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Louise Desjardins

Lettres boréales, revue littéraire des finissants en Arts et Lettres du Cégep de l'Abitibi-Témiscamingue. Revue littéraire portant sur cinq romans de Louise Desjardins.

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Revue littéraire portant sur cinq romans de Louise Desjardins.

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plus parfaite figure de proue des mères inaptes. Fille d’Anita, elle représente l’exemple le plus dur de détachement<br />

maternel, car celui-ci apparaît dès la naissance de son enfant. Elle est, en effet, privée de cet instinct<br />

maternel propre à toute mère dite « normale ». Elle n’éprouve rien pour son enfant et ne se sent pas liée à<br />

cet être sorti de ses entrailles, « cette petite boule de chair pleurnicharde sortie de [son] ventre. » (<strong>Desjardins</strong>,<br />

2012, p. 24). Cet état de fait peut scandaliser certains lecteurs, pour qui elle incarne un personnage incompréhensible,<br />

voire antipathique. En désespoir de cause, Angèle se rachète, au moins, en ne tentant pas de<br />

cacher son inaptitude parentale, elle sait qu’elle ne peut pas remplir ce rôle et qu’il s’agit là d’un des plus<br />

grands tabous qui soient : « J’étais inapte à avoir un enfant, je le répète, ce n’est pas naturel, je ne suis pas<br />

assez folle pour ignorer ça. » (<strong>Desjardins</strong>, 2012, p. 37). Sachant qu’elle reconnaît son incapacité d’être mère,<br />

que fera donc Angèle ? Eh bien, elle abandonne son enfant, tout simplement, puisqu’elle sent que son propre<br />

bonheur ainsi que celui du jeune garçon dépendent de cette décision : « je pense que s’il était resté près de<br />

moi plus longtemps, je l’aurais achevé à petit feu. » (<strong>Desjardins</strong>, 2012, p. 37). Bien qu’elle soit convaincue<br />

d’avoir fait ce qu’il fallait, elle se questionne toutefois sur les conséquences de sa décision : « Est-il plus tranquille<br />

sans moi ? Comment se débrouille-t-il avec son père ? » (<strong>Desjardins</strong>, 2012, p. 47). Aux yeux de son<br />

fils et des autres, les raisons de son départ ne sont pas justifiables, car « [d]ire qu’on n’en peut plus n’est pas<br />

suffisant pour abandonner son enfant […] Une mère qui abandonne son enfant est une malade mentale, tout<br />

le monde le sait, le pense et le dit. » (<strong>Desjardins</strong>, 2012, p. 29 et 51). Avec Angèle, <strong>Louise</strong> <strong>Desjardins</strong> réalise<br />

un coup de maître : inviter le lecteur à réfléchir avec elle au fait qu’on ne naît pas mère, on le devient.<br />

Ainsi, nous pouvons dégager trois conceptions du modèle maternel non traditionnel : la mère aliénée, incarnée<br />

par Pauline et Katie, la mère aliénante, à l’effigie d’Anita, et l’a-mère, parfaitement représentée par<br />

Angèle. Ces trois modèles de maternité déviante sont les fondements d’une réflexion qui a servi de muse<br />

à plus d’une plume. En effet, à l’instar de <strong>Louise</strong> <strong>Desjardins</strong>, Ying Chen, écrivaine sino-québécoise, a aussi<br />

voulu explorer ce territoire qu’est la question de l’identité de la femme-mère avec son roman Un enfant à ma<br />

porte, publié en 2008. Ce roman raconte l’histoire d’une jeune femme qui, un matin, trouve un enfant sur<br />

le pas de sa porte et décide de l’adopter. Elle fera alors face à l’ambivalence du rôle maternel et aux conflits<br />

entre son identité de mère et son identité propre.<br />

Bibliographie<br />

<strong>Desjardins</strong>, <strong>Louise</strong> (2012), Rapide-Danseur, Montréal, Boréal, 165 p.<br />

<strong>Desjardins</strong>, <strong>Louise</strong> (2008), Le fils du Che, Montréal, Boréal, 172 p.<br />

<strong>Desjardins</strong>, <strong>Louise</strong> (2005), So long, Montréal, Boréal, 160 p.<br />

<strong>Desjardins</strong>, <strong>Louise</strong> (2000), La love, Montréal, Bibliothèque québécoise, 155 p.<br />

<strong>Desjardins</strong>, <strong>Louise</strong> (1998), Darling, Montréal, Leméac, 233 p.<br />

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