pages simples - Snj-cgt
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Ils ont eu le cynisme de reconnaître qu’ils<br />
n’appliquaient pas les règles sociales élémentaires<br />
depuis 1974. Le texte soumis<br />
à la signature des syndicats dit en effet :<br />
«Les organisations professionnelles de presse<br />
écrite et d’agences, et les syndicats de journalistes<br />
expriment leur volonté de clarifier pour<br />
l’avenir les implications de la loi du 4 juillet<br />
1974, dite “loi Cressard”, sur les conditions<br />
de collaboration à l’entreprise de presse des<br />
journalistes professionnels rémunérés à la<br />
pige, et sur les modalités d’application à cette<br />
catégorie de personnel des avantages collectifs<br />
issus de la convention collective et du code du<br />
travail.»<br />
Un tel aveu n’est pas glorieux. Les<br />
patrons ne seraient pas totalement fautifs,<br />
ce sont les textes qui ne seraient pas<br />
applicables : «Compte tenu des difficultés<br />
constatées pour résoudre les questions soulevées<br />
par une référence simple aux textes normatifs<br />
et à la jurisprudence, et de la nécessité<br />
d’unifier au niveau de la branche les pratiques<br />
des entreprises, les parties à la négociation<br />
sont convenues de mettre en place des<br />
règles d’application des droits pour les pigistes<br />
dans certains domaines.» Les motivations<br />
patronales s’éclairent : il faut unifier les<br />
pratiques des entreprises, dont on sait<br />
qu’elles sont non conformes aux textes !<br />
La boîte à outils<br />
est un leurre<br />
Le porte-parole de la délégation patronale<br />
n’hésite pas à se faire provocateur.<br />
Il a avoué ne pas vouloir renforcer la<br />
présomption de contrat de travail des<br />
pigistes. Sa boîte à outils est un leurre.<br />
Il s’agit tout bonnement de se doter<br />
de textes permettant aux employeurs<br />
d’échapper aux condamnations par<br />
le juge.<br />
Après avoir longtemps prétendu que les<br />
questions soulevées ne sont pas une<br />
question d’argent pour les patrons, ils<br />
ont fait des propositions concernant la<br />
prime d’ancienneté, par exemple. Se<br />
refusant à prendre l’ancienneté dans<br />
l’entreprise dès la première collaboration,<br />
ils ont avancé la solution d’une<br />
prime d’ancienneté calculée sur la seule<br />
ancienneté dans la carte professionnelle,<br />
aux taux suivants : 5 % pour 5 années,<br />
10% pour 10 ans, 15% pour 15 ans et<br />
20% pour 20 ans.<br />
La plupart des formes de presse n’ayant<br />
pas de barème de piges, il est proposé<br />
d’appliquer un coefficient calculé par<br />
référence au barème du rédacteur. Si,<br />
par exemple, un pigiste a un montant<br />
mensuel de piges de 920 € et si le<br />
barème du rédacteur dans la forme de<br />
presse est de 1300 €, le coefficient est<br />
de 920/1300= 0,71. Si le journaliste a sa<br />
carte professionnelle depuis 10 ans, il<br />
aura une prime d’ancienneté de 65 €<br />
(10% de 920 € = 92 € x 0,71= 65).<br />
Au cours de la dernière séance de négociation,<br />
la délégation patronale a avancé<br />
un nouveau mode de calcul pour les<br />
formes de presse ayant un barème de<br />
piges. Si le barème est de 50 € le feuillet<br />
et si le journaliste a négocié un prix du<br />
feuillet à 80 €, sa feuille de paie mentionnera<br />
: salaire 50 €, prime d’ancienneté<br />
5 €, complément personnel 30 €.<br />
Il aura donc une pige de 85 €, alors que<br />
la cour de cassation reconnaît qu’il doit<br />
lui être appliqué une prime d’ancienneté<br />
de 8 € et une pige totale de 88 €.<br />
La prétendue générosité patronale a des<br />
limites. Échapper aux tribunaux a certes<br />
un prix, mais le moins élevé possible !<br />
Les négociations continuent, mais pour<br />
aboutir à quoi ?<br />
La régularisation des «sans papiers» de<br />
la profession risque fort de dépendre,<br />
comme pour les travailleurs immigrés,<br />
de la mobilisation majoritaire ! ■<br />
Gardien de la paix ou Pondichéry, j’hésite…<br />
Je suis précaire, enfin pigiste,<br />
depuis cinq ans. Je pige un peu<br />
partout pour un salaire dérisoire.<br />
Je perds 1000 € par mois<br />
par rapport à mon ancien salaire,<br />
même si souvent le tarif syndical<br />
est appliqué 60 € le feuillet.<br />
Pas cher payé lorsqu’on compare<br />
au temps passé à enquêter,<br />
interviewer et écrire.<br />
À peine plus qu’une femme<br />
de ménage. Je me déplace<br />
souvent sur de l’actualité chaude<br />
mais, entre les journalistes des<br />
agences, les confrères en pied<br />
dans d’autres titres, c’est souvent<br />
pour rien.<br />
Dernièrement, une agence de<br />
presse me commande un papier.<br />
Je le réalise (texte et photo), et là,<br />
c’est le drame: « On n’a pas de quoi<br />
payer ! », Ah! la bonne blague.<br />
J’ai eu l’occasion aussi de faire des<br />
papiers gratuits en guise d’essai<br />
pour une communauté de<br />
communes dirigée par des<br />
progressistes. Mes revenus<br />
diminuent de mois en mois et mon<br />
temps de travail explose. Je travaille<br />
plus pour gagner moins.<br />
L’ANPE me met la pression<br />
en me proposant n’importe<br />
quelle annonce. J’ai reçu<br />
la semaine dernière, une<br />
« information, pas une offre<br />
d’emploi », m’a assuré la<br />
conseillère en ligne, pour être<br />
gardien de la paix. Oui gardien de<br />
la paix ! Quel rapport avec<br />
le journalisme ma bonne dame ?<br />
lui ai-je demandé. « Il y a des gens<br />
qui cherchent (moi je ne cherche<br />
pas, il faut croire) et qui ne pensent<br />
pas forcément à ce type de poste »,<br />
m’a-t-elle vertement répondu.<br />
Heureusement, je peux encore<br />
aujourd’hui refuser, mais le<br />
courrier envoyé par l’ANPE<br />
stipule bien qu’« au cas où vous ne<br />
donneriez pas suite à ce courrier, je<br />
serais conduit à ne plus vous<br />
considérer comme demandeur<br />
d’emploi (art. R311-3-5 du code du<br />
travail). » De la pression ? J’insiste<br />
lourdement. « Vous n’y pensez pas,<br />
c’est juste de l’information, je vous<br />
dis. » Justement informer c’est<br />
mon métier.<br />
Que se passera-t-il demain ?<br />
Comme je suis précaire depuis<br />
plus d’un an, « France Emploi »,<br />
issue de la fusion ANPE et Assedic,<br />
sera juge et partie et pourra donc<br />
m’imposer n’importe quel poste du<br />
moment que le salaire est<br />
équivalent à mes allocations<br />
chômage. Aujourd’hui, je ne gagne<br />
pas plus qu’un gardien de la paix.<br />
Par ailleurs, en regardant les offres<br />
d’emploi sur le site de l’ANPE,<br />
je vois passer des annonces<br />
classées dans la rubrique<br />
journaliste concernant des<br />
postes d’employés qualifiés ou<br />
de techniciens. Ces annonces<br />
ont-elles lieu d’être ?<br />
Un journaliste n’est-il pas cadre ?<br />
Pas étonnant de voir l’ANPE<br />
claironner avoir augmenté ses<br />
offres de plus de 6 % en un an.<br />
Malheureusement, le poste à<br />
Pondichéry, en Inde, en fait partie.<br />
Une offre d’emploi valable, c’est<br />
quoi ? Celle qui me correspond<br />
ou celle qui fera baisser le nombre<br />
de chômeurs ?<br />
Le <strong>Snj</strong>-Cgt doit investir ce débat<br />
en collaboration avec l’ensemble<br />
des structures Cgt, notamment<br />
la Cgt Anpe.<br />
Comme il doit accueillir<br />
et organiser les pigistes,<br />
correspondants de presse<br />
et, de manière générale, tous<br />
les « soutiers » de l’information<br />
car au rythme où vont les choses,<br />
Pondichéry n’est plus très loin.<br />
Patrick Trublion<br />
TÉMOINS<br />
N° 34 / JUILLET 2008 9