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32 Dossier : L'Europe sera laïque ou...
L’Europe sera laïque, ou...
… ne le sera pas. Au-delà du détournement de la formule
rabâchée, il faut bien constater qu’un tel objectif relève
encore largement du wishful thinking. Les forces en
présence sont inégales dans la lutte d’influence qui agite
le landerneau européen, au détriment de la communauté
non confessionnelle.
La Fédération Humaniste Européenne (FHE) tente
bien d’exercer un contre-pouvoir face aux puissants
lobbys religieux soutenus bien souvent par de grands
groupes industriels et commerciaux, ou par des bastions
conservateurs richement dotés. Ceux-ci, craignant pour
leurs privilèges, n’hésitent pas à mettre la main à la poche
quand il s’agit de soutenir les groupes de pression opposés
au progrès éthique et social.
L’action des lobbys, religieux ou industriels, contribue
largement au désenchantement de la population à
l’égard du rêve européen. Quand les centres de décision
s’éloignent trop des lieux où s’exerce la démocratie, le
politique, les élus voient leur action contrecarrée trop
facilement et la confiance dans leur action s’érode. Faut-il
pour autant désespérer de l’avenir européen, et du progrès
humaniste ? Espace de Libertés vous balise quelques
pistes de réflexion que l’on espère éclairées. Et non,
contrairement à ce que d'aucuns prétendent, il n’est pas
certain que le drapeau européen aux douze étoiles soit une
évocation de la Sainte Vierge.
Yves Kengen
Rédacteur en chef
Laïcité en Europe
au XXI e siècle : repenser
le concept
« Le XXI e siècle sera spirituel ou ne sera pas ». Cette phrase
célébrissime, attribuée (à tort, semble-t-il) à André Malraux,
pourrait bien s’avérer prophétique. Mais pas, hélas, dans le
sens d’un idéal spirituel qui mènerait l’humanité à la sagesse et
à la fraternité.
On assiste à quelques exemples flagrants
témoignant du « recours au
religieux » dans la société civile :
le discours du président Sarkozy
à Latran, l’appel de l’archevêque
de Canterbury à faire à appliquer
la charia en Grande-Bretagne, la
fatwa contre Ayaan Hirsi, l’ingérence
de l’Église catholique dans la
campagne électorale espagnole, la
flambée du créationnisme tant en
Europe qu’aux États-Unis, le racolage
en rue par les pentecôtistes…
On peut encore citer, pêle-mêle : le
refus des médecins de se conformer
aux lois sur l’avortement en Italie
et, dans ce même pays, la volonté de
faire passer les crucifix dans les lieux
publics pour des symboles culturels ;
les pressions pour inclure l’héritage
chrétien dans le projet de Constitution
européenne ; ou encore, les
rencontres régulières et opaques
des Églises avec les instances européennes
sur des sujets qui ne font
a priori pas partie de leur sphère
Par Pierre Galand
Président de la FHE
d’influence ; l’appel à la création
d’un inter-groupe œcuménique au
Parlement européen ; les déclarations
de Tony Blair, pour qui la
religion [catholique] a « un rôle central,
unique au sein de la société et
pour son développement » ; les pressions
du Vatican sur les politiques
pour qu’ils « votent bien ». La liste
est longue et produit chaque jour
de nouveaux exemples. La volonté
affirmée de fractions réactionnaires
de l’islam radical d’imposer leurs
préceptes religieux en dépit des
lois de l’État de droit semble avoir
déclenché une spirale inflationniste
de concurrence entre Églises, sectes
et chapelles de tous bords.
Face à cette vague que rien ne
semble pouvoir endiguer, la laïcité,
érigée dans certains pays –comme
la France– en principe constitutionnel,
se voit remise en question, au
mépris des longues luttes qui ont
permis au peuple souverain de se