Le CHUV, une vision pour demainEntretien avec M. Pierre-François Leyvraz,directeur général© Cemcav/CHUVDirecteur général du CHUV (Centre Hospitalier Universitaire Vaudois) à Lausanne depuisjuin 2008, Pierre-François Leyvraz est le premier médecin, en une vingtaine d’années, à porterla casquette de capitaine de cet énorme et puissant navire. Médecin généraliste devenu unspécialiste reconnu de l’orthopédie, cet homme dynamique (il exerce encore une fois parsemaine comme chirurgien orthopédiste) a défini deux axes prioritaires, qui sont autant degrands chantiers dorénavant ouverts au CHUV : la formation et l’enseignement d’une part, laprise en charge globale du patient d’autre part. « Le vrai capital dans le domaine de la santéaujourd’hui, dit-il, ce n’est pas l’argent, ni la technologie, mais les gens ». Cette philosophie, quirepose sur le constat d’une médecine toujours plus technique et performante, mais aussiparfois déshumanisée, dicte ses choix et inspire ses décisions. Rencontre.6Vous accordez une grande priorité aux problèmes de formation et d’enseignement.Le temps des médecins en surnombre et des numerus clausus estdonc bien révolu ?Nous faisons déjà face à une pénurie de personnel soignant en Suisse,plus ou moins marquée selon les spécialités et les métiers. Le contingentd’infirmières étrangères par exemple est très élevé. Concernant lesmédecins, nous sommes moins touchés qu’en France et en Allemagne,ou en Suisse alémanique où exercent de nombreux praticiens allemands,mais la pénurie va s’aggraver. Nous manquons de médecins généralisteset dans certaines spécialités ce problème devient préoccupant. Lesobstétriciens, les anesthésistes, les chirurgiens, les neurochirurgiensvont prochainement faire cruellement défaut. Nous manquons déjà depsychiatres. Il est donc très important de s’occuper de manière trèsattentive de la formation des jeunes et, par conséquent, de resserrer lesliens avec la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL (Universitéde Lausanne).Quelles initiatives ont-elles été prises dans ce sens ?Nous avons nommé un directeur médical à 50% dont la tâcheprincipale est de mettre en place un système de formation trèsperformant et attrayant, susceptible d’attirer de jeunes médecins. Sinous offrons de bons cursus de formation, nous aurons moins dedifficultés à recruter des médecins et des cadres. En tant qu’hôpitaluniversitaire, nous avons un devoir de soins mais aussi de formation etde recherche. Nous prévoyons un rapprochement structurel entre leCHUV et la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL, notammentau niveau des instances de gouvernance. Ce projet d’hôpital-écoletémoigne d’une réelle volonté de réunir les forces.© Cemcav/CHUVLE CHUV C’EST…- près de 41500 patients hospitalisés, une durée moyenne deséjour de 8,9 jours- quelque 8400 collaborateurs dont plus de deux tiers de femmeset plus de 90 nationalités- un budget de plus d’un milliard de francs- les patients vaudois forment les 89% de la patientèle du CHUV- plus de 1100 étudiants de l’Ecole de médecine de la Faculté debiologie et médecine- l’un des 5 hôpitaux universitaires de Suisse avec Bâle, Berne,Genève et Zurich- un centre d’excellence cardiovasculaire et du métabolisme,d’investigation et de recherche sur le sommeil- un acteur de pointe dans de nombreux domaines comme lesgrands brûlés, les transplantations d’organes et le cancerLa pénurie qui s’annonce est-elle imputable aussi à une crise des vocations ?Non, ce n’est pas un problème de vocations. Les politiques de limitationont joué un rôle, il y a d’ailleurs encore des cantons universitaires quifont une sélection à l’entrée des études de médecine. Le vieillissementde la population accroît la demande en soins, comme l’évolutiondémographique. Nous devons promouvoir les métiers de la santé dansles écoles. Il faut aussi tout faire pour que les gens, notamment lesfemmes, ne quittent pas le circuit. En médecine, au vu de la rapiditédu progrès scientifique, une interruption d’une année peut déjà êtrehandicapante. Il faut donc faciliter le travail à temps partiel, même sicela pose des problèmes d’organisation. Les infirmières ont biencompris cette nécessité. Elles disposent d’un programme, au niveaucantonal, qui permet aux femmes ayant élevé leurs enfants dereprendre des cours de formation. Le CHUV a ainsi gagné 35 infirmièresla première année et 50 en 2008.Dès votre entrée en fonction, vous avez aussi mis l’accent sur l’accueil despatients. Pour quelles raisons ?Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la médecine a fait desprogrès fulgurants, c’est une médecine triomphante, glorieuse, trèstechnique, spécialisée et même sur-spécialisée. Quand je faisais mesSwiss Label CHUV 2010
Le bâtiment principal du CHUV© Cemcav/CHUVétudes, le bouquin de médecine interne se limitait à deux gros volumes,aujourd’hui on en compte cinq ou six. La connaissance s’est démultipliéeet ne peut plus être maîtrisée par un seul homme, même dans unespécialité. Ceci conduit au paradoxe suivant : cette médecine extrêmementefficace pour des pathologies graves, comme l’infarctus du myocardepar exemple, ne permet plus de considérer l’être humain comme untout. Le malade est ainsi découpé en morceaux, un «malade éclaté»;il est très difficile d’inverser cette tendance, parce que l’hôpital esthistoriquement organisé en services qui sont comme autant derépubliques spécialisées. Cela constitue une faiblesse pour toute unesérie de pathologies à composante plus ou moins psychologiquesouvent en relation avec le mode de vie. Notre hôpital universitaire estun centre de recherche et de technique performant, mais il doitprendre garde à ne pas perdre son caractère humain.Quel remède contre la médecine qui soigne des «morceaux de patients» ?L’accueil est primordial pour contrebalancer l’aspect hyper technique. Jedis à tous les employés, qu’ils soient médecins, infirmières, ou qu’ilstravaillent dans des secrétariats (il y a une centaine de métiers au CHUV)COMMUNICATIONSoucieux d’ouverture au monde et à la cité, mais aussi derenforcer la communication interne, le CHUV s’est dotéd’un service de communication efficace rattaché à la directiongénérale. Il est confié à Béatrice Schaad.Parmi les outils disponibles, CHUV-Magazine, «vitrine» longtempsdestinée pour l’essentiel au personnel, est désormais à la dispositiondes patients et des visiteurs. Le site Internet du CHUV répondau même souci d’information. Divers événements et manifestationspublics, comme des expositions dans le hall de l’hôpital ou lesRencontres musicales, ouvrent le CHUV sur la vie culturelle dela cité.qu’ils doivent recevoir une personne et non un cas. C’est un peu commeaccomplir les gestes de la foi pour retrouver la foi. L’accueil fait partie dumétier de soignant. Pratiquement, nous avons constitué un groupe detravail sur cette thématique et nous organisons des cours. Il s’agitd’apprendre ou de réapprendre à se comporter de manière empathique.Ce cours dure un jour pendant les heures de travail. Simultanément àl’amélioration de l’accueil, nous veillons à ce que les soignants donnentune bonne information, de mieux en mieux documentée.Faut-il toucher aux structures traditionnelles de l’hôpital ?Oui, mais cela ne peut pas se faire brutalement. Dans certaines unités,par exemple en médecine, je préconise la filière clinique. Le patientn’a plus à passer d’un spécialiste à l’autre, ce sont au contraire lesmédecins qui s’organisent autour de lui. Il faudrait que depuis lesurgences le patient soit accompagné tout au long de son trajet. Cetaccompagnant peut être un médecin, mais aussi une infirmière qui aune bonne connaissance des pathologies et qui a obtenu un gradeuniversitaire, par exemple. C’est un rôle de médecin généraliste dansle cadre de l’hôpital. Cette approche, qui vise à replacer l’homme aucentre de la médecine, va susciter de l’émulation, modifier nos regards,et de nouveaux métiers vont apparaître. Nous vivons sur un terreaufavorable pour améliorer l’accueil et la prise en charge médicale dupatient, ce qui me porte à l’optimisme, même si la tâche paraît trèslourde. Nous sommes dans un hôpital et tout le monde n’a pas lachance de vivre d’aussi près l’humanité dans ses courages, ses détresseset ses espoirs.CHUV <strong>Com</strong>municationRue du Bugnon 21 - CH-1011 LausanneTél. : + 41 (0)21 314 09 65E-mail : Beatrice.Schaad@chuv.ch7Swiss Label CHUV 2010