du chocolat
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3. La Côte d’Ivoire, premier pro<strong>du</strong>cteur mondial de fèves<br />
3.1 L’histoire <strong>du</strong> cacao en Côte d’Ivoire<br />
La spécialisation de la Côte d’Ivoire dans les cultures de rente, avec une forte prépondérance <strong>du</strong> cacao et <strong>du</strong> café, est le résultat<br />
d’une succession de décisions politico-économiques menées par le régime colonial français puis par les gouvernements postindépendance.<br />
Le cacao est arrivé en Côte d’Ivoire à la toute fin <strong>du</strong> XIXème siècle par le sud-est <strong>du</strong> pays, probablement importé par des petits<br />
planteurs ivoiriens depuis le Ghana où il avait été récemment intro<strong>du</strong>it par d’anciens travailleurs des plantations de Sao Tomé. À<br />
cette époque, la métropole coloniale encourage la culture <strong>du</strong> café et <strong>du</strong> cacao dans cette région frontalière afin d’endiguer la<br />
présence britannique. Mais la pro<strong>du</strong>ction de cacao peine à décoller face à une colonie ghanéenne sous joug britannique qui<br />
domine le marché 101 . La France pose alors comme ambition de rattraper son concurrent britannique et décide d’acheminer de la<br />
main d’œuvre depuis la Haute-Volta, de développer le réseau routier et d’inciter au développement des petites plantations.<br />
Suite à l’indépendance de 1960, le régime d’Houphouët-Boigny oriente l’économie ivoirienne vers l’agriculture d’exportations,<br />
principalement <strong>du</strong> café et <strong>du</strong> cacao 102 , afin de développer le pays. Cette orientation va <strong>du</strong>rablement marquer le tissu économique<br />
et social <strong>du</strong> pays 103 , incitant vivement les ivoiriens comme les burkinabés désirant émigrer à conquérir la forêt et développer des<br />
fronts pionniers agricoles 104 . Il déclenche ainsi un vaste mouvement de colonisation interne vers le sud-ouest forestier <strong>du</strong> pays.<br />
Pour accompagner ce développement, une Caisse de Stabilisation et de Soutien des Prix des Pro<strong>du</strong>its Agricoles (la « Caistab »)<br />
est créée avec pour mission de garantir aux planteurs de cacao un prix unique fixé pour l’ensemble de la récolte, tout en laissant<br />
les intermédiaires privés (pisteurs et négociants) gérer la commercialisation intérieure et extérieure 105 .<br />
À l’aube des années 1970, la Côte d’Ivoire pro<strong>du</strong>it plus de 300 000 tonnes de cacao annuellement alors que les troubles politiques<br />
et la baisse <strong>du</strong> prix <strong>du</strong> cacao font s’effondrer l’économie ghanéenne 106 . En 1978, la Côte d’Ivoire devient le premier pro<strong>du</strong>cteur<br />
mondial de cacao 107 avec plus de 500 000 tonnes exportées par an 108 .<br />
Mais la situation va se dégrader tout au long des années 1980. Très faiblement diversifiée, la Côte d’Ivoire est extrêmement<br />
dépendante <strong>du</strong> marché mondial <strong>du</strong> cacao 109 qui est en voie de dérégulation et subit, tout comme le Ghana dix ans avant elle, la<br />
concurrence de plus en plus forte des nouveaux pays exportateurs (à commencer par l’Indonésie). La politique de l’État ivoirien 110<br />
qui consiste à payer le double <strong>du</strong> prix mondial à ses pro<strong>du</strong>cteurs de cacao devient intenable face à la baisse structurelle des cours<br />
mondiaux <strong>du</strong> cacao entamée en 1985 111 . Suspendre les remboursements de la dette extérieure et geler les exportations ne<br />
suffisent pas. Finalement, le gouvernement est contraint de quasiment diviser par deux le prix payé aux pro<strong>du</strong>cteurs, le faisant<br />
passer de 400 FCFA / kg à 250 FCFA / kg 112 en 1989.<br />
La récession économique se double d’une crispation politique qui fait imploser le système politico-économique ivoirien et<br />
alimente une période de troubles politiques et sociaux profonds 113 . Les bailleurs de fonds internationaux interviennent et<br />
imposent des politiques d’assainissement économique et financier 114 . La libéralisation <strong>du</strong> secteur agricole ivoirien, et notamment<br />
101<br />
En 1919, la Côte d’Ivoire pro<strong>du</strong>it péniblement 10 000 tonnes de cacao alors que le Ghana atteint presque les 150 000 tonnes.<br />
102<br />
B. Losch, « Coup de cacao en Côte d’Ivoire. Économie politique d’une crise structurelle », Critique internationale 2000/4 n°9<br />
103<br />
B. Losch, « La Côte d’Ivoire en quête d’un nouveau projet national », Politique africaine, 2000/2 n°78<br />
104<br />
M. A. Tano, « Crise cacaoyère et stratégies des pro<strong>du</strong>cteurs de la sous-préfecture de Meadji au sud-ouest ivoirien », Économies et finances, Université Toulouse le<br />
Mirail – Toulouse II, 2012<br />
105<br />
N. Harwish, Histoire…, op. cit.<br />
106<br />
B. Losch, « La Côte d’Ivoire…», op. cit.<br />
107<br />
Agritrade, « Les réformes <strong>du</strong> secteur <strong>du</strong> cacao de la Côte d’Ivoire 2011-2012 », Rapport à la une, décembre 2012<br />
108<br />
M.P. Squicciarini & J. Swinnen, The Economics…, op. cit.<br />
109<br />
B. Losch, « La Côte d’Ivoire…», op. cit.<br />
110<br />
De plus, la Caisse de stabilisation, mise en place en 1962, ne parvient pas à remplir son mandat visant à stabiliser les prix internationaux et échouent à endiguer la<br />
chute vertigineuse. La « Caistab » échoue à nouveau quand les prix <strong>du</strong> cacao et <strong>du</strong> café chutent à la fin des années 1980 (B. Losch, « La Côte d’Ivoire…», op. cit.).<br />
111<br />
D. Cogneau et R. Jedwab, « Commodity Price Shocks and Childs Outcomes: The 1990 Cocoa Crisis in Côte d’Ivoire », Economic Development and Cultural Change,<br />
Université de Chicago, 2012<br />
112<br />
D. Cogneau et R. Jedwab, « Commodity Price Shocks…», op. cit.<br />
113<br />
B. Losch, « La Côte d’Ivoire… », op. cit.<br />
114<br />
B. Losch, « La Côte d’Ivoire… », op. cit.<br />
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