Louise Desjardins
Lettres boréales, revue littéraire des finissants en Arts et Lettres du Cégep de l'Abitibi-Témiscamingue. Revue littéraire portant sur cinq romans de Louise Desjardins.
Lettres boréales, revue littéraire des finissants en Arts et Lettres
du Cégep de l'Abitibi-Témiscamingue.
Revue littéraire portant sur cinq romans de Louise Desjardins.
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Ignorer pour s’éduquer<br />
La love de <strong>Louise</strong> <strong>Desjardins</strong> :<br />
un roman d’apprentissage<br />
Raphaël Hachez<br />
Bien que son entrée dans le monde littéraire passe par le genre poétique, <strong>Louise</strong> <strong>Desjardins</strong> se tourne vers<br />
la narration en 1993 et publie La love. Ce premier récit, qui raconte le passage d’un enfant à la vie adulte,<br />
se classe dans la catégorie du « Bildungsroman ». Cet article définira ce concept, car il a pour objectif d’en<br />
faire la démonstration. Dans les lignes qui suivent, les principales caractéristiques de ce que l’on appelle<br />
aussi « roman de formation » seront présentées et illustrées par des exemples concrets.<br />
C’est en Allemagne, au XIX e siècle, que Wilhelm Dilthey donne le nom de « Bildungsroman » aux œuvres<br />
connues sous l’appellation de romans d’initiation, de formation ou d’apprentissage, « qui font le récit de<br />
la formation du héros » (Demorand, 1995, p. 14-15). Goethe en offre, avec Les années d’apprentissage de<br />
Wilhelm Meister, un exemple idéal. Avec l’apparition du « Bildungsroman », l’enfant devient le héros de<br />
l’histoire. L’évolution du récit repose donc sur la formation du personnage principal, sur son développement<br />
personnel et social, et sur la prise de conscience du monde qui l’entoure lorsqu’il devient adulte.<br />
Ce processus s’étend sur plusieurs années. Dans un article intitulé « Roman d’éducation ou Bildungsroman »<br />
(Burgelin, 2015, p. 4), Claude Burgelin précise que le roman d’initiation comporte trois étapes : l’enfance,<br />
l’apprentissage et l’application. L’enfance est marquée par l’ignorance et l’illusion, l’apprentissage correspond<br />
aux années d’éducation et de découverte auxquelles est associée la perte des illusions, puis l’application<br />
témoigne de l’entrée dans la vie d’adulte, le protagoniste maîtrisant désormais ses apprentissages.<br />
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Le roman La love se présente comme un récit d’initiation puisqu’il s’ouvre sur la jeunesse du personnage<br />
principal, qui est présenté dans toute son innocence. Claude est une adolescente de quinze ans inexpérimentée<br />
qui ne connaît rien de l’amour et de la sexualité. Elle a comme seul point de repère son éducation<br />
religieuse qui défend « la théorie de l’opération du Saint-Esprit » (<strong>Desjardins</strong>, 2000, p. 14). C’est pour cette<br />
raison qu’elle ignore notamment ce qui entoure la conception d’un enfant : « Quand Ronnie m’embrasse,<br />
j’ai très peur parce que je sais que c’est défendu. Au fond, j’ai peur d’être enceinte. Je pense que “frencher”<br />
veut dire “faire l’amour” et que les bébés viennent quand on les veut, comme ça, par un acte de volonté<br />
pure et simple, en s’embrassant » (<strong>Desjardins</strong>, 2000, p. 14). Sa méconnaissance de la sexualité est problématique.<br />
En effet, elle est à l’âge où, comme les autres filles de son groupe d’amies, elle commence à<br />
s’intéresser aux garçons. Cependant, l’éducation qu’elle a reçue la plonge dans le mensonge et la force à<br />
vivre dans la crainte. Sa curiosité la pousse toutefois à percer le mystère entourant les relations hommesfemmes<br />
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