pages simples - Snj-cgt
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MAI 68<br />
Le mois suivant, ce sont bien lui et ses semblables<br />
qui ont craint d’avaler les foins<br />
tapissant le fond de cette plante potagère<br />
plutôt que ses feuilles ! La montée du<br />
mouvement revendicatif aidant, «l’artichaut»<br />
fut rapidement cuit et la date du lundi 13 mai à<br />
16heures nous fut précipitamment proposée<br />
pour la signature du nouveau texte. Cette fois,<br />
ce fut notre tour d’en demander le report pour<br />
cause de grève nationale de 24 heures et de<br />
manifestation de la République à Denfert-<br />
Rochereau.<br />
Le samedi précédent, les membres du comité<br />
national présents à Paris avaient adopté un texte<br />
prolongeant l’appel du bureau confédéral de la<br />
CGT : «Face à la répression policière déchaînée sur<br />
le quartier Latin, le bureau national des journalistes<br />
CGT exprime sa solidarité aux étudiants en lutte,<br />
inséparable de celles de toutes les catégories de la population<br />
victimes de la politique du pouvoir. »<br />
Condamnant les premières agressions contre<br />
des journalistes, notre syndicat «appelle ses<br />
adhérents et tous les journalistes à participer<br />
à la grève générale de 24 heures du lundi 13<br />
mai et aux manifestations populaires.»<br />
Le 13 mai, place de la République, des<br />
dizaines de journalistes se retrouvent<br />
derrière la banderole du SNJ-CGT.<br />
Certains se sont groupés avec les travailleurs<br />
de leurs imprimeries (comme à<br />
l’Aurore, à France-Soir, etc.), d’autres derrière<br />
le titre de leur journal (la Vie<br />
ouvrière, l’Humanité, les Lettres françaises).<br />
S’y ajoutent ceux que nous rencontrerons<br />
sur le passage du cortège (le nouvel<br />
Observateur, radios périphériques). C’est<br />
avec un vif plaisir que nous verrons venir<br />
à nos côtés, avec leurs banderoles, nos<br />
confrères des sections CFDT de l’Express (qui,<br />
peu après, rejoindront majoritairement la<br />
CGT) et de la Croix.<br />
Dès le 3 mai, alors que le mouvement étudiant<br />
prenait de l’ampleur, les journalistes membres<br />
du SNJ-CGT, quel que soit le titre qui les<br />
employait, ne lui dissimulaient pas leur soutien.<br />
Passager de la moto émettrice de RTL,<br />
Patrick Pesnot (membre du comité national),<br />
relayé à la station par Philippe Alfonsi, sillonnait<br />
le quartier Latin. Il rendait si bien compte,<br />
heure par heure, des manifestations d’étudiants<br />
comme des concentrations des forces<br />
de police qu’il fut soupçonné par celles-ci d’informer<br />
ceux-là de leurs déplacements !<br />
Mardi 14 mai, aucun quotidien ne paraît. Les<br />
journalistes de France-Inter prennent en main<br />
pour plusieurs semaines le «journal parlé» sous<br />
la direction d’un comité des cinq, élu.<br />
24<br />
Faire grève en continuant<br />
d’informer<br />
Dimanche 19 mai, la grève commence à<br />
l’ORTF. Seuls les journalistes continuent de<br />
travailler, avec l’accord de l’intersyndicale. Le<br />
lendemain, c’est au tour des travailleurs du<br />
Livre CGT de rejoindre le mouvement. Ils<br />
décident toutefois de «continuer à assurer l’information»<br />
dans les quotidiens, à l’exclusion<br />
des autres publications, et nous appelons nos<br />
confrères à s’y associer. Nous voilà donc pris<br />
dans cette contradiction : faire la grève, mais<br />
mieux servir le mouvement en continuant d’informer!<br />
Les «papiers» terminés, nombreux<br />
sont ceux qui effectuent plus d’une double journée<br />
en se rendant à notre permanence, 10, rue<br />
des Pyramides, où Maurice Vidal, directeur des<br />
Éditions Miroir, devenues sans troupes ni titres,<br />
nous avait offert l’hospitalité. Pour beaucoup,<br />
cette période fut une première et fructueuse<br />
expérience de l’action syndicale. Et l’osmose fut<br />
parfaitement réussie entre ces forces nouvelles<br />
et l’expérience de ceux qui, depuis des années,<br />
avaient maintenu le SNJ-CGT après la<br />
scission: Jean-Maurice Hermann, Jean Bedel,<br />
Serge Nat, Charles Rivet, Jean-François Dominique.<br />
Il y avait peu de temps que j’avais été élu<br />
secrétaire général en remplacement de Jean-<br />
Maurice Hermann, qui venait de prendre sa<br />
retraite mais demeurait à nos côtés. En dix<br />
jours, cinquante-deux journalistes nous avaient<br />
rejoints et un «comité parisien» était constitué.<br />
Une section avait été créée au Centre de<br />
formation des journalistes, avec Gilles de Stael,<br />
Hervé Chabalier, Bernard Guetta.<br />
Nos camarades Francis Le Goulven et François<br />
Thébault étaient partis occuper… le siège<br />
de la Fédération de football, alors que Philippe<br />
Dominique gardait, avec d’autres, celui de<br />
l’OCORA.<br />
TÉMOINS<br />
N° 34 / JUILLET 2008<br />
Floriana et notre section des Éditions Filipacchi<br />
s’occupaient des soins aux blessés et<br />
de la recherche de ceux qui avaient disparu<br />
après les rafles policières. Une délégation,<br />
avec Raymond Pradines, avait investi le siège<br />
de la Fédération de la presse pour exiger la<br />
remise des bons nécessaires à l’obtention de<br />
l’essence rationnée…<br />
Signer n’est pas renoncer<br />
Mercredi 22 mai, la nouvelle convention collective<br />
est signée. Considérant qu’elle marque<br />
un progrès encore insuffisant, nos représentants<br />
déposent aussitôt les revendications suivantes :<br />
– salaire minimum national à 130% du plafond<br />
de la Sécurité sociale ;<br />
– barème unique pour toutes les formes de<br />
presse ;<br />
– semaine en cinq jours avant la fin de l’année;<br />
– retraite à 60 ans à taux plein ;<br />
– affiliation des pigistes aux «cadres» et<br />
statut des dessinateurs de presse ;<br />
– création d’une commission nationale<br />
paritaire pour l’emploi ;<br />
– paiement des jours de grève ;<br />
– reconnaissance de la section syndicale<br />
d’entreprise ;<br />
– reconnaissance du droit moral du journaliste<br />
dans l’entreprise.<br />
Longtemps, les patrons ont invoqué<br />
leurs difficultés à se réunir pour<br />
répondre à nos demandes d’entrevues<br />
comme à nos revendications. Cette fois,<br />
malgré la grève des transports, ils n’ont<br />
pas mis trois jours pour proposer de<br />
nous rencontrer. Mercredi 29 mai, alors que<br />
la CGT a organisé un défilé de la Bastille à<br />
Saint-Lazare, une réunion patrons-syndicats<br />
se tient au siège du SNPQR, place de l’Opéra,<br />
sous la présidence de M. Pierre-René Wolf,<br />
patron de Paris-Normandie. Des commissions<br />
paritaires sont créées pour l’emploi, la<br />
retraite, les pigistes. Un autre rendez-vous est<br />
pris pour le vendredi suivant.<br />
Mais, entre-temps, de Gaulle est revenu de<br />
Baden-Baden. Les patrons ont retrouvé de leur<br />
assurance. Toutefois, ils seront bien obligés<br />
d’appliquer ce qui fut signé à Grenelle. Pour<br />
le reste, jamais un mot d’ordre ne sera plus justifié:<br />
«Ce n’est qu’un début, continuons le combat.»<br />
Il faudra six années et les rapports de deux<br />
députés également membres du SNJ-CGT,<br />
Georges Fillioud et Jack Ralite, pour que les<br />
droits des pigistes soient enfin reconnus. ■<br />
Jean Effel