jalonnant l’histoire <strong>de</strong> l’Univers : “A mesure qu’on entrait dans les détails du processus supposé amorcéaprès la “brisure <strong>de</strong> symétrie”, au sortir du vi<strong>de</strong> quantique, on s’apercevait que si, lorsque la température est“tombée” à 10 10 K, il n’y avait pas eu un très léger (et complètement énigmatique) excès <strong>de</strong> matière parrapport à l’antimatière, le processus qui a suivi n’aurait pas pu s’enclencher… Quant à ce processus luimême,on voyait aussi comment, sur cette base, s’y était ajustées, au prix d’une succession vertigineuse <strong>de</strong>hasards minutieux, les constantes universelles qui régissent notre univers” 10 . Un exemple connu et souventcité est celui <strong>de</strong> la valeur <strong>de</strong> la constante <strong>de</strong> couplage électromagnétique. Si cette valeur avait été trois foisplus gran<strong>de</strong>, les noyaux d’hélium ne pourraient pas être stables et les noyaux plus lourds (par exemple lecarbone, composant essentiel <strong>de</strong> la vie telle que nous la connaissons), ne pourraient certainement pas exister.Trois fois plus petite, et aucun atome neutre ne pourrait exister <strong>de</strong> façon stable, rendant aussi la vieimpossible. Ce type <strong>de</strong> raisonnement entend exhiber le caractère confiné (par sélection anthropique) <strong>de</strong> lavaleur <strong>de</strong> la constante <strong>de</strong> couplage électromagnétique au sein d’un intervalle étroit autour du nombre qui aété calculé par l’observation. Dans la même logique, le philosophe <strong>de</strong>s sciences Ernan McMullin aremarqué 11 que les différentes forces fondamentales étaient finement réglées entre elles : si la force forteavait été 5% plus faible que sa valeur actuelle, l’Hélium n’aurait jamais pu se former.<strong>Le</strong> philosophe <strong>de</strong>s sciences Victor Stenger apporte une restriction à l’emploi <strong>de</strong> l’argument du fine-tuning 12 .Une partie <strong>de</strong> l’argument du réglage fin <strong>de</strong>s constantes fondamentales tient en effet à l’étonnement <strong>de</strong>vant la“chance” que l’on a que les paramètres soient dans une fourchette <strong>de</strong> valeurs favorable à l’émergence <strong>de</strong> viedans l’univers. Néanmoins, cet étonnement tient beaucoup au choix d’unité qui est fait. Lorsque l’on prétendqu’une masse <strong>de</strong> neutrino <strong>de</strong> 5x10 -34 kg plutôt que 5x10 -35 kg aurait conduit à un univers qui se contracteraitplutôt que <strong>de</strong> s’étendre 13 , cela revient à dire, comme le remarque le philosophe <strong>de</strong>s sciences Neil Manson,que si Michael Jordan avait été plus petit <strong>de</strong> 1x10 -16 années lumières (c'est-à-dire un mètre), il n’aurait jamaisété champion <strong>de</strong> basketball 14 . Il faut donc bien prendre gar<strong>de</strong> à n’utiliser que <strong>de</strong>s nombres sans dimensions.Pour Stenger, on trouve alors ces cinq principaux nombres “finement réglés” :1. La force électromagnétique, 39 ordres <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur plus importante que la force gravitationnelle. Cettedifférence permet aux étoiles d’être stables assez longtemps pour que la vie apparaisse.2. L’énergie du vi<strong>de</strong>, 120 ordres <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>urs en <strong>de</strong>çà <strong>de</strong> sa valeur théorique, assurant ainsi la stabilité <strong>de</strong>l’univers (et non son déchirement immédiat).10<strong>Le</strong>court, D., op.cit., p. 888. (Nous mettons en italique)11McMullin, E., “Indifference Principle and Anthropic Principle in Cosmology”, Studies in the History and Philosophyof Science, 24, 1993 , pp. 359–8912Stenger, V.J., God : The Failed Hypothesis – How Science Shows That God Does Not Exist, 2007, Prometheus Books,p 146.13C’est l’argument du théologien John Jefferson Davis, “The Design Argument, Cosmic ‘Fine-tuning’, and theAnthropic Principle”, Philosophy of religion 22, 1987, pp. 139-5014Neil A. Manson, “There is no a<strong>de</strong>quate <strong>de</strong>finition of ‘fine-tuned for life’”, Inquiry 43, 2000, pp. 341-5218
3. La masse <strong>de</strong> l’électron, plus petite que la différence <strong>de</strong> masse entre le proton et le neutron : ce <strong>de</strong>rnier peutalors se désintégrer en proton, électron et antineutrino. Ceci nous permet au final d’avoir <strong>de</strong> l’hydrogène,combustible essentiel <strong>de</strong>s étoiles.4. <strong>Le</strong> neutron est <strong>de</strong> masse comparable à celle du proton, ce qui lui permet d’être inclus dans le noyau <strong>de</strong>satomes et d’obtenir <strong>de</strong>s éléments lourds qui sont à la base <strong>de</strong> la vie.5. L’état d’énergie du carbone excité (prédit par Fred Hoyle sur la base d’arguments anthropiques, ce surquoi nous reviendrons à la fin <strong>de</strong> cette partie), qui est essentiel à sa production massive dans les étoiles.<strong>Le</strong> cas <strong>de</strong> la valeur <strong>de</strong> la constante cosmologique semble le plus extrême étant donné la différenceextraordinaire entre valeur théorique et valeur mesurée, ce qui dans la mesure actuelle <strong>de</strong>s connaissances nes’explique que par une compensation extrêmement précise <strong>de</strong>s paramètres du modèle standard : pour lephysicien Larry Abbott, “la faible valeur <strong>de</strong> la constante cosmologique nous indique qu’une relationremarquablement précise et tout à fait inattendue existe entre les paramètres du Modèle Standard <strong>de</strong> laphysique <strong>de</strong>s particules, la constante cosmologique brute et une partie inconnue <strong>de</strong> la physique” 15 .Victor Stenger tente <strong>de</strong> se poser à l’encontre <strong>de</strong> l’argument du fine-tuning, en ce qu’il peut mener à uneexploitation théologique, via l’argument du Dessein (le Design Argument) selon lequel notre Univers auraitété créé dans le but que l’homme y apparaisse, le fine-tuning étant alors le résultat d’un choix délibéré faitpar un Dieu omniscient. Il objecte notamment l’idée selon laquelle nous puissions faire <strong>de</strong>s prédictions sur cequi se serait passé dans un Univers ayant <strong>de</strong>s valeurs <strong>de</strong> constantes fondamentales différentes en se basantsur ce qui a lieu dans notre Univers 16 . Il s’agit pour lui <strong>de</strong> renverser la question du fine-tuning, en ne voyantpas les paramètres comme “faits” pour l’homme, mais l’homme comme “fait” pour les paramètres 17 . L’idéeest ici <strong>de</strong> montrer que le fine-tuning peut apparaître comme un retour du provi<strong>de</strong>ntialisme, où l’on louait àquel point tout dans la nature était fait pour l’homme. Victor Stenger, à l’instar <strong>de</strong> beaucoup <strong>de</strong> physiciens,préconise plutôt la pensée <strong>de</strong>s multivers, selon laquelle l’ensemble <strong>de</strong>s variations possibles <strong>de</strong> paramètres estréalisé <strong>de</strong> fait dans un “méta-Univers”. Nous reviendrons sur ce point très largement en partie II.De ces considérations concernant les diverses coïnci<strong>de</strong>nces parmi les paramètres fondamentaux <strong>de</strong> l’Universressort l’idée que les événements ayant mené à l’émergence <strong>de</strong> la vie n’ont été réalisables que grâce àl’existence <strong>de</strong> conjonctions a priori extrêmement improbables dans l’ensemble <strong>de</strong>s cas possibles. Nous15Larry Abbott, "The Mystery of the Cosmological Constant," Scientific American, vol. 3, no. 1 (1991): 78; cité dansMichael A Corey, The God Hypothesis: Discovering Divine Design in Our Goldilocks Universe, Rowman andLittlefield, 2001. ("the small value of the cosmological constant is telling us that a remarkably precise and totallyunexpected relation exists among all the parameters of the Standard Mo<strong>de</strong>l of particle physics, the bare cosmologicalconstant and unknown physics.")16Il cite à ce propos David Hume : “Il ne peut y avoir d’argument démonstratif pour prouver que les faits dont nousn’avons pas fait l’expérience ressemblent à ceux dont nous avons fait l’expérience” (“ There can be no <strong>de</strong>monstrativeargument to prove that those instances in which we have no experience, resemble those of which we have ha<strong>de</strong>xperience”)17Stenger, V., “Is The Universe Fine-Tuned For Us?”19
- Page 1: Le Principe AnthropiqueLa place de
- Page 4 and 5: a. Le Principe Anthropique Faible
- Page 6 and 7: III. Quelques considérations épis
- Page 8 and 9: IntroductionLa physique moderne est
- Page 10 and 11: constantes fondamentales de notre U
- Page 12 and 13: lumière. En travaillant le formali
- Page 14 and 15: d’un gaz, avec quelques paramètr
- Page 16 and 17: équivalent énergétique, ces cord
- Page 20 and 21: allons maintenant étudier de plus
- Page 22 and 23: particules élémentaires. L’éto
- Page 24 and 25: zéro 28 . Cette théorie permit d
- Page 26: Dans la vision de Carter, le Princi
- Page 29 and 30: Principe Anthropique Fort de Carter
- Page 31 and 32: possibilité en la réalité de son
- Page 33 and 34: séquence principale ainsi que les
- Page 35 and 36: la fois une valeur si faible (10 -3
- Page 37 and 38: constantes fondamentales, le Princi
- Page 39 and 40: II. L’alternative des mondes mult
- Page 41 and 42: unique, selon un ordre unique” ;
- Page 43 and 44: 2. Introduction du multivers dans l
- Page 45 and 46: c. Calculer l’improbable : maniè
- Page 47 and 48: - Dans un autre registre (celui de
- Page 49 and 50: . Niveau I : variation des paramèt
- Page 51 and 52: événement réalisé, et enfin qu
- Page 53 and 54: e. Niveau IV : un multivers platoni
- Page 55 and 56: Il y a en premier lieu le problème
- Page 57 and 58: “anthropique” et “descendante
- Page 59 and 60: 1. Considérations épistémologiqu
- Page 61 and 62: exactitude” 107 . Néanmoins, bie
- Page 63 and 64: éponse est qu’il n’existe pas
- Page 65 and 66: prédictions concernant les process
- Page 67 and 68: sous l’angle politique (révoluti
- Page 69 and 70:
c. Le hasard et la contingenceChez
- Page 71 and 72:
Boutroux par exemple : “On ne peu
- Page 73 and 74:
connaissance sur l’état microsco
- Page 75 and 76:
2. Considérations philosophiquesNo
- Page 77 and 78:
En philosophie classique, c’est c
- Page 79 and 80:
n’interagissent pas avec l’ext
- Page 81 and 82:
ii. Philosophies du progrès : le s
- Page 83 and 84:
final : les parties d’un corps pe
- Page 85 and 86:
Cette orientation dépend de l’é
- Page 87 and 88:
n’a pas été créé par un agent
- Page 89 and 90:
conçu.” 172 Ce dernier pointe au
- Page 91 and 92:
quelles autres positions ont pu êt
- Page 93 and 94:
Univers considéré lui-même comme
- Page 95 and 96:
théoriquement : il n’y a rien de
- Page 97 and 98:
“complexes” et “adaptatifs”
- Page 99 and 100:
niveaux, des particules subatomique
- Page 101 and 102:
éductionnistes peuvent le laisser
- Page 103 and 104:
détruire sans loi toute loi physiq
- Page 105 and 106:
ConclusionNous voici arrivés au te
- Page 107 and 108:
Nous avons pour cela tenté de rend
- Page 109 and 110:
l’homme. Certains voudraient voir
- Page 111 and 112:
Morrison, M., “Emergence, Reducti
- Page 113:
113