et gestion de crise
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•12• ACTUALITÉ EUROPÉENNE LA LIREC n°51<br />
«<br />
LES STRATÉGIES VISANT<br />
À ÉRIGER DES BARRIÈRES<br />
DANS LES RÉSEAUX DE<br />
TRANSPORTS SONT JUGÉES<br />
PEU CRÉDIBLE ET FAIBLEMENT<br />
EFFICACES.<br />
Le contenu <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te loi témoigne du fait<br />
que la lutte contre le terrorisme dans les<br />
transports s’inscrit dans un continuum<br />
<strong>de</strong>s risques <strong>et</strong> <strong>de</strong>s menaces, allant <strong>de</strong>s<br />
incivilités (la dégradation <strong>de</strong> matériels<br />
par la réalisation <strong>de</strong> tags, par exemple)<br />
jusqu’aux délits <strong>et</strong> crimes, dont le<br />
terrorisme est la forme la plus extrême.<br />
Ce point est essentiel, parce qu’il m<strong>et</strong> en<br />
concurrence les définitions du problème<br />
public <strong>et</strong> soum<strong>et</strong> leur prise en compte à<br />
la conjoncture. On a vu, par exemple, la<br />
frau<strong>de</strong> <strong>et</strong> le harcèlement sexiste dans les<br />
transports publics érigés en enjeu lors <strong>de</strong>s<br />
<strong>de</strong>rnières élections régionales en Ile <strong>de</strong><br />
France. C<strong>et</strong> enjeu n’est pas anecdotique<br />
quand on songe aux 360 millions<br />
d’euros/an que coûte la frau<strong>de</strong> pour la<br />
RATP <strong>et</strong> la SNCF ou au développement<br />
d’un sentiment d’insécurité, tout<br />
particulièrement pour les femmes, dont<br />
la conséquence peut être un report<br />
modal sur certains traj<strong>et</strong>s ou à certaines<br />
heures <strong>de</strong> la journée. Autre exemple, si<br />
le développement <strong>de</strong> la sûr<strong>et</strong>é maritime,<br />
au cours <strong>de</strong> la <strong>de</strong>rnière décennie, est lié<br />
à l’actualité <strong>de</strong> la menace terroriste sur<br />
les gran<strong>de</strong>s infrastructures <strong>de</strong> transport,<br />
le vol est aujourd’hui considéré comme<br />
un fait économique stratégique pour les<br />
ports, au sens où l’accumulation <strong>de</strong>s p<strong>et</strong>its<br />
vols agacera l’opérateur qui cherchera un<br />
autre port d’accueil ou un autre mo<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> transport pour ses marchandises.<br />
Plus encore, dans ce continuum, les<br />
priorités affichées, par les opérateurs, en<br />
matière <strong>de</strong> sûr<strong>et</strong>é diffèrent <strong>de</strong> celles <strong>de</strong>s<br />
gouvernants. L’attention <strong>de</strong>s opérateurs<br />
se porte en priorité sur les délits <strong>de</strong> faible<br />
intensité, parce qu’ils jouent fortement<br />
sur le sentiment <strong>de</strong> sécurité <strong>de</strong>s usagers,<br />
<strong>de</strong>s employés <strong>et</strong> <strong>de</strong>s clients. La priorité<br />
<strong>de</strong>s pouvoirs publics va aux délits plus<br />
classiques (les vols, les agressions <strong>et</strong><br />
conjoncturellement le terrorisme).<br />
Or on ne lutte pas contre le sentiment<br />
d’insécurité <strong>et</strong> l’insécurité objective avec<br />
les mêmes instruments ; on n’effectue<br />
pas les mêmes investissements pour<br />
réduire le risque terroriste ou contenir les<br />
incivilités.<br />
C<strong>et</strong>te spécificité tient aux vulnérabilités<br />
intrinsèques <strong>et</strong> toutes particulières <strong>de</strong>s<br />
réseaux <strong>et</strong> <strong>de</strong>s infrastructures dédiés<br />
aux transports. Ce sont <strong>de</strong>s activités<br />
<strong>et</strong> <strong>de</strong>s infrastructures essentielles à<br />
l’économie d’un pays. La circulation<br />
ne peut être arrêtée trop longtemps,<br />
même pour les besoins d’une enquête<br />
ou la mise en place d’un dispositif <strong>de</strong><br />
sécurisation. Les logiques marchan<strong>de</strong>s<br />
qui gui<strong>de</strong>nt les représentations <strong>de</strong>s<br />
opérateurs économiques doivent être<br />
prises en compte tout comme celles <strong>de</strong><br />
l’opinion publique qui, au len<strong>de</strong>main<br />
d’un attentat, exige <strong>de</strong>s réponses<br />
rapi<strong>de</strong>s. Les responsables <strong>de</strong> la sécurité<br />
doivent ainsi répondre à un cahier <strong>de</strong>s<br />
charges fortement contraint par les<br />
enjeux économiques liés à la mobilité.<br />
Ce point là a été particulièrement<br />
visible, lors <strong>de</strong>s attentats ayant touchés<br />
<strong>de</strong>s gares ou <strong>de</strong>s réseaux, à Londres<br />
comme à Bruxelles. S’il y a bien un<br />
arrêt immédiat du trafic, on assiste<br />
également à sa reprise rapi<strong>de</strong>, parce que<br />
le maintien d’un système <strong>de</strong> transport<br />
à l’arrêt, tout particulièrement dans<br />
une Capitale, véhicule trop d’enjeux<br />
économiques <strong>et</strong> symboliques. La culture<br />
<strong>de</strong>s pertes <strong>et</strong> profits <strong>de</strong>s opérateurs<br />
<strong>de</strong> transports peut alors contrarier les<br />
exigences <strong>de</strong> l’enquête.<br />
Les infrastructures <strong>et</strong> réseaux <strong>de</strong><br />
transports sont également <strong>de</strong>s<br />
systèmes ouverts, pour lesquels les<br />
stratégies visant à ériger <strong>de</strong>s barrières<br />
sont jugées peu crédible <strong>et</strong> faiblement<br />
efficaces. L’installation <strong>de</strong> portiques<br />
est évi<strong>de</strong>mment plus compliquée<br />
dans les gares que dans les aérogares.<br />
Ce sont également <strong>de</strong>s espaces <strong>de</strong><br />
forte concentration <strong>de</strong>s populations<br />
qui offrent ainsi, aux terroristes,<br />
<strong>de</strong>s opportunités <strong>de</strong> provoquer <strong>de</strong>s<br />
grands dégâts à la société <strong>et</strong> à un cout<br />
minimal. De plus, les implications<br />
<strong>de</strong> l’acte terroriste sont aisément<br />
magnifiées. Elles dépassent le seul<br />
périmètre du système <strong>de</strong> transport du<br />
fait <strong>de</strong>s impacts économiques d’une<br />
paralysie même momentanée <strong>de</strong> la<br />
mobilité. Ces caractéristiques font<br />
que les outils <strong>et</strong> les compétences <strong>de</strong>s<br />
terroristes n’ont pas forcément besoin<br />
d’être très sophistiqués pour faire <strong>de</strong>s<br />
dégâts considérables. Le recours aux<br />
bombes, y compris artisanales, va dans<br />
ce type d’espace pouvoir être privilégié,<br />
par rapport à d’autres armes plus<br />
difficiles à manier. Les comparaisons<br />
avec les résultats <strong>de</strong>s attaques dans le<br />
Thalys - où l’intervention <strong>de</strong> passagers<br />
courageux contre un assaillant armé<br />
a permis d’éviter un drame - <strong>et</strong> avec<br />
les actions suici<strong>de</strong>s commises près du<br />
sta<strong>de</strong> <strong>de</strong> France en novembre <strong>de</strong>rnier<br />
en offrent une illustration.<br />
Face à l’attention à porter au sentiment<br />
d’insécurité <strong>et</strong> aux vulnérabilités<br />
particulières <strong>de</strong>s systèmes dédiés<br />
aux transports, on comprend que les<br />
pouvoirs publics <strong>et</strong> les opérateurs<br />
souhaitent d’abord rassurer à tout<br />
prix. Au len<strong>de</strong>main d’attentats (ceux<br />
<strong>de</strong> janvier <strong>et</strong> <strong>de</strong> novembre 2015, par<br />
exemple), les transports en commun<br />
ont été désertés. Il n’est guère<br />
surprenant que les partenaires <strong>de</strong> la<br />
sûr<strong>et</strong>é misent alors sur une présence<br />
humaine renforcée <strong>et</strong> dotée <strong>de</strong><br />
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