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Chronique<br />

Coup de pholie<br />

Racismes déguisés<br />

Les propos xénophobes, racistes et antisémites sont interdits<br />

par la loi. Qu’à cela ne tienne. Il suffit de la contourner.<br />

Ne dites plus « je n’aime pas les<br />

étrangers ». Dites, je n’aime pas l’islam.<br />

Une religion contraire à « nos »<br />

valeurs, « nos » coutumes, « nos »<br />

traditions. Qui empêche par définition<br />

les immigrés de « s’intégrer »<br />

à « notre » société. Ainsi, l’hostilité<br />

aux immigrés se déguise en défense<br />

de la laïcité. Le résultat est le même.<br />

Il s’agit de justifier, non plus par les<br />

origines raciales, ethniques ou nationales<br />

mais par la religion et la culture,<br />

des propos malveillants, des discriminations,<br />

des inégalités de droit et des<br />

mesures répressives envers les mêmes<br />

personnes. Cette fois, de manière<br />

irréprochable, car on ne s’en prend<br />

plus aux gens pour ce qu’ils « sont »<br />

mais pour ce qu’ils « pensent » ou<br />

ce qu’ils « croient ». Et on a bien le<br />

droit, n’est-ce pas, de « critiquer » des<br />

idées et des croyances ?<br />

De même, ne dites plus « je n’aime<br />

pas les Juifs ». Dites que vous êtes<br />

antisioniste. « Critiquer » la politique<br />

d’un pays ne saurait être assimilé<br />

à de la haine raciale, donc vous<br />

avez bien le droit, sinon le devoir,<br />

de « critiquer » Israël. Un pays qui<br />

pratique l’apartheid, la colonisation<br />

et ne respecte pas les résolutions de<br />

l’ONU. Ainsi la judéophobie se refait<br />

une beauté, déguisée en défense des<br />

droits de l’homme et de l’opprimé.<br />

Michel Gheude<br />

Écrivain et journaliste<br />

Ces discours hypocrites sont source<br />

de confusion et font beaucoup de<br />

tort. Aux immigrés qui, quelle que<br />

soit leur religion, veulent les mêmes<br />

droits et les mêmes devoirs que leurs<br />

concitoyens. Aux Juifs de la diaspora<br />

qui, quelle que soit leur position<br />

politique, voient en Israël le seul<br />

refuge pour tous les Juifs victimes<br />

de persécutions dans le monde. Mais<br />

aussi aux défenseurs de la laïcité qui<br />

combattent l’islamisme comme ils<br />

ont combattu le cléricalisme, et ne<br />

défendent pas du tout les mêmes<br />

valeurs, coutumes et traditions<br />

que les racistes et les xénophobes.<br />

Mais aussi aux militants de la paix<br />

au Proche-Orient qui défendent la<br />

création d’un État palestinien à<br />

côté de l’État juif sans la moindre<br />

complaisance antisémite. Et plus<br />

généralement encore, à la société<br />

tout entière que ces discours de plus<br />

en plus nombreux salissent, abaissent,<br />

barbarisent, réactionnarisent,<br />

parce qu’ils détruisent la fraternité<br />

humaine que des millions d’autres<br />

hommes tentent de construire,<br />

qu’ils utilisent la liberté d’expression<br />

pour avilir la démocratie, qu’ils<br />

rendent notre société plus étroite et<br />

hypothèquent notre avenir.<br />

Mon Dieu qu’il est laid !<br />

}<br />

D’abord, il y a le mal, puis le faux<br />

et enfin, le laid. Plus que ces deux<br />

aïeuls, le laid, enfin, sa laideur résiste<br />

à la contemplation, à la réflexion, à<br />

la prise de risque. On les (re)connaît,<br />

les défauts cérébraux, les visages<br />

ingrats, les mornes plaines, les paysages<br />

ravagés qui jalonnent notre<br />

quotidien, formant et déformant<br />

l’ordinaire du monde. Mais là où<br />

le monstrueux captive le regard, là<br />

où l’animosité stimule la pensée, là<br />

où le singulier déclenche le divin, le<br />

laid fait tourner (de) l’œil. Peu de la<br />

laideur retient l’attention ou même<br />

l’idée. Nous ne désirons rien garder<br />

de cet effluve honteux.<br />

La laideur se terre dans les coulisses<br />

de notre ère telle que nous la construisons<br />

: efficace. Nous traînons la<br />

laideur comme une vieille casserole<br />

d’un temps ancien, oublié. Ces corps<br />

disgracieux, ces âmes noires sourdent<br />

à l’orée de notre désir de perfection.<br />

L’eugénisme nous engage dans<br />

l’estompement, voire l’éradication<br />

de notre reflet dionysiaque. Dans<br />

l’envers du décor (ou son revers),<br />

le côté sombre de la force grouille<br />

de tous ces déchets humains, enflés<br />

de désirs animaux ou de vices si<br />

variés qu’ils ne peuvent être contenus,<br />

maitrisés. Que sont les bouffons,<br />

les démons, les charognes, les<br />

}<br />

Par Milady Renoir<br />

Écrivaine<br />

damnés, les déchus, les satyres, les<br />

bossus, les ridicules devenus ? Martyrs<br />

de vie, du vivant sacrifié sur<br />

l’autel de cet imaginaire arbitraire<br />

que nous soudoyons. Tous ceux,<br />

rebus du conformisme stérile que les<br />

images véhiculées par les gardiens<br />

du royaume totalitaire de la forme<br />

absolue, unique et plate, doivent<br />

mourir. Nous nous gavons de cette<br />

« beauté » en chirurgie sous vide qui<br />

nous détourne de l’existence, du<br />

réel, de la chair viande, de la liberté<br />

de l’erreur.<br />

À moi, poète du désir, des contrastes,<br />

du souvenir, liée à la répulsion et<br />

aux violences au monde, ils me manquent<br />

cruellement, ces spectres puissants,<br />

ces banalités grimaçantes, ces<br />

humbles ombres, ces mirages vulnérables.<br />

Heureusement, la littérature<br />

(et autres arts) contredit encore le<br />

luisant et la symétrie, moque follement<br />

le surfait et l’inodore et<br />

m’emporte dans les trombes d’un<br />

ordonnancement organique qui<br />

n’exclut ni le mal, ni le bien, ni le<br />

faux, ni le vrai, ni le beau, ni le laid.<br />

Enfin… jusqu’à nouvel ordre.<br />

Bibliographie :<br />

Umberto Eco, Histoire<br />

de la laideur,<br />

Paris, Flammarion,<br />

2011.

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