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pourquoi le pen arrange tout le monde - Archives du MRAP

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DES ARABES SANS TER RES NI MAIRESDu haut de sa terrasse, <strong>le</strong>maire destitué contemp<strong>le</strong>Naplouse, sa vil<strong>le</strong>, ensommeilléepar <strong>le</strong> premier jour<strong>du</strong> Ramadan. Il y a <strong>tout</strong> justevingt ans, Tsahal, l'arméed'Israël rentrait en territoirejordanien et Naplouse devenaitSichem.Bassam Chaka'a n'est pas unhomme diminué. Il pourrait l'être'. Un attentat, <strong>du</strong> mêmeacabit que celui qui tua Faad el Kawasmeh, maired'Hébron, <strong>le</strong> priva de ses deux jambes. Il ne marche plusdepuis six ans, mais son prestige reste intact, et sa mémoiretranchante.Les patrouil<strong>le</strong>s en tenue de camouflage qui sillonnent <strong>le</strong>srues en jeep, <strong>le</strong>s soldats postés sur <strong>le</strong> toit de l'hôtelPa<strong>le</strong>stine, <strong>le</strong> seul de cette vil<strong>le</strong> de 200 000 habitants,capita<strong>le</strong> de la Cisjordanie désertée par <strong>le</strong>s touristes peutéméraires, la prison cernée de barbelés : <strong>le</strong>s signesostentatoires de l'occupation alourdissent l'atmosphère,déjà ten<strong>du</strong>e par la présence des colons juifs, qu'ils soientpartisans de l'Eretz Israël, <strong>le</strong> Grand Israël de la Bib<strong>le</strong>, qui<strong>du</strong> nord <strong>du</strong> Sinaï atteindrait l'Irak jusqu'au Tigre, ou pauvresbougres installés en territoire arabe faute de terres oualléchés par <strong>le</strong>s subventions d'Etat.Il serait inexact de dire que <strong>le</strong>s ennuis de Bassam Chaka'adébutèrent avec eux, mais pas qu'il y laissa ses jambes. Lesauteurs de l'attentat, membres de l'organisation Terreurcontre terreur (TNT) et d'une colonie <strong>du</strong> Goush Emounim,<strong>le</strong> Bloc de la foi, implantée sur une des collines quienserrent Naplouse, ont d'ail<strong>le</strong>urs été arrêtés etcondamnés, à trois ans de prison, ce qui est peu comparéaux peines infligées au commun des Pa<strong>le</strong>stiniens: entre <strong>le</strong>t 10 ans de prison « pour appartenance à une organisationhosti<strong>le</strong> », l an en moyenne pour jet de pierre, <strong>le</strong> doub<strong>le</strong>pour des cocktails molotov, ou encore, au hasard, huit moispour possession de pisto<strong>le</strong>t (alors que <strong>le</strong>s colons juifs sontarmés de mitrail<strong>le</strong>ttes), la palme revenant à un jeunehomme de Naplouse condamné à un an de prison ferme,plus deux ans avec sursis, pour « avoir cherché à acheterun pisto<strong>le</strong>t» (1).Les territoires occupés sont sous contrô<strong>le</strong> militaire, et <strong>le</strong>slois d'exception ne manquent pas : décrets promulgués parIsraël depuis 1967, ordonnances héritées <strong>du</strong> mandatbritannique, législation jordanienne... Quatre mil<strong>le</strong> cinqcents détenus « de sécurité» sont actuel<strong>le</strong>ment incarcérésdans neuf prisons.1517-1917 : La Pa<strong>le</strong>stine est sous domination turque.1922 : La Grande-Bretagne reçoit de la SDN mandat surla Pa<strong>le</strong>stine.1948 : Création de l'Etat d'Israël.1949 : Première guerre israëlo-arabe. L'Egypte gardeGaza, et la Jordanie, la Cisjordanie et Jérusa<strong>le</strong>m Est.1967 : Guerre des Six jours contre l'Egypte et la Jordanie.Israël occupe une partie <strong>du</strong> Golan et <strong>du</strong> Sinai; Gaza,Jérusa<strong>le</strong>m Est et la Cisjordanie. La Résolution 242 desNations-Unies demande <strong>le</strong> retrait immédiat des territoiresoccupés.6 juin 1987 : Vingtième anniversaire de la guerre des Sixjours.Bassam Chaka'a sur sa terrasse, à Naphouse. A droite : lamosquée d'Hébron, gardée par des militaires et des colonsjuifs de Kiriat Arbat.Dans son édition hebdomadaire en langue anglaise publiéeà Jérusa<strong>le</strong>m, Al-Fajr cite <strong>le</strong>s résultats d'un sondage réaliséjuin 1986 à Gaza et en Cisjordanie (2), où 51 % despersonnes interrogées font état de mauvais traitementsinfligés à des membres de <strong>le</strong>ur famil<strong>le</strong>, de tracasseries etd'insultes à des postes de contrô<strong>le</strong> militaires (56 %),d'arrestations politiques (47,5 %), de confiscation de bienset de terres (23 %), d'assignation à résidence, de lourdesamendes. «Nous n'avons pas <strong>le</strong> droit de dormir en dehorsde chez nous, ni de con<strong>du</strong>ire une voiture israélienne ni devendre nos tomates à Tel-Aviv, confie Abd-Latiff Abu ~Middein, directeur d'une coopérative agrico<strong>le</strong> à Gaza. Pas '<strong>le</strong> droit de voter, ni de faire <strong>le</strong> service militaire. Pour nousdéplacer, il nous faut un laisser-passer (3). On nous aconfisqué nos meil<strong>le</strong>ures terres pour raison « de sécuritémilitaire ». On peut nous mettre en prison sous n'importequel prétexte. Et on s'étonne que <strong>le</strong>s gamins lancent deS'pierres! »En 1976, devant une agitation croissante dans <strong>le</strong>s territoiresoccupés, <strong>le</strong> gouvernement israélien décide d'organiserdes é<strong>le</strong>ctions municipa<strong>le</strong>s libres, avec l'espoir que <strong>le</strong>scaciques, ceux-là mêmes qui collaboraient avec <strong>le</strong>s Trucs,puis <strong>le</strong>s Anglais, reviendraient sur <strong>le</strong> devant de la scène.Ces é<strong>le</strong>ctions suscitèrent un immense espoir dans lapopulation arabe, qui vota en masse, mais <strong>le</strong>s élus ne furentpas ceux qu'on attendait.Bassam Chaka'a refuse dès <strong>le</strong>s premiers jours de sonmandat <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> d'homme de pail<strong>le</strong>. Il accompagnera tous <strong>le</strong>smouvements qui secouent Naplouse. Les commerçants quise mettent en grève pour protester contre <strong>le</strong>s taxes etimpôts qu'ils doivent acquitter au fisc, bien qu'ils nepossèdent ni la nationalité israélienne, ni <strong>le</strong> droit d'écou<strong>le</strong>r<strong>le</strong>urs pro<strong>du</strong>its sur <strong>le</strong> marché national, ni celui de toucherdes subventions équiva<strong>le</strong>ntes à cel<strong>le</strong>s de <strong>le</strong>urs confrèresisraéliens. Les étudiants qui organisent des marchespacifiques pour protester contre <strong>le</strong>s fermetures répétéesde l'université Al Najah, en vertu d'énigmatiques « militaryorders », contre l'expulsion à l'étranger <strong>du</strong> président <strong>du</strong>comité étudiant, ou l'incarcération de membres présumés<strong>du</strong> Fatah.cc Bassam, ne VOlIS opposez pas au Goush Emounim ! IlLe maire tombe sous <strong>le</strong> coup d'un arrêté d'expulsion en1979, pour «encouragement au terrorisme, activités illicites». Son fils est arrêté pour «jet de pierres sur desmilitaires israéliens », sa fil<strong>le</strong> de 10 ans est interrogée pouravoir dessiné un drapeau pa<strong>le</strong>stinien, sa femme suivie dansses moindres déplacements, ses amis menacés. MaisBassam Chaka'a est populaire. Les autorités militaires fontmarche arrière.Quelques mois plus tard, <strong>le</strong> Goush Emounim décided'établir une nouvel<strong>le</strong> colonie sur <strong>le</strong>s hauteurs de Naplouse.L'atmosphère se tend, pierres et cocktails molotov reviennenten force. Le cœur de Naplouse bat plus vite.«Weitzman, alors ministre de la Défense me convoqua,Différences - n'" 68/69 - JuinlJuil<strong>le</strong>t 1987GAZA: UN MAUVAIS TRIPFranchir <strong>le</strong> poste militaire de la Bande de Gaza, c'estpasser des plaines irriguées et des kibboutzin bienrangés d 'Ashkel on, à 'univers survolté d 'une terreoubliée.Du mandat égyptien sous <strong>le</strong>quel el<strong>le</strong> était placée avant1961, Gaza a hérité la manie <strong>du</strong> klaxon à outrance et desblagues politiques, et de la création d1sraël en 1948, <strong>le</strong>scamps de réfugiés. El<strong>le</strong> n'en a d'ail<strong>le</strong>urs pas <strong>le</strong>monopo<strong>le</strong> puisqu'il en existe 28 dans <strong>le</strong>s territoiresocèupés par Israël pour un total de 791 000 personnes,dont 535 000 pour la seu<strong>le</strong> bande de Gaza, 45 km de longsur 7 km de large.Les camps de réfugiés sont de véritab<strong>le</strong>s chaudrons aubord de l'explosion. La misère d 'abord, <strong>le</strong>s Arabes descamps qui travail<strong>le</strong>nt pour des salaires très bas en Israëlcomme manœuvres, maçons ou ouvriers agrico<strong>le</strong>s, ontété <strong>le</strong>s premières victimes de la crise économique et <strong>du</strong>chômage, ainsi que ceux qui ont émigré dans <strong>le</strong>s pays<strong>du</strong> Golfe, en récession.L'entassement ensuite. Au Beach Camp de Gaza, chaquekm z abrite 780 personnes. L'ONU, par l 'intermédiaire del'UNWRA essaie de pourvoir aux premières nécessités.La répression enfin. Le nombre d'assignés à résidence,d'interdits de sortie, d'emprisonnés atteint des proportionsalarmantes. Des initiatives malJ<strong>le</strong>ureuses en amplifientla portée, tel ce haut grillage posé <strong>tout</strong> autour <strong>du</strong>camp de Daishé à Béthléem, pour éviter <strong>le</strong>s jets depierre sur la route d'Hébron.Gaza a peu d 'espoir: l'Egypte la boude, la Méditerranéel'étouffe, Israël appuie sur <strong>le</strong> couverc<strong>le</strong>. La société juivevit sur <strong>le</strong> séparatisme : <strong>le</strong>s Arabes, ceux de 1948, ceuxdes territoires occupés et <strong>le</strong>s réfugiés appartiennent àune autre galaxie. A Gaza, on atteint <strong>le</strong>s confins del'univers.-raconte Bassam Chaka'a, et me dit.' "Bassam, je vais vouspar<strong>le</strong>r en hébreu, car je veux choisir mes mots et necommettre aucun contre-sens.' si vous vous opposez auGoush Emounim, vous risquez des représail<strong>le</strong>s physiques".Quelques jours plus tard, <strong>le</strong> commandant militaire de larégion ajouta.' "La force n'est pas de votre côté. Tant quecela <strong>du</strong>rera, vous ne nous expulserez pas. Quand vousl'aurez, vous pourrez nous rejeter à la mer" ». En 1980, lavoiture de Bassam Chaka'a saute.Depuis 1984, tous <strong>le</strong>s maires élus de Cisjordanie et de laBande de Gaza ont été destitués et remplacés par desadministrateurs militaires, et <strong>le</strong>s implantations de coloniesse sont poursuivies selon une stratégie géo-politique trèsdéterminée. « A Raffa, fait remarquer l'avocate juiveisraélienne Felicia Langer, huit colonies iso<strong>le</strong>nt Gaza de lapresqu'ne <strong>du</strong> Sinaï; 1200 famil<strong>le</strong>s bédouines ont étéexpulsés à l'occasion. La Bande de Gaza se retrouvecoincée entre la mer et la ligne de démarcation.» AHébron, où <strong>le</strong> rabbin ultra-orthodoxe Moshé Lewinger aélu domici<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s 6600 colons de Kiriat-Arbat lorgnentdepuis 1972 sur la vieil<strong>le</strong> vil<strong>le</strong> édifiée autour des tombeauxd'Abraham, d'Isaac, Rebecca et Jacob, dans la mosquéeHaran el Khalil. On y prie à heures séparées, sous laprotection musclée des soldats en armes. Les bib<strong>le</strong>s serangent dans <strong>le</strong>s armoires au moment où ressortent <strong>le</strong>scorans.111111

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