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journées d'étude - Palais des Beaux Arts de Lille

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journées d’étu<strong>de</strong><br />

Histoire <strong>de</strong> l’Art | Histoire <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Arts</strong><br />

journées d’étu<strong>de</strong><br />

Histoire <strong>de</strong> l’Art | Histoire <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Arts</strong><br />

4. Transmettre<br />

C’est le fon<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> votre présence à tous<br />

ici. Maintenant les musées possè<strong>de</strong>nt <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

services culturels et pédagogiques composés<br />

d’enseignants détachés, <strong>de</strong> conférencières<br />

patentées, et d’un service <strong>de</strong> communication<br />

pour assurer la publicité, la communication et<br />

le lien avec les publics multiples et variés. Cette<br />

branche <strong>de</strong> service <strong><strong>de</strong>s</strong> musées – qui œuvre à<br />

partir <strong><strong>de</strong>s</strong> actions <strong><strong>de</strong>s</strong> conservateurs – prépare<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> dossiers et documents <strong><strong>de</strong>s</strong>tinés à être<br />

divulgués auprès <strong><strong>de</strong>s</strong> divers publics ciblés.<br />

Pour Echappées Nordiques, il y a eu une très<br />

belle collaboration avec nos enseignants<br />

détachés qui a permis la réalisation d’un livret<br />

pédagogique <strong><strong>de</strong>s</strong>tiné aux enseignants du<br />

primaire et du secondaire comme support <strong>de</strong><br />

visite : il développait les informations relatives<br />

à l’histoire, la littérature et l’art <strong>de</strong> ces pays<br />

nordiques à la fin du XIX e s. J’ai d’ailleurs reçu<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> félicitations pour la qualité <strong>de</strong> ce travail.<br />

III La lecture <strong>de</strong> l’œuvre d’art<br />

Le musée <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong> <strong>de</strong> <strong>Lille</strong> a été l’un <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

premiers musées français, dans les années<br />

1970, à se doter d’un département pédagogique<br />

et culturel mené par un conservateur, avec une<br />

volonté qui ne s’est jamais démentie <strong>de</strong>puis.<br />

J’ai sélectionné quelques œuvres que vous avez<br />

certainement vues lors <strong>de</strong> votre visite du<br />

musée... Pour nous, conservateurs, il est avant<br />

tout important <strong>de</strong> replacer l’œuvre dans son<br />

contexte et <strong>de</strong> tenir compte <strong>de</strong> sa part <strong>de</strong><br />

créativité.<br />

La grille <strong>de</strong> lecture d’une œuvre d’art repose sur<br />

la prise en compte <strong>de</strong> paramètres essentiels : la<br />

lumière, la composition, les couleurs, la<br />

perspective et le matériau ou la technique<br />

choisis… paramètres auxquels l’artiste est<br />

confronté lors <strong>de</strong> son exercice <strong>de</strong> création,<br />

face à la toile ou au bloc <strong>de</strong> glaise, dans sa<br />

recherche <strong>de</strong> beauté, d’harmonie, d’expression,<br />

<strong>de</strong> vérité. Jusqu’au début du XX e siècle, les<br />

artistes se réfèrent et prennent appui sur les<br />

grands maîtres du passé. Ensuite, l’art – dit<br />

contemporain – se métamorphose privilégiant<br />

le mon<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> sensations et <strong><strong>de</strong>s</strong> sentiments<br />

d’un point <strong>de</strong> vue chromatique, composition,<br />

choc <strong><strong>de</strong>s</strong> matières.<br />

La peinture d’histoire. Voici une œuvre manifeste<br />

du peintre David Bélisaire <strong>de</strong>mandant<br />

l’aumône, datée 1781 5 , qui a engendré le<br />

considérable courant artistique appelé néoclassisisme,<br />

issu <strong>de</strong> la découverte <strong><strong>de</strong>s</strong> sites<br />

d’Herculanum et <strong>de</strong> Pompeï, en Italie, au milieu<br />

du XVIII e siècle. David est le premier peintre à<br />

étudier scrupuleusement ces découvertes pour<br />

créer <strong><strong>de</strong>s</strong> décors crédibles aux valeureuses<br />

actions <strong><strong>de</strong>s</strong> héros <strong>de</strong> l’Antiquité. Ici, le peintre<br />

s’inspire <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong> ce victorieux général<br />

byzantain, Bélisaire ; tombé en disgrâce, il se<br />

trouve réduit à la mendicité à la gran<strong>de</strong> stupeur<br />

<strong>de</strong> l’un <strong>de</strong> ses anciens soldats.<br />

L’esthétique est radicalement différente <strong>de</strong><br />

celle colorée et superficielle <strong>de</strong> l’époque rococo,<br />

menée par Boucher et Fragonard : elle privilégie<br />

la lumière qui fait saillir les volumes sculpturaux<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> formes et réduit la profon<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> champ.<br />

Les coloris sont limités au rouge à gauche et au<br />

bleu à droite ; le profil <strong>de</strong> la tête du général,<br />

beau et noble visage réaliste rappelle les profils<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> médailles antiques.<br />

Les chefs d’œuvre sont d’une richesse complexe ;<br />

ils ne sont absolument pas réductibles aux<br />

courants qu’ils incarnent. Par exemple, dans le<br />

cas du Bélisaire <strong>de</strong> David, l’éclairage contrasté,<br />

la <strong><strong>de</strong>s</strong>cription du visage ridé et <strong><strong>de</strong>s</strong> pieds<br />

aux ongles sales jouent un rôle qui annonce<br />

le réalisme, au milieu du XIX e s. Les mêmes<br />

composantes peuvent servir <strong><strong>de</strong>s</strong> styles<br />

différents. Enfin, le chef d’œuvre <strong>de</strong> David est<br />

un tableau dont l’itinéraire s’avère capital et<br />

significatif : il a appartenu à l’oncle <strong>de</strong> Napoléon,<br />

le cardinal Fesch à Ajaccio, puis à Lucien<br />

Bonaparte, ensuite à Marie-Laetitia, la mère<br />

<strong>de</strong> Napoléon.<br />

Restons dans la peinture d’histoire, le genre<br />

suprême pour un artiste, conformément à la<br />

hiérarchie <strong><strong>de</strong>s</strong> genres définie par l’Académie<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong>, et arrêtons nous sur Médée <strong>de</strong><br />

Delacroix, 6 exécutée quelque cinquante<br />

années plus tard par le maître du Romantisme.<br />

Le sujet se rapporte à la mythologie antique :<br />

amoureuse <strong>de</strong> Jason, Médée l’a aidé à voler la<br />

toison d’or. D’après la légen<strong>de</strong>, elle eut sept fils<br />

et sept filles <strong>de</strong> lui. Cependant, Jason s’éprend<br />

<strong>de</strong> la fille d’un autre roi et abandonne Médée<br />

qui, par vengeance, déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> tuer ses enfants.<br />

Delacroix a recours à un éclairage fort contrasté,<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong>tiné à renforcer la charge dramatique <strong>de</strong><br />

la scène, extrêmement poignante puisqu’il<br />

s’agit d’un double infantici<strong>de</strong>. On sent les<br />

5<br />

Jacques-Louis David<br />

Bélisaire <strong>de</strong>mandant l’aumône<br />

Photo © H. Maertens<br />

6<br />

Eugène Delacroix, Médée<br />

Photo © H. Maertens<br />

enfants qui se débattent <strong><strong>de</strong>s</strong> bras <strong>de</strong> leur mère<br />

et veulent s’échapper alors qu’en même temps<br />

le regard <strong>de</strong> Médée se porte à l’arrière plan,<br />

geste qui évoque la fuite éperdue. Là également,<br />

comme chez David, les couleurs sont réduites<br />

mais symboliques, le rouge et le noir évoquant<br />

la violence et la passion, comme dans le roman<br />

contemporain <strong>de</strong> Stendhal,<br />

Mais, revenons en arrière au XVII e siècle, à l’âge<br />

baroque avec cette œuvre majeure <strong>de</strong> Rubens<br />

qui provient du couvent <strong><strong>de</strong>s</strong> Récollets à <strong>Lille</strong>. 7<br />

La lumière y est également très importante :<br />

elle éclaire une composition en X, <strong>de</strong>ux diagonales<br />

qui se croisent au niveau du corps du<br />

Christ où se focalise l’attention du spectateur.<br />

Une symbolique s’applique au soutien du corps<br />

du Christ par saint Jean et à Marie-Ma<strong>de</strong>leine<br />

qui baise la main du Christ. L’iconographie est<br />

moins accessible que celle <strong>de</strong> Médée ou <strong>de</strong><br />

Bélisaire. Cependant, le visage exsangue <strong>de</strong> la<br />

Vierge exprime fortement sa douleur alors que<br />

l’on voit on voit les larmes couler comme <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

perles sur le visage <strong>de</strong> Marie Ma<strong>de</strong>leine. Autre<br />

choc <strong><strong>de</strong>s</strong> couleurs, propre à l’époque baroque :<br />

le rouge et sa complémentaire le vert, le jaune<br />

et sa complémentaire le violet.<br />

Le portrait dans la hiérarchie <strong><strong>de</strong>s</strong> genres est le<br />

<strong>de</strong>uxième par son importance. Tout artiste<br />

formé par les <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong> voulait être peintre<br />

d’histoire mais il <strong>de</strong>vait passer <strong>de</strong>vant un<br />

conseil qui donnait l’agrément ; ils n’étaient<br />

donc pas tous reçus et se repliaient sur le<br />

portrait officiel dont regorgent les XVII, XVIII et<br />

XIX e siècles. J’ai choisi celui ci pour illustrer le<br />

portrait au début du XVIII e 8 : il se trouve dans<br />

la galerie Chardin et a été peint par un artiste<br />

d’origine flaman<strong>de</strong> Largillière, venu faire<br />

carrière à Versailles comme beaucoup <strong>de</strong><br />

Flamands en ce temps. Il représente ici un<br />

portrait familier, son beau père Jean-Baptiste<br />

Forest avec ses attributs, présenté d’une<br />

manière martiale, le poing sur la hanche, la<br />

palette et les pinceaux dans l’autre main face<br />

au tableau sur lequel il travaille. Il a une tenue<br />

qui nous parait étrange mais qui est en fait la<br />

tenue <strong>de</strong> travail <strong><strong>de</strong>s</strong> artistes dans les ateliers qui<br />

étaient peu ou pas chauffés : une houppelan<strong>de</strong><br />

et un bonnet fourré. Des origines flaman<strong><strong>de</strong>s</strong><br />

du peintre découle l’habileté à rendre les<br />

textures telle la fourrure et cette carnation<br />

riche et fleurie du visage que Largillière, l’un<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> meilleurs portraitistes du XVIII e siècle,<br />

réussit à rendre vivant, mobile.<br />

Dans la hiérachie <strong><strong>de</strong>s</strong> genres, les <strong>de</strong>niers,<br />

la nature morte et la scène <strong>de</strong> genre. Par<br />

exemple, malgré ses efforts, Greuze, l’un <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

plus grands peintres du XVIII e siècle, ne sera<br />

jamais reconnu comme peintre d’histoire mais<br />

comme peintre <strong>de</strong> genre. Je vous présente ici le<br />

célèbre peintre <strong>de</strong> nature morte : Chardin,<br />

appelé peintre <strong>de</strong> la vie silencieuse. Lui aussi<br />

aurait aimé être reconnu comme peintre<br />

d’histoire. à défaut, il s’attache aux objets<br />

quotidiens et non aux objets <strong>de</strong> luxe que l’on<br />

peut rencontrer notamment dans les natures<br />

mortes flaman<strong><strong>de</strong>s</strong> et hollandaises. Voici donc<br />

ce Gobelet d’argent qui donne son nom à<br />

l’œuvre 9 (ill. p. 26), cette bouteille, ce morceau<br />

<strong>de</strong> saumon dans l’assiette, cette miche <strong>de</strong> pain<br />

et le couteau qui indique la profon<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> la<br />

composition par sa position oblique, sinon<br />

les autres objets sont présentés quasiment sur<br />

le même plan. Là aussi la lumière est<br />

déterminante et se reflète sur l’argent du<br />

gobelet, l’étain <strong>de</strong> l’assiette, ou le verre <strong>de</strong><br />

la bouteille. Chardin mettait beaucoup <strong>de</strong><br />

temps à peindre ses œuvres, disant qu’il fallait<br />

oublier son modèle, une démarche somme<br />

toute assez contemporaine… il voulait parvenir<br />

à restituer l’essence <strong>de</strong> ces objets qui évoquent<br />

la vie <strong>de</strong> tout le mon<strong>de</strong>.<br />

Tournons nous maintenant vers une scène<br />

<strong>de</strong> genre <strong>de</strong> grand format qui illustre la<br />

transposition d’une banale scène <strong>de</strong> genre en<br />

scène d’histoire sous le pinceau <strong>de</strong> Courbet 10 ,<br />

le maître du réalisme au milieu du XIX e siècle :<br />

c’est à dire, une scène <strong>de</strong> genre n’est présentée<br />

jusqu’alors que sur <strong>de</strong> petits ou moyens<br />

formats, mais pas sur <strong>de</strong> gran<strong><strong>de</strong>s</strong> toiles<br />

réservées au genre noble <strong>de</strong> la peinture<br />

d’histoire. En 1849, L’après-dîner à Ornans fait<br />

scandale. La lumière joue là encore un rôle<br />

déterminant, supplantant la couleur comme<br />

chez David, 70 ans plus tôt. L’œuvre est peinte<br />

dans les tons mordorés, bruns, gris pour<br />

suggérer une scène <strong>de</strong> tous les jours, dans le<br />

pays <strong>de</strong> Courbet, à Ornans, aux conditions <strong>de</strong><br />

vie ru<strong>de</strong>. Courbet évoque ses amis qui se<br />

retrouvent une fin d’après midi, en novembre ;<br />

la table est occupée par les reliefs d’un repas ;<br />

ces amis ont bien mangé, <strong><strong>de</strong>s</strong> taches maculent<br />

la nappe – cela va choquer –, un molosse est<br />

coincé sous la chaise et les <strong>de</strong>ux personnages<br />

au premier plan, l’un vu <strong>de</strong> profil, peint<br />

<strong>de</strong> manière rapi<strong>de</strong>, l’autre nous tourne<br />

délibérément le dos.<br />

7<br />

Pierre Paul Rubens La Descente <strong>de</strong> Croix<br />

Photo © H. Maertens<br />

8<br />

Nicolas <strong>de</strong> Largillière Jean-Baptiste Forest<br />

Photo © H. Maertens<br />

10<br />

Gustave Courbet L’Après-dîner à Ornans<br />

Photo © H. Maertens<br />

24 | 29-30 janvier 2009 • lille, palais <strong><strong>de</strong>s</strong> beaux-arts lille, palais <strong><strong>de</strong>s</strong> beaux-arts • 29-30 janvier 2009 | 25

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