25.06.2014 Views

Adobe Acrobat PDF complet (18 MB) - La Scena Musicale

Adobe Acrobat PDF complet (18 MB) - La Scena Musicale

Adobe Acrobat PDF complet (18 MB) - La Scena Musicale

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

»<br />

Roxane Pasca<br />

E»«PRESS<br />

Comment présenter un titan, un<br />

homme qui, grâce à sa caméra, a<br />

fait l’histoire du Québec ? Faut-il<br />

relater ses grands succès, tels Les<br />

Smattes, Les Vautours, À hauteur<br />

d’homme, Félix, Infiniment Québec ? Faut-il<br />

encore rappeler qu’il fut derrière le tournage<br />

de la mémorable visite du général de Gaulle<br />

au Québec, en 1967, et des Jeux Olympiques<br />

de 1976 ? Voici Jean-Claude <strong>La</strong>brecque, un<br />

homme remarquable et attachant.<br />

LSM : Jean-Claude <strong>La</strong>brecque, la Cinémathèque<br />

québécoise a présenté une rétrospective de vos<br />

cinquante ans de carrière. Que ressentez-vous<br />

face à cet hommage ?<br />

JCL : J’en suis fier. Je trouve même amusant de<br />

revoir mes films, dont je refais quelquefois le<br />

montage dans ma tête. De plus, cette rétrospective<br />

couvre une assez bonne période de<br />

ma carrière: Marie Uguay, Claude Gauvreau,<br />

Claude Léveillée, Félix Leclerc, etc. Donc, ce<br />

sont des films qui vont rester présents, car ils<br />

marquent une histoire.<br />

Avez-vous l’impression que vous avez couru derrière<br />

l’histoire ou que l’histoire vous a rejoint,<br />

qu’elle a couru derrière vous ?<br />

Je crois que j’ai juste suivi l’histoire en parallèle.<br />

Après l’annonce de l’arrivée du général de<br />

Gaulle au Québec, en 1967, je me suis rapidement<br />

informé si l’ONF allait couvrir l’événement.<br />

Non. Québec? Non. J’ai alors saisi<br />

l’occasion en démarrant moi-même ce projet.<br />

Quant à Jeux de la XXI e Olympiade, l’ONF<br />

était celui qui devait, en principe, le produire.<br />

Mais si l’ONF ne le produisait pas, les<br />

Américains allaient débarquer en engageant<br />

l’ONF pour tenir la porte. Donc, j’ai participé<br />

à ce projet, car je sentais qu’il fallait que<br />

cela se fasse et que cela se fasse ici, au Québec.<br />

Toutefois, je ne peux pas nier que j’ai aussi<br />

provoqué les événements, comme par exemple<br />

Les nuits de la poésie 1970, 1980 et 1990, qui<br />

sont devenus mythiques. Rappelons-nous seulement<br />

Michèle <strong>La</strong>londe qui lit Speak White.<br />

Ce furent des moments importants, des<br />

moments historiques. Cependant, encore une<br />

fois, je sentais la nécessité de le faire.<br />

De plus, c’était une période où tout était<br />

possible. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus<br />

difficile. <strong>La</strong> preuve, c’est que je n’arrive<br />

même pas à lever de terre le Moulin à paroles.<br />

Il y a quelques années, je démarrais un tel<br />

projet les yeux fermés, alors qu’aujourd’hui<br />

ce n’est pas faisable. Ça bloque de partout !<br />

Donc, c’était une période beaucoup plus<br />

accessible et j’en ai profité, tout simplement.<br />

Revenons un peu en arrière pour parler de vos<br />

58 Été 2010 Summer<br />

» CINÉMA » DANSE »THÉÄTRE » ARTS VISUELS»ARTS<br />

JEAN-CLAUDE LABRECQUE<br />

CINQUANTE ANS de CARRIÈRE<br />

débuts dans le monde du cinéma.<br />

J’ai commencé à Québec en travaillant chez<br />

un photographe de quartier, Lefaivre et<br />

Desroches. J’y ai appris la chambre noire et les<br />

éclairages de studio. Tranquillement, j’ai<br />

commencé à photographier des mariages, des<br />

bébés, des grands-mères, des carnavals.<br />

Néanmoins, je rêvais d’une seule chose:<br />

faire du cinéma. C’est à ce moment que j’ai été<br />

accepté comme assistant caméraman à l’ONF.<br />

Toutefois, à cette époque, ce travail consistait<br />

à déménager des boîtes et à conduire les autos.<br />

Donc, une job de bras. De plus, enthousiaste<br />

comme j’étais, j’acceptais tout ce que l’on me<br />

proposait, même ce que je ne savais pas faire.<br />

Conséquemment, je n’étais pas très bon.<br />

Après une pause de deux ou trois ans,<br />

durant laquelle je suis allé travailler dans l’industrie<br />

privée, je suis revenu à l’ONF, mais en<br />

tant que premier assistant et j’ai commencé à<br />

tourner en tant que caméraman. Cette fois, je<br />

suis arrivé au bon moment, c’est-à-dire au<br />

moment des premiers films de Gilles Carle,<br />

d’Anne-Claire Poirier, de Don Owen, etc.<br />

De plus, à cette époque, la camaraderie<br />

était formidable. Le groupe était important.<br />

Et si le groupe est fort, les individus sont plus<br />

forts. Lorsque j’enseignais à l’université, je<br />

disais toujours à mes élèves: «Quand vous<br />

faites un film, n’essayez pas d’aller chercher un<br />

ingénieur du son connu, un caméraman<br />

connu, mais faites-le avec votre groupe. Restez<br />

chez vous et vous allez être plus forts dans<br />

quatre ans. Si on va chercher un caméraman<br />

connu, on peut faire de belles images, mais<br />

pour le film d’après, il ne reviendra pas. Tandis<br />

que ton camarade, lui, il va revenir pour le<br />

film d’après et il va s’améliorer avec toi.»<br />

L’ONF a été mon université, mon école. À<br />

cette époque, l’Office avait de meilleurs laboratoires,<br />

de meilleurs studios, un département de<br />

caméra formidable, une section de films scientifiques<br />

qui était dirigée par Wally Gentleman.<br />

Donc, il avait des forces étonnantes.<br />

Vous avez fait la caméra<br />

pour un film sur le grand<br />

Michelangelo Antonioni.<br />

Parlez-moi de cette expérience.<br />

Ce film a été fait par un<br />

jeune réalisateur,<br />

Gianfranco Mingozzi.<br />

Mais, comme dans toutes<br />

les belles histoires italiennes,<br />

le réalisateur était<br />

en conflit avec le producteur,<br />

et donc c’est moi<br />

qu’il a envoyé tourner les<br />

images à Rome. J’y ai<br />

passé un long moment.<br />

Toutefois, un conflit<br />

est survenu entre Soraya (épouse du dernier<br />

shah d’Iran, Mohammed Reza Pahlavi) et<br />

moi. Soraya avait une très grande emprise sur<br />

le déroulement du film et, selon son contrat,<br />

aucun caméraman ne devait la filmer de<br />

l’angle gauche, car elle paraissait moins belle.<br />

Cependant, je suis arrivé sur le plateau comme<br />

un chien dans un jeu de quilles. Un jour, elle<br />

s’est fâchée contre moi en disant que si je n’arrêtais<br />

pas de la filmer de l’angle gauche, elle<br />

quitterait le studio. Cela a créé une commotion<br />

générale, 190 personnes m’ont regardé en<br />

me traitant de «Canadese»! Antonioni m’a fait<br />

une de ces crises. C’était formidable!<br />

J’ai donc quitté Antonioni pendant deux<br />

semaines et je suis allé sur le tournage de<br />

Fellini qui réalisait alors Giulietta degli spiriti.<br />

Un film merveilleux ! À cette époque, je ne<br />

savais pas où j’étais, mais j’étais là.<br />

Vous êtes une légende du documentaire québécois<br />

tout en étant un grand réalisateur de fiction. Toute<br />

votre vie, vous avez alterné entre les deux.<br />

Aujourd’hui,en regardant en arrière,lequel a la priorité:<br />

le documentariste ou le cinéaste de fiction?<br />

Tous les films que j’ai faits, ils ont été basés<br />

sur un documentaire fort. Même les Smattes,<br />

film qui a nécessité la présence de comédiens,<br />

était plus documentaire que fiction. Je n’ai<br />

jamais fait un film totalement de fiction, ils<br />

ont toujours été basés sur des faits réels,<br />

comme L’Affaire Coffin. Donc, c’est le documentaire<br />

qui prend toujours le dessus. Il faut<br />

dire que c’était ma formation de base, j’étais<br />

beaucoup plus documentariste.<br />

Vous faites allusion aux Smattes, votre premier<br />

long métrage qui vous a valu une invitation à la<br />

Quinzaine des réalisateurs. Est-ce que pour la<br />

carrière de Jean-Claude <strong>La</strong>brecque, cette présence<br />

à Cannes fut importante ?<br />

Oui, ma présence à Cannes fut importante,<br />

que ce soit pour Les smattes, Les vautours ou<br />

Les jeux de la XXI e Olympiade. Cela m’a per-

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!