SPECTRUM #5/2016

SOCIÉTÉ
Boire ou courir, il faut choisir !
La course à pied, un des dérivés de la tendance « healthy », agite les réseaux sociaux de nos jours. Les
adeptes se multiplient à vue d’œil et cette mode semble inarrêtable. Petit tour d’horizon.
MONA HEINIGER
Course classique, course mythique,
course d’obstacles, course d’escaliers,
course pour enfants, course
pour une bonne cause (oui car pour certains,
courir pour courir ça n’en vaut pas
la peine)… j’en perds mes jambes ! Eh
oui ! Même moi je m’y suis mise. Courir…
derrière un bus ou un homme, non
merci. Rien ne sert de courir, il faut partir
à point (ou arriver en retard). Jean de la
Fontaine, quel homme sage. Mais voilà
que la trentaine approche peu à peu, je le
vois sur mes réseaux sociaux. Fini les soirées
jusqu’à pas d’heures, mis à part pour
quelques irréductibles et les plus jeunes
de mes contacts. Bonjour les posts concernant
la maternité, les photos de mariage,
les repas de famille, les séances de sport
et… la dernière course de la semaine.
Donc oui, après une proposition de ma
sœur (merci Sonia) pour nous inscrire
à la Strongman Run, me voilà engagée
dans ma première course jamais envisagée.
Cela avec elle et d’autres amis. Pour
les non initiés, la Strongman Run consiste
à parcourir 18km (!) parsemés de 46 obstacles
divers et variés : boue, escalade, rivière,
ramper, sauter, courir et recommencer.
Oui, j’ai regretté plusieurs fois mon
inscription. Non, je n’ai pas abandonné. Je
suis une « Finisher », titre honorant toute
personne ayant bouclé ses 18 kilomètres
complètement dingues.
Ça en valait la peine
Je dois avouer qu’une certaine fierté m’habite
quand j’y repense. Beaucoup ne m’en
croyait pas capable, dont moi-même, c’est
vrai, surtout au vu de l’entraînement peu
sérieux qui a précédé. Mais je le maintiens,
nos limites sont dans nos têtes.
Toute personne en bonne condition physique
est capable de le faire. Surtout avec
une équipe motivante, de bonnes baskets,
des rires et de la volonté. Beaucoup de volonté
! Oui c’était dur, oui le pire est venu
le lendemain quand tout mon corps m’a
fait comprendre qu’il ne voulait plus de
moi. Mais ça en valait la peine.
Courir est une sorte de bataille contre soimême.
Déjà, il faut se motiver à mettre ses
baskets et sa tenue de jogging, ainsi qu’être
prêt à braver tous les temps. Ensuite, il faut
se fixer un objectif minima à tenir impérativement,
temps, distance ou parcours. Et
voilà le moment décisif où il faut courir.
Toujours et encore, même quand on ne le
veut plus. Ne pas s’arrêter. C’est toujours
plus difficile de reprendre après une pause
que de tout faire d’une traite.
Merci le culte du paraître
Le « healthy » devenu tendance, ce n’est
pas plus mal. Après une longue période
où les abus en tous genres étaient « à la
mode », l’âge d’or des cigarettes, beuveries,
fastfood & Cie commence à passer.
Merci le culte du paraître. Manger correctement,
faire du sport, prendre soin de
soi, s’inspirer des fitgirls/boys… pourquoi
pas ! Fini les « qui boit le plus » ou « qui
dort le moins ». Désormais c’est « qui fait
le plus de reps au deadlift », « qui a fait la
dernière course » ou « qui a les abdos les
plus marqués ». Le tout sur fond de réseaux
sociaux.
Un esprit sain dans un corps sain ? Je ne
perds pas espoir, qu’un jour, inch’allah,
ce soit au tour de notre esprit et de nos
bonnes manières d’être « bien » nourris.
Peut-être connaissez-vous ce tweet : « Le
jour où "intello" est devenu une insulte, on
aurait dû s’inquiéter ». Inquiétons-nous
et gardons en tête que selon Yvonne
Printemps, « les femmes préfèrent être
belles plutôt qu’intelligentes parce que,
chez les hommes, il y a plus d’idiots que
d’aveugles ».
© Photo : Wilde Colares
© Illustrationen : Clarisse Aeschlimann
24 5/2016