Amaigrissement - Orientation diagnostique devant - Serveur ...
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Faculté de Médecine de Marseille<br />
<strong>Amaigrissement</strong> - <strong>Orientation</strong> <strong>diagnostique</strong> <strong>devant</strong><br />
un amaigrissement (295)<br />
P. Disdier, P.J. Weiller, J. Serratrice, B. Granel<br />
Décembre 2005<br />
1. Définition et introduction<br />
Le poids constitue une donnée sémiologique d’une grande utilité dans le diagnostic et la<br />
surveillance de nombreux états pathologiques. Il est souvent considéré comme un paramètre<br />
simple de bonne santé.<br />
L’amaigrissement est caractérisé par une perte de plus de 5 % du poids habituel (et non pas<br />
idéal) du sujet. Il est souvent, mais pas toujours, associé à une anorexie qui se définit comme la<br />
diminution ou la perte (globale ou sélective) de l’appétit. Il fait partie, au même titre que<br />
l’asthénie, l’anorexie ou la fièvre, des signes d’altération de l’état général.<br />
L’amaigrissement constitue un motif fréquent de consultation et la démarche <strong>diagnostique</strong> face à<br />
ce signe de faible spécificité est de difficulté variable.<br />
L’interrogatoire joue un rôle essentiel car il permet d’établir la courbe de poids du sujet et de<br />
faire la distinction entre maigreur constitutionnelle et amaigrissement. L'amaigrissement sousentend<br />
une notion évolutive, qui le différencie en effet des maigreurs constitutionnelles. Il<br />
témoigne d'une atteinte de l'état général et justifie une enquête étiologique minutieuse et<br />
approfondie.<br />
Dans 90% des cas, à l’issue d’un interrogatoire rigoureux, d’un examen exhaustif et minutieux et<br />
de la pratique raisonnée de quelques examens paracliniques, l’étiologie et/ou le mécanisme<br />
physiopathologique seront précisés soit directement, soit par l’intermédiaire d’un indice fort qui<br />
servira de fil conducteur dans la démarche <strong>diagnostique</strong>. Il faut se souvenir toutefois que la cause<br />
d'un amaigrissement peut être triviale ou poly-factorielle dans un bon nombre cas.<br />
2. Interrogatoire<br />
2.1. Généralités<br />
Les règles de la prise d’observation doivent, avant tout, être méthodiquement appliquées.<br />
Comme dans toute consultation médicale, il est important de connaître précisément l'état civil du<br />
patient, son lieu de naissance, son métier non pas en se contentant de mots vides de sens du<br />
genre retraité, chômeur, fonctionnaire…, mais en se faisant préciser la ou les formations<br />
professionnelles de base, les différents métiers exercés. La cellule familiale, le nombre d'enfants,<br />
la profession du conjoint sont aussi des éléments de base.<br />
2.2. Les repères essentiels<br />
L'interrogatoire doit préciser et rechercher quelques points de repères importants :<br />
2.2.1. Les antécédents médicaux significatifs<br />
il faut savoir rechercher dans l’histoire du patient une tuberculose, des interventions chirurgicales<br />
notamment sur le tube digestif, un diabète, un état dépressif…, autant d’éléments qui peuvent<br />
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avoir valeur d’orientation du fait de leur conséquence sur l’état général à cours, moyen et long<br />
terme.<br />
2.2.2. L’importance et la vitesse de cet amaigrissement<br />
Sont des points essentiels qu’il faut tenter de préciser par l'étude du dossier préexistant ou si le<br />
sujet se pèse régulièrement, l’étude de sa courbe de poids. Si ces éléments ne sont pas<br />
disponibles, on pourra utiliser quelques repères morphologiques et morphométriques : taille<br />
usuelle des vêtements, tour de ceinture, photographies, aspect du tissu adipeux de la face, de<br />
l'abdomen, des cuisses…. Cette enquête permet généralement d'affirmer l'amaigrissement. Il faut<br />
se souvenir toutefois que chez des patients alléguant une perte de poids, l’amaigrissement n’est<br />
pas toujours confirmé. A l’inverse, l’amaigrissement peut être minoré dans certaines situations<br />
comme une inflation hydrique.<br />
2.2.3. L’histoire clinique doit être minutieusement reconstituée<br />
l’amaigrissement est-il régulier ? ou par à-coups ? Le poids se stabilise-t-il par moment ou bien<br />
s’agit-il d’une perte régulière de poids ? Un certain nombre de patients peuvent présenter des<br />
variations "en accordéon" de leur courbe de poids, rythmées généralement par des tentatives plus<br />
ou moins fructueuses de régime hypocalorique. Une période d'observation peut s'avérer utile,<br />
notamment dans les suites d'un processus infectieux récent. Schématiquement, l’histoire du poids<br />
permet souvent d’éliminer la maigreur constitutionnelle, état dans lequel se trouve l’organisme<br />
depuis l’enfance ou l’adolescence, qui est souvent familiale, la plupart des membres de la famille<br />
présentant « depuis toujours » un poids inférieur à la normale.<br />
2.2.4. L’état de l'appétit<br />
(Identique, diminué ou augmenté) est une donnée fondamentale car il va permettre de classer les<br />
différents types d’amaigrissement et donner ainsi au clinicien un fil conducteur fort dans son<br />
investigation étiologique. La démarche sera différente selon qu’il y a ou pas anorexie, et que<br />
cette dernière est involontaire ou volontaire, ce dernier élément n’étant du reste pas toujours<br />
avoué.<br />
2.2.5. L’association à d'autres symptômes<br />
Une fièvre ou une hypothermie, des sueurs, une asthénie, une diminution éventuelle des activités,<br />
une intolérance à l’effort, des modifications de la voix, des crampes, une fatigabilité musculaire,<br />
une modification de l'humeur, une symptomatologie viscérale d'appel (toux, dyspnée, douleur…)<br />
auront le mérite d’orienter le clinicien vers tel ou tel organe ou vers une affection systémique<br />
intéressant plusieurs organes à la fois.<br />
2.2.6. Les troubles du goût et/ou de l'odorat<br />
Ils peuvent rendre compte de certains amaigrissements notamment chez la personne âgée chez<br />
qui les sens ont tendance à s’émousser. De façon plus générale, l'intégrité de l’activité sensorielle<br />
au moment du repas, la palatabilité des aliments, la présentation du repas dans un environnement<br />
agréable ouvrent les sens et facilitent l'ingestion alimentaire.<br />
2.2.7. La prise concomitante de médicaments<br />
Prescrits par ordonnance ou pris par automédication doit être recherchée, certains modifiant le<br />
goût (dysgueusie…), d’autres ayant un effet anorexigène (amphétamines…), beaucoup induisant<br />
des nausées ou des vomissements (antidépresseurs sérotoninergiques, chimiothérapies<br />
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anticancéreuses, benzodiazépines, opiacés, digoxine, antibiotiques…). Inversement un sevrage<br />
récent en corticoïdes peut être responsable d'un amaigrissement.<br />
2.2.8. L’état du transit<br />
(nausées, vomissements, diarrhée, ténesmes, faux besoins, nombre de selles) et les anomalies de<br />
la diurèse et de la soif (polyurie, oligurie, polydypsie) renseignent sur les grandes fonctions de<br />
l’organisme. Il faut savoir rechercher un tempérament de "vomisseur chronique" qui n'est jamais<br />
spontanément avoué. Des soins dentaires itératifs et complexes peuvent quotidiennement gêner<br />
l'ingestion alimentaire, particulièrement chez la personne âgée.<br />
2.2.9. La consommation d'alcool, de tabac, de cannabis et/ou<br />
de drogues dures<br />
Doit être abordée, pas forcément lors du premier contact avec le patient, la plupart des<br />
toxicomanies induisant volontiers des pertes de poids. Les rapports tabac / poids sont complexes,<br />
certains patients refusent le sevrage, par crainte d'une prise de poids réactionnelle.<br />
2.2.10. Les antécédents d'obésité et/ou de régime amaigrissant<br />
Sont particulièrement instructifs, traduisant le tempérament général du patient face à sa ration<br />
calorique. Certaines pratiques alimentaires relèvent de régimes médicalement prescrits (sans sel,<br />
sans sucre rapide…), d’autres de régimes imposés sur des convictions d’ordre philosophique<br />
(végétarisme, végétalisme…) ou des « pré-requis » d’ordre professionnel ou esthétique<br />
(maigreur caricaturale des danseuses, des mannequins, des top-models).<br />
2.2.11. Les anomalies du cycle menstruel et de la libido<br />
Sont des éléments indispensables à l’analyse sémiologique aussi bien chez la jeune fille que chez<br />
la femme âgée, renvoyant à la problématique de l’image corporelle de l’anorexie mentale et aux<br />
modifications métaboliques et psychologiques de la ménopause. Chez la femme comme chez<br />
l’homme, l’axe hypothalamo-hypophyso-gonadique est particulièrement sensible aux agressions<br />
et de nombreuses maladies, endocriniennes non exclusivement, rendent compte de ces<br />
modifications.<br />
2.2.12. Les événements familiaux et/ou professionnels récents<br />
Peuvent jouer un rôle prépondérant ou adjuvant dans la survenue d’un amaigrissement (état<br />
dépressif suite à la perte d’un être cher, chômage, problème du quart monde, de l’exclusion, des<br />
fractures sociales). Il faudra avec tact et pudeur savoir se renseigner sur la profession du patient<br />
ou de son conjoint, les difficultés d’ordre social ou familial qu’il rencontre dans sa vie<br />
quotidienne. Plus généralement, les détails de la vie de tous les jours peuvent apporter des<br />
indications fortes : un divorce ou un mariage, une cantine qui ferme ou un conjoint qui fait moins<br />
bien la cuisine, tout changement dans les habitudes alimentaires peut induire des modifications<br />
du poids.<br />
2.2.13. Enfin, une enquête diététique peut s'avérer utile<br />
Menée par le médecin aidé d'une diététicienne. Elle permettra d'évaluer l'ingestion calorique<br />
journalière et de repérer des erreurs de régime.<br />
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3. Examen clinique<br />
L’examen clinique a pour but de rechercher :<br />
3.1. Le caractère harmonieux ou non de la déperdition.<br />
La fonte lipidique se manifeste par une raréfaction du pannicule adipeux notamment au niveau<br />
abdominal et par un creusement des boules graisseuses de Bichat au niveau des régions malaires<br />
du visage. Leur disparition totale est un signe de gravité et peut se rencontrer dans l'état de<br />
marasme ou dans l'anorexie mentale. La fonte musculaire donne au corps un aspect décharné<br />
dans les grandes dénutritions. Dans bien des cas la déperdition de poids s'explique par une fonte<br />
lipidique et musculaire traduisant l'altération de l'ensemble des grands métabolismes de<br />
l'organisme.<br />
3.2. Des anomalies cutanées.<br />
Des œdèmes pourront orienter vers une insuffisance cardiaque, un syndrome néphrotique, une<br />
entéropathie exsudative, une malabsorption, un béribéri ou une cirrhose. Un signe du pli cutané<br />
orientera vers une déshydratation associée. Un acrosyndrome tel qu'un phénomène de Raynaud<br />
ou un livedo pourront mettre sur la voie d'une connectivite. Une perlèche est classiquement<br />
observée dans les dénutritions. Certaines anomalies sont les conséquences directes d'une<br />
malnutrition : des ecchymoses évoquent le scorbut chez les patients dont le régime alimentaire<br />
est dépourvu de végétaux frais, un érythème pigmenté rouge vif très prurigineux, un eczéma, une<br />
hyperkératose des parties découvertes, une stomatite aphtoïde orientent vers une pellagre<br />
(carence en vitamine PP) chez des populations se nourrissant peu de viande et consommant<br />
certaines céréales.<br />
3.3. Des troubles de la pigmentation cutanéo-muqueuse.<br />
La mélanodermie évoque l'insuffisance surrénale ou la maladie de Whipple. Elle était fréquente<br />
chez les sidéens avant l’introduction des tri-thérapies. La dépigmentation se voit dans le<br />
panhypopituitarisme, un sub-ictère se rencontre dans les pathologies hépato-pancréaticobiliaires,<br />
une pâleur peut traduire un saignement infraclinique ou un syndrome inflammatoire<br />
chronique.<br />
3.4. Un syndrome de masse.<br />
Il peut s'agir d'une tumeur localisée, notamment rectale ou prostatique, utérine ou ovarienne,<br />
perceptible aux touchers pelviens. Ailleurs des anomalies diffuses du système réticuloendothélial<br />
(hépatomégalie, splénomégalie, adénopathies périphériques) évoqueront<br />
immédiatement les grandes pathologies immuno-prolifératives bénignes (mononucléose<br />
infectieuse…) ou malignes (lymphomes…). Un ganglion isolé dans le creux sus-claviculaire<br />
gauche sera hautement évocateur d'une néoplasie sous-diaphragmatique gastrique, pancréatique,<br />
ou autre : c'est le classique ganglion de Troisier. Parfois un volumineux cancer digestif sera<br />
accessible à la palpation abdominale. Une masse donnant un contact lombaire orientera vers une<br />
pathologie rénale. La palpation des seins doit être minutieuse et méthodique, quadrant par<br />
quadrant, compte tenu de la grande fréquence du cancer du sein.<br />
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3.5. Une hypertrophie thyroïdienne<br />
A la palpation qui conduira à rechercher les autres signes du dysfonctionnement thyroïdien<br />
(cardiaque, orbitaire…).<br />
3.6. Une défaillance cardiorespiratoire<br />
La prise du pouls et de la pression artérielle, la recherche d'un souffle cardiaque orificiel, d'un<br />
signe de Harzer, de râles ou de souffles pulmonaires chez un patient dyspnéique orienteront vers<br />
une insuffisance cardiaque droite ou gauche ou vers une insuffisance respiratoire.<br />
3.7. Chez le sujet âgé, une détérioration mentale débutante<br />
Par l'usage d'un instrument standardisé d'évaluation des fonctions cognitives, le Mini Mental<br />
State Examination ou MMSE. Les résultats devront faire l'objet d'une confirmation par des tests<br />
plus élaborés en cas d'anomalie.<br />
4. Les examens complémentaires<br />
Le bilan paraclinique dépend des premières orientations fournies par l'examen clinique et a pour<br />
buts essentiels de chiffrer l'importance et de préciser l'étiologie d'un amaigrissement.<br />
Ainsi, <strong>devant</strong> une atteinte de l’état général, on aura systématiquement recours à quelques<br />
examens complémentaires simples :<br />
4.1. Biologiques<br />
4.1.1. Les éléments du syndrome inflammatoire.<br />
La vitesse de sédimentation est couramment prescrite mais son accélération n'est pas forcément<br />
synonyme d'inflammation puisqu'elle se rencontre dans d'autres circonstances telle qu'une<br />
hypergammaglobulinémie. L'électrophorèse des protéines sériques peut aider à différencier ces<br />
deux conditions en montrant une hyper-alpha2-globulinémie traduisant l'augmentation des<br />
protéines de la réaction inflammatoire ou une hypergammaglobulinémie traduisant une<br />
augmentation des anticorps circulants. Le tracé peut aussi être très évocateur d'un syndrome<br />
néphrotique. La fibrinémie ou le dosage de la protéine C réactive sont d'autres alternatives.<br />
4.1.2. L'hémogramme.<br />
Il peut orienter vers un état infectieux (hyperleucocytose des infections bactériennes,<br />
hyperéosinophilie de certaines parasitoses telles que les helminthiases, présence de lymphocytes<br />
hyperbasophiles dans les viroses). Une augmentation du nombre des leucocytes peut attirer<br />
l'attention vers un tabagisme sous-estimé. Une tricytopénie peut se rencontrer dans l'anorexie<br />
mentale grave. L'hémogramme renseigne sur l'état de tous les éléments figurés du sang et peut<br />
d'emblée évoquer une hémopathie.<br />
4.1.3. Les examens biochimiques standards.<br />
Le ionogramme sanguin, la calcémie, la glycémie, l'azotémie et la créatininémie, l'analyse des<br />
bandelettes réactives urinaires, les tests hépatiques (transaminases, phosphatase alcaline,<br />
bilirubine, gamma-glutamyl-transférase) servent à préciser les grands métabolismes du patient et<br />
certaines fonctions vitales. L'albuminémie, le dosage de la protidémie totale et de la préalbumine<br />
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sérique servent à apprécier le retentissement général de l'affection causale et l'importance de la<br />
dénutrition du patient.<br />
4.1.4. L'hormonémie thyroïdienne.<br />
Elle est souvent indispensable compte tenu de la fréquence des dysthyroïdies et de leur caractère<br />
fruste au début.<br />
4.1.5. La pratique d'une sérologie HIV (avec l'accord du<br />
patient).<br />
Elle est essentielle chez le sujet à risque, la prise en charge d'un amaigrissement chez un<br />
séropositif ayant des particularités <strong>diagnostique</strong> et thérapeutique.<br />
4.2. Imagerie<br />
Le cliché du thorax simple face et profil et de l'abdomen sans préparation face debout permettent<br />
de rapidement confirmer l'existence d'un épanchement de séreuse, d'une tumeur, d'un foyer<br />
infectieux, d'une tuberculose médiatino-pulmonaire, d'une lithiase…<br />
L'échographie abdominale permet une étude de débrouillage des viscères pleins intraabdominaux<br />
et rétro-péritonéaux, ainsi qu'une visualisation des structures canalaires (voies<br />
biliaires et urinaires).<br />
Les résultats de ce bilan pourront confirmer un diagnostic cliniquement suspecté et/ou entraîner<br />
diverses autres explorations spécialisées (scannographiques, endoscopiques, biologiques…) qui<br />
serviront, au sein d'une démarche cohérente et guidée par la clinique, à affiner une enquête<br />
étiologique.<br />
5. Grandes orientations<br />
5.1. <strong>Amaigrissement</strong> sans anorexie voire avec hyperphagie<br />
Cette situation doit faire rechercher par priorité trois sortes de pathologies.<br />
5.1.1. L'amaigrissement est un des signes cardinaux du diabète<br />
sucré<br />
A coté de l'hyperphagie, de la polydypsie et de la polyurie. Il s'agit en règle générale d'un diabète<br />
insulinoprive : la glycosurie est massive, les glycémies sont en permanence élevées et le<br />
diagnostic est aisé, voire immédiatement obtenu par l'utilisation de bandelettes réactives. Chez le<br />
diabétique traité, l'amaigrissement est anormal et traduit soit l'insuffisance thérapeutique soit une<br />
pathologie intercurrente ou une malabsorption, notamment par atteinte du système nerveux<br />
autonome.<br />
5.1.2. L'hyperthyroïdie<br />
est souvent évidente <strong>devant</strong> une hypertrophie thyroïdienne, une tachycardie, une augmentation<br />
de la chaleur cutanée et les signes oculaires (brillance du regard et/ou exophtalmie). Elle est<br />
parfois plus délicate à évoquer car il n'y a aucun parallélisme entre l'hyperfonctionnement<br />
thyroïdien et la taille du corps thyroïde (petit nodule toxique, forme apathétique du sujet âgé).<br />
L'hormonémie thryroïdienne en permet facilement le diagnostic biologique.<br />
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5.1.3. Certaines parasitoses digestives.<br />
La plus fréquente est sûrement le taeniasis (ver solitaire) : la présence d'anneaux dans les selles<br />
peut être méconnue, l'hyperéosinophilie peut être absente. Le diagnostic est difficile avant que ne<br />
sortent les anneaux et se pose fréquemment chez l'enfant <strong>devant</strong> une asthénie avec hyperphagie,<br />
des épigastralgies, une nervosité ou un prurit. Il faut savoir donner toute sa valeur à une<br />
éosinophilie modérée et s'aider éventuellement d'un traitement d'épreuve.<br />
5.2. <strong>Amaigrissement</strong> avec anorexie<br />
Cet état traduit en règle générale une pathologie organique viscérale<br />
5.2.1. La fièvre oriente vers une pathologie infectieuse<br />
(tuberculose, endocardite oslérienne, mononucléose infectieuse, syndrome d'immunodéficience<br />
humaine…), inflammatoire (maladie de Horton, vascularite, lupus érythémateux aigu disséminé,<br />
sarcoïdose…), tumorale (rein, foie) ou hématologique (maladie de Hodgkin ou lymphome non<br />
hodgkinien).<br />
5.2.2. L'apyrexie doit faire évoquer un processus métabolique<br />
(hyercalcémie, insuffisance surrénalienne haute ou basse, hypersécrétion de catécholamines),<br />
tumoral (pancréas, estomac, grêle, colon) ou malabsorptif dont la mise en évidence peut être<br />
plus délicate.<br />
5.2.3. Enfin, une défaillance viscérale grave<br />
Peut se révéler par un amaigrissement isolé : insuffisance respiratoire, cardiaque, hépatique,<br />
rénale, hypertension artérielle pulmonaire, atteinte neurologique (maladie de Parkinson, sclérose<br />
latérale amyotrophique, démence sénile ou vasculaire).<br />
La normalité de l'examen clinique et des bilans pratiqués doit alors orienter vers un état<br />
dépressif. Surtout si le contexte est évocateur : insomnie, troubles de l'humeur, angoisse,<br />
asthénie, palpitations, algies diverses sans substratum organique.<br />
5.3. <strong>Amaigrissement</strong> avec restriction volontaire<br />
5.3.1. On doit dans cette situation s'attacher à rechercher un<br />
élément déclenchant.<br />
Une dysgueusie, une sécheresse buccale, une modification récente de l'articulé dentaire, une<br />
dysphagie, une dyspepsie, une anomalie du carrefour aéro-digestif responsable de fausses routes,<br />
un syndrome ulcéreux ou une atteinte digestive d'origine vasculaire (angor intestinal)<br />
responsables de douleurs abdominales rythmées par les repas, peuvent entraîner une véritable<br />
privation alimentaire volontaire "préventive" des accès douloureux ou des inconforts provoqués<br />
par les repas. Ainsi, les troubles dentaires et les soins qu'ils occasionnent sont des causes très<br />
fréquentes d'amaigrissement en gériatrie.<br />
5.3.2. L'anorexie mentale est une situation particulière.<br />
Dans cette maladie de la jeune fille, l'aménorrhée et l'amaigrissement dominent la scène clinique.<br />
L'amaigrissement succède souvent à une obésité et/ou à des comportements boulimiques. La<br />
maigreur est niée, témoignant d'un trouble du schéma corporel ; l'hyperactivité est fréquente<br />
contrastant avec la maigreur caricaturale. L'anorexie est le plus souvent niée et la prise de<br />
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diurétiques ou de laxatifs est fréquente. Cliniquement, l'acrosyndrome est banal. La<br />
parotidomégalie est fréquente en cas d'accès boulimiques associés. Dans les formes graves et<br />
évoluées, le tableau peut s'enrichir de manifestations endocriniennes plus diffuses (baisse des<br />
hormones thyroïdiennes, hypercortisolisme, potomanie), d'atteinte musculaire, voire d'anomalies<br />
hématologiques (moelle gélatineuse).<br />
6. Les grandes avenues étiologiques<br />
6.1. <strong>Amaigrissement</strong> lié à l'alcoolisme<br />
L'alcoolisme est la cause la plus fréquente de malnutrition dans les pays développés. Les effets<br />
toxiques de l'éthanol, les déséquilibres dans les apports alimentaires, les lésions gastriques,<br />
intestinales, hépatiques et pancréatiques, la faible consommation de nutriments, la réduction des<br />
réserves énergétiques et l'association fréquente à un tabagisme concourent à la perte de poids qui<br />
reste néanmoins très variable d'un individu à l'autre.<br />
6.2. <strong>Amaigrissement</strong> des endocrinopathies<br />
A côté de l'hyperthyroïdie et du diabète, il faut mentionner l'insuffisance surrénalienne lente<br />
(maladie d'Addison). Le tableau clinique comporte l'asthénie qui est majeure, à tous les modes et<br />
inquiète le malade, la perte de poids qui est constante et progressive, la mélanodermie qui est<br />
caractéristique ("maladie bronzée"), les tâches muqueuses ardoisées dans la cavité buccale qui<br />
sont hautement évocatrices mais inconstantes, la tendance à l'hypotension et à l'hypoglycémie, et<br />
l'anorexie avec appétence pour le sel. L'opsiurie (retard à l'élimination de l'eau) est<br />
pathognomonique, mais l'historique test de surcharge en eau de Robinson qui servait à<br />
l'objectiver est aujourd'hui supplanté par les dosages hormonaux. Un passé tuberculeux ou un<br />
contexte auto-immun guideront l'enquête étiologique.<br />
L'insuffisant hypophysaire si caractéristique avec son faciès pâle et sa peau vieillie, atrophique,<br />
fine, luisante et plissée, sa dépilation atteignant la barbe chez l'homme, son hypotension et ses<br />
lipothymies, n'échappera pas au clinicien. Un syndrome chiasmatique associé orientera vers une<br />
tumeur hypophysaire. Chez la femme, une absence de montée laiteuse et de retour de couche<br />
après un accouchement conduira au diagnostic de syndrome de Sheehan (nécrose hypophysaire<br />
du post-partum). Enfin, chez l'enfant, un retard staturo-pondéral, une acromicrie et un diabète<br />
insipide conduiront à rechercher un crâniopharyngiome.<br />
6.3. Les amaigrissements des malabsorptions et des<br />
maldigestions<br />
Il s'agit ici d'affections très nombreuses du tube digestif ou de ses annexes. Typiquement le<br />
tableau clinique associe amaigrissement et diarrhée chronique, avec ou sans douleurs<br />
abdominales. Une anémie par carence martiale et/ou par carence vitaminique (B12 ou B9), une<br />
ostéomalacie, une hypocholestérolémie, une baisse du taux de prothrombine, une<br />
hypogammaglobulinémie sont autant d'éléments pertinents d'orientation. La maladie cœliaque<br />
(intolérance au gluten) et les pancréatites chroniques sont des exemples caractéristiques. Le<br />
diagnostic est aujourd'hui facilité par les endoscopies digestives qui permettent des biopsies et<br />
les progrès de l'imagerie qui permet de bien visualiser les annexes, pancréas et foie. Quelques<br />
tests fonctionnels reste utiles (D-Xylose notamment) de même que le dosage de certaines<br />
enzymes digestives (amylase, lipase).<br />
Quelquefois des antécédents de résection intestinale ou de gastrectomie viennent très vite<br />
expliquer le tableau clinique.<br />
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6.4. L'amaigrissement des maladies neurologiques graves<br />
La sclérose en plaque, la sclérose latérale amyotrophique, les séquelles d'accidents vasculaires<br />
cérébraux, sont des causes possibles d'amaigrissement surtout si la filière aéro-digestive est<br />
atteinte (ex : dysphagie neurologique par atteinte du tronc cérébral). Par ailleurs, la maladie de<br />
Parkinson et les états démentiels (type maladie d'Alzheimer, de Creutzfeldt Jakob ou de Pick)<br />
s'accompagnent au stade terminal d'un état grabataire avec bien souvent un amaigrissement<br />
massif.<br />
6.5. L'amaigrissement des grandes défaillances de l'organisme :<br />
insuffisances rénale, hépatique, cardiaque et respiratoire<br />
Il est constant au stade terminal de toute défaillance viscérale vitale. Il peut être minimisé par<br />
une inflation hydrique notamment en cas d'insuffisance rénale ou cardiaque. La perte de poids a<br />
pu être corrélée avec la morbidité et la mortalité chez le cardiaque et l'emphysémateux.<br />
6.6. L'amaigrissement des états infectieux<br />
Toutes les maladies infectieuses, quelles soient d'origine bactérienne, virale, parasitaire ou<br />
mycotique peuvent être responsable d'un amaigrissement d'intensité variable, fonction de la<br />
longueur d'évolution et de la gravité des symptômes, notamment digestifs.<br />
Les hépatites virales aiguës sont des grandes pourvoyeuses d'asthénie intense et<br />
d'amaigrissement, ce dernier faisant écho à l'intensité des troubles dyspeptiques et métaboliques<br />
qu'elles provoquent.<br />
Les micro-organismes à développement intra-cellulaire, réputés de diagnostic microbiologique<br />
difficile, ont directement bénéficié des progrès des techniques d'identification sérologiques (ex :<br />
coxiellose). Par ailleurs les techniques de biologie moléculaire ont singulièrement bouleversé la<br />
taxonomie des infections.<br />
La tuberculose reste cependant à la fois fréquente et de diagnostic souvent ardu, ce dernier<br />
reposant encore sur une identification classique (coloration de Ziehl, culture sur milieux<br />
spéciaux). Il faut savoir y penser <strong>devant</strong> des tableaux variés (infiltrats pulmonaires,<br />
spondylodiscite, méningite lymphocytaire, cytopénies fébriles, fièvre au long cours…) et<br />
s'enquérir d'une vaccination BCG, d'antécédents de primo-infection dans l'enfance, de séjour en<br />
sanatorium et rechercher un état dépressif sous-jacent qui en fait volontiers le lit.<br />
Les méningites chroniques peuvent se présenter sous la forme d'un amaigrissement fébrile.<br />
Le kala-azar (leishmaniose viscérale) est responsable d'un état pseudo-leucémique avec fièvre au<br />
long cours, splénomégalie, altération de l'état général, hypergammaglobulinémie et cytopénie. Il<br />
reste très présent sur toutes les collines boisées du littoral méditerranéen. Son diagnostic repose<br />
sur la sérologie et le myélogramme.<br />
Le syndrome cachectique est aussi classique lors du SIDA quand la réplication du virus HIV<br />
n'est plus contrôlée par le traitement anti-rétroviral. L'introduction des HAART ("high activity<br />
anti-retroviral therapy") permet désormais d'en repousser l'échéance. Un amaigrissement<br />
progressif doit faire aussi évoquer une infection opportuniste ou le développement d'une tumeur<br />
secondaire.<br />
6.7. L'amaigrissement des cancers<br />
A cachexie reste la cause de mort la plus fréquente chez le cancéreux. L'anorexie, la diminution<br />
des apports énergétiques, les anomalies du goût, un état dépressif réactionnel, des troubles<br />
digestifs variés sont les principaux responsables de l'amaigrissement chez ces patients. Un cancer<br />
colique, gastrique, oesophagien, pancréatique ou extra-digestif (rein, poumon…) est<br />
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fréquemment retrouvé de même que des syndromes immuno-prolifératifs (maladie de Hodgkin,<br />
lymphomes non-hodgkiniens, leucémies…). L'amaigrissement est rarement isolé ou le reste peu<br />
longtemps.<br />
6.8. L'amaigrissement des maladies systémiques<br />
Toutes les grandes affections systémiques sont susceptibles d'entraîner un amaigrissement qui est<br />
rarement isolé ou révélateur. Le diagnostic repose sur les recherches d'auto-anticorps,<br />
antinucléaires pour les connectivites, anticytoplasme de polynucléaires neutrophiles pour<br />
certaines vascularites (maladie de Wegener surtout). La biopsie d'organe ou d'adénopathie reste<br />
nécessaire pour faire ou confirmer le diagnostic d'une granulomatose (sarcoïdose, syndrome de<br />
Churg et Strauss…) ou des maladies de surcharge (amylose systémique…). La biopsie artérielle<br />
est précieuse pour les vascularites des gros vaisseaux (maladie de Horton ou de Takayasu) et la<br />
biopsie musculaire pour les vascularites des vaisseaux de petit et moyen calibre (périartérite<br />
noueuse). Un amaigrissement s'inscrit souvent dans une altération plus marquée de l'état général<br />
(fièvre, anorexie, asthénie) lors des poussées de la maladie causale.<br />
6.9. Les amaigrissements psychogènes<br />
En dehors de l'anorexie mentale, la dépression est un diagnostic souvent évoqué, soit<br />
réactionnelle à un événement traumatique, soit endogène. Il s'agit toutefois d'une notion vague<br />
qu'il faut préciser en s'aidant éventuellement du psychiatre et en essayant de bien cerner la<br />
structure de la personnalité du patient. Elle peut parfaitement s'intriquer avec une<br />
symptomatologie organique. Il est important alors, face à un patient amaigri et en mauvais état<br />
général, de faire la part des choses et de ne pas réfuter l'hypothèse psychogène d'emblée, celle-ci<br />
pouvant s'en trouver renforcée en cas de négativité de l'enquête étiologique organique.<br />
6.10. Le cas particulier du sujet âgé<br />
L’amaigrissement est souvent sous-tendu par la tendance à l’anorexie et à la malnutrition. Les<br />
principaux facteurs sont le vieillissement sensoriel, l’altération de la denture et le mauvais état<br />
gingival, les insuffisances d’apports alimentaires favorisées par l’isolement social ou familial, la<br />
diminution des ressources financières, la diminution des capacités physiques (mastication,<br />
déglutition, difficultés à la marche réduisant les possibilités d’approvisionnement, déficits<br />
moteurs et cognitifs) qui concourent à la perte d’autonomie.<br />
Il faut rappeler ici la tendance à la polypathologie qui caractérise cette période de la vie et la<br />
prise fréquente et souvent excessive de nombreux médicaments.<br />
6.11. Les amaigrissements "inexpliqués"<br />
Dans 10 % des cas environ, aucun diagnostic étiologique ne peut être établi lors du premier<br />
bilan. Le suivi clinique régulier permet alors bien souvent d'observer la rétrocession spontanée<br />
de la perte pondérale, sinon la recherche de symptômes fonctionnels nouveaux ou d'anomalies<br />
cliniques conduit à la reprise d'investigations dirigées de rentabilité supérieure à celle d'une<br />
enquête "aveugle".<br />
Il est rare qu'une cause organique ne s'exprime pas dans les six mois suivant la première<br />
évaluation.<br />
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7. Les points importants<br />
• L’amaigrissement est caractérisé par une perte de plus de 5 % du poids habituel du sujet.<br />
Il est souvent, mais pas toujours, associé à une anorexie. Il fait partie, au même titre que<br />
l’asthénie, l’anorexie ou la fièvre, des signes d’altération de l’état général.<br />
• L’interrogatoire joue un rôle essentiel car il permet d’établir la courbe de poids du sujet et<br />
de faire la distinction entre maigreur constitutionnelle et amaigrissement.<br />
• Dans la plupart des cas, à l’issue d’un interrogatoire rigoureux, d’un examen exhaustif et<br />
minutieux et de la pratique raisonnée de quelques examens paracliniques, l’étiologie<br />
et/ou le mécanisme physiopathologique doivent pouvoir être précisés.<br />
• L’alcoolisme, les endocrinopathies, les malabsorptions et les maldigestions, les maladies<br />
neurologiques graves, les grandes défaillances viscérales, les états infectieux, les cancers,<br />
les maladies systémiques, l’anorexie mentale et les autres causes psychogènes sont les<br />
principales avenues étiologiques.<br />
• Chez le sujet âgé, l’amaigrissement est souvent sous-tendu par la tendance à l’anorexie et<br />
à la malnutrition et est favorisé par l’isolement social ou familial et la diminution des<br />
capacités physique et/ou psychique.<br />
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