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Numéro 61 - Le libraire

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Née à Paris,Elisabeth Vonarburgvit à Chicoutimidepuis 1973. Elleest considéréecomme l’écrivainefrancophone de SFla plus connue dansle monde.A U - DELÀ DU RÉELLA CHRONIQUE D’ELISABETH VONARBURGimaginaireAutre fin dumonde<strong>Le</strong> Canada (et surtout le Québec), devenu frontière avancée de la forteresseAmérique, est en proie au terrorisme quotidien et aux grandes migrationshumaines fuyant les crises déclenchées par les bouleversements climatiques.Paul Verlande et son partenaire Alexis Voronine, deux superflics de la Suretédu Québec, enquêtent sur la mort suspecte de deux policiers bien ordinaires.En cours de route, ils découvrent des enlèvements puis des assassinatsd’enfants, exécutés avec un excès surprenant de technologies bien tropsophistiquées. Tandis que s’accumulent catastrophes naturelles et humaines etque la crise globale s’accélère, ils vont déterminer qu’il existe un lien entre tousces cas. Voilà Métacortex, de Maurice G. Dantec.Si vous voulez lire un thriller futuriste normal, ce livre n’estpas pour vous. En effet, tout bascule dans le premier tiersdu roman : après l’arraisonnement d’un camion transportantdes armes illégales, Verlande hérite d’un objet très spécial,une enveloppe noire d’abord, mais qui se métamorphoseensuite à répétition. Cet objet transcende rapidement lasimple technologie de pointe : entrant en contact avec lapsyché de Verlande et son corps, il va jusqu’à modifier sonADN et le doter de capacités surhumaines.Et si vous voulez lire un roman de science-fiction futuriste« normal », ce livre n’est pas vraiment pour vous non plus.Non seulement le fameux « Métacortex » prend en coursde route une coloration de plus en plus métaphysicosurnaturelle,mais encore le tout est écrit dans le styleurgent et furieux du prophète qui crie dans le désert :MÉTACORTEXMaurice G. DantecAlbin Michel808 p. | 34,95$Dantec a des positions idéologiques assez particulières, mystico-délirant sur lareligion, polémico-écumant sur les frictions interethniques. Mais ici, la fictionest heureusement bien présente, en alternance avec les tirades idéologiquesvirulentes, les considérations philosophiques obscures et les spéculations nonmoins complexes sur la nature du monde, de l’Histoire, de la psyché humaine,de la Cité — la polis, dont les représentants de l’Ordre et de la Loi sontl’émanation la plus évoluée selon le narrateur.Mais ce n’est pas tout! L’histoire de Paul Verlande rejoint l’Histoire : son père,alsacien, a été engagé de force à 17 ans dans l’armée allemande. Dans de longsépisodes en contrepoint à l’évolution de l’enquête de son fils, on plonge aveclui dans la campagne de Russie, puis dans les marches et contremarches suivantle débarquement des Alliés. Après quoi, il participe à la fondation d’Israël et,recruté par le Mossad, devient agent clandestin au Canada. <strong>Le</strong> traumatisme dela guerre de 40, fondamental pour Dantec, occupe donc un espace considérabledans le roman. La Seconde Guerre mondiale, martèle Dantec, n’a jamais prisfin : les nazis ont perdu une bataille, mais pas la guerre idéologique, car leurfolie militarotechnologique s’est métastasée à l’Est comme à l’Ouest…<strong>Le</strong>s sauts dans le temps avec le père de Verlande deviennent de moins en moinsun procédé littéraire et de plus en plus un élément de l’action, car le Métacortexa quelque chose à y voir. Verlande finit par voir son père jeune soldat, discuteravec lui et même les utiliser, lui et son groupe de survivants devenus bien réelsle temps de la bataille finale, dans l’antre souterrain de la Bête, contrel’organisation qui se cachait derrière tant d’événements horribles oucatastrophiques depuis le début du roman.Il y a quelque chose de sombrement jouissif dans ce roman. C’est laSchadenfreude (la joie provoquée par le malheur des autres) devant le GrandNettoyage Vengeur. La fin du monde, ce bon vieux classique de la SF. Ou dumoins la fin d’un monde, notre irrécupérable monde pécheur (la finale est littéralementapocalyptique). Il y aura pourtant quelque chose après. Et surtoutquelqu’un. Apothéose christique inversée : Paul Verlande, mort deux fois etressuscité par le Métacortex, surhomme quasiment divin, mais aussi premieret dernier de son espèce, est le gardien ignoré d’une humanité qui va régresseren deçà du Verbe, « un des derniers hommes à être doté de la parole » :« Je nomme la parole des morts […] je la diffuserai […] contre tous ces« vivants » agglomérés en meutes ou en troupeaux […] contre tous,absolument tous, […] innocents comme coupables, victimes etbourreaux, réfugiés et tortionnaires, victimes-bourreaux […] tous severront renvoyés à la réversibilité des sacrifices, tous devront composeravec le tabernacle qu’ils ont cru pouvoir ouvrir sans en payer le prix.Je suis le gardien de toutes les frontières, je suis la sentinelle de toutesles forteresses, je suis le flic de toutes les cités qui disparaissent. […]Je suis l’homme qu’il vous faudra tuer si vous voulez continuer à vivre,et à mourir, dans vos existences carcérales.Je suis le dernier flic.Je suis l’instrument du sacrifice. »Si vous désirez lire un roman qui essaie d’être tout en même temps, et quiy parvient assez souvent, ce livre est peut-être pour vous.LE LIBRAIRE • OCTOBRE - NOVEMBRE 2010 • <strong>61</strong>

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