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48 Dossier : L'Europe sera laïque ou...<br />
1 Ce sont les<br />
programmes de<br />
stabilité et de<br />
convergence (volet<br />
budgétaire) et<br />
plans nationaux<br />
de réforme (volets<br />
non budgétaires).<br />
C’est pourquoi les prêtres de la pensée<br />
unique fuient le réel : ils ne peuvent<br />
l’expliquer. Tout au plus déclarent-ils<br />
que si ça ne marche pas, c’est parce<br />
qu’on n’a pas été assez loin dans l’expérimentation<br />
ou simplement que ça<br />
va bientôt marcher. Avec eux, pas de<br />
débat rationnel possible.<br />
Les fonctionnaires aux manettes<br />
Comment est-il possible qu’une<br />
idéologie à ce point déconnectée du<br />
réel demeure hégémonique dans les<br />
cercles dirigeants d’Europe ? Ceux<br />
qui sont arrivés aux commandes<br />
depuis trente ans sont tombés dans<br />
la marmite de la pensée unique dès<br />
leurs études ; au fil des ans, ils ont<br />
progressivement contaminé leurs<br />
anciens, y compris au sein des deux<br />
familles politiques majoritaires en<br />
Europe, les chrétiens-démocrates<br />
du PPE et les sociaux-démocrates<br />
du PES. Entre Blair et Sarkozy,<br />
Schröder ou Van Rompuy, Barroso<br />
ou Strauss-Kahn, on a du mal à percevoir<br />
les nuances. Mais c’est aussi<br />
dans l’affaiblissement des mécanismes<br />
de légitimation démocratique<br />
qu’il faut chercher le moyen<br />
de prolonger une hégémonie, devenue<br />
très probablement minoritaire<br />
politiquement en Europe.<br />
En effet, les choix d’orientation de<br />
politique économique (et plus en<br />
plus sociale) en Europe procèdent<br />
d’une négociation menée dans le<br />
cadre du semestre européen entre la<br />
Commission européenne et les gouvernements<br />
nationaux. Ces derniers<br />
jouissent certes d’une légitimité<br />
démocratique, mais les propositions<br />
qu’ils soumettent à la Commission 1<br />
font rarement l’objet d’un débat,<br />
moins encore d’une délibération<br />
au sein des parlements nationaux.<br />
Quant à la Commission, ses orientations<br />
sont fixées dans un document<br />
annuel –le bien mal nommé<br />
« examen annuel de croissance »–,<br />
lequel ne fait l’objet d’aucune légitimation<br />
démocratique au sein du<br />
Parlement européen. Or, le résultat<br />
de ces négociations, résumé par les<br />
« recommandations spécifiques par<br />
pays » devient de plus en plus le<br />
cadre contraignant des politiques<br />
nationales. Plus grave encore, les<br />
programmes d’ajustement macroéconomique<br />
imposés aux États<br />
placés sous assistance de la Troïka 2<br />
sont négociés par des fonctionnaires.<br />
Ils sont certes endossés politiquement<br />
au niveau des ministres des<br />
Finances de l’Eurogroupe, mais de<br />
l’aveu même de Jean-Claude Juncker,<br />
son ancien président, cette validation<br />
est purement formelle. Cet<br />
affaiblissement de la légitimation<br />
démocratique est précisément ce qui<br />
permet à une idéologie –comme celle<br />
de la rigueur– devenue minoritaire<br />
de se maintenir, alors même qu’elle<br />
impose aux citoyens des sacrifices<br />
sans précédent.<br />
Quels sont les défis de notre siècle,<br />
sinon les bombes à retardement que<br />
constituent d’une part les inégalités<br />
croissantes au sein et entre nos sociétés<br />
et d’autre part notre empreinte<br />
écologique qui dépasse la capacité<br />
de notre planète ? Laisser l’une et/<br />
ou l’autre d’entre elles exploser nous<br />
expose au déchaînement de la violence<br />
des hommes et de la nature,<br />
c’est-à-dire à l’effondrement de nos<br />
sociétés. Les désamorcer, autrement<br />
dit, créer la possibilité d’une<br />
vie décente pour tous et cela dans<br />
L’homo economicus<br />
est une fiction<br />
incapable de<br />
refléter la nature de<br />
l’humain.<br />
les limites physiques de la planète<br />
doit constituer la priorité absolue de<br />
l’action politique. Et cela s’avèrera<br />
impossible sans une refondation de<br />
nos démocraties.<br />
Refondation démocratique<br />
Il s’agit tout d’abord d’une question<br />
de rapport de force : la pensée unique<br />
fonctionne au profit d’une minorité<br />
de plus en plus réduite de la population.<br />
Si elle se maintient, c’est parce<br />
qu’elle demeure hégémonique dans<br />
les lieux de décisions politiques.<br />
Imposer une légitimation démocratique<br />
aux choix opérés est une première<br />
condition à un changement de<br />
cap politique. Aussi longtemps que<br />
les organes de décision seront soustraits<br />
à un tel processus, cela restera<br />
impossible. Il est donc urgent de (re)<br />
donner aux assemblées élues –en<br />
particulier aux niveaux national et<br />
européen– les moyens d’un véritable<br />
contrôle des exécutifs.<br />
Avec la dérégulation générale, le lieu<br />
des décisions politiques s’est déplacé<br />
non pas vers le marché, comme les<br />
idéologues voudraient nous le faire<br />
croire, mais vers les hautes sphères<br />
de la finance, lesquelles relèvent plus<br />
de l’oligopole que du marché. L’expérience<br />
récente de la législation<br />
2 On nomme<br />
ainsi le groupe<br />
formé par la<br />
Commission, la<br />
Banque centrale<br />
européennes et le<br />
Fonds monétaire<br />
international.