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SPORT PLAISIR ET DECOUVERTE<br />

Boxeuse<br />

VS danseur :<br />

le match improbable<br />

La société a construit des murs dans la pratique sportive.<br />

Comment les sportifs vivent les clichés de genre au quotidien ?<br />

Boxe féminine, danse masculine : chez certains, c’est encore loin<br />

de sonner comme un oxymore. PAR LÉA BORIE<br />

Marc Beaugendre<br />

pratique la<br />

danse classique.<br />

Margot Dumant<br />

a choisi la boxe.<br />

Margot Dumant, 27 ans, est directrice<br />

d’un restaurant dans le XVIe arrondissement<br />

de Paris. Passionnée de gastronomie<br />

et de voyages, elle a évolué dans des<br />

milieux très masculins et boxe à l’AS Passy.<br />

Marc Beaugendre, 25 ans, est professeur<br />

et danseur (classique, mais pas que)<br />

originaire de Lyon. Il habite aux Pays-Bas<br />

depuis cinq ans. Interview croisée.<br />

QUEL A ÉTÉ LE DÉCLIC ?<br />

Margot Dumant : Je me suis mise au full<br />

contact & kick-boxing il y a 8 ans. J’habite<br />

dans le 16e et pourtant, je me faisais souvent<br />

embêter dans la rue. J’ai même été<br />

menacée d’un couteau pour un numéro !<br />

Je cherchais un sport pour avoir plus d’assurance<br />

et pouvoir dire : «Tu me fais pas<br />

peur !» Depuis que je fais de la boxe, bizarrement,<br />

ces agressions ne se sont jamais<br />

reproduites. J’ai l’impression de mieux me<br />

faire respecter.<br />

Marc Beaugendre : J’avais 8 ans et pensais<br />

être inscrit au même cours de danse<br />

que la fi lle dont j’étais amoureux. C’était un<br />

leurre de ma mère mais j’ai adoré et lui ai<br />

dit : «Je veux faire ça toute ma vie.» Ça fait<br />

17 ans que ça dure!<br />

COMMENT CE CHOIX A ÉTÉ PRIS<br />

DANS TON ENTOURAGE ?<br />

M.D. : Issue d’une fratrie de 4 enfants et 10<br />

cousins, je suis la seule fi lle : mon jumeau<br />

fait du tennis et mes petits frères du foot.<br />

Petite, je voulais les suivre partout et faire<br />

plus encore. On me disait «Doucement, tu<br />

es une fi lle». L’entourage, protecteur, a peur<br />

qu’on se blesse plus qu’un homme, qu’on<br />

se remette moins facilement. Une cicatrice<br />

passe peut-être moins chez une femme.<br />

J’ai toujours fait beaucoup de sport - athlétisme,<br />

équitation, ski, natation… avec<br />

des chutes impressionnantes mais mes<br />

parents ne se sont jamais faits au combat.<br />

Ils ne comprennent pas pourquoi j’aime<br />

frapper et recevoir des coups. Ils ont peur<br />

que je m’abîme le visage, surtout que j’ai<br />

un métier face à la clientèle. Encore maintenant,<br />

ils aimeraient que j’arrête. Mais ça<br />

représente une grosse part de ma vie. J’ai<br />

aménagé mon temps de travail en fonction<br />

des entraînements.<br />

M.B. : Depuis mes débuts mes 17 ans, j’en<br />

ai entendu des critiques. On me disait que<br />

j’étais comme une fi lle, que j’allais devenir<br />

gay. Et ce n’était pas que des mots mais<br />

aussi des regards, des blagues mal placées<br />

voire des rejets physiques. C’est dur à<br />

accepter quand tu vis une passion qui veut<br />

tout dire pour toi. Ça crée des troubles psychologiques.<br />

Tu dois toujours lutter pour ce<br />

que tu es et te justifi er. Je me suis renfermé<br />

dans mon monde de comédies musicales.<br />

Des fois, j’ai des envies de revanche mais<br />

je me dis que c’est de l’ignorance, un problème<br />

de mentalité, d’éducation. On prône<br />

des valeurs de tolérance mais en pratique<br />

c’est moins net. J’aimerais juste qu’on<br />

s’intéresse à une chose avant de la juger.<br />

Homme ou femme, on reste humain : tant<br />

qu’on est là avec des émotions à partager,<br />

c’est ce qui compte. Jamais les critiques<br />

ne m’auraient fait changer de voie ou oublier<br />

ma passion. Du côté de ma mère, j’ai<br />

été soutenu dès le début. Ça m’a donné la<br />

force de continuer. Les moqueries se sont<br />

calmées quand je me suis professionnalisé.<br />

Entouré de gens comme moi, j’ai commencé<br />

à me sentir dans mon élément, baignant<br />

dans une atmosphère familière.<br />

CE QUI TE PLAIT DANS CE SPORT :<br />

M.D. : La boxe défoule. Elle demande de<br />

prendre conscience de son corps. Le rapprochement<br />

est facile mais comme dans la<br />

vie, on apprend à encaisser les coups sans<br />

se reposer sur ses acquis.<br />

M.B. : Le regard des autres est très ambivalent,<br />

car à la fois on s’en moque et à la<br />

« MON CORPS NE FAIT PAS DU TOUT<br />

BOXEUSE. ON CROIT SOUVENT QUE JE<br />

DANSE. » MARGOT DUMANT<br />

Photographies : page de gauche : © Mathieu di Scala - Page de droite : © Angela Munoz<br />

28 WOMEN SPORTS N°1 • Juillet Juin - Juillet - Août - Août Septembre 2016 2016 - www.womensports.fr

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