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Louise Desjardins

Lettres boréales, revue littéraire des finissants en Arts et Lettres du Cégep de l'Abitibi-Témiscamingue. Revue littéraire portant sur cinq romans de Louise Desjardins.

Lettres boréales, revue littéraire des finissants en Arts et Lettres
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Revue littéraire portant sur cinq romans de Louise Desjardins.

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Malaises et<br />

amours du pays<br />

Arnaud Allen-Mercier<br />

Dans l’univers romanesque de <strong>Louise</strong> <strong>Desjardins</strong>, les personnages sont en inadéquation avec le monde<br />

qui les entoure. Certains se perdent dans leur milieu familial, d’autres échouent dans leur quête conjugale.<br />

Parfois même, le protagoniste est aux prises avec une problématique double. Dans tous les cas,<br />

l’Abitibi joue un rôle dominant, soit dans l’apparition de ces conflits, soit dans leur résolution. Pauline,<br />

dans le roman Darling paru en 1998, se révèle un excellent exemple de l’étroite relation qu’entretiennent<br />

les personnages de <strong>Desjardins</strong> avec leur milieu de naissance. Afin d’expliciter la situation de Pauline, nous<br />

ferons la démonstration de son aliénation dans son milieu extra-abitibien, puis nous examinerons les bénéfices<br />

d’un retour vers la région pour sa recherche identitaire.<br />

Pauline, à l’instar de nombre de personnages dans l’ensemble de l’œuvre de <strong>Desjardins</strong>, souffre d’un<br />

profond malaise occasionné par son milieu initial. Ce malaise se traduit par l’aliénation de son essence,<br />

c’est-à-dire qu’elle voit son identité et sa raison d’être lui échapper. Pauline, qui a grandi à Cléricy, a quitté<br />

la région pour poursuivre ses études universitaires. Elle a rencontré Gilles, l’a épousé, s’est installée à<br />

Montréal avec lui. Ils ont ensuite fondé une famille. Pauline a donc délibérément choisi de renoncer à une<br />

part de son identité initiale pour en adopter une autre, celle de citadine, d’épouse, de mère, qui semble lui<br />

avoir convenu pour un temps mais qui ne lui sied plus. Elle ressent le besoin irrésistible de « souffler sur<br />

[son] château de cartes, de briser le petit cocon qu’[elle a] mis tant d’énergie à tisser. » (<strong>Desjardins</strong>, 1998,<br />

p. 51). Ce problème transparaît notamment dans le nom de famille qu’elle porte. Lorsqu’elle se rend chez<br />

la docteure dans l’optique de comprendre son malaise, le nom que celle-ci utilise pour la désigner éveille<br />

son indignation : « Cloutier. Auger, c’est le nom de mon mari. Je vous l’ai déjà dit. Moi, c’est Cloutier.<br />

Pauline Cloutier.<br />

– Vous avez l’air d’y tenir à votre nom.<br />

– C’est tout ce qu’il me reste, disons. » (<strong>Desjardins</strong>, 1998, p. 48).<br />

Malgré l’usage convenu d’« Auger » afin de référer à son statut d’épouse, Pauline ne juge plus ce nom apte à<br />

exprimer ce qu’elle est réellement, car elle est « Cloutier ». Et même elle si elle ne porte plus ce nom depuis<br />

longtemps, elle énonce ce « Cloutier » comme étant tout ce qui lui appartient encore. L’identité première<br />

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