aison à ce que notre Univers puisse être produit, et ainsi nous ne faisons que reculer l’échelle <strong>de</strong>s nécessités.Néanmoins, le succès qu’a pu avoir la Sélection Naturelle dans la lutte <strong>de</strong> la science face à la théologie adonné une puissance et une “naturalité” scientifique à cet argument qui a su séduire les futurs tenants <strong>de</strong>l’idée <strong>de</strong> multivers.On parle alors d’interprétation ensembliste du <strong>Principe</strong> <strong>Anthropique</strong> (ensemble interpretation) : un certainensemble <strong>de</strong> mon<strong>de</strong>s possibles, régis par <strong>de</strong>s paramètres distincts, peut mener à l’apparition d’observateursen son sein. Mais ce type d’Univers capable d’accueillir la vie est rare : selon les étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> Carter, “la plupart<strong>de</strong>s perturbations <strong>de</strong>s constantes fondamentales <strong>de</strong> la Nature autour <strong>de</strong> leur valeur numérique actuelleconduisent à <strong>de</strong>s modèles d’Univers qui sont mort-nés, incapables <strong>de</strong> générer <strong>de</strong>s observateurs intelligents(become cognizable). La plupart du temps, ils n’admettent l’existence ni <strong>de</strong>s noyaux, ni <strong>de</strong>s atomes, niencore <strong>de</strong>s étoiles” 85 . Afin <strong>de</strong> quantifier la probabilité d’apparition <strong>de</strong> vie au sein d’un Univers donné,Barrow et Tipler se proposent d’introduire un analogue <strong>de</strong> l’équation <strong>de</strong> Drake. Cette équation, introduite parFrank Drake en 1961, est connue pour fournir le nombre <strong>de</strong> civilisations extra-terrestres dans notre galaxieavec lesquelles nous serions capables <strong>de</strong> rentrer en contact en fonction d’un certain nombre <strong>de</strong> paramètrespertinents (nombre <strong>de</strong> systèmes planétaires stables, nombre <strong>de</strong> planètes où la vie a pu apparaître, a pu <strong>de</strong>venirintelligente, a voulu tenter <strong>de</strong> communiquer etc.). Cette équation s’écrit N=R*fp*ne*fl*fi*fc*L, où N est lenombre <strong>de</strong> civilisations capables <strong>de</strong> communiquer dans la galaxie, R le taux (rate) <strong>de</strong> formation d’étoilesdans la galaxie, fp la fraction <strong>de</strong> ces étoiles autour <strong>de</strong>squelles <strong>de</strong>s planètes se forment, ne le nombre <strong>de</strong>planètes dans ces systèmes qui sont propices à la vie, fl la fraction <strong>de</strong> ces planètes où la vie a effectivementémergé, fi la fraction <strong>de</strong> celles où la vie est <strong>de</strong>venue intelligente, fc la fraction <strong>de</strong> celles où les intelligencespeuvent communiquer sur <strong>de</strong>s distances interstellaires, et L le temps moyen <strong>de</strong> vie d’une telle civilisation. Cetype <strong>de</strong> problème rappelle les “problèmes <strong>de</strong> Fermi”, qui enten<strong>de</strong>nt donner <strong>de</strong>s ordres <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>urs crédiblessans information a priori, en multipliant différents paramètres pertinents dont nous pouvons connaître lavaleur. Par exemple, la question “combien y a-t-il d’accor<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> piano à Chicago ?” peut recevoir uneréponse approximative en prenant en compte la population <strong>de</strong> Chicago, le nombre d’individus par famille, lafraction <strong>de</strong>s familles qui possè<strong>de</strong> <strong>de</strong>s pianos, etc. Néanmoins, dans le cas <strong>de</strong> l’équation <strong>de</strong> Drake, les facteursfl, fi , fc, et L <strong>de</strong>meurent très incertains 86 . L’analogie dans le cadre <strong>de</strong>s multivers consisterait donc à exprimerla probabilité que la vie apparaisse à un endroit quelconque <strong>de</strong> l’Univers comme un produit <strong>de</strong> probabilitésrendant compte du réglage fin <strong>de</strong>s paramètres.85Carter, B., in Confrontation of cosmological theories with observation, ed. M.S. Longair, Rei<strong>de</strong>l, Dordrecht, 1974, p.291. (“Most perturbations of the fundamental constants of Nature away from their actual numerical values lead tomo<strong>de</strong>l worlds that are still-born, unable to generate observers and become cognizable. Usually, they allow neithernuclei, atoms nor stars to exist”)86Informations recueillies dans Chyba, C.F., & Hand, K.P., “Astrobiology: The Study of the Living Universe”, Annu.Rev. Astron. Astrophys. 2005, 43, 31-74. Ce travail donne par ailleurs un compte-rendu détaillé <strong>de</strong> la situation actuelleen astrobiologie (domaine <strong>de</strong> l’astrophysique où l’on s’intéresse à la présence possible <strong>de</strong> vie dans l’Univers, et à sesconditions <strong>de</strong> possibilité).44
c. Calculer l’improbable : manière <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s mon<strong>de</strong>sIl y a un problème dans le type <strong>de</strong> raisonnement proposé par l’équation <strong>de</strong> Drake : c’est qu’il n’est pasprécisé la façon dont on peut évaluer a priori la probabilité d’avoir notre univers plutôt qu’un autre. En fait,cette évaluation ne se fait qu’a posteriori dans un univers qui possè<strong>de</strong> déjà certaines caractéristiquesstructurelles, mais peut très bien manquer d’autres structures qui auraient pu exister dans un autre univers.Afin <strong>de</strong> permettre un travail a priori, il faut créer un modèle falsifiable <strong>de</strong> multivers où serait i<strong>de</strong>ntifiable unemesure <strong>de</strong> probabilité, c’est-à-dire qu’il faut générer un ensemble d’univers (engendrer une certaine totalitéclose <strong>de</strong> possibles, donc) afin d’y appliquer les métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> calcul habituelles <strong>de</strong> la théorie <strong>de</strong>s probabilités.C’est un postulat fort et contraignant, mais nécessaire si l’on veut mener une véritable entreprise scientifiquequi soit au moins réfutable. Aussi, comme le disent Barrow et Tipler, “plusieurs suggestions ont été avancéesquant à la manière <strong>de</strong> générer un ensemble <strong>de</strong> mon<strong>de</strong>s possibles, chacun ayant <strong>de</strong>s caractéristiquesdifférentes; certains étant capables d’accueillir la vie et d’autres non. Il serait alors possible d’exhiber danscet ensemble les caractéristiques structurelles nécessaires pour générer <strong>de</strong>s ‘observateurs’. Cette recherchemènerait finalement à isoler un sous-ensemble d’univers propices à l’émergence d’intelligence dans le métaespace<strong>de</strong> tous les mon<strong>de</strong>s possibles” 87 . C’est cette idée d’un travail véritablement scientifique qui est à labase <strong>de</strong> l’attrait subséquent pour les multivers.Surgirent à partir <strong>de</strong> là diverses idées quant à la manière <strong>de</strong> “faire” <strong>de</strong>s multivers. Wheeler suggéra en 1977une cosmologie où l’univers est cyclique, alternant phases <strong>de</strong> contraction et d’expansion, <strong>de</strong> sorte qu’àchaque ‘rebond’ les constantes <strong>de</strong> la nature changent <strong>de</strong> valeurs 88 . Alors, en une infinité d’oscillations, il yaurait une infinité <strong>de</strong> mon<strong>de</strong>s viables. En 1978, Ellis proposa la solution d’un Univers infini et aléatoire, <strong>de</strong>sorte que nous nous trouvons déjà dans l’ensemble d’univers que nous cherchons. Alors, si l’on peut évaluerune probabilité finie pour que notre portion d’univers visible ait la dynamique qu’elle a, le modèle prédiraque cette dynamique, ainsi que tout évènement se produisant dans notre univers local, se répètera une infinité<strong>de</strong> fois dans l’Univers entier (nous sommes très proches <strong>de</strong> la vision <strong>de</strong>s atomistes grecs). Enfin, Everettproposa en 1957 une interprétation <strong>de</strong> la Mécanique Quantique qui postulait l’existence réelle d’universparallèles pour résoudre le ‘problème <strong>de</strong> la mesure’ 89 . Selon cette interprétation, un super-espace contienttous les mon<strong>de</strong>s issus <strong>de</strong>s différents résultats <strong>de</strong>s observations quantiques. <strong>Le</strong>s mon<strong>de</strong>s que contient ce superespacesont causalement disjoints, et l’évolution du super-espace dans son ensemble est déterministe, mêmesi le cheminement que nous y faisons y est aléatoire.87Barrow & Tipler, op.cit., p. 248. (“Various suggestions have been ma<strong>de</strong> as to how one might generate an entireensemble of possible worlds, each with different characteristics; some able to support life and some not. One might thenexamine the ensemble for structural features which are necessary to generate ‘observers’. This scrutiny shoul<strong>de</strong>ventually single out a cognizable subset from the metaspace of all possible worlds”)88Wheeler, J.A., in Foundational problems in the speial sciences, Rei<strong>de</strong>l, Dordrecht, 1977, pp. 3-33.89Everett, H., Rev. Mod. Phys. 29, 454, 1957.45
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ConclusionNous voici arrivés au te
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Nous avons pour cela tenté de rend
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