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pourquoi le pen arrange tout le monde - Archives du MRAP

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1<strong>le</strong>quarantième1 III 1FestivalWi Kuki Kaa est un acteur maori ;vraisemblab<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> premier acteurmaori venu à Cannes. Le jour de laprésentation de Ngati, dans <strong>le</strong> cadre dela Semaine internationa<strong>le</strong> de la critique,<strong>le</strong> ciel était agité par <strong>le</strong> mistral, <strong>le</strong>spalmiers courbaient <strong>le</strong>ur cimes sur lacroisette. Très sérieusement, Wi Kukiexpliqua qu'il n'était pas étonné derencontrer un ciel si tourmenté sur cetterive de la Méditerranée. Cette côte esthantée par l'esprit de <strong>tout</strong>es <strong>le</strong>s victimesdes innombrab<strong>le</strong>s batail<strong>le</strong>s qui ont marquéson histoire au temps des Romains etdes Carthaginois. Wi Kuki nous donnaitune interprétation maorie d'un universqu'il rencontrait pour la première fois.Cannes, au moment de son Festival <strong>du</strong>film, c'est aussi ce choc positif descultures.Sou<strong>le</strong>ymane Cissé dont on connaissaitdéjà Baara et Finye, a été l'acteurd'un événement. Son film, Yee<strong>le</strong>n(la Lumière) est , à ce jour, <strong>le</strong>premier film d'Afrique noire présentéen compétition à Cannes. C'est dire quenous attendions tous avec grand intérêt,et <strong>le</strong> film, et <strong>le</strong>s réactions qu'il susciterait.Yee<strong>le</strong>n est à la hauteur de l'événement; il marquera de son empreintel'histoire <strong>du</strong> cinéma africain. Yee<strong>le</strong>nretrace un parcours initiatique dansl'univers Bambara. C'est un film intemporelqui nous con<strong>du</strong>it au Mali, un paysgrand comme trois fois la France, unde CannesTombouctou. Yee<strong>le</strong>n c'est la mystiquebambara exprimée dans la confrontationentre un père et son fils, entrel'enfance et l'âge a<strong>du</strong>lte. Le jeuneNianankoro va recevoir <strong>le</strong> savoir magiquequi se transmet dans sa famil<strong>le</strong>depuis la nuit des temps. Son pèresupporte mal de voir son fils devenir sonégal. Pour échapper à la folie meurtrièrede son père, Nianankoro entrepren<strong>du</strong>n long voyage au cours <strong>du</strong>quel ilva acquérir <strong>le</strong>s éléments ultimes de laconnaissance. Au bout <strong>du</strong> voyage est laconfrontation irrémédiab<strong>le</strong> avec <strong>le</strong>père. Le film de Sou<strong>le</strong>ymane Cissé metà mal nos catégories européennes tant i<strong>le</strong>st diffici<strong>le</strong> de <strong>le</strong> comparer à une autreœuvre, de l'intégrer' dans <strong>le</strong> cerc<strong>le</strong>commode de nos critères cinématographiques.Il faudrait regarder <strong>du</strong> coté <strong>du</strong>Japon de Mizoguchi pour retrouver desémotions comparab<strong>le</strong>s à cel<strong>le</strong>s engendréespar Yee<strong>le</strong>n. Nous n'avons pas finide par<strong>le</strong>r de ce film phare.Le Burkina qui fut à l'honneur lors <strong>du</strong>lO e Fespaco à Ouagadougou faisait sonentrée à la Semaine internationa<strong>le</strong> de lacritique avec <strong>le</strong> premier long métraged'Idrissa Oudraogo Yam Daabo(<strong>le</strong> Choix).Yam Daabo c'est d'abord une. camérasolidement plantée sur la terre d'Afriqueet qui regarde en face <strong>le</strong> Sahel et sessécheresses, sa grande soif et ses aidesinternationa<strong>le</strong>s. Ce regard direct et sanscomplaisance donne un caractère hiératiqueet quasi documentaire au premiermouvement <strong>du</strong> film. Le sujet est graveen effet, c'est celui <strong>du</strong> nécessaire départ,de la coupure radica<strong>le</strong> avec laterre des ancêtres, un <strong>monde</strong> empreintde signes et de références fondamenta<strong>le</strong>s.Le choix que doivent opérer<strong>le</strong>s paysans mis en scène par IdrissaOuedraogo est plus émotif et culturelqu'économique ou politique; il estouverture à une nouvel<strong>le</strong> vie et reconstructiondes relations hommes-femmes,parents-enfants, anciens-jeunes. Avecbeaucoup de soup<strong>le</strong>sse et de libertédans l'expression cinématographique,ce jeune réalisateur burkinabé nouscon<strong>du</strong>it d'une zone aride à un territoirequasi édenique où va se définir, symboliquement,une autre approche <strong>du</strong> discoursamoureux: passage des terresocres et caillouteuses à un paysageverdoyant, découverte de l'eau quicou<strong>le</strong> en abondance, renaissance aulangage et au rire, au jeu.Point de discours convenu, donc, dansYam Daabo malgré l'universalité del'histoire d'amour contrarié qui s'ydéveloppe (un père « borné» un amoureuxjaloux et menaçant, un coup<strong>le</strong> àl'amour triomphant).Ngati : la naissance<strong>du</strong> cinéma maoriKapua semb<strong>le</strong> être un village <strong>du</strong> bout<strong>du</strong> <strong>monde</strong>, coincé entre falaise etocéan. Un vieux bus brinqueballant est<strong>le</strong> seul lien régulier avec la vil<strong>le</strong> desPakehas (<strong>le</strong>s blancs) ; <strong>le</strong>s habitants deKapua sont maoris et par<strong>le</strong>nt un anglaisbien à eux, une langue créo<strong>le</strong> née en1870 avec <strong>le</strong>ur défaite face à l'arméebritannique.La caméra pénètre dans un intérieurmaori. Un enfant est malade. Lesa<strong>du</strong>ltes entourent son lit et chantentune mélopée étonnante que l'on devined'inspiration religieuse. Un <strong>monde</strong> différentet mystérieux s'affirme à notreregard étranger. .. Le réalisateur BarryBarclay va nous faire oscil<strong>le</strong>r de manièrepermanente entre <strong>monde</strong> de l'intérieuret <strong>monde</strong> de l'extérieur.Ngati signifie tribu: c'est <strong>le</strong> lieu spiritue<strong>le</strong>t <strong>le</strong> lien à la terre qui dit l'identitémaorie. Ngati est <strong>le</strong> premier long métragede fiction écrit par un MaoriDifférences - nO' 68/69 - JuinlJuil<strong>le</strong>t 1987(Tama Poata) et réalisé par un Maori(Barry Barclay). Ces références donnentd'emblée <strong>le</strong> ton <strong>du</strong> film, sonrythme et son genre. On est loin, eneffet, d'un certain cinéma néo-zélandais(ou australien) qui a bâti sa réputationsur la vio<strong>le</strong>nce - de l'image et <strong>du</strong>montage -. Barry Barclay a décidé deretourner aux sources <strong>du</strong> renouveauculturel maori ; pour cela il situe sonfilm en 1948, une période qui vit naîtreun large mouvement de réaffirmationde l'identité des premiers occupants dela Nouvel<strong>le</strong>-Zélande. Ngati est doncrecherche et questionnement; référenceà l'expression traditionnel<strong>le</strong> desMaoris mais aussi à la nécessaire intégration<strong>du</strong> langage cinématographiquedans <strong>le</strong>ur culture actuel<strong>le</strong>.Une tel<strong>le</strong> démarche n'est pas seu<strong>le</strong>mentesthétique; el<strong>le</strong> s'est tra<strong>du</strong>ite dans <strong>le</strong>smois qui ont précédé <strong>le</strong> tournage deNgati par la formation aux métiers del'image . d'une dizaines de jeunesMaoris. Certains d'entre eux figurentau générique <strong>du</strong> film. Rien d'étonnant àcela puisque <strong>tout</strong>e l'équipe <strong>du</strong> film(scénariste, réalisateur mais aussi pro<strong>du</strong>cteur)est engagée dans la causemaorie.Le rêveaméricainOn par<strong>le</strong> souvent des jeunes auteurs <strong>du</strong>Tiers <strong>monde</strong> qui vivent en Occident ;parfois pourtant des auteurs consacréss'exi<strong>le</strong>nt, par choix, par nécessité économique,par goût de l'errance créatriceaussi. Louis Mal<strong>le</strong> entre peut-êtredans ces trois catégories à la fois. Ilproposait dans <strong>le</strong> cadre de la section Uncertain regard un documentaireconsacré aux immigrants actuels auxEtats-Unis: La poursuite <strong>du</strong> bonheur.Il est loin <strong>le</strong> temps <strong>du</strong> Melting-potfécondant et fondateur de l'Amérique<strong>du</strong> Nord. Aujourd'hui <strong>le</strong>s derniers arrivantsse fixent par communautés dansdes zones urbaines précises : Cubains àMiami, Vietnamiens à Houston, etc.Les rêves des exclus <strong>du</strong> tiers <strong>monde</strong>viennent se cogner contre ceux desexclus de l'American way of life. LouisMal<strong>le</strong> a saisi de l'intérieur et sansvoyeurisme <strong>le</strong>s facettes multip<strong>le</strong>s de cesmigrants assoiffés de réussite socia<strong>le</strong>. Ilbrosse une série de portraits cha<strong>le</strong>ureuxet humains, surprenants souvent, critiquesparfois. Comme il <strong>le</strong> fit brillammentdans God's country (à propos del'univers rural américain) Louis Mal<strong>le</strong>,encore une fois, nous invite à uneplongée en profondeur dans <strong>le</strong>s paradoxescontemporains <strong>du</strong> mythique nouveau<strong>monde</strong>.Pierre et Djamila a provoqué destempêtes dans <strong>le</strong> Bunker cannois, etbien au-delà des terrasses des cafés quepeup<strong>le</strong>nt entre deux séances <strong>le</strong>s festivaliershagards. Ici Mohamed LakhdarHamina apostrophe Gérard Blain, là unjournaliste de Mosaïque polémiquefermement avec un collègue <strong>du</strong> Quotidiende Paris ... Pierre et Djamila est uneversion moderne de Roméo et Juliette.Les Capu<strong>le</strong>t sont algériens, <strong>le</strong>s montaigufrançais, ou vice et versa. L'histoiren'en baigne pas pour autant dansl'innocence des amours ado<strong>le</strong>scentes,encore moins dans la sérénité.Le film par qui<strong>le</strong> scanda<strong>le</strong> arriveLe cinéma d'abord. Le film n'est paspassionnant; il est même, en maintsendroits, ennuyeux et froid. Le discoursensuite. Il émane au départ <strong>du</strong> scénarioet on ne saurait, quel<strong>le</strong> que soit l'estimeque l'on porte pour l'œuvre de GérardBlain, ignorer la personnalité de l'un deses auteurs, à savoir Michel Marmin,fondateur <strong>du</strong> Club de l'horloge etzélateur convaincu de la nouvel<strong>le</strong>droite. Le résultat c'est un film fascinépar l'intégrisme religieux, celui <strong>du</strong> frèreainé de Djamila qui confond à l'évidencesauvegarde de son identité etconservatisme castrateur. Au-delà desdeux jeunes et de <strong>le</strong>ur touchante histoired'amour, s'affirme un discoursmystificateur sur <strong>le</strong>s relations interculturel<strong>le</strong>sdans la France d'aujourd'hui etsur l'avenir des jeunes issus de l'immigration.Pour Gérard Blain dans Pierreet Djamila, deux sociétés existent, quiau fond ne peuvent se mê<strong>le</strong>r.Mieux, ce sont <strong>le</strong>s Algériens qui prônent<strong>le</strong> retour au pays comme seu<strong>le</strong>solution qui semb<strong>le</strong> fasciner <strong>le</strong> réalisateur.De là à dire qu'il n'y a de bonsAlgériens qu'en Algérie, <strong>le</strong> pas peutêtre franchi. On voit poindre <strong>le</strong> discoursd'un ex-lieutenant de l'armée françaiseen Algérie et aujourd'hui candidat auxé<strong>le</strong>ctions présidentiel<strong>le</strong>s.Les propos sur. <strong>le</strong>s mariages mixtes, laplace de la femme dans <strong>le</strong>s sociétésmusulmanes (en immigration ou dans<strong>le</strong>s pays d'origine), la question incontournab<strong>le</strong>des mariages forcés, relèventd'analyses et d'engagement sérieux quine sont pas pris en compte dans <strong>le</strong> filmde Gérard Blain. Cet auteur dontl'œuvre et <strong>le</strong>s engagements antiracistespassés ne sont pas contestab<strong>le</strong>s, s'estpourtant bel et bien trompé ; il apporteaujourd'hui de l'eau au moulin de ceuxqui ont compris qu'un racisme primaireanti-immigrés ne paye plus autantqu'auparavant. C'est navrant et dangereux.DJEAN-PIERRE GARCIA

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