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© Shutterstock<br />

JULIE, ATHLÈTE : «MON<br />

COACH M’A DIT : “TOUT<br />

LE MONDE LE FAIT”»<br />

Julie, 25 ans, a fait de l’athlétisme pendant<br />

5 ans, s’est dopée pendant 4 ans.<br />

« Le dopage, c’est un mot doux. Je me suis<br />

dopée, ça fait moins trash. Les sportifs se<br />

dopent ? Non, on se drogue ! Faut mettre les<br />

bons mots sur ce qui est. Je déteste parler<br />

<br />

tout. Le dopage pour moi ça n’a pas été un<br />

parcours de santé, loin de là. Je faisais de<br />

l’athlétisme. Mon frère était un champion<br />

de sport, l’enfant idéal pour ma mère, et<br />

moi j’étais derrière, la fille qui n’est pas<br />

capable et qui joue à la poupée. Mon frère<br />

lui me disait de ne pas prendre en compte<br />

<br />

adolescence, que le sport ce n’est pas la vie.<br />

Mais moi je voulais montrer ma valeur. Être<br />

l’Usain Bolt au féminin. J’avais 16 ans et en<br />

moins de 6 mois, mon coach m’a dit «tu veux<br />

réussir ? Alors fais ce qu’il y a à faire, tout le<br />

monde le fait». On a envie de satisfaire tout<br />

le monde, on fait les compétitions mais on a<br />

le droit au regard du «c’est tout ? J’attendais<br />

mieux de toi». Alors tu prends. J’ai eu des<br />

injections et des pilules: glucocorticoïdes<br />

(cortisone), amphétamine, éphédrine. Tout<br />

ça je le prenais à l’entraînement pour faire<br />

des cures, jamais avant une compétition au<br />

cas où. On se sent plus forte, on éclate nos<br />

scores mais on remarque très vite quand<br />

un produit nous va pas, crampes, blessures<br />

types lésion, alors on change de programme.<br />

Je ne m’en occupais pas, le coach le faisait à<br />

ma place. J’en voulais toujours plus et lui me<br />

disait d’y aller mollo. C’était sûrement mieux<br />

que ce soit lui qui gère. Et puis il y a eu 2011,<br />

mon frère était las du sport et a envoyé ma<br />

mère balader. Et miracle, je suis devenue le<br />

centre de l’attention. Si j’avais su… Elle a viré<br />

mon coach et a commencé à jouer les petits<br />

chimistes. Trois mois plus tard, je faisais un<br />

malaise cardiaque. J’étais à peine remise<br />

que ma mère voulait que j’y retourne. J’ai<br />

coupé les ponts, et mon ancien coach m’a<br />

trouvé un endroit pour faire mon sevrage.<br />

J’ai laissé les baskets pour la natation et là<br />

c’est pour le plaisir. A part le cœur, pour le<br />

moment je n’ai rien, je pense que les dégâts,<br />

je les sentirai en vieillissant. »<br />

ELINA, DANSEUSE :<br />

«J’AURAIS PU MOURIR»<br />

Elina, 28 ans, fait du ballet depuis l’enfance,<br />

a utilisé des produits dopants pendant 8 ans.<br />

« Je fais du ballet depuis l’enfance. Mes<br />

parents se sont démenés pour m’offrir les<br />

meilleures formations. Il a fallu attendre<br />

le collège pour que je sente une certaine<br />

pression de leur part. Ma mère était<br />

confrontée au club des mamans, des<br />

femmes sévères avec leurs enfants qui<br />

en font des petites filles hautaines mais<br />

compétentes, vous voyez le genre ? Car dans<br />

le ballet il y a une très forte compétition entre<br />

<br />

c’est la guerre, car « tu lui as piqué sa place<br />

alors que tu es bien moins bonne qu’elle ».<br />

<br />

sa place dans une troupe, et tu ne vas pas<br />

prendre celle d’un garçon ou inversement.<br />

Tout ça pour dire qu’en danse on subit<br />

beaucoup de pression, le respect du poids,<br />

de lourds entraînements répétitifs, le regard<br />

des parents et des professeurs, il faut avoir<br />

du caractère pour tenir. J’ai commencé je<br />

devais avoir 16 ans, je suivais ce que vous<br />

appelez en France une formation sportécole.<br />

On sortait du 3eme entraînement<br />

de la journée, je crois, et j’étais épuisée.<br />

Une fille est venue me voir et m’a dit «si<br />

tu commences déjà à être fatiguée tu ne<br />

tiendras jamais». Le lendemain, elle m’a<br />

donné un sachet avec plusieurs pilules, je<br />

devais en prendre trois et ça irait. Quand j’y<br />

repense je ne sais toujours pas ce qu’il y<br />

avait dedans, sûrement des stimulants, mais<br />

j’étais fatigué et après les avoir prises j’aurais<br />

pu courir un marathon. Au début c’est les<br />

copains qui fournissent puis très vite, on<br />

traite directement avec le fournisseur. On en<br />

prend pour contrer la fatigue, puis pour la<br />

concentration, puis la maîtrise du poids, puis<br />

<br />

une nouvelle excuse. On monte vite en grade,<br />

après des petites soirées, alcool, cocaïne.<br />

On ne mélangeait jamais les deux sinon tu<br />

es bonne pour une overdose, et c’est entre<br />

<br />

contre, il y avait un cocktail que je faisais très<br />

souvent pour perdre du poids : alcool, coupe<br />

faim et diurétique. Mes reins aujourd’hui<br />

ne me remercient pas. J’ai très vite eu le<br />

sentiment que dès que je n’en prenais pas,<br />

mon niveau baissait. C’était une illusion. Je<br />

suis à peu près sûre que certains professeurs<br />

savaient que certains se dopaient, mais<br />

fermaient les yeux. Par contre, quand<br />

quelqu’un se faisait prendre tu fermais ta<br />

gueule et tu faisais le mort quelques jours,<br />

car là c’est la psychose pendant un bon<br />

bout de temps. Il ne faut pas généraliser:<br />

tout le monde ne se dope pas. Les trois<br />

quarts ont une vie « saine », un peu d’alcool<br />

peut-être, mais leur hygiène de vie est telle<br />

« JE ME POSE DES QUESTIONS,<br />

EST-CE QUE JE VAIS FAIRE UNE<br />

RECHUTE ? » ELINA<br />

© Maria Mylnikova / Shutterstock<br />

qu’ils n’ont pas besoin de ces saloperies.<br />

Il faut dire qu’aujourd’hui les compagnies<br />

et les écoles font bien plus attention et on<br />

est vite repéré. Pour moi quand on se dope,<br />

<br />

suis arrêtée le jour où j’ai compris que ça<br />

me faisais plus de mal que de bien, quand<br />

un médecin m’a annoncé que je risquais de<br />

ne pas pouvoir avoir d’enfants. J’ai annoncé<br />

à mes parents que je me dopais. J’ai cru<br />

qu’ils allaient avoir une attaque. Mon père<br />

m’a installée de force dans la voiture et m’a<br />

déposée dans un centre, et je le remercie.<br />

J’ai arrêté après une cure de 9 mois. Avec le<br />

recul je me rends compte à quelle point ce<br />

que j’ai fait est grave. J’aurais pu mourir! Je<br />

m’en suis sortie assez vite mais je suis une<br />

exception. Certains sortent d’un an de cure<br />

et il leur faut moins d’une semaine pour se<br />

retrouver avec une aiguille dans le bras. Moi<br />

aussi, parfois, je me pose des questions, estce<br />

que je vais faire une rechute? »<br />

www.womensports.fr - N° 1 • Juillet - Août - Septembre 2016 WOMEN SPORTS 39

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