Louise Desjardins

Outre ses fonctions utilitaire et expressive,
l’écriture recèle une forme de prise de pouvoir
par les femmes dans les romans de Desjardins.
Les carnets de Claude, dans La love,
lui permettent une prise de parole qui lui est
refusée en dehors de l’écriture. À la maison,
elle est la seule fille; son père et ses frères
s’amusent à la ridiculiser dès qu’elle ouvre la
bouche ou l’empêchent de dire quoi que ce
soit. « Mon père disait souvent : “Tais-toi, la
Suffragette, tu parles trop, tu parles trop fort”,
confie-t-elle. Dans des moments d’épanchement
très rares, il m’appelle Chouchoune.
Mais je ne mérite ce surnom que lorsque je
suis très fine, c’est-à-dire lorsque j’écoute
sans broncher les histoires qu’il raconte
à table ou quand je ne dis rien même si je
ne suis pas d’accord avec lui » (Desjardins,
1993, p. 36). Cette impossibilité de partager
ses idées ou ses opinions est dévastatrice pour
la jeune fille et la force à se replier sur ellemême.
L’écriture constitue donc le principal
moyen qu’elle a trouvé pour ne pas être totalement
soumise à la suprématie des hommes
de la famille. Dans le roman Darling, Pauline
réussit également à prendre sa place grâce
à l’écriture. Elle se découvre un talent pour
la composition de chansons et ose tenter sa
chance dans le milieu de la musique. C’est
elle qui fait les premiers pas en contactant les
musiciens des Blue Kids pour leur offrir de se
joindre à eux. Les moqueries et les préjugés
de ces hommes ne viennent pas à bout de sa
détermination et, malgré qu’elle n’ait pas le
« profil » d’une chanteuse western typique,
son talent pour les mots lui permet finalement
d’avoir une place au sein du groupe. Enfin,
on peut considérer cette femme comme un
modèle, puisque non seulement elle réussit à
percer dans le domaine de la musique, mais
elle y parvient grâce à son talent authentique et non parce qu’elle est jeune et jolie. En ce qui concerne Katie,
l’héroïne de So long, le geste d’écriture quotidien de son père l’intrigue énormément, tout comme sa plume
dorée. Pour elle, comme pour Claude et Pauline, l’acte d’écriture illustre une prise de pouvoir, une manifestation
de ce que les critiques féministes appellent l’« empowerment » 1 .
1
Le terme « empowerment » provient des États-Unis. Il apparaît au début des années 1900 et réfère à la
prise de pouvoir des femmes. Il est souvent utilisé par les critiques féministes.
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