Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
Le temps d’une soirée, un jeune couple<br />
hétéro annonce à sa famille qu’il déménage<br />
dans un autre quartier. Une douche froide<br />
mais des réactions volcaniques de la part<br />
des parents. Et bien entendu une confrontation<br />
familiale et générationnelle où chacun<br />
défend ses positions, fait part de ses frustrations,<br />
de ses attentes et de ses désirs.<br />
Si l’intensité des émotions et de leur expression<br />
a tout à voir avec l’Italie, il ne s’agit<br />
plus de pleurer la terre des ancêtres mais<br />
bien de chérir le quartier de Montréal dans<br />
lequel plusieurs générations d’Italo-montréalais<br />
ont grandi.<br />
En janvier 2001, Fugues ouvrait ses pages et sa couverture à Steve<br />
Galluccio dans une longue entrevue. On vous propose donc, le<br />
même exercice, mais 14 ans plus tard.<br />
Pourquoi écrire sur la <strong>com</strong>munauté italienne de Montréal <br />
Parce que c’est la <strong>com</strong>munauté dont je suis issu, que je la connais<br />
très bien et qu’elle me fascine toujours autant. Plus je vieillis, plus<br />
d’ailleurs l’histoire de son arrivée sur le nouveau continent me passionne.<br />
Je lis actuellement des livres sur l’arrivée des Italiens à New<br />
York. Il y a eu plusieurs vagues d’immigrants italiens au cours de<br />
l’histoire, et selon l’époque, la région d’origine en Italie, on se rend<br />
<strong>com</strong>pte que ce n’est pas une <strong>com</strong>munauté aussi homogène que cela<br />
sinon par son attachement à sa terre d’origine. Je continue donc<br />
encore à la « décortiquer » (Rires) !<br />
Avec Mambo Italiano, il y a 14 ans, on découvrait des italomontréalais<br />
dont certains étaient de seconde génération<br />
pas très ouverts aux changements sociétaux, entre autres<br />
à l’homosexualité Est-ce que tu perçois un changement<br />
aujourd’hui face à cette question <br />
Bien sûr. Je ne veux pas dire que tous les italo-montréalais sont<br />
aujourd’hui à l’aise. Comme dans toute la société, il y a encore des<br />
résistances, mais en une quinzaine d’années le changement est<br />
énorme. Les familles acceptent mieux que leurs enfants quittent la<br />
maison sans être mariés, ou même puissent envisager de rester célibataire<br />
ou encore d’être gai ou lesbienne. Il y a une plus grande ouverture<br />
même si ce n’est pas forcément ce que souhaitent les parents.<br />
On considère aujourd’hui que près de 50% des jeunes issus de cette<br />
<strong>com</strong>munauté épousent des conjoints qui ne sont pas d’origines italiennes.<br />
Il y a donc un plus grand mélange avec d’autres <strong>com</strong>munautés<br />
qui joue sur l’évolution des mentalités.<br />
La pièce se passe le temps d’un souper <br />
On pourrait dire presqu’en temps réel. Et <strong>com</strong>me souvent quand il y a<br />
une grand nouvelle, bonne ou mauvaise dans ces familles, tout<br />
prend des proportions qui paraissent parfois exagérées mais qui<br />
témoignent même dans les cris ou les larmes de l’attachement et des<br />
liens forts entre chacun des membres de la famille. Les chroniques<br />
de Saint-Léonard est avant tout une <strong>com</strong>édie, avec des moments<br />
plus touchants. Mais c’est un divertissement.<br />
Tu as d’abord écrit Les Chroniques de Saint-Léonard<br />
en anglais, puis tu les as traduites. Pourquoi ce choix alors<br />
que c’est Michel Tremblay qui avait traduit Mambo Italiano<br />
Le Français est la langue de mon éducation au Québec. J’ai d’abord<br />
parlé français avant de parler anglais. Je ne sais pourquoi je ne<br />
voulais pas me lancer dans l’écriture en français. Peut-être mon<br />
influence des films américains où j’avais le sentiment que ce serait<br />
plus facile pour moi d’écrire des dialogues en anglais. Mais là, j’ai<br />
sauté le pas. Et Monique Duceppe qui signe la mise en scène m’a<br />
encouragé et a suivi pas à pas tout le travail de la traduction. En fait<br />
mon grand rêve aurait été d’écrire une pièce qui mélange l’anglais, le<br />
français et l’italien. Car c’est actuellement ce qui se passe chez beaucoup<br />
de familles italo-montréalaises, où en fonction des personnes<br />
et de leurs origines, on peut très bien passer d’une langue à l’autre<br />
dans une conversation et même <strong>com</strong>mencer une phrase dans une<br />
langue et la terminer dans une autre. Mais <strong>com</strong>me tu peux l’imaginer,<br />
cela aurait été très difficile à mettre en scène. Mais par exemple,<br />
quand je suis avec mon chum québécois dans ma famille, on<br />
mélange les trois langues.<br />
En fait, c’est une autre facette des italo-montréalais que tu<br />
nous montres avec ces Chroniques de Saint-Léonard <br />
Oui, parce qu’il y a différentes façons de vivre son italianité à<br />
Montréal selon le quartier dans lequel la famille s’est installée. Les<br />
Italiens de Saint-Léonard sont différents de ceux de la Petite-Italie<br />
ou encore de Ville-Émard. Tous <strong>com</strong>me les Italo-Montréalais sont<br />
différents des Italos-Torontois ou des Italos-Newyorkais. En fait il<br />
faut tenir <strong>com</strong>pte de leur région d’origine en Italie, puis de l’époque à<br />
laquelle ils ont émigrés puis des villes et des quartiers dans lesquels<br />
ils vont s’installer. Ces différents facteurs vont façonner une culture<br />
propre. Et les différences et les variantes sont plus grandes qu’on le<br />
croit. C’est ce qui me fascine. Tout <strong>com</strong>me je suis fasciné de voir<br />
que de plus en plus de jeunes créateurs et artistes d’origine italomontréalaise<br />
font leur marque aujourd’hui. Il y a encore une quinzaine<br />
d’années, on n’en voyait pas beaucoup ou encore leurs origines<br />
n’étaient pas soulignées. Alors qu’aujourd’hui, on peut être Québécois,<br />
Montréalais et Italien sans qu’une des identités ne soient en<br />
contradiction avec les autres ou occultées. 6 ANDRÉ C. PASSIOUR<br />
CHRONIQUES DE SAINT-LÉONARD Texte et traduction de Steve Galluccio<br />
Mise-en-scène de Monique Duceppe. Théâtre Jean-Duceppe<br />
Du 17 décembre 2014 au 7 février <strong>2015</strong>. Billetterie : duceppte.placedesarts.<strong>com</strong><br />
PHOTO_FRANÇOIS BRUNELLE