médian sur l’ensemble des sites est de 400.000 FG (environ 100 euros)<br />

par unité de consommation mais dépasse les 600 000 FG (150 euros) par unité de<br />

consommation et par an sur deux sites, Kanof-Kankouf-Tesken et Boffa insulaire. La part<br />

des ménages sous la ligne de pauvreté relative, fixée à 201 000 GNF (environ 50 euros)<br />

par unité de consommation varie de 17 % (Dobali) à 54 % (Boffa continental). Il est<br />

inutile de souligner la faiblesse de ces revenus monétaires, même les plus élevés.<br />

Le classement donné par les ménages sur les principales manifestations de leur<br />

pauvreté met l’accent sur des signes facilement visibles, à travers l’habitat en tout<br />

premier lieu, à travers le manque d’argent ensuite, qui peut aussi se manifester par le<br />

fait de ne pas arriver à se nourrir ou se soigner correctement, illustrant la pauvreté des<br />

conditions de vie. Cette faiblesse des revenus a des conséquences sociales, illustrées par<br />

la difficulté à participer aux cérémonies faute de vêtements décents.<br />

Une autre manifestation concerne les capacités : « être pauvre », c’est ne pas<br />

pouvoir choisir ses activités, ne pas pouvoir mener ses projets à bien ou encore ne pas<br />

être mobile, ce qui est aussi une entrave importante dans ce milieu où la pluriactivité<br />

entraîne une forte mobilité saisonnière.<br />

L’analyse des discours permet <strong>final</strong>ement de retrouver très explicitement cinq<br />

dimensions du bien-être telles qu’elles ont été définies à partir des analyses sur la<br />

perception de la pauvreté dans différents pays. Ces cinq dimensions sont le bien-être<br />

matériel, la santé, la sécurité, la liberté de choix et d’action et le bien-être social, ce<br />

dernier facteur revêtant une importance toute particulière dans ces sociétés où l’individu<br />

est fortement inféodé à la collectivité.<br />

Il est bien évident que face aux besoins considérables qu’exprime ce constat, à la<br />

nécessité de réduire leurs situations d’extrême pauvreté et de vulnérabilité, la<br />

monétarisation des activités, inévitable, constitue un facteur de progrès économique et<br />

social et, parallèlement, une menace potentielle sur les ressources les plus valorisées.<br />

1.4 LA MONETARISATION DE L’ECONOMIE RURALE<br />

La monétarisation croissante de l’économie rurale et la marchandisation des<br />

ressources naturelles est un élément central des dynamiques économiques et sociales à<br />

l’œuvre en Guinée Maritime. Influençant les modes de mise en valeur, elle a aussi une<br />

importance capitale en termes écologiques.<br />

216


Observatoire de la Guinée Maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Dans la zone littorale de Guinée, la proximité, voire la simultanéité des influences<br />

continentales et océaniques produit et entretient une mosaïque de facettes agroécologiques<br />

extrêmement diversifiées et aux fonctionnements interdépendants. Ce<br />

système écologique est exploité à travers des modes de gestion dont le point commun<br />

est la recherche de complémentarités entre plusieurs activités.<br />

Le temps de travail disponible à l’intérieur des unités de production est<br />

réparti au long de l’année sur les différentes activités en fonction des ordres de<br />

priorité et des opportunités du moment. Bien qu’il existe, pour les activités<br />

agricoles, la pêche et la saliculture des périodes d’activité liées aux contraintes<br />

du milieu biophysique, cette affectation de la force de travail peut fort bien<br />

varier, une même année, d’une unité de production à une autre, et pour une<br />

même unité, d’une année sur l’autre.<br />

Dans ce cadre, une production possible ne revêtira un intérêt financier que si le<br />

marché permet une rétribution de l’unité de temps de travail au moins équivalente à celle<br />

des autres productions. Or, actuellement, du fait de l’importance du temps de travail<br />

nécessaire pour assurer des rendements optimums, la rémunération de l’unité de temps<br />

de travail investie dans la riziculture est inférieure à celle offerte par pratiquement toutes<br />

les autres activités. Il est plus rentable de reporter ce travail sur des activités dégageant,<br />

en termes monétaires, une meilleure valeur ajoutée.<br />

Aussi, dans les cas que nous avons étudiés, la force de travail investie<br />

dans la riziculture tend à se limiter, le plus souvent, à la production de la<br />

quantité nécessaire à l’autosuffisance alimentaire et/ou à la sécurisation<br />

foncière. Ces arbitrages sont économiquement cohérents dans la mesure où si<br />

le riz y nourrit toujours, il ne constitue pas actuellement une source importante<br />

de revenus monétaires. Ces revenus proviennent d’activités non-agricoles et, en<br />

premier lieu de la pêche.<br />

D’autant que lorsque l’autosuffisance en riz ne peut pas être assurée ou<br />

compensée au niveau de l’unité de production par suite d’un aléa quelconque, les<br />

revenus tirés des autres activités, les solidarités au sein du groupe, sous forme<br />

d’argent, de nourriture ou de services, vont, d’une manière ou d’une autre, y suppléer.<br />

Mais il serait faux de croire qu’il s’agit là de l’expression d’une solidarité fondée sur<br />

l’altruisme ou la générosité. II s’agit avant tout d’entretenir un réseau d’échange<br />

indispensable pour faire face aux aléas de la vie dans un univers où l’incertitude est le<br />

lot quotidien.<br />

A proximité immédiate des villes qui offrent simultanément demande et<br />

facilité d’enlèvement, abondance et diversité des possibilités de consommation, les<br />

activités à but monétaire ont pris une importance quasi-exclusive. Les ceintures<br />

maraîchères, l’arboriculture ou le petit élevage ne sont cependant pas le signe d’une<br />

mono-activité. A l’échelle de l’unité familiale, d’autres activités comme le salariat urbain,<br />

sont pratiquées qui permettent souvent de financer l’investissement initial et de<br />

compléter les revenus. A cela s’ajoute une rapide monétarisation du foncier.<br />

Les zones intermédiaires sont marquées par la coexistence des activités à<br />

<strong>final</strong>ité monétaire et des activités principalement destinées à l’autoconsommation au sein<br />

d’un système de gestion où l’argent joue un rôle de lien entre elles. Dans ce cas, au sein<br />

des villages les activités monétarisées sont apparues au cas par cas à la suite d’une<br />

conjonction de facteurs aboutissant, localement, à une déprise agricole. Dans le même<br />

temps, le changement social faisait apparaître de nouveaux besoins et le<br />

désenclavement de nouvelles opportunités. C’est le cas de Boffa dont le complet<br />

désenclavement depuis la construction du pont va accélérer l’évolution. C’est, aussi, à un<br />

bien moindre degré, le cas de Mankountan où ce processus commence à peine.<br />

217


Observatoire de la Guinée Maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Dans ces zones intermédiaires, les raisons du maintien d’une riziculture sont<br />

multiples. Au premier rang vient probablement la maîtrise du risque : il est considéré<br />

comme une assurance face aux aléas des activités monétarisées. Par ailleurs, la rizière<br />

conserve une valeur symbolique très forte et fait donc parti des critères de l’honorabilité.<br />

Le maintien d’un vaste domaine foncier, la présence de nombreux dépendants,<br />

garantissent notoriété, pouvoir et le cas échéant, aide.<br />

Dans les zones les plus enclavées, la monétarisation de l’économie rurale est<br />

plus rare et, lorsqu’elle est effective, elle s’effectue brutalement. En effet, la difficulté<br />

d’accéder aux marchés urbains diminue la rentabilité des activités monétaires à un point<br />

tel qu’elles ne permettent pas d’assurer une fonction de sécurisation. Celle-ci est alors<br />

assurée à travers l’agriculture en utilisant au maximum les complémentarités offertes par<br />

les différentes facettes écologiques. Mais ce comportement d’aversion au risque nécessite<br />

un investissement en travail considérable, qui ne laisse que peu de place aux autres<br />

activités. Cela rend, dans le contexte actuel, ces systèmes très fragiles. C’est le cas de<br />

Kanfarandé et, plus particulièrement des Tristao.<br />

Fondamentalement, les techniques de production et les stratégies des<br />

paysans visent donc, avant tout, à gérer et à minimiser le risque, qu’il soit<br />

écologique ou économique et à optimiser la productivité du travail investi dans<br />

l’activité. En dépit de l’omniprésence des rizières dans le paysage, les paysans<br />

gèrent, empiriquement et avec la souplesse qu’impose la fragilité<br />

alimentaire/économique face à l’aléa et à l’insécurité du lendemain, de la multiactivié<br />

que l’on peut qualifier d’opportuniste.<br />

Bien entendu, la panoplie de possibilités offerte à chaque ménage varie en<br />

fonction de facteurs qui tiennent au potentiel du milieu de vie, mais aussi à des facteurs<br />

sociaux (Position personnelle du chef de ménage, lignage d’appartenance, compétence<br />

particulière, importance du réseau entretenu…) et démographiques (Force de travail<br />

mobilisable, celle-ci pouvant être démultipliée par la position sociale). Il existe donc des<br />

types de multi-activité. Mais au-delà de cette typologie, on peut dégager quelques<br />

principes généraux de fonctionnement :<br />

Au niveau de l’exploitation, si la riziculture reste encore pratiquée presque<br />

partout la gestion de l’espace productif est liée à un faisceau de contraintes qui prend en<br />

compte la situation foncière, financière, de travail disponible, de niveau technique de<br />

l’exploitation. Ce dernier est dépendant des facteurs culturels, mais aussi de la<br />

disponibilité en travail ou en numéraire, c’est à dire aux possibilités de diversification et<br />

de monétarisation des activités, en grande partie liées au désenclavement et à la position<br />

au sein du maillage spatial par les réseaux.<br />

Toutes les parcelles d’une exploitation agricole ne sont pas traitées de la même<br />

manière. Au sein de l’espace productif, le maximum de travail (et donc de soin dans les<br />

façons culturales) va être investi sur les parcelles rizicoles dont on sait, par expérience,<br />

qu’elles offrent le plus de garanties et permettent, en principe, de sécuriser<br />

l’autoconsommation. Ensuite, on va, graduellement, en fonction du temps de travail<br />

encore disponible, éventuellement mettre en culture des parcelles jugées de plus en plus<br />

« à risque », mais en y investissant moins de travail et donc avec des façons culturales<br />

moins soignées, et/ou en y cultivant des productions jugées moins essentielles et/ou ne<br />

nécessitant pas d’entretien, comme le fonio.<br />

On peut donc distinguer, schématiquement, au sein des exploitations, des<br />

parcelles où les risques sont minimums, systématiquement et soigneusement mises en<br />

culture, directement ou grâce au travail salarié, et des parcelles de risque croissant ou de<br />

rentabilité décroissante, où la mise en culture n’est réalisée que s’il reste du travail ou de<br />

l’argent disponible.<br />

218


Observatoire de la Guinée Maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Le corollaire de la flexibilité dans l’affectation du travail disponible est la souplesse<br />

de l’occupation spatiale. De ce point de vue on peut véritablement parler de « terroirs<br />

caoutchouc ». Cet ensemble de pratiques est particulièrement net en mangrove où le<br />

risque climatique et hydro-sédimentaire est constant. Il est très bien adapté au caractère<br />

de mosaïque mouvante des micro-milieux de la mangrove guinéenne. Le mode<br />

d’organisation et de mise en valeur du terroir privilégie la sécurisation face à la<br />

performance économique.<br />

Cette stratégie d’aversion au risque, tout comme l’importance donnée au<br />

lien social et à son entretien, est la meilleure réponse - et, en tout cas, la seule -<br />

qu’il leur soit possible d’apporter aux faiblesses du contexte technique,<br />

économique dans lesquels ils vivent ainsi qu’aux lacunes des systèmes sociaux<br />

publics de prévention et d’assurance.<br />

1.5 UNE SITUATION ECOLOGIQUE ENCORE FAVORABLE<br />

Il convient d’abord de préciser qu’il y a très longtemps qu’en Guinée maritime il<br />

n’existe plus de biodiversité « naturelle ». Mêmes les espaces forestiers les plus anciens<br />

qui ont été identifiés ont été, un jour, soumis au brûlis et manipulés par les populations<br />

pour leurs besoins. Aujourd’hui, il convient de considérer que la biodiversité est<br />

essentiellement anthropogénique, c'est-à-dire qu’elle est liée aux actions que les<br />

hommes ont, au fil du temps, entreprises pour satisfaire leurs divers besoins. Cela<br />

signifie que le fonctionnement des systèmes écologiques actuels inclut les pratiques, pour<br />

l’essentiel l’agriculture sur brûlis, comme un élément, fondamental, de leur dynamique.<br />

La question est donc de savoir si, dans le contexte démographique, technique,<br />

économique et social actuel, ces pratiques assurent ou non le renouvellement des<br />

ressources et de la biodiversité. En d’autres termes, si elles sont durables ou pas.<br />

Nos travaux conduisent à la conclusion que les pratiques agricoles actuelles : une<br />

à deux années de culture sur la même parcelle, temps de repos de 5 à 12 ans, suffisant<br />

au renouvellement de la biomasse, ne présentent de risque ni pour les sols, ni pour la<br />

biodiversité.<br />

Pour le moment, l’agriculture se déroule dans un cadre social qui permet, sauf cas<br />

exceptionnel, un accès à la terre pour l’ensemble des cultivateurs et accroît les<br />

possibilités de disponibilités foncières pour chaque exploitant. Cela empêche toute forte<br />

pression sur les terrains agricoles. On n’observe pas de réduction drastique des temps de<br />

jachère ou plus de trois années de culture sur une même parcelle.<br />

La mosaïque des formations créée et entretenue par le brûlis joue un rôle<br />

fondamental pour la résilience des écosystèmes. Chaque enclave, chaque bosquet, peut<br />

être interprété comme un réservoir de biodiversité (production assurée de leurs propres<br />

semences et refuge des animaux frugivores qui dispersent les graines d’autres espèces).<br />

Ils sont la garantie de la conservation des espèces.<br />

Il résulte que les pratiques, et particulièrement l’agriculture sur brûlis, participent<br />

à maintenir la mosaïque des milieux, facteur essentiel de biodiversité. Les écosystèmes<br />

actuels sont globalement en équilibre avec les modes de gestion.<br />

Au sein de cette mosaïque, les îlots boisés, les forêts-galeries, les palmeraies,<br />

forment un habitat forestier morcelé exploité par la faune sauvage. Très mobiles, les<br />

nombreuses espèces de singes optimisent toutes les facettes de la mosaïque.<br />

L’abondance des espèces végétales à fruits charnus comestibles font des primates, avec<br />

les oiseaux, de véritables agents de dissémination et d’enrichissement de la diversité<br />

219


Observatoire de la Guinée Maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

floristique. La conservation de ces îlots forestiers est donc déterminante. Ils sont, de fait,<br />

protégés par les communautés rurales pour des motifs religieux ou coutumiers.<br />

La présence du chimpanzé représente une autre assurance contre la perte de<br />

biodiversité. Sa vie en groupes assez nombreux, en commensalité avec les populations<br />

locales, dans de grands domaines régulièrement parcourus, participe au maintien du<br />

grand nombre d’espèces végétales inventoriées dans la région.<br />

Alors que dans la plus grande partie de son aire de répartition, le chimpanzé<br />

apparaît comme une espèce gravement menacée, en Guinée maritime, le statut<br />

d’humain que lui confèrent les populations locales en fait une espèce en équilibre stable<br />

avec son environnement.<br />

Pour autant, ces règles, ces pratiques qui, de fait, protègent des lieux et des<br />

espèces ne sont ni perçus, ni vécus comme une éthique de la conservation. Les liens<br />

entre les coutumes, les tabous et la gestion du milieu, la justification des pratiques,<br />

échappent bien souvent aux populations. Codés depuis longtemps, transcrits<br />

symboliquement en un corpus mystico-religieux en principe garant de leur respect, il vise<br />

avant tout à sécuriser la reproduction de l’individu et du groupe. La protection n’est pas<br />

une fin en soi, mais un moyen. Et dans le cas des chimpanzés, il semble très probable<br />

que leur protection à l’aide d’un interdit fondé sur l’anthropomorphisme résulte, en<br />

réalité, du constat fait depuis des générations de leur rôle dans l’entretient d’une<br />

biodiversité et d’une abondance essentiellement utile à l’homme.<br />

A l’échelle du terroir, il s’agit, à travers une série de règles collectives qui ont fait<br />

leurs preuves dans toutes sortes de situations écologiques, climatiques, économiques,<br />

sociales, de gérer le patrimoine foncier et les ressources. Ce contrôle social repose sur un<br />

ensemble de règles et de pratiques mettant en forme un certain nombre de savoirs et de<br />

valeurs sociales ou religieuses et implique un pouvoir capable de faire respecter les<br />

décisions et de sanctionner.<br />

Cependant, cette situation écologique globalement favorable, n’est pas exempte<br />

de dangers potentiels.<br />

Les densités apparentes de population sont encore faibles. Mais dans la bande<br />

côtière et dans les îles, les densités rapportées à la surface utile le sont nettement moins<br />

et montrent une importante concentration : elles peuvent dépasser 100 hab/km². La<br />

croissance démographique est rapide et la pression sur les ressources halieutiques,<br />

source essentielle de revenus, sur celles de la mangrove et sur le foncier cultivable,<br />

aujourd’hui encore saturé qu’exceptionnellement, ne peuvent qu’augmenter.<br />

La monétarisation rapide des ressources tirée par les marchés urbains a les<br />

conséquences les plus importantes. Toutes les activités (Sel, fumage du poisson, huile de<br />

palme, charbonnage) consomment d’importantes quantités de bois qui s’ajoutent aux<br />

besoins de bois de feu et de bois d’œuvre. Ces besoins sont satisfaits par le bois de<br />

palétuviers et, de plus en plus, par les ligneux de savane. Dans les deux cas, les<br />

prélèvements sont, pour le moment ponctuellement, nettement supérieurs aux capacités<br />

de renouvellement de la ressource. Les différentes activités commerciales destinées à<br />

ravitailler les villes constituent, aujourd’hui, la menace la plus importante.<br />

Par ailleurs, seules les sociétés pratiquant le brûlis en zone continentale<br />

possèdent des instances de gestion et de décision collectives disposant d’un pouvoir réel<br />

au niveau de l’ensemble d’un terroir villageois. Cela explique qu’il leur soit relativement<br />

facile de « fermer » une zone lorsque, par exemple, les ressources leur semblent<br />

menacées. Il s’agit d’une situation classique d’accès surveillé.<br />

220


Observatoire de la Guinée Maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

En mangrove, chaque famille, reconnue propriétaire de la terre par l’endiguement,<br />

est maître chez elle. Sur le foncier non encore approprié ou conservé indivis, comme<br />

certains peuplements de palétuviers, il existe une imprécision quant à la définition des<br />

droits de chacun.<br />

Les conséquences pratiques de ces différences sont importantes. Ces sociétés sont<br />

relativement plus perméables que des groupes à structure centralisée aux pénétrations<br />

territoriales allochtones, en particulier sur les portions de terroir collectivement<br />

appropriées sur lesquelles peut régner un certain flou juridique. L’absence de véritable<br />

contrôle social collectif et d’instance d’arbitrage et de sanction sur l’ensemble du terroir<br />

peuvent le rendre sensible à des pratiques non régulées, prédatrices, que ce soit par des<br />

autochtones ou des étrangers. Dans le contexte actuel de monétarisation et de<br />

polarisation des activités vers la côte, cela peut aboutir à une situation d’accès libre aux<br />

ressources de la mangrove.<br />

Il convient donc, dans la conception des actions, de ne pas séparer la question de<br />

la durabilité écologique de son contexte économique et social, c'est-à-dire de la durabilité<br />

du développement.<br />

2. LES ENJEUX MAJEURS DU DEVELOPPEMENT DURABLE DE LA GUINEE<br />

MARITIME, PRINCIPES POUR L’ACTION<br />

Sur la base de notre échantillon d’études détaillées, on peut tenter de dégager<br />

quelques orientations pour avancer dans la voie d’un développement plus durable.<br />

Nous avons vu que lorsqu’un certain nombre de conditions préalables sont<br />

réunies, ces dynamiques endogènes s’avèrent efficaces pour générer un processus de<br />

développement. Aussi, face aux tendances lourdes qui affectent à des degrés divers<br />

l’espace et les sociétés du littoral guinéen, l’un des principes de base de l’intervention<br />

pourrait consister à s’insérer dans ces dynamiques pour les accompagner, en améliorer<br />

l’efficacité, en palier les faiblesses, en limiter les effets potentiellement dangereux.<br />

Répétons-le, dans ces domaines, l’enjeu du développement économique et social est<br />

étroitement lié à l’enjeu écologique.<br />

2.1 L’ENJEU ECONOMIQUE ET SOCIAL<br />

Au centre du système d’activité se trouvent l’agriculteur et sa famille. Elle se<br />

caractérise par le nombre de consommateurs qu’elle regroupe, la force de travail qu’elle<br />

peut utiliser, les compétences qu’elle peut mettre en œuvre dans les diverses activités.<br />

En Guinée maritime, on a vu qu’ils sont organisés autour de trois pôles : l’agriculture,<br />

qu’il s’agisse de la riziculture inondée ou des cultures sèches, la pêche commerciale ou<br />

d’auto consommation et les activités complémentaires très variées mais qui ressortent<br />

d’un complexe familial d’activité. Ces activités sont partagées de façons variées entre<br />

une sphère commerciale et une sphère d’autoconsommation.<br />

Une amélioration de ces systèmes multi-actifs repose sur deux grands éléments,<br />

tous deux destinés à lui donner plus de souplesse et de capacités d’adaptation :<br />

la sécurisation de la production rizicole qui assure la base alimentaire du<br />

ménage et permet, le cas échéant, de dégager un surplus commercialisable,<br />

une diversification des systèmes d’activités, qui par leur variété, diminue la<br />

vulnérabilité des ménages.<br />

La rémunération de l’unité de temps travail investi dans la riziculture n’étant pas<br />

concurrentielle par rapport à celle offerte par la plupart des autres activités, cela conduit,<br />

lorsque sont réunies les conditions d’ouverture au marché, à une intensification globale<br />

221


Observatoire de la Guinée Maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

des systèmes ruraux qui, en retour, est susceptible de profiter à la riziculture. Ce<br />

processus est rendu possible grâce à la circulation des capitaux et de la main-d’œuvre<br />

entre activités au sein des unités de production. Dans de bonnes conditions d’accès au<br />

marché, ce sont les activités à forte valeur ajoutée, comme la pêche ou la saliculture,<br />

qui, de plus en plus souvent, la financent. Toute opération sectorielle qui se focaliserait<br />

sur l’intensification de la seule riziculture se heurterait inévitablement à cette réalité.<br />

Par contre, la sécurisation de la production rizicole, facteur important de gain de<br />

temps et de réduction de l’incertitude économique, est un élément clé de l’intensification<br />

du système rural. Dans ce domaine, les aménagements lourds, comportant des ouvrages<br />

importants, fixes, coûteux, et donc conçus pour être rentabilisés sur une longue période,<br />

exigeant une organisation rigide du temps de travail, impossibles à modifier rapidement<br />

et à moindre coût avec des moyens techniques réduits ont fait la preuve de leur<br />

inadaptation, aussi bien pour les plaines de front de mer que pour celles d’estuaire.<br />

La sécurisation pourrait être obtenue à l’aide d’aménagements suivant d’aussi<br />

près que possible, en les améliorant, les techniques utilisées par les paysans. Non<br />

seulement pour permettre leur indispensable appropriation, mais aussi parce que ces<br />

techniques sont, en l’état, les plus efficaces dans le contexte écologique, foncier, social et<br />

économique local. Ils doivent être de petite taille pour permettre une gestion<br />

décentralisée, souples et peu coûteux pour répondre à la mobilité du milieu hydrosédimentaire,<br />

peu gourmands en temps et/ou argent pour leur entretien.<br />

La sécurisation de la production doit avant tout être comprise comme devant<br />

permettre de dégager du travail et non comme impliquant automatiquement un<br />

processus continu d’intensification. Ces aménagements doivent permettre de désinvestir<br />

en travail pour une production au moins équivalente et sécurisée, c’est à dire de dégager<br />

du temps pour les activités à plus forte valeur ajoutée, c'est-à-dire de renforcer la multiactivité.<br />

Le soutien à l’intensification des systèmes d’activités comporte aussi<br />

l’accompagnement, dans les diverses activités de type commercial, de la recherche<br />

d’innovations permettant d’améliorer la rentabilité de l’unité de temps de travail tout en<br />

diminuant les prélèvements sur le milieu naturel. Comme nous l’avons indiqué dans la<br />

partie consacrée aux interventions, un effort significatif doit porter sur l’introduction et<br />

une plus grande diffusion de techniques améliorées pour les activités les plus<br />

gourmandes en temps qui sont aussi les plus consommatrices de bois de feu : saliculture<br />

sur bâches, séchoirs solaires, fumoirs (Poissons) et fourneaux améliorés (Huile de palme<br />

et besoins domestiques).<br />

L’appui à la structuration et au développement des circuits de transferts financiers<br />

qui animent la multi-activité est un autre axe à privilégier. Dans ce domaine, le microcrédit<br />

peut jouer un rôle important en complétant les systèmes traditionnels de type<br />

tontines et en évitant les prêts par les usuriers, facteur de forte dépendance et de<br />

réduction des possibilités d’arbitrage offertes aux paysans.<br />

Cette amélioration passe aussi par des mesures accompagnant la transition vers<br />

une économie rurale plus ouverte aux échanges : désenclavement, appui à la<br />

diversification des activités, soutien à l’organisation des producteurs de manière à leur<br />

permettre de mieux maîtriser la commercialisation. Elle passe aussi, et peut-être<br />

d’abord, par l’accès aux infrastructures de base : eau potable, services de santé et<br />

d’éducation, parfois dramatiquement rares, et destinées à augmenter leurs « capacités à<br />

faire ». C’est pourquoi les opérations d’amélioration de la gestion des ressources ne<br />

doivent pas être séparées de celles relevant de la catégorie du « développement local »,<br />

mais venir les compléter.<br />

222


Observatoire de la Guinée Maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Le soutien, ciblé en fonction des contextes locaux, à l’intensification globale du<br />

système, passant par le désenclavement, l’accompagnement de la dynamique actuelle de<br />

recherche d’innovations permettant de dégager du travail en améliorant sa productivité,<br />

l’appui à la structuration du circuit de transferts circulaires qui animent la multi-activité,<br />

semblent être les composants principaux d’une politique adaptée visant à un véritable<br />

développement durable.<br />

2.2 L’ENJEU ECOLOGIQUE<br />

Face à la puissance des évolutions que nous venons de décrire, le véritable risque<br />

pour les ressources naturelles de Guinée Maritime est que la complémentarité des<br />

activités sur un même espace, créatrice de richesse, se transforme rapidement en<br />

demandes concurrentes génératrices de tensions sur leur renouvellement. Avec le<br />

développement de la demande, essentiellement urbaine, le rôle croissant des filières<br />

commerciales et l’amplification de la polarisation de l’espace, ce qui tend à être pris en<br />

compte, c’est plus le temps court permettant le fonctionnement économique de la filière,<br />

que le temps long de la reproduction de la ressource écosystémique. A l’inverse des<br />

gestions traditionnelles, les filières, en rapide développement, visent, à tous les niveaux,<br />

le profit immédiat, sans se préoccuper de la durabilité de l’exploitation.<br />

Dès lors, l’objectif institutionnel déterminant est de pallier l’affaiblissement des<br />

règles traditionnelles d’accès à la ressource bois des zones de mangrove et des zones de<br />

savanes. Tirées par la croissance de la monétarisation et des activités, les possibilités de<br />

gains en numéraire se multiplient. Cela peut conduire à la délégitimation des règles<br />

communes qui réglementent actuellement leur appropriation et leur gestion. C’est à dire<br />

au passage d’une situation d’accès surveillé visant prioritairement à la reproduction<br />

sociale et écosystémique, à une forme d’accès libre qui autorise des comportements de<br />

prédation. Un soutient institutionnel permettant aux pouvoirs locaux d’affirmer leur<br />

contrôle territorial sur ces zones que le flou juridique rend sensibles à cette évolution est<br />

sans aucun doute la solution la plus efficace.<br />

Les actions d’appui institutionnel pourraient, dans leurs principes généraux,<br />

s’inspirer des expériences de type Gestion Locale Sécurisée ou Médiation<br />

Environnementale. Le but est de créer, à travers la reconnaissance par les divers<br />

utilisateurs de l’intérêt commun à préserver la durabilité de la ressource, un consensus<br />

autour de règles collectives de gestion. Ces règles sont ensuite formalisées et officialisées<br />

tant auprès de la communauté que des pouvoirs publics. Un organisme local, dont il est<br />

nécessaire qu’il soit l’émanation des pouvoirs existants, est chargé de les faire respecter,<br />

de sanctionner les contrevenants et d’arbitrer les conflits. Seuls sont déférés à l’autorité<br />

publique les cas les plus graves ou ceux ne pouvant pas être réglés localement. Ce type<br />

de démarche aboutit à actualiser et à renforcer le contrôle social de l’espace et des<br />

ressources tout en lui donnant une nouvelle légitimité et des pouvoirs réels. En particulier<br />

celui de faire respecter les plans de zonages négociés qui constituent, dans les secteurs<br />

sensibles, une action à mettre rapidement en œuvre.<br />

Ce dernier point est particulièrement important. Car si la situation de<br />

pression accrue sur les écosystèmes est, en tant que telle, classique dans une économie<br />

en développement, elle doit cependant porter, en Guinée Maritime, à une particulière<br />

prudence. Le fonctionnement actuel des unités écologiques, le renouvellement de leurs<br />

ressources, sont étroitement liés à leurs interrelations permanentes, tant biophysiques<br />

qu’anthropiques. Leur grande diversité biologique et leurs productivités remarquables<br />

résultent des multiples jeux d’interfaces entre les différentes facettes écologiques qui la<br />

composent. Au sein de ce système agro-écologique complexe, en constant réajustement<br />

dynamique, les marais maritimes à mangrove constituent une unité particulièrement<br />

fragile, entièrement dépendante des deux autres et en grande partie à l’origine de la<br />

richesse des eaux côtières.<br />

223


Observatoire de la Guinée Maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

Appuyer et structurer les dynamiques locales en s’y insérant, tout en créant les<br />

conditions techniques et institutionnelles de l’appropriation effective du contrôle de la<br />

gestion des ressources par les populations locales est peut être l’une des voies à explorer<br />

pour avancer sur la voie d’un développement véritablement durable.<br />

Les projets de développement, particulièrement ceux associés à des<br />

préoccupations environnementales, ont géré le législatif, le technique, l’économique et le<br />

biologique, sans percevoir que le problème prioritaire à résoudre est celui de la perte de<br />

pouvoir des collectivités que peut générer un projet sur les «voies et moyens » de leur<br />

développement ainsi que sur tout ou partie de leur territoire. L’adhésion réelle d’une<br />

communauté à un projet suppose que son pouvoir et ses structures soient reconnus et<br />

acceptés autrement que formellement à travers une simple consultation.<br />

Une co-évolution harmonieuse du couple environnement / développement<br />

nécessite aujourd’hui de tenter une autre approche : l’offre d’une aide à la gestion par<br />

des hommes reconnus différents de nous mais responsables et compétents, dans le<br />

respect de leurs choix, de leurs désirs et de leurs valeurs.<br />

224


Observatoire de la Guinée Maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

TABLE DES MATIERES<br />

AVANT-PROPOS ................................................................................................... 2<br />

PRESENTATION GENERALE DU PROJET ........................................................................ 5<br />

METHODE DE TRAVAIL............................................................................................ 6<br />

INTRODUCTION, LA GUINEE MARITIME........................................................... 10<br />

1 ENTRE MONTAGNE ET OCEAN, LA DIVERSITE ...................................................... 11<br />

2 LA REGION ET SES TERRITOIRES ..................................................................... 12<br />

2.1 La mise en valeur de la mangrove ........................................................... 13<br />

2.2 La mise en valeur du piémont ................................................................. 14<br />

2.3 La mise en valeur du plateau .................................................................. 16<br />

2.4 Les villes et leurs rôles........................................................................... 16<br />

2.5 Du rural à l’urbain, le rurbain et les bassins de peuplement ......................... 17<br />

2.6 Les zones interstitielles et marginales ...................................................... 18<br />

GESTION DE LA BIODIVERSITE ........................................................................ 20<br />

1 LES FORMATIONS VEGETALES ......................................................................... 23<br />

1.1 Formations végétales des « coteaux » sur sols ferrallitiques ........................ 24<br />

1.2 Les formations des sols sableux (sols détritiques) ...................................... 28<br />

1.3 Les formations riveraines des cours d’eau................................................. 28<br />

1.4 Les palmeraies, les plantations et les forêts villageoises.............................. 29<br />

1.5 Les formations de mangroves ................................................................. 32<br />

1.6 Mosaïque des paysages, diversité faunistique ............................................ 34<br />

1.7 Particularité et richesse des espaces littoraux............................................ 36<br />

1.8 Remarques sur les relations hommes – animaux........................................ 36<br />

2 CARTOGRAPHIE DES FORMATIONS ET DIAGNOSTIC PAR CRD ................................. 38<br />

2.1 Remarques sur l’analyse des images sattelite ............................................ 38<br />

2.2 Les jachères et les champs ..................................................................... 39<br />

2.3 Les formations boisées : savanes boisées denses et anciennes jachères........ 39<br />

2.4 Les formations forestières denses : îlots boisés, palmeraies ........................ 40<br />

2.5 Les plantations et les forêts villageoises ................................................... 40<br />

2.6 Les savanes arborées claires................................................................... 40<br />

2.7 Les formations herbacées : savanes herbeuses et bas-fonds ....................... 41<br />

2.8 Les forêts galeries ................................................................................. 41<br />

2.9 Les formations de contact avec le domaine halophile .................................. 41<br />

2.10 Les vasières ...................................................................................... 42<br />

2.11 Les rizières de mangrove .................................................................... 42<br />

2.12 Les prairies inondables ....................................................................... 42<br />

Synthèse-diagnostic par type de formation ........................................................ 44<br />

CONCLUSIONS.................................................................................................... 48<br />

ANNEXE 1 : LISTE BOTANIQUE ET ETHNOBOTANIQUE .................................................. 51<br />

ANNEXE 2 : LISTES FAUNISTIQUES ......................................................................... 76<br />

LE DROIT FONCIER TRADITIONNEL EN GUINEE MARITIME .............................. 89<br />

1 DES SPECIFICITES TERMINOLOGIQUES TERRITORIALES ........................................ 90<br />

1.1 Spécificité des termes utilisés en culture sur brûlis..................................... 90<br />

1.2 Spécificité des termes utilisés en culture de mangrove ............................... 90<br />

2 LES TYPES DE DROITS................................................................................... 90<br />

2.1 Les droits éminents ............................................................................... 91<br />

2.2 Les droits d'usage ................................................................................. 92<br />

ANNEXE 1 : GUIDE METHODOLOGIQUE DE REPERAGE RAPIDE DU FONCIER ........................ 99<br />

LES POUVOIRS LOCAUX ET LEURS ROLES ....................................................... 103<br />

1 LES DIFFERENTS POLES DE POUVOIR EN GUINEE MARITIME ................................ 104<br />

1.1 Pouvoir institutionnalisé ....................................................................... 104<br />

1.2 Pouvoir traditionnel ............................................................................. 107<br />

225


Observatoire de la Guinée Maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

1.3 Des formes récentes de pouvoir liées à la tradition................................... 111<br />

2 LES STRATEGIES DES POUVOIRS.................................................................... 114<br />

2.1 Les différents stades d’évolution des villages........................................... 114<br />

2.2 Illustration de la typologie .................................................................... 117<br />

2.3 Précisions sur la typologie .................................................................... 129<br />

3 LES ROLES DES POUVOIRS ........................................................................... 131<br />

3.1 Pouvoir et activités.............................................................................. 131<br />

3.2 Les pouvoirs et le foncier...................................................................... 133<br />

3.3 Pouvoir et développement .................................................................... 139<br />

CONCLUSION ................................................................................................... 142<br />

SYSTEMES DE PRODUCTION AGRICOLE ET MULTI-ACTIVITE .......................... 143<br />

1. METHODOLOGIE........................................................................................ 145<br />

2. CARACTERES DEMOGRAPHIQUES DES MENAGES................................................. 145<br />

3. LES ACTIVITES AGRICOLES .......................................................................... 147<br />

3.1 Systèmes de zone exondée et riziculture inondée .................................... 147<br />

3.2 Une minorité de grandes exploitations agricoles....................................... 148<br />

4. LA PECHE ................................................................................................ 149<br />

4.1 L’extension du domaine de la grande pêche artisanale.............................. 149<br />

4.2 Le regain d’intérêt pour la pêche, comme activité complémentaire ............. 150<br />

5. LES AUTRES ACTIVITES ............................................................................... 152<br />

5.1 L’importance des activités complémentaires............................................ 152<br />

5.2 Des associations d’activité au sein des ménages ...................................... 152<br />

5.3 Les quatre acitivités complémentaires les plus rencontrées ....................... 153<br />

6. TYPES DE MULTI ACTIVITE........................................................................... 160<br />

6.1 Le cercle de la grande pêche................................................................. 160<br />

6.2 L’équilibre des activités ........................................................................ 160<br />

6.3 Crise et dépendance ............................................................................ 161<br />

6.4 La marque de l’enclavement ................................................................. 161<br />

6.5 L’arachide et le travail des femmes ........................................................ 162<br />

CONCLUSION ................................................................................................... 163<br />

LA PAUVRETE ET LES INEGALITES .................................................................. 165<br />

1. APPROCHE CONCEPTUELLE ET METHODOLOGIQUE DU SYSTEME D’INFORMATION DU VOLET<br />

PAUVRETE ....................................................................................................... 166<br />

1.1 Cadre conceptuel de l’approche par les capabilités: une approche opérationnelle<br />

166<br />

1.2 Le dispositif du volet pauvrete : un outil complet et dynamique ................. 167<br />

2. LES CONCEPTIONS LOCALES DE LA PAUVRETE : UN OUTIL INDISPENSABLE............... 169<br />

2.1 Utilité de la méthode et dispositif mis en œuvre....................................... 169<br />

2.2 Une conception élargie du bien-être....................................................... 169<br />

2.3 La pauvreté comme un ensemble de privations ....................................... 170<br />

2.4 La perception des ménages sur leur niveau de vie et leur bien-être : un outil<br />

d’appréciation du developpement ................................................................... 171<br />

2.5 Qui parle ? ......................................................................................... 171<br />

3. LES CONDITIONS DE VIE DES MENAGES : D’IMPORTANTES INEGALITES .................. 173<br />

3.1 Une population caractérisée par sa jeunesse et son hétérogénéité.............. 173<br />

3.2 Des niveaux de formation bas mais une scolarisation qui s'améliore ........... 174<br />

3.3 Pratiques et acces aux soins: entre le « traditionnel » et le moderne .......... 176<br />

3.4 Mobilité et accès aux services : une dure nécessité face à l'enclavement ..... 177<br />

3.5 Des ménages faiblement équipes .......................................................... 178<br />

3.6 Des perturbations de l'alimentation en période de soudure........................ 180<br />

3.7 Cérémonies et vie sociale : entrevoir la complexité .................................. 182<br />

4. L’IMPORTANCE DES SYSTEMES D’ACTIVITES DANS LE BIEN-ETRE DES MENAGES ........ 184<br />

4.1 Un système basé sur la combinaison opportuniste de nombreuses activités . 184<br />

226


Observatoire de la Guinée Maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

4.2 La main d’œuvre en agriculture: une composante essentielle dans la repartition<br />

de la force de travail ..................................................................................... 186<br />

4.3 Le prix de l’enclavement : variations des prix et des mesures sur les marchés<br />

188<br />

4.4 Les approches monétaires du revenu: une faiblesse générale et des inégalités<br />

qui se dessinnent ......................................................................................... 189<br />

4.5 L’indicateur non-monétaire de bien-être : la faiblesse des fonctionnements<br />

accomplis.................................................................................................... 191<br />

CONCLUSION ................................................................................................... 194<br />

ANNEXE 1 : CARACTERISTIQUES DES DIFFERENTES ENQUETES..................................... 195<br />

ANNEXE 2 : LISTE DES INDICATEURS AUTOCHTONES IDENTIFIES SUR LES SITES<br />

D’INTERVENTION .............................................................................................. 196<br />

ANNEXE 3 : COMPARAISONS ENTRE LE CADRE D’ANALYSE ET LES PERCEPTIONS DE LA PAUVRETE<br />

RESSORTANT DES DISCOURS ................................................................................ 199<br />

ANNEXE 4 : CARACTERISTIQUES DES GROUPES PRODUCTEURS DES DISCOURS................. 201<br />

PROPOSITIONS D’ACTION D’AMELIORATION DE LA GESTION DES RESSOURCES<br />

....................................................................................................................... 202<br />

1. PRINCIPES GENERAUX ................................................................................ 203<br />

2. METHODOLOGIE........................................................................................ 205<br />

3. PROPOSITIONS D’ACTIONS A CARACTERE GENERAL............................................ 207<br />

3.1 L’agroforesterie................................................................................... 208<br />

3.2 Gestion des zones de savanes............................................................... 208<br />

3.3 Gestion des boisements de paletuviers. .................................................. 209<br />

3.4 Dans le cadre de la décentralisation, appui au contrôle territorial local. ....... 209<br />

3.5 Amélioration des rendements des cultures sur brûlis ............................. 210<br />

CONCLUSIONS GENERALES............................................................................. 212<br />

1. LA GUINEE MARITIME : UNE RAPIDE MUTATION ............................................... 213<br />

1.1 Une région fortement polarisée ............................................................. 213<br />

1.2 Des regles foncières complexes en evolution lente ................................... 215<br />

1.3 Une grande pauvrete, une forte vulnérabilité........................................... 215<br />

1.4 La monétarisation de l’économie rurale .................................................. 216<br />

1.5 Une situation ecologique encore favorable .............................................. 219<br />

2. LES ENJEUX MAJEURS DU DEVELOPPEMENT DURABLE DE LA GUINEE MARITIME,<br />

PRINCIPES POUR L’ACTION.................................................................................. 221<br />

2.1 L’enjeu économique et social ................................................................ 221<br />

2.2 L’enjeu écologique............................................................................... 223<br />

TABLE DES ILLUSTRATIONS ................................................................................. 228<br />

227


Observatoire de la Guinée Maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

TABLE DES ILLUSTRATIONS<br />

TABLE DES FIGURES<br />

Figure 1 : Représentation des différentes couches de dépendances entre les lignages et<br />

de droits fonciers....................................................................................... 109<br />

Figure 2 : Répartition de l’habitat par lignage à Kaolon .......................................... 118<br />

Figure 3 : Répartition de l'habitat par lignage à Madiya.......................................... 121<br />

Figure 4 : Représentation des différents quartiers de Madiya et du découpage entre les<br />

lignages et les lignées et leurs étrangers....................................................... 121<br />

Figure 5 : Répartition de l'habitat par lignage à Bigori............................................ 125<br />

Figure 6 : Représentation des plus anciens quartiers de Bigori et des lignages y trouvant<br />

leurs origines ............................................................................................ 126<br />

TABLES DES CARTES<br />

Carte 1 : Les zones d’enquête du programme <strong>OGM</strong> ................................................... 7<br />

Carte 2 : Répartition du territoire de Kaolon......................................................... 119<br />

Carte 3 : Répartition des espaces destinés à la culture de coteau à Madiya ............... 122<br />

Carte 4 : Répartition des espaces rizicoles à Bigori................................................ 127<br />

Carte 5 : Représentation des différents niveaux de sécurité foncière et des différents<br />

types d'appropriation individuelle à Kankouf .................................................. 137<br />

Carte 6 : Les types démographiques des ménages ................................................ 147<br />

Carte 7 : Les systèmes de productions agricoles ................................................... 149<br />

Carte 8 : Les différents types de pêche................................................................ 151<br />

Carte 9 : Les différents types de saliculture.......................................................... 155<br />

Carte 10 : Les systèmes multi-actifs ................................................................... 163<br />

TABLE DES TABLEAUX<br />

Tableau 1 : Les enquêtes du volet pauvreté (Source : <strong>OGM</strong>, 2004)......................... 168<br />

Tableau 2 : Signes et manifestations de la pauvreté (source : <strong>OGM</strong> 2004)............... 170<br />

Tableau 3 : Principales caractéristiques des ménages (Source : <strong>OGM</strong>, 2004)............. 174<br />

Tableau 4 : offre et encadrement scolaire dans la primaire..................................... 175<br />

Tableau 5 : Santé et accès au soins (Source : <strong>OGM</strong>, 2004)..................................... 176<br />

Tableau 6 : Déplacements ................................................................................. 178<br />

Tableau 7 : Cérémonies organisées par le ménage (source : <strong>OGM</strong>, 2004)................. 183<br />

Tableau 8 : Activités des individus de 15 ans et plus ............................................. 186<br />

Tableau 9: Emploi de main d’œuvre extérieure au ménage (source : <strong>OGM</strong>, 2004)...... 188<br />

228


Observatoire de la Guinée Maritime – <strong>Rapport</strong> <strong>final</strong> – novembre 2006<br />

TABLE DES GRAPHIQUES<br />

Graphique 1 : Taux brut de scolarisation dans le primaire par sexe (source : <strong>OGM</strong>, 2004)<br />

............................................................................................................... 175<br />

Graphique 2 : Indicateur synthétique de qualité de l’habitat ................................... 179<br />

Graphique 3 : L’accès à l’eau potable .................................................................. 180<br />

Graphique 4 : Les changements dans l’alimentation .............................................. 182<br />

Graphique 5 : Evolution des prix du riz importé en 2004 (source : <strong>OGM</strong>, 2004) ......... 189<br />

Graphique 6 : La répartition des revenus (source : <strong>OGM</strong>, 2004) .............................. 190<br />

Graphique 7 : les dimensions du bien-être non-monétaire (Source : <strong>OGM</strong>, 2004) ...... 193<br />

Graphique 8 : Indicateur d’inégalité monétaire et non-monétaire (indice de Gini) ...... 193<br />

229

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